T 0411/89 () of 20.12.1990

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1990:T041189.19901220
Date de la décision : 20 Décembre 1990
Numéro de l'affaire : T 0411/89
Numéro de la demande : 83401108.2
Classe de la CIB : A23D 3/02
Langue de la procédure : FR
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Titre de la demande : Procédé et installation pour l'obtention d'un produit gras en tout point comparable au beurre
Nom du demandeur : Cooperative Agricole La Noelle
Nom de l'opposant : Krayer
Chambre : 3.3.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 114(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(3)
Mot-clé : Novelty (yes)
Inventive step (yes) - non obvious solution
Product obtained by process; definition admissible
failing other relevant definitions
Sufficiency of disclosure (yes)
Document filed outside the opposition period - not
considered
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui) - solution non évidente
Produit obtenu par le procédé - définition admissible
en l'absence d'autres définitions pertinentes
Suffisance de l'exposé (oui)
Document présenté en dehors du délai d'opposition -
non-prise en compte
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0150/82
T 0002/83
T 0156/84
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0282/90
T 0020/94
T 1164/97
T 0728/98
T 1146/04
T 0868/09
T 0682/10
T 0422/12

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet n° 83 401 108.2 a donné lieu à la délivrance du brevet européen 0 096 631 sur la base de 21 revendications.

II. La requérante a fait opposition à ce brevet et requis sa révocation pour défaut de nouveauté et d'activité inventive (article 100 a) CBE). Les motifs d'opposition s'appuyaient principalement sur les documents suivants :

(1) Die Butter, 1958, page 79 (MOHR/KOENEN) (3) US-A-3 899 605 (4) FR-A-1 573 970 Le document (6) "The milk fat globule", 1974, pages 234/235 (Mulder/Walstra) a été présenté en dehors du délai d'opposition. Les autres documents mentionnés au cours de la procédure d'opposition n'ont aucune importance pour la présente décision. Ils n'ont finalement été retenus ni par la requérante ni par la Chambre.

III. La Division d'opposition a décidé de maintenir le brevet sous une forme modifiée sur la base des documents indiqués dans la notification faite conformément à la Règle 58(4) CBE, comprenant une revendication de produit remaniée (revendication 14).

Pour la Division d'opposition, aucun des documents produits par la requérante ne permet de mettre en cause la nouveauté du procédé, de l'installation ou du produit revendiqué. En particulier, le produit lui-même est nouveau, car outre les caractéristiques physiques conférées par les étapes du procédé, sa proportion en matière grasse végétale est plus grande que dans le document (4).

En outre, même une combinaison de plusieurs documents ne suggère pas à l'homme de l'art d'homogénéiser le mélange de graisse lactique et d'huile végétale dans le but d'amalgamer les constituants gras d'origines différentes conformément à la revendication 1. Le procédé revendiqué résulte donc d'une activité inventive. Il en va de même pour l'installation selon la revendication 11 puisque la disposition des éléments en vue d'homogénéiser le mélange n'était pas suggérée par l'état de la technique. Ceci vaut également pour le produit de la revendication 14.

IV. La requérante a formé un recours contre la décision susvisée et a, en substance, fait valoir ce qui suit :

1. Au cours de la procédure d'opposition, la revendication 14 a été amendée de façon à étendre la protection du brevet. Dans la revendication telle que délivrée le produit était obligatoirement obtenu par le procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, alors que d'après l'actuelle revendication 14 cette condition n'est apparemment plus requise puisque le terme "obtenu" utilisé initialement a été remplacé par "obtenable". La revendication amendée devrait donc en principe englober n'importe quel produit et cela quelle que soit sa méthode de préparation. Par conséquent, les produits comparables au beurre décrits dans le document (3) semblent tomber directement sous la portée de la revendication 14 amendée.

