T 0182/90 (Flux sanguin) of 30.7.1993

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1993:T018290.19930730
Date de la décision : 30 Juillet 1993
Numéro de l'affaire : T 0182/90
Numéro de la demande : 86102544.3
Classe de la CIB : A61B 5/02
A61B 5/07
A61J 1/00
A61K 9/50
Langue de la procédure : EN
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Versions : OJ
Titre de la demande : -
Nom du demandeur : See-Shell
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.2.02
Sommaire : 1. La présence d'une étape chirurgicale dans une méthode à plusieurs étapes destinée au traitement du corps humain ou animal confère normalement un caractère chirurgical à cette méthode (cf. point 2.5.1).
2. Toutefois, une méthode qui comprend une étape chirurgicale appliquée à un animal de laboratoire vivant et, en outre, une étape consistant à sacrifier ledit animal (étape également nécessaire à la mise en oeuvre de la méthode), ne peut être considérée dans son ensemble comme une méthode de traitement chirurgical de l'animal au sens de l'article 52(4) CBE (cf. point 2.5.2).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52(4)
European Patent Convention 1973 R 67
Mot-clé : Inventions brevetables - traitement chirurgical (non)
Remboursement de la taxe de recours (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/07
G 0002/08
T 0024/91
T 0820/92
T 0329/94
T 0042/97
T 0775/97
T 1005/98
T 0035/99
T 0647/99
T 0285/02
T 0663/02
T 1102/02
T 0383/03
T 0992/03
T 1172/03
T 0005/04
T 0009/04
T 1262/04
T 0542/06
T 1695/07

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 86 102 544.3, déposée le 27 février 1986 et publiée sous le n° 0 194 517, a été rejetée par une décision de la division d'examen en date du 23 octobre 1989. Le rejet était basé sur les revendications 1 à 8 déposées avec la lettre du 24 août 1989.

II. La demande a été rejetée au motif que la méthode selon la revendication 1 comprenait une étape chirurgicale, et qu'elle était de ce fait exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 52(4) CBE. En outre, il a été jugé que l'objet des revendications indépendantes 6 et 7 concernant des microsphères n'était pas nouveau. Par ailleurs, la division d'examen a estimé que la demande, et notamment ses revendications indépendantes 1 et 8, allait à l'encontre de l'article 82 CBE en ce sens qu'il n'y avait pas unité d'invention.

III. Un recours a été formé contre cette décision le 19 décembre 1989. La taxe prévue à cet effet a été acquittée le même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours est parvenu le 12 février 1990.

IV. A la suite d'un entretien téléphonique entre le mandataire du requérant et le rapporteur, le requérant a déposé, avec sa lettre du 13 juillet 1993, un jeu modifié des revendications 1 à 8.

La revendication 1 de ce jeu est identique à la revendication 1 sur laquelle le rejet était basé. Les revendications 2 à 8 sont dépendantes de cette revendication de procédé.

La revendication 1 est formulée comme suit :

"Méthode de mesure du flux sanguin dans un tissu animal spécifique, comprenant les étapes suivantes :

a) introduction, dans le sang d'un animal de laboratoire, de microsphères marquées non radioactivement par des colorants ou par liaison avec des enzymes, qui sont à la fois suffisamment petites pour être véhiculées dans le système circulatoire de l'animal et disséminées ainsi dans les vaisseaux sanguins, et suffisamment grandes pour être retenues dans les capillaires du tissu ;

b) puis, numération des microsphères dans un volume connu de sang dudit animal ;

c) sacrifice de l'animal et prélèvement d'une partie de son tissu ;

d) numération des microsphères présentes dans un échantillon dudit tissu dont la taille est connue;

e) calcul du flux sanguin dans ledit tissu à partir des résultats de la numération précitée."

