T 0977/94 (Adaptation de la description/TECHNOGENIA) of 18.12.1997

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1997:T097794.19971218
Date de la décision : 18 Décembre 1997
Numéro de l'affaire : T 0977/94
Numéro de la demande : 86420282.5
Classe de la CIB : B23K 35/40
B23K 35/365
B23K 35/32
Langue de la procédure : FR
Distribution : B
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Baguette souple de soudage à âme métallique enrobée, procédé pour sa réalisation
Nom du demandeur : TECHNOGENIA S.A.
Nom de l'opposant : DURUM Verschleissschutz GmbH
WOKA Schweisstechnik GmbH
Ateliers Joseph Mary
Chambre : 3.2.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 69
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 102(3)
European Patent Convention 1973 Art 111
European Patent Convention 1973 R 29(1)
European Patent Convention 1973 R 58(5)
Mot-clé : Prise en compte d'une requête auxiliaire du breveté pendant la procédure orale - (oui)
Requête sollicitant le renvoi du dossier devant la Division d'opposition pour adaptation de la description (rejetée)
Exergue :

Bien que l'article 111(1) CBE le permette, il convient, pour des raisons d'économie de procédure, d'éviter dans toute la mesure du possible de renvoyer l'affaire devant l'instance du premier degré pour adapter la description aux revendications modifiées. En effet, la Chambre de recours qui a conclu à la brevetabilité de l'invention définie dans les revendications est a priori mieux à même que la Division d'opposition, de contrôler l'adaptation de la description afin d'y exposer la même invention (point 6 des motifs)."

Décisions citées :
G 0001/84
G 0009/91
T 0095/83
T 0301/87
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1149/97
T 0300/04
T 2766/17
T 1024/18
T 1968/18
T 0056/21

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante est titulaire du brevet européen n 0 229 575 (n de dépôt : 86 420 282.5).

II. Les intimées (opposantes 01, 02 et 03) ont fait opposition et requis la révocation complète du brevet européen.

Pour en contester la brevetabilité, elles ont notamment opposé les documents :

- D1 : US-A-2 219 462 ;

- D2 : DE-C-2 461 591 ;

- D3 : Prospectus "Castolin" de 1973 ;

- D6 : FR-A-2 255 991 ;

- D7 : Prospectus de la société HOECHST sur le produit "Tylose MH-K Marken" de juillet 1985, et

Annexe 4 : Prospectus "Technodur" de la société TECHNOGENIA de juin 1982.

III. Par décision remise à la poste le 20 octobre 1994, la Division d'opposition a révoqué le brevet européen en cause.

Elle a estimé que l'objet de la revendication 1 telle que délivrée résultait à l'évidence de la combinaison des enseignements des documents D1 et D2.

IV. Par lettre reçue le 21 décembre 1994, la requérante (titulaire du brevet) a formé un recours contre cette décision et réglé simultanément la taxe correspondante.

Le mémoire dûment motivé a été déposé le 27. février 1995.

V. La requérante et les intimées ayant sollicitées l'aménagement d'une procédure orale, au cas où il ne serait pas fait droit à leurs prétentions, l'audience s'est tenue le 18 décembre 1997.

VI. La requérante (titulaire du brevet) demande l'annulation de la décision attaquée et,

- à titre principal, le maintien du brevet sur la base de la revendication 1 déposée le 22 mars 1996 des revendications 10 et 11 déposées le 27 février 1995 et des revendications 2 à 9, de la description et des dessins tels que délivrés ;

- à titre subsidiaire, le maintien du brevet sur la base, d'une part, du jeu de revendications 1 à 8 et de la description y adaptée, versés à l'audience et, d'autre part, des dessins tels que délivrés.

VII. La revendication 1 (requête principale) s'énonce comme suit :

"1. Baguette pour soudage à l'aide d'une source extérieure d'énergie, baguette comprenant une âme métallique (2) mince revêtue d'un enrobage (3) épais comportant les constituants (4, 5) principaux de soudure sous forme de poudre comprenant des particules de carbure de tungstène et des particules d'un alliage dont la température de fusion est inférieure à celle du carbure de tungstène, les particules étant liées ensemble et à l'âme par un excipient (6) assurant la fonction de liant, caractérisée en ce que : l'excipient contient

- au moins un liant organique d'un type présentant la propriété d'absorber un solvant et de le restituer par évaporation, la proportion de liant organique dans l'enrobage (3) étant suffisamment faible pour éviter les phénomènes de soufflage,

- au moins un élément à effet plastifiant, la baguette présentant une flexibilité suffisante permettant son conditionnement sous forme de baguette continue et de grande longueur enroulée en bobine manipulable à la main."