En outre, selon l'actuelle revendication 14, le produit revendiqué contient plus d'environ 43 % de matière grasse végétale par rapport à la matière grasse totale. Bien qu'il apparaisse que cette valeur soit dérivée des exemples de la description, il ressort toutefois de ces exemples qu'on a utilisé des matières grasses végétales hydrogénées. Par conséquent, la revendication de produit devrait également être limitée à l'incorporation de matières grasses végétales hydrogénées puisque ce ne sont que ces dernières qui permettent d'obtenir une teneur aussi élevée en matière grasse végétale.

Par ailleurs, les revendications 14 à 21 actuelles ne satisfont pas aux exigences définies dans la décision T 150/82 (JO OEB 1984, 309).

2. L'un des objets du document (3) est manifestement la préparation d'une émulsion grasse ayant une distribution des globules de graisse comparable à celle du lait naturel par un procédé d'homogénéisation sous pression. Cette émulsion peut servir à préparer sans aucune difficulté du beurre contenant un fort pourcentage de matières grasses (par exemple 40 %). Afin d'obtenir un produit se rapprochant le plus possible du beurre naturel, l'homme du métier a donc dû réaliser que la dimension moyenne des particules de graisse doit être pratiquement celle que l'on trouve dans le lait naturel. Du reste, le document (1) renseigne sur la taille des particules de graisse dans la crème.

Si le procédé décrit dans le document (4) conduit à un produit non comparable en tout point au beurre et contenant par ailleurs un peu moins de matière grasse végétale (au plus 30 %), ceci ne peut que résulter de la distribution des globules de graisse qui n'est pas celle du beurre naturel, ce qui signifie que le mélange n'a pas été homogénéisé avant le barattage. Par conséquent, il doit être considéré comme évident de prévoir une étape d'homogénéisation telle que décrite dans le document (3) pour que l'on obtienne un produit en tout point comparable au beurre. Or en ce qui concerne la pression d'homogénéisation, la taille des globules de graisse et la teneur en matière grasse de l'émulsion avant barattage, il n'existe aucune différence significative entre le document (3) et les revendications du brevet en cause.

3. En outre, l'installation pour la mise en oeuvre du procédé revendiqué n'est qu'une combinaison de moyens éprouvés dans la technique laitière qui ne diffère pas sensiblement de ce qui est nécessaire pour préparer un produit tel que décrit dans le document (3).

V. Les arguments présentés par l'intimée dans son mémoire de réponse peuvent se résumer comme suit :

1. La revendication 14 actuelle est une revendication typique de "produit par procédé" se référant explicitement au procédé des revendications 1 à 10 et indiquant en outre que le produit en tout point comparable au beurre est susceptible d'être obtenu par le procédé revendiqué.

Le document (3) concerne un procédé différent de celui revendiqué, ne serait-ce que par la nature des matières de départ. Le procédé connu utilise un milieu lactique (petit-lait) pauvre en graisse. Des procédés aussi différents ne peuvent conduire qu'à des produits différents.

En ce qui concerne la matière grasse à utiliser pour préparer le produit revendiqué, il est mentionné explicitement dans la description qu'il peut s'agir d'une matière végétale hydrogénée ou non. Pour les pays tempérés, on peut parfaitement utiliser des huiles non hydrogénées. La description déposée à l'origine supporte complètement la revendication 14.

2. La requérante n'a aucunement tenu compte de ce que le procédé revendiqué comporte une succession d'étapes qui, combinées entre elles, permettent d'obtenir un produit gras se distinguant des produits connus par une teneur élevée en matière grasse végétale (plus d'environ 43 % par rapport à la matière grasse totale). L'homme du métier ne peut tirer du document (3) aucun enseignement valable permettant d'arriver à un tel produit puisque dans le document antérieur le traitement d'homogénéisation permettant d'obtenir une émulsion à haute teneur en matières grasses doit être effectué dans un milieu spécifique différent du lait écrémé, à savoir le lactosérum de fromagerie. Par conséquent même avec une matière grasse végétale, il faudrait effectuer l'homogénéisation conformément à la caractéristique essentielle du procédé connu, c'est-à-dire utiliser le lactosérum (petit-lait) comme milieu d'émulsification.