V. Le requérant a demandé que la décision attaquée soit annulée, qu'un brevet soit délivré sur la base du jeu de revendications modifiées, et que la taxe de recours soit remboursée.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Interprétation de l'article 52(4) CBE - Exclusion des méthodes de traitement chirurgical

2.1 Article 52(4) CBE

L'article 52(4) CBE prévoit ce qui suit : "Ne sont pas considérées comme des inventions susceptibles d'application industrielle au sens du paragraphe 1, les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal." Ces méthodes sont par conséquent définies comme n'étant pas susceptibles d'application industrielle.

Il découle directement de cette disposition ensemble l'article 52(1) CBE que les brevets européens ne sont pas délivrés pour de telles méthodes chirurgicales, thérapeutiques ou diagnostiques, et ce indépendamment du fait que lesdites méthodes soient ou non susceptibles d'application industrielle.

Cependant, il est généralement admis que les traitements ne peuvent être exclus de la brevetabilité que s'ils sont mis en oeuvre sur un corps humain ou animal vivant.

Pour interpréter l'article 52(4) CBE, il importe de savoir ce que l'on entend, dans le langage médical et juridique, par "traitement chirurgical du corps humain ou animal". Par conséquent, les termes "traitement", "chirurgie" et "traitement chirurgical" seront examinés aux points ci-après.

2.2 "Traitement"

Selon l'article de G. Schwalm, "Chirurgie und Recht - heute", paru dans "Chirurgie der Gegenwart", éd. R. Zenker et al., Vol. 1 "Allgemeine Chirurgie", Urban & Schwarzenberg, Munich-Vienne- Baltimore, 1980, pages 1 à 42, et notamment les pages 4 à 8, on entend par "traitement médical" toute intervention physique ou psychique, intentionnelle et non insignifiante, exercée directement ou indirectement par un être humain - qui ne doit pas nécessairement être médecin - sur un autre être humain (ou, par analogie, sur des animaux), et ce par des moyens ou des procédés relevant de la science médicale.

Le terme "traitement", tel qu'utilisé à l'article 52(4) CBE et dans l'article de Schwalm, n'est pas limité aux procédés utilisés dans un but thérapeutique direct (y compris prophylactique). (Ce dernier objectif est introduit par la mention expresse du terme "thérapeutique" à l'article 52(4) CBE). Selon la définition précitée (cf. pages 6 à 8 de l'article de Schwalm), le terme "traitement médical" peut également recouvrir des traitements visant d'autres buts non curatifs, comme le traitement esthétique, l'interruption de grossesse, la castration, la stérilisation, l'insémination artificielle, les transplantations d'embryons, les traitements à des fins expérimentales et de recherche, et le prélèvement d'organes, de peau ou de moelle osseuse sur un donneur vivant.

Il est clair que le terme général englobe diverses possibilités, dont certaines, comme le traitement esthétique par des substances, ont été jugées brevetables (cf. T 36/83, JO OEB 1986, 295, et T 144/83, JO OEB 1986, 301). Par conséquent, il est nécessaire de délimiter en tant que tel le terme "chirurgie", qui est également évoqué dans l'article précité de la CBE.

2.3 "Chirurgie"

Selon les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets (cf. C-IV, 4.3), le terme "chirurgie" définit la nature du traitement plutôt que son but. Il se peut néanmoins que cela ne soit pas vrai dans tous les cas (cf. point 2.5.2 ci-après).

D'après l'"International Dictionary of Medicine and Biology", Vol. III, John Wiley & Sons, 1986, page 2762, le terme "chirurgie" signifie la branche de la science et de la pratique médicale qui a trait au diagnostic et à la correction de défauts physiques résultant d'une blessure ou d'une maladie, et au soulagement de la souffrance par des procédés manuels et instrumentaux. Ce terme englobe même la "chirurgie non invasive" qui, selon ledit dictionnaire, signifie la manipulation d'une partie du corps, d'un organe ou d'un tissu, sans incision de la peau.