La revendication 1 selon la requête subsidiaire s'énonce comme suit :

"1. Baguette pour soudage à l'aide d'une source extérieure d'énergie, baguette constituée d'une âme métallique (2) mince revêtue d'un enrobage (3) épais comportant les constituants (4, 5) principaux de soudure sous forme de poudre, comprenant des particules de carbure de tungstène et des particules d'un alliage dont la température de fusion est inférieure à celle du carbure de tungstène, les particules étant liées ensemble et à l'âme par un excipient (6) assurant la fonction de liant et contenant au moins un liant organique d'un type présentant la propriété d'absorber un solvant et de le restituer par évaporation, la baguette présentant une flexibilité suffisante permettant son conditionnement sous forme de baguette continue et de grande longueur enroulée en bobine manipulable à la main, caractérisée en ce que la proportion de liant dans l'enrobage (3) est suffisamment faible pour éviter les phénomènes de soufflage, l'excipient contient au moins un élément à effet plastifiant, les particules, le liant organique et le plastifiant forment une structure généralement homogène, les constituants de soudure comprennent des particules de forme sphéroïdale représentant plus de 30 % en volume des constituants de soudure de l'enrobage, le liant organique est présent dans l'enrobage selon une proportion comprise entre 0,5 et 1,5 % en poids."

VIII. Les intimées (opposantes) sollicitent le rejet du recours.

L'intimée II (opposante 02) demande en outre que, dans le cas où la Chambre envisagerait de maintenir le brevet sur la base de l'une des deux requêtes principale ou auxiliaire, la procédure soit poursuivie par écrit afin d'adapter la description à la rédaction des revendications.

Au soutien de leur action, elles développent pour l'essentiel l'argumentation suivante :

i) Le problème posé dans le brevet européen en cause est double : il s'agit de réaliser une baguette de soudure de grande longueur, suffisamment souple pour être conditionnée en bobine, tout en évitant, simultanément, le phénomène de soufflage, les composants de soudure ne devant pas être soufflés par la flamme. Or, en colonne 5, 3ème paragraphe du brevet européen en cause, il est expressément indiqué que la proportion de particules d'alliage sous forme sphéroïdale doit représenter au moins 30 % en volume de l'ensemble des produits de soudure. Si cette condition n'est pas remplie, il n'est pas possible d'obtenir un enrobage véritablement souple et d'empêcher les phénomènes de soufflage. Il s'agit donc là d'une caractéristique essentielle, nécessaire pour obtenir l'effet recherché ou, en d'autres termes, pour résoudre le problème posé dans le brevet européen en cause.

La revendication 1 selon la requête principale ne contient pas cette caractéristique essentielle et ne satisfait pas, par conséquent, aux dispositions de l'article 84 CBE.

ii) La revendication 1 selon la requête subsidiaire ne présente pas non plus la clarté requise (article 84 CBE). On ne sait pas, en effet, ce qu'il convient d'entendre par "structure généralement homogène" ou par âme métallique "mince" revêtue d'un enrobage "épais". Au surplus, l'homme du métier ne sait pas si les particules de forme sphéroïdale doivent représenter plus de 30 % de l'ensemble des constituants de soudure de l'enrobage, c'est-à-dire y compris les particules de carbure de tungstène ou alors 30 % des constituants de soudure sans prendre en considération les particules de carbure de tungstène.

iii) De toute façon, l'objet de la revendication 1 dans les deux versions ne présente pas l'activité inventive requise :

L'état de la technique le plus proche est formé par la baguette de soudage "TECHNODUR" (annexe 4). Cette baguette connue qui peut être conditionnée sous forme de baguette continue, de grande longueur, enroulable en bobine est également constituée d'une âme métallique mince revêtue d'un enrobage épais formé par des grains de carbure de tungstène, de grains d'un alliage métallique fusible et d'un liant organique dans lequel l'ensemble des grains se trouve noyé.