Le procédé revendiqué ne se distingue pas seulement de celui du document (4) par une étape d'homogénéisation ; il comporte aussi une étape de cristallisation en continu, qui est effectuée avant le barattage. En outre, les considérations de la requérante sur les pressions d'homogénéisation et la taille des globules gras dans l'émulsion du document (3) ne tiennent aucun compte du contexte de ce document. Il est donc tout à fait certain que même une combinaison des procédés décrits dans les documents (3) et (4) n'aurait pas permis à l'homme du métier de parvenir au procédé revendiqué.

3. La Division d'opposition a eu raison de considérer que les revendications concernant l'installation ne peuvent être que maintenues dès lors que les revendications de procédé le sont. C'est justement dans la combinaison des équipements que réside l'invention, car elle correspond à la séquence des étapes du procédé ; l'installation est le reflet du procédé.

VI. La Requérante demande que la décision de la Division d'opposition soit annulée et que le brevet soit révoqué.

L'intimée demande le rejet du recours.

VII. Les revendication indépendantes 1, 11 et 14 du brevet européen (amendé) s'énoncent comme suit :

1. Procédé pour l'obtention d'un produit gras en tout point comparable au beurre, à partir d'un mélange de crème de lait et d'au moins une matière grasse végétale, ledit procédé comprenant des étapes de mélangeage, d'homogénéisation et de pasteurisation avant cristallisation, le mélange cristallisé étant ensuite transformé par butyrification en produit gras désiré, ledit procédé étant caractérisé en ce qu'on mélange d'abord à chaud la crème et la matière grasse végétale à une température permettant le mélangeage, mais inférieure à la température de pasteurisation, en ce qu'on homogénéise le mélange porté à ladite température en le soumettant à une pression de 10 à 20 bars capable de réduire les globules gras de constituants du mélange à une dimension de l'ordre de 3 à 20 µm tout en assurant la liaison intime des globules de chacun des constituants, en ce qu'on pasteurise le mélange, en ce qu'on le fait ensuite cristalliser en continu et en ce qu'on transforme le mélange cristallisé en produit gras désiré par barattage ou butyrification avec inversion de phase dans des conditions connues et usuelles pour la fabrication de beurre.

11. Installation pour la mise en oeuvre du procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, caractérisée en ce qu'elle comprend, en succession :

- au moins une cuve (1) de mélangeage sous agitation recevant la crème de lait (1a) et la matière grasse végétale (1b) ; - un homogénéisateur (2) sous pression ; - un pasteurisateur (4) ; - un bac-tampon (5) ; - un butyrateur (7) de type classique en beurrerie, continu ou non, ainsi que des dispositifs complémentaires en soi connus du moulage, de magasinage et de conditionnement du produit sortant du butyrateur.

14. Produit gras en tout point comparable au beurre, tant dans son emploi que dans sa tenue, obtenable par le procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, ledit produit contenant plus d'environ 43 % de matière grasse végétale par rapport à la matière grasse totale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. La requérante a objecté que la revendication 14 du brevet en cause a été modifiée au cours de la procédure d'opposition de façon à étendre la protection du brevet. Il convient donc d'examiner si les modifications apportées à la revendication principale de produit satisfont aux exigences de l'article 123 CBE.

2.1. La revendication 14 actuelle ne contient plus de référence à un produit "obtenu ... dans l'installation selon l'une quelconque des revendications 11 à 13". La suppression de ce choix constitue clairement une limitation de l'objet revendiqué puisque seule la première possibilité décrite initialement (produit par procédé) a été retenue dans la nouvelle revendication 14, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la requérante.