De même, la "Brockhaus Enzyklopädie" (19e éd., Vol. 4, 1987, page 520), définit la chirurgie comme la branche de la médecine qui a pour objet la guérison de maladies, de blessures accidentelles ou de défauts physiques, par opération du corps vivant, y compris les procédés conservateurs (non sanglants), comme la réduction, et les procédés opératoires (sanglants) faisant appel à des instruments, qui sont beaucoup plus nombreux (cf. également "Roche Lexikon Medizin", 3e éd., Urban & Schwarzenberg, Munich-Vienne-Baltimore, 1993, page 274).

"Chirurgie", un livre de M. Reifferscheid et S. Weller (8e éd., Georg Thieme Verlag, Stuttgart-New York, 1989, pages 131 et 132), définit l'opération comme un traitement direct ou indirect de toute nature exécuté sur la structure d'un organisme - y compris l'endoscopie, la ponction, l'injection, l'excision et l'ouverture des cavités corporelles. L'insertion de cathéters est également considérée comme une technique chirurgicale intensive (cf. page 170).

Cette inclusion de l'endoscopie, de la ponction, de l'injection, de l'excision et du cathétérisme dans la définition des interventions chirurgicales est également compatible avec la définition de la chirurgie donnée dans le "Le Grand Robert de la langue française", Vol. II, 1985, pages 577 et 578.

2.4 "Traitement chirurgical"

Dans certaines définitions précitées du terme "chirurgie", la référence à la guérison semble incompatible avec le fait que dans l'usage linguistique médical et juridique actuel, les traitements non curatifs mentionnés à la fin du point 2.2 ci-avant sont considérés comme des traitements chirurgicaux, s'ils utilisent la chirurgie. Certains de ces traitements ont été examinés dans les jurisprudences nationales et exclus de la brevetabilité (cf. R. Moufang, "Medizinische Verfahren im Patentrecht", GRUR Int. 1992, pages 10 à 24, notamment page 19 ; version anglaise publiée dans IIC, Vol. 24, n° 1/1993, pages 18 à 49). Il semble que le terme "traitement chirurgical" ait subi un changement de sens dans la mesure où il peut également recouvrir, à l'heure actuelle, des traitements particuliers ne visant pas la santé du corps humain ou animal.

2.5 La présente demande

2.5.1 La revendication 1 de la présente demande a pour objet une méthode de mesure du flux sanguin dans un tissu spécifique d'animal de laboratoire, c'est-à-dire un traitement médical à des fins expérimentales. La caractéristique de la revendication 1, selon laquelle des microsphères sont introduites dans le sang de l'animal de laboratoire, comprend l'injection de microsphères marquées dans l'oreillette gauche de l'animal (cf. page 6, deuxième paragraphe, et page 15, quatrième paragraphe de la description), et l'insertion d'un cathéter dans l'artère fémorale (cf. page 26, exemple 9 de la description).

Ainsi qu'il ressort des points 2.2 et 2.3 supra, ces étapes représentent un traitement chirurgical. Normalement, la présence d'une étape chirurgicale dans un procédé à plusieurs étapes destiné au traitement du corps humain ou animal confère un caractère chirurgical à ce procédé.

2.5.2 Dans la présente affaire toutefois, la méthode revendiquée prise dans son ensemble ne peut être considérée comme une méthode de traitement chirurgical d'un animal, pour les raisons ci-après.

Bien que le terme "traitement chirurgical" ne soit pas limité à un traitement dans un but curatif (cf. points 2.2 à 2.4 ci- dessus), la distinction entre le procédé chirurgical et le procédé non chirurgical ne peut être établie de façon si large que le traitement chirurgical comprenne tout type d'intervention manuelle ou instrumentale réalisée par un être humain sur un autre humain, ou sur un animal. Il va de soi que guillotiner quelqu'un ou abattre un animal ne constitue pas une forme de traitement chirurgical (les méthodes d'abattage des animaux sont en effet traditionnellement considérées comme brevetables). La Chambre est d'avis que les méthodes conduisant intentionnellement à la mort de l'animal de laboratoire (cf. caractéristique c) de la revendication 1) ne sont pas, de par leur nature, des méthodes de traitement chirurgical, même si certaines de leurs étapes peuvent présenter un caractère chirurgical.