L'homme du métier peut, à l'aide de l'enseignement du document D2 et sans faire preuve d'activité inventive, retrouver la composition revendiquée. En effet, le document D2 a pour objet une baguette souple pour le soudage dont l'âme contient une faible proportion de liant organique et de plastifiant. C'est ainsi que dans l'exemple 2, il est prévu d'utiliser comme liant organique l'hydroxyéthylméthylcellulose et comme plastifiant de la glycérine. Il est à noter que la baguette souple du document D2 contient une proportion de liant suffisamment faible pour éviter les phénomènes de soufflage. Au surplus, il est précisé que les grains de matériau réfractaire peuvent présenter deux ou trois valeurs différentes de granulométrie, la granulométrie étant exprimée par le diamètre, par exemple de l'ordre de 3 mm (colonne 3, ligne 41). Il s'agit donc bien là de particules sphéroïdales dont la taille est exprimée par une mesure du diamètre et, ainsi qu'il résulte de l'exemple 2, la proportion des particules de forme sphéroïdale représente plus de 30 % des constituants de soudure. Il y a également lieu de se référer au document D3 concernant une baguette de soudage du type revendiqué, ayant une âme métallique mince revêtue d'un enrobage épais comportant d'une part des grains de carbure de tungstène (particules "Diamax") et des grains d'un alliage métallique fusible et, d'autre part, un liant organique dans lequel sont noyés les grains de carbure de tungstène et les grains de l'alliage métallique fusible. Il est expressément indiqué que les grains de l'alliage métallique fusible se présentent sous la forme de particules de forme sphéroïdale. Ainsi, l'homme du métier pouvait sans aucune difficulté, à l'aide de l'enseignement des documents D2 et D3, parvenir à la solution revendiquée.

L'homme du métier pouvait également s'inspirer de l'enseignement du document D7 concernant une notice technique sur le liant organique mis en oeuvre dans l'invention, à savoir la méthylhydroxyéthylcellulose. En effet, il est spécifié dans ce document qu'une forte proportion de polyol, c'est-à-dire de plastifiant, peut-être ajouté à une solution aqueuse de méthylhydroxy- éthylcellulose. L'homme du métier pouvait donc penser à ajouter au liant organique entrant dans la composition du cordon souple de soudure décrit à l'annexe 4, un plastifiant du type glycérine. Les faibles proportions de liant et de plastifiant entrant dans la composition du cordon souple revendiqué sont enseignées par le document D2 et, la proportion de particules de forme sphéroïdale de la matrice métallique fusible est divulguée par le document D3.

Force est donc de constater que l'homme du métier, en appliquant l'enseignement combiné des documents D7, D2 et D3 au cordon de soudure connu de la société TECHNOGENIA (annexe 4), pouvait, sans faire oeuvre inventive, parvenir à l'invention revendiquée.

IX. La requérante a soutenu que, pour l'homme du métier, l'invention était définie de façon suffisamment claire et précise dans la revendication 1 selon la requête principale. D'autre part, le document D2 ne pouvait pas suggérer la solution revendiquée, étant donné qu'il concerne un cordon de soudage dont la structure n'est nullement comparable à celle du cordon de soudage revendiqué, puisqu'il comprend une âme gainée à l'intérieur d'une pellicule extérieure assurant la résistance mécanique de l'ensemble. Au surplus, l'un des deux aspects essentiels du problème posé dans le brevet européen en cause relatif à l'élimination des phénomènes de soufflage n'est en aucune façon abordé et encore moins résolu dans les documents opposés. L'homme du métier ne pouvait donc pas à l'aide de ces documents parvenir à l'invention revendiquée dans les requêtes principale ou auxiliaire.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Requête principale

2.1. En cas de modifications apportées à un brevet européen au cours de la procédure d'opposition, il y a lieu de déterminer aux fins de l'article 102(3) CBE, si ces modifications satisfont aux conditions de la Convention, y compris à celles énoncées à l'article 84 CBE (voir notamment les décisions G 9/91, JO OEB 1993, 408, point 19 des motifs et T 301/87, JO OEB 1990, 335).

L'invention faisant l'objet du brevet européen en cause concerne plus particulièrement "les produits de soudage en forme de baguette dans lesquels les constituants principaux de soudure, ou matières destinées à former le matériau d'apport, sont contenus dans un enrobage entourant une âme métallique". De tels produits de soudage permettent d'une part de réaliser des soudures de bonne qualité et, d'autre part, d'effectuer des rechargements de matière sur une surface, en particulier des rechargement de matière anti-abrasion (voir colonne 1, second paragraphe).

Le rédacteur du brevet européen expose ensuite que le fait que les baguettes de l'état de la technique soient discontinues, réduit sensiblement la productivité des opérations de soudage nécessitant l'emploi de grandes quantités de produit comme par exemple l'opération de rechargement de surface de pièces de dimension importantes. En effet, l'opérateur est contraint d'abandonner une chute d'extrémité pour éviter de se brûler, ou alors il doit rabouter la chute à l'extrémité de la baguette suivante, opération fastidieuse qui peut s'avérer difficile (voir colonne 1, avant-dernier paragraphe).