2.2. La revendication en cause est une revendication dans laquelle le produit est défini par référence à un procédé permettant de le fabriquer ; elle doit être interprétée comme une revendication portant sur le produit en tant que tel puisque la référence au procédé n'est qu'un moyen destiné à caractériser l'objet revendiqué qui est un produit. Le fait que le terme "obtenu" utilisé initialement ait été transformé en "susceptible d'être obtenu" ne modifie en rien la définition du produit visé dans la mesure où le procédé auquel il est fait référence est de toute évidence resté le même. Or, si avant et après modification on peut considérer que la définition ou caractérisation du produit est la même, il faut conclure à l'identité du produit revendiqué. Il ne peut donc être soutenu que la modification apportée à la revendication 14 conduit à une extension de la protection du brevet.

2.3. En outre, la revendication 14 amendée a été limitée aux produits contenant plus d'environ 43 % de matière grasse végétale par rapport à la matière grasse totale, alors que la revendication 14 telle que délivrée entendait également couvrir tout produit issu du procédé revendiqué ayant une teneur en matière grasse végétale différente de celle exigée maintenant. La Chambre n'a aucune raison de contredire la requérante quand elle estime que cette teneur en matière grasse végétale peut être déduite des exemples de la des- cription. Cependant, il n'apparaît pas justifié d'exiger une limitation aux seules matières grasses végétales hydrogénées puisqu'il est explicitement dit dans la description originale que la matière grasse végétale peut être hydrogénée ou non (voir page 4, ligne 32 à page 5, ligne 21). Il est vrai que les exemples sont basés sur le coprah et le colza hydrogénés. Or, l'utilisation de ces matières premières pour illustrer l'invention revendiquée s'explique du fait que les meilleurs résultats ont été obtenus avec ces matières grasses végétales, car elles permettent d'obtenir un produit final pouvant notamment être utilisé dans des pays à température ambiante élevée (voir page 5, lignes 4 à 9 de la description originale). Par conséquent, l'argument de l'intimée que les huiles végétales non hydrogénées peuvent être parfaitement utilisées dans des pays tempérés est tout à fait convaincant, d'autant plus que l'allégation de la requérante que seules les matières grasses végétales hydrogénées permettent d'obtenir une teneur aussi élevée en matière grasse végétale n'est supportée ni par des arguments techniques ni par de la littérature technique pertinente. Dans cette situation, la charge de la preuve incombant à la requérante et les faits allégués n'ayant pas été prouvés, l'objection de la requérante ne peut être retenue.

2.4. Compte tenu de ce qui précède, il faut conclure que toutes les caractéristiques de la revendication 14 actuelle dérivent directement et sans ambiguïté de la demande déposée à l'origine et que les modifications effectuées au cours de la procédure d'opposition ne conduisent pas à une extension de la protection. La revendication 14 actuelle est donc entiè- rement conforme aux dispositions des articles 123(2) et (3) CBE.

3. La requérante n'a certainement pas tort de souligner qu'il est dit dans la décision T 150/82 que les revendications dites "revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention" (product-by-process claims) ne peuvent être acceptées que si les produits en tant que tels satisfont aux conditions requises pour le brevetabilité et que si la demande ne contient aucune autre information permettant au demandeur de définir le produit de manière satisfaisante par référence à sa composition, à sa structure ou à tout autre paramètre pouvant être testé. Or, au lieu de montrer que dans le cas présent les conditions indiquées ci-devant ne sont pas remplies, elle se contente d'affirmer que les revendications 14 à 21 actuelles ne satisfont pas aux exigences établies conformément à la décision T 150/82. En l'absence d'indications plus précises à ce sujet il n'est cependant pas possible de savoir pour quelle(s) raison(s) les revendications en cause n'auraient pas dû être acceptées. La requérante n'ayant pas concrétisé son objection, la Chambre ne dispose d'aucune indication permettant de conclure que le produit revendiqué, qui doit être en tout point comparable au beurre, aurait pu être caractérisé de manière satisfaisante par une revendication autre qu'une revendication de "produit par procédé".