En d'autres termes, le glissement sémantique dans la terminologie, dont il est question au point 2.4 ci-dessus, ne peut s'étendre au point d'englober le contraire de la signification originale, ce qui reviendrait à dire qu'une méthode impliquant la mise à mort délibérée de l'animal de laboratoire représenterait un traitement chirurgical.

Il apparaît que la question de ces fins destructives, ainsi que d'autres, similaires, a été examinée lors des travaux préparatoires de la Convention sur le brevet européen (cf. document BR/177/72 daté du 13 avril 1972, page 6, point 9 d), publié dans les "Travaux préparatoires à la Convention sur le brevet européen", Vol. 13 D, Munich 1982). Il a été convenu que ces méthodes ne devaient pas être exclues de la brevetabilité, sans qu'il soit toutefois nécessaire de le mentionner expressément dans l'article de la CBE.

Par conséquent, une méthode qui comprend une étape chirurgicale pratiquée sur un animal de laboratoire vivant, ainsi qu'une étape consistant à sacrifier ledit animal, laquelle est nécessaire à la mise en oeuvre de la méthode, ne peut être considérée dans son ensemble comme une méthode de traitement chirurgical de l'animal au sens de l'article 52(4) CBE.

2.6 Pour la même raison, la méthode revendiquée ne constitue pas non plus une méthode de diagnostic, puisque l'animal au corps duquel elle est appliquée ne survit pas. Le diagnostic en tant que méthode ne peut lui non plus avoir pour but la mise à mort de l'animal concerné. Ce principe correspond également à l'impression générale selon laquelle les différentes méthodes de traitement médical visées à l'article 52(4) CBE ne sont pas jugées susceptibles d'application industrielle, afin d'indiquer que leur but premier est d'améliorer l'état de santé du corps humain ou animal, et non de détruire l'organisme.

2.7 Il s'ensuit que la méthode selon la revendication 1 ne fait pas partie des méthodes exclues de la protection par brevet en vertu de l'article 52(4) CBE.

3. Autres considérations

Les revendications 2 à 8 ne soulèvent aucune objection au titre de l'article 82 CBE, car elles sont dépendantes de la revendication 1. Toutefois, l'expression "pour préparer les microsphères selon les revendications 6 ou 7" dans la revendication 8, deuxième et troisième lignes, est à supprimer.

Le jeu de revendications actuel ne présente plus de revendication portant sur des microsphères en tant que telles, que la première instance avait jugé dénuée de nouveauté.

Il ressort du dossier qu'aucune recherche n'a encore été effectuée concernant l'objet de la revendication 1, puisqu'aucun document exposant l'état de la technique mentionné aux pages 3 et 4 de la description contenue dans la demande n'a été cité. Par conséquent, l'affaire est renvoyée à la première instance pour suite à donner (article 111 CBE).

4. Remboursement de la taxe de recours

En ce qui concerne le remboursement de la taxe de recours demandé par le requérant, la Chambre adopte la position ci-après.

Au lieu de demander une procédure orale devant la division d'examen, le requérant a simplement demandé un entretien. Il n'y a donc pas infraction à l'article 116(1) CBE, comme l'a allégué le requérant.

Par ailleurs, la décision de rejeter la demande était fondée sur le motif de l'article 52(4) CBE (cf. point II.1 du rejet), au sujet duquel le requérant avait pu prendre position. Les objections supplémentaires au titre des articles 82 et 52(1) CBE, concernant l'absence d'unité et de nouveauté, avaient été soulevées dans la décision afin d'attirer l'attention du requérant sur le fait que la demande risquait de ne pas satisfaire aux exigences de la Convention à ces égards. La décision ne porte donc pas non plus atteinte à l'article 113(1) CBE.

En l'absence de vice substantiel de procédure, le remboursement de la taxe de recours ne peut par conséquent pas être ordonné (cf. règle 67 CBE).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour poursuite de la procédure sur la base des revendications déposées le 13 juillet 1993.

3. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.

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