Le problème posé dans le brevet européen en cause est, par conséquent, celui de remédier à ces inconvénients et, par suite, de réaliser une baguette continue de grande longueur, par exemple de plusieurs dizaines de mètre, suffisamment souple pour pouvoir être conditionnée en bobine, être enroulée et déroulée (voir le paragraphe s'étendant entre les colonnes 1 et 2 du brevet européen en cause).

En colonne 3, 5ème paragraphe, le rédacteur du brevet européen expose :

"Simultanément, la baguette doit procurer une soudure correcte et, en particulier, les composants de soudure liés par le liant ne doivent pas être "soufflés" par la flamme, mais véritablement se rassembler en une goutte en fusion assurant un mélange correct avant dépôt sur la pièce à souder."

Il s'ensuit que le problème posé dans le brevet européen en cause est double : il s'agit, d'une part, de réaliser une baguette souple de grande longueur pouvant être enroulée en bobine et, d'autre part, d'éviter l'apparition des phénomènes de soufflage.

Or, il est dit dans le corps de la description (colonne 5, paragraphe 3) que la proportion des particules d'alliage de forme sphéroïdale doit représenter au moins 30 % en volume de l'ensemble des produits de soudure. Si cette condition n'est pas remplie, l'obtention d'enrobage véritablement souple est difficile. On peut chercher à réaliser des enrobages souples avec des particules d'alliage non sphéroïdales. Il suffit pour cela d'augmenter la proportion de liant organique. Mais alors on observe que le soudage n'est plus possible. Les particules se trouvent en effet soufflées avant d'avoir eu le temps de s'agglomérer et de fondre (voir colonne 5, 3ème paragraphe).

Il ressort ainsi du brevet européen en cause que le proportion de particules de forme sphéroïdale qui doit être supérieure à 30 % constitue une caractéristique essentielle, c'est-à-dire un élément nécessaire pour obtenir l'effet recherché ou, en d'autres termes, nécessaire pour résoudre le double problème qui fait l'objet du brevet européen en cause.

La revendication 1, n'exposant pas cette caractéristique essentielle, ne satisfait pas à la condition posée à l'article 84 CBE, première phrase, puisque ladite revendication ne définit pas de façon complète l'objet de la protection demandée par l'indication de toutes ses caractéristiques essentielles.

Force est donc de constater que la revendication 1 modifiée n'est pas admissible au titre de l'article 84 CBE. Il y a donc lieu de rejeter la requête principale.

3. Requête auxiliaire

3.1. Admissibilité des revendications modifiées selon la requête auxiliaire

Ce n'est qu'au cours de la procédure orale que la requérante (titulaire du brevet) a soumis une nouvelle version modifiée de la revendication 1 qui a été complétée par les caractéristiques énoncées dans les revendications 5 et 6 telles que délivrées. S'agissant de l'admissibilité de ces revendications déposées à un stade avancé de la procédure, il y a lieu de noter ce qui suit :

Selon le principe établi par la jurisprudence des chambres de recours, si le titulaire du brevet désire soumettre des modifications, en particulier des revendications modifiées pendant la procédure de recours, il est tenu de le faire dans les plus brefs délais. Sinon, ce n'est que dans des circonstances particulières justifiant la modification et son dépôt tardif que la Chambre peut faire exception à ce principe et prendre en considération la modification (voir notamment décision T 95/83, JO OEB 85, 75).

En l'espèce, au cours de l'audience, les intimées (opposantes) ont soutenu que la revendication 1 de la requête principale ne satisfaisait pas à l'article 84 CBE, étant donné que la revendication en question ne consistait pas en une définition exhaustive des caractéristiques techniques de l'invention. En effet, il était dit dans la revendication principale que la proportion de liant organique était suffisamment faible pour éviter les phénomènes de soufflage. L'invention revendiquée était donc définie par le résultat recherché, en l'espèce, la suppression des phénomènes de soufflage sans indiquer les proportions de liant qui justement permettaient d'éviter ce genre de phénomène. Au surplus, les intimées (opposantes) ont fait valoir à juste titre que la revendication en question n'indiquait pas la caractéristique essentielle nécessaire pour résoudre le double problème posé, à savoir la proportion de particules sphéroïdales.