Par ailleurs, les considérations ci-dessus montrent également que rien ne s'oppose à la préparation du produit revendiqué avec une matière grasse non hydrogénée et que la revendication 14 amendée est entièrement supportée par la description, si bien que non seulement les exigences de l'article 83 CBE sont satisfaites, mais également celles de l'article 84 CBE.

4. Le brevet attaqué concerne la production industrielle d'un produit gras capable d'avoir tous les usages du beurre et plus particulièrement un procédé et une installation pour l'obtention d'un tel produit à partir d'un mélange de crème de lait et d'une matière grasse végétale. Il existe en effet à l'heure actuelle un besoin en produits de remplacement du beurre aussi bien dans les pays industrialisés afin de mieux satisfaire aux besoins de consommateurs que dans d'autres pays tels que les pays en voie de développement, qui ne disposent pas en abondance de lait en tant que matière première (voir colonne 1, lignes 11 à 17).

5. Le document (4) constitue sans aucun doute l'état de la technique le plus proche. Il concerne un procédé de préparation d'un produit alimentaire dont la matière première est constituée pour la plus grande partie par de la crème provenant du lait de vache, ce produit étant destiné à être utilisé de la même façon que le beurre, mais pouvant, à température donnée, être étendu plus facilement que du beurre obtenu par barattage exclusivement de la même sorte de crème. Le procédé consiste à mélanger avec la crème à baratter et à baratter avec celle-ci une huile végétale raffinée à base de triglycérides, de préférence de l'huile de soja, dans une proportion au plus égale à 30 % par rapport à la teneur en matières grasses du produit que l'on obtient par barattage du mélange (voir résumé et page 1, colonne droite, lignes 3 à 10).

6. Partant de cet art antérieur, le problème technique consistait à trouver un procédé permettant d'obtenir des produits gras barattés comparables au beurre ayant une teneur en matière grasse végétale bien supérieure à 30 % par rapport à la matière grasse totale.

Pour résoudre ce problème, il est suggéré de procéder conformément à la revendication 1 du brevet attaqué, c'est-à- dire :

a) de mélanger d'abord à chaud la crème (de lait) et la matière grasse végétale à une température permettant le mélangeage, mais inférieure à la température de pasteurisation, b) d'homogénéiser le mélange porté à ladite température en la soumettant à une pression de 10 à 20 bars capable de réduire les globules gras des constituants du mélange à une dimension de l'ordre de 3 à 20 µm tout en assurant la liaison intime des globules de chacun des constituants, c) de pasteuriser le mélange, d) de faire ensuite cristalliser le mélange ainsi obtenu en continu, e) de transformer le mélange cristallisé en produit gras désiré par barattage ou butyrification avec inversion de phase dans des conditions connues et usuelles pour la fabrication de beurre.

Les indications figurant dans la description et notamment les exemples 1 et 2 montrent que la solution revendiquée répond bien au problème posé et que le résultat recherché peut être effectivement obtenu de la façon indiquée dans la revendication 1.

7. L'analyse des documents (1), (3) et (4) montre de façon convaincante qu'aucun de ces documents ne permet de mettre en cause la nouveauté du procédé, de l'installation ou du produit revendiqué :

- Comme il ressort du document (4) considéré plus haut comme état de la technique le plus proche, le procédé décrit ne comprend ni homogénéisation sous pression, ni pasteurisation, ni cristallisation en continu avant l'opération de barattage. En outre, aucune condition de température n'est indiquée pour la préparation du mélange à baratter dont la teneur en matière grasse végétale est de toute façon au plus égale à 30 % par rapport à la teneur en matières grasses du produit finalement obtenu par barattage. Pour la mise en oeuvre de ce procédé connu, il suffit manifestement d'utiliser une cuve de fabrication traditionnelle (voir page 1, colonne droite, lignes 15 à 22

- le document (1) concerne la répartition de la matière grasse dans la crème de lait usuelle. L'information essentielle est que le diamètre moyen des particules de graisse lactique