Ce défaut de clarté a pour l'essentiel été soulevé pendant la procédure orale, et c'est pour y répondre que la requérante (titulaire du brevet) a été amenée à déposer une nouvelle revendication modifiée complétée par la caractéristique essentielle manquante et indiquant la proportion de liant organique nécessaire pour éviter les phénomènes de soufflage. Les deux conditions précitées pour la prise en considération de revendications déposées tardivement sont donc satisfaites. C'est en effet le défaut de clarté soulevé au cours de la procédure orale qui justifie à la fois la modification apportée à la revendication 1 et son dépôt tardif.

Force est donc de constater que les modifications apportées aux revendications (requête auxiliaire) sont admissibles.

3.2. Article 84 CBE :

Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 2.1, il convient de rechercher si les revendications modifiées de la requête auxiliaire satisfont aux conditions de l'article 84 CBE.

L'homme du métier comprend la signification des termes relatifs "mince" (âme métallique mince) et "épais" (enrobage épais), puisqu'il est dit par rapport à quoi l'âme métallique doit être considérée comme étant mince (par rapport à son enrobage). Il y a lieu de noter que s'il y avait une ambiguïté sur la signification de ces deux termes, cette ambiguïté pourrait être levée en se référant à la description et aux dessins du brevet européen en cause. Il est vrai que la première caractéristique énoncée dans la partie caractérisante de la revendication 1 est définie en terme de résultat à atteindre puisqu'il est dit que la proportion de liant dans l'enrobage doit être suffisamment faible pour éviter les phénomènes de soufflage. Toutefois, dans le cas d'espèce, l'homme du métier n'est pas obligé de déterminer par des essais de pure routine la proportion en question puisqu'il est spécifié dans la partie caractérisante de la revendication que le liant organique est présent dans l'enrobage dans une proportion comprise entre 0,5 et 1,5 % en poids.

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, la signification qu'il convient de donner au pourcentage revendiqué de particules sphéroïdales est révélé de façon précise en colonne 5, lignes 5 à 20. Il ressort de ce passage que les particules sphéroïdales sont des particules d'alliage qui constituent par conséquent la matrice fusible associée aux grains de carbure de tungstène. Il est expressément indiqué que ce pourcentage est exprimé par rapport à "l'ensemble des produits de soudure", c'est-à-dire par rapport à la matrice fusible et au carbure de tungstène.

Dans le cas d'espèce, la revendication 1 de la requête auxiliaire contient la caractéristique essentielle relative au pourcentage de particules sphéroïdales. Elle satisfait par conséquent à la condition posée à l'article 84 CBE puisqu'elle définit de façon complète l'objet de la protection demandée.

3.3. Activité inventive

3.3.1. Il n'est pas disputé que c'est la baguette souple "Technodur" de la notice technique de la société TECHNOGENIA (annexe 4) qui constitue l'état de la technique le plus proche. Cette baguette souple de grande longueur qui peut être enroulée sur bobine est du type énoncé dans le préambule de la revendication 1 et comprend une âme métallique mince revêtue d'un enrobage épais contenant des particules de carbure de tungstène associées à des particules d'une matrice fusible, les particules de la matrice fusible et de carbure de tungstène étant liées au moyen d'un liant organique.

La titulaire du brevet a soutenu à l'audience qu'une telle baguette souple, si elle mettait en oeuvre un liant organique, ne contenait en aucune façon d'éléments plastifiants, d'où l'apparition de craquelures. Il en résultait un soudage irrégulier. Au surplus, une baguette souple de ce genre ne permettait pas d'éviter les phénomènes de soufflage qui constituent un inconvénient majeur notamment dans le cas d'un rechargement dur. En effet, si les particules sont "soufflées", la goutte fondue qui se dépose n'a pas la même composition que celle de la baguette souple, de sorte que, dans le rechargement anti-usure réalisé, les gros grains de carbure peuvent se trouver "déchaussés". Enfin, si les particules sont soufflées, le dépôt de soudure peut se produire en dehors de l'endroit précis désiré. Ainsi qu'il est exposé dans le brevet européen en cause, on peut songer à augmenter la souplesse de la baguette afin de réduire l'apparition de fissurations ou de craquelures en augmentant la proportion de liant organique. Mais alors on observe, au soudage, que les particules sont soufflées avant d'avoir eu le temps de s'agglomérer et de fondre.

3.3.2. Par conséquent, en partant de cet état de la technique le plus proche, le double problème posé est, pour l'essentiel, celui qui est exposé dans le brevet européen en cause, à savoir celui de réaliser une baguette souple de grande longueur pouvant être conditionnée en bobine, sans risque de fissuration ou de craquelures, tout en évitant simultanément les phénomènes de soufflage, les composants de soudure ne devant pas être "soufflés" par la flamme, mais véritablement se rassembler en une goutte de fusion ayant la même composition que celle de la baguette souple.

Ce double problème est résolu par les trois éléments caractéristiques essentiels énoncés dans la partie caractérisante de la revendication 1, à savoir :

i) l'adjonction, à côté du liant organique, d'un élément à effet plastifiant qui a pour effet de rendre "l'enrobage lisse et homogène, lui conférant une flexibilité suffisante pour conditionner la baguette sous forme de bobine" (voir colonne 4, lignes 5 à 10) ;

ii) la faible proportion de liant (comprise entre 0,5 et 1,5 % en poids) pour éviter les phénomènes de soufflage, et

iii) une proportion prédéterminée (au moins 30 % en volume) de particules sphéroïdales dans la matière de soudure.

Il résulte du contenu de la description du brevet européen en cause que seule la conjugaison des trois éléments caractéristiques i), ii) et iii) précités est à même de résoudre le double problème posé dans le brevet européen en cause. Il est en effet précisé que si les particules de forme sphéroïdale ne représentent pas au moins 30 % en volume de l'ensemble des produits de soudure, l'obtention d'un enrobage souple s'avère difficile. On peut certes augmenter la proportion de liant organique pour rendre la baguette suffisamment souple mais, dans ce cas, un soudage de bonne qualité n'est plus possible en raison des phénomènes de soufflage.

3.3.3. Contrairement aux assertions des intimées, la solution revendiquée ne résulte pas à l'évidence des enseignements des documents D2, D3 et D7.

Ce document concerne un cordon souple comprenant une âme interne gainée à l'intérieur d'un pellicule extérieure assurant la résistance mécanique de l'ensemble. L'âme interne contient, d'une part, des grains de carbure de tungstène et, d'autre part, des grains d'un alliage fusible, la cohésion de l'âme étant assurée par un liant organique auquel a été ajouté un élément plastifiant. La gaine est constituée par un liant organique auquel est ajouté une faible proportion d'un composé minéral notamment de silicate de sodium.

Si ce document enseigne effectivement d'incorporer un élément plastifiant, il n'enseigne nullement les deux autres éléments caractéristiques de la solution revendiquée, à savoir une faible proportion de liant et, dans la matrice fusible, une proportion d'au moins 30 % de particules sphéroïdales. En effet, l'homme du métier qui serait amené à consulter le document D2 ne pourrait pas en déduire la proportion de liant revendiqué puisque ce document enseigne de réaliser la gaine presque entièrement à partir de ce liant organique auquel on ajoute une faible proportion de l'ordre de 8 à 10 % d'un composé minéral tel que le silicate de sodium, l'âme interne renfermant une proportion nettement plus faible de liant organique. Il est certes spécifié dans ce document que les particules de matériau réfractaire telles que des particules de carbure de tungstène peuvent avoir un diamètre de l'ordre de 3 mm. Cette indication ne signifie pas pour autant que les particules de matériau réfractaire sont de forme sphéroïdale puisque, généralement, la taille de particules est exprimée en se référant au diamètre. Ce document ne suggère en rien la proportion revendiquée de particules de la matrice fusible qui doit être de forme sphéroïdale, cette proportion devant être supérieure à 30. % en poids par rapport à l'ensemble des grains de carbure de tungstène et des grains de la matrice fusible.

L'homme du métier ne pouvait pas, par conséquent, en s'inspirant de l'enseignement du document D2 arriver à la solution revendiquée puisque deux des trois caractéristiques conjuguées ne sont nullement suggérées dans ce document.

3.3.4. Il y a lieu d'observer que le problème résolu dans le brevet européen - baguette souple de grande longueur pouvant être conditionnée en bobine et de composition apte à éviter les phénomènes de soufflage - est tout à fait étranger à la préoccupation du rédacteur du document D2. En effet, le problème posé dans le document D2 est celui d'améliorer un cordon souple de projection du type comprenant une âme interne entourée par une gaine organique, de façon à améliorer la cohésion des particules de poudre constituant l'âme interne et permettant le dépôt par soudage, c'est-à-dire par fusion (voir colonne 2, lignes 44 à 49). La solution proposée dans ce document consiste à ajouter à la gaine organique une faible proportion d'un composé minéral susceptible, à la température de combustion de la partie organique dudit cordon, de maintenir la cohésion des particules minérales constituant l'âme interne (voir colonne 1, lignes 50 à 66).

Il s'ensuit que le problème résolu dans le brevet européen en cause n'était pas posé dans le document D2 et la solution à ce problème n'y était ni décrite, ni suggérée.

3.3.5. Le document D3 concerne une baguette de soudage du type comportant une âme métallique mince revêtue d'un enrobage épais contenant des particules de carbure de tungstène, des particules d'une matrice fusible, la cohésion de l'ensemble étant assurée par un liant organique.

Il est certes mentionné dans ce document que la matrice fusible peut contenir des particules de forme sphéroïdale. Toutefois, ce document n'enseigne nullement qu'il est avantageux d'incorporer des particules de forme sphéroïdale et que la proportion de ces particules doit être supérieure à 30 % en volume. Au surplus, ce document ne propose pas d'ajouter au liant un élément plastifiant et de choisir une proportion suffisamment faible de liant (entre 0,5 et 1,5 % en poids) pour éviter des phénomènes de soufflage. Par conséquent, l'homme du métier ne pouvait pas, à l'aide de l'enseignement du document D3 retrouver les trois éléments constitutifs de la solution revendiquée.

Il est vrai que la baguette selon le document D3 est décrite comme étant semi-flexible. Il ne s'agit donc pas d'une baguette souple de grande longueur pouvant être conditionnée en bobine. Le double problème résolu par le brevet européen en cause - baguette souple de grande longueur pouvant être enroulée plusieurs fois en bobine et produisant une soudure telle que les composants de soudure ne soient pas soufflés par la flamme mais au contraire se rassemblent en une goutte de fusion ayant pour l'essentiel la même composition que celle du cordon de soudure - n'était pas non plus posé, ni d'ailleurs résolu dans ce document.

Il est indéniable que le document D7 enseigne d'associer au liant organique mis en oeuvre dans l'invention revendiquée un élément plastifiant. Toutefois, ce document ne suggère en rien la faible proportion de liant utilisé et le pourcentage (au moins 30 %) de particules des constituants de soudure devant être de forme sphéroïdale pour résoudre le double problème faisant l'objet du brevet européen en cause.

3.3.6. Pour les motifs ci-dessus exposés, l'objet de la revendication 1 présente l'activité inventive requise au sens de l'article 56 CBE.

Cette conclusion s'étend également aux revendications 2 à 7 qui sont subordonnées à la revendication 1 et qui concernent des modes de réalisation préférés de la baguette selon la revendication 1.

4. Activité inventive (revendication 8 selon la requête auxiliaire)

La revendication 8 est une revendication de procédé pour la réalisation de baguette selon l'une des revendications 1 à 7 qui contient l'ensemble des trois caractéristiques conjuguées i), ii) et iii) de la partie caractérisante de la revendication 1.

Il s'ensuit que les motifs ci-dessus exposés concernant l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 s'appliquent également à la revendication 8 de procédé. L'objet de la revendication 8 présente par conséquent l'activité inventive requise (article 56 CBE).

5. Force est donc de constater que le motif d'opposition invoqué ne s'oppose pas au maintien du brevet européen sous une forme modifiée conformément à la requête auxiliaire.

6. Sur la requête de l'intimée II (opposante 2) sollicitant que l'affaire soit ou bien renvoyée devant la Division d'opposition ou bien poursuivie par écrit devant la Chambre de recours afin d'adapter la description à la rédaction des revendications de la requête auxiliaire

6.1. Lorsque le titulaire du brevet a modifié ses revendications, il est essentiel que la description soit adaptée aux revendications en raison du caractère fondamental de la description. En effet, l'invention ne peut être revendiquée que dans la mesure où elle se fonde sur la description (article 84, deuxième phrase) et les revendications s'interprètent à la lumière de la description (article 69). Il est constant que la description consiste en un exposé des éléments constitutifs de l'invention tandis que les revendications ont pour objet de définir, de façon concise, ces mêmes éléments constitutifs de l'invention (article 84 et règle 29(1)).

Il convient donc de vérifier qu'il y ait identité d'invention entre les revendications amendées et la description ou, autrement dit, que les éléments constitutifs de l'invention revendiquée soient également décrits comme tels dans la description.

A ce stade avancé de la procédure, il n'y a pas lieu, en principe, d'apporter d'autres modifications à la description du brevet. En effet, la procédure d'opposition n'a pas été conçue comme la poursuite de la procédure d'examen, elle ne saurait être donc détournée à cette fin (voir notamment décision G 1/84, JO OEB 1985, 299, point 9 des motifs).

6.2. Le caractère fondamental de l'adaptation de la description ayant été rappelé, il importe d'observer qu'en vertu des articles 102(3) et 113(2) CBE, c'est le titulaire du brevet et lui seul qui peut apporter des modifications au brevet européen et que le brevet ne peut être maintenu dans le texte envisagé par la Division d'opposition ou la Chambre de recours qu'avec l'accord du titulaire du brevet. Les opposantes peuvent certes manifester leur désaccord sur l'adaptation de la description. Dans ce cas, la Division d'opposition ou la Chambre de recours en vérifient simplement le bien-fondé, mais ce désaccord n'est pas de nature à empêcher le maintien du brevet. C'est donc bien le titulaire du brevet qui est, au premier chef, concerné par l'adaptation de la description de sorte qu'une demande du titulaire du brevet sollicitant la poursuite de la procédure par écrit ou bien le renvoi de l'affaire devant la première instance aux fins d'adaptation de la description mérite davantage d'être prise en considération que la même demande mais provenant des opposantes.

6.3. A cet égard, en application du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par l'article 111(1) CBE, la Chambre peut renvoyer l'affaire à l'instance du premier degré pour adapter la description. Toutefois, ce renvoi peut ne pas aller dans le sens d'une souhaitable économie de procédure. L'affaire doit certes, dans tous les cas, être renvoyée devant l'instance du premier degré afin de satisfaire à des exigences de pure forme telles que le dépôt d'une traduction des revendications modifiées ou le paiement de la taxe d'impression conformément à la règle 58(5) CBE, mais, dans ce cas là, le dossier n'est pas en fait remis à la Division d'opposition mais au service des formalités car les voies de recours sont closes et il ne s'agit plus que d'exécuter les dernières formalités administratives nécessaires à la délivrance du brevet. Au contraire, en cas de renvoi pour adaptation de la description devant l'instance du premier degré, un recours contre la décision que prendra cette instance demeure ouvert.

Dans l'exercice de ce pouvoir d'appréciation, les chambres doivent aussi tenir compte du fait que le public, l'ensemble de l'Office européen des brevets et en principe les parties ont tous intérêt à ce que la clôture de la procédure d'opposition (et bien entendu celle de la procédure de recours) puisse intervenir dans les meilleurs délais.

Il y a lieu de souligner à cet égard que c'est la Chambre de recours qui a conclu à la brevetabilité de l'invention définie dans les revendications qui est la mieux à même de contrôler l'adaptation de la description où doit être exposée la même invention. Dans le cas contraire, le risque d'une procédure longue et laborieuse devant l'instance du premier degré n'est pas exclu, l'opposant pouvant en effet être tenté par le biais de l'adaptation de la description de mettre en cause de façon détournée la décision de la Chambre de recours. Au surplus, ce n'est pas la Division d'opposition elle-même qui a conclu à la brevetabilité de l'invention, d'où des risques d'erreur d'appréciation de sa part sur la portée de l'invention, pouvant donner lieu à l'ouverture d'une nouvelle procédure de recours.

En l'espèce et pour ces motifs, la Chambre estime qu'il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire devant la première instance.

6.4. Il n'y a pas lieu davantage de poursuivre la procédure par écrit, puisque les modifications nécessaires pour adapter la description consistaient simplement à mettre en accord la description avec le libellé des deux revendications indépendantes et à supprimer les contradictions pouvant exister entre la description et la nouvelle rédaction des revendications. Ces modifications ont pu être sans aucune difficulté examinées par les opposantes et faire l'objet d'un débat oral entre les parties sous le contrôle de la Chambre. Un tel débat oral présente l'avantage, par rapport à la procédure écrite sollicitée par les opposantes, de permettre à la Chambre d'avoir une meilleure connaissance de l'affaire, chacune des deux parties ayant en effet la possibilité de mieux faire comprendre son point de vue que par écrit.

Pour les motifs ci-dessus exposés, la requête de l'intimée II (opposante 02) est rejetée.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision entreprise est annulée.

2. La requête principale est rejetée.

3. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré avec l'ordre de maintenir le brevet sur la base des documents suivants :

- revendications 1 à 8 et description déposées ensembles à l'occasion de la procédure orale,

- dessins tels que délivrés.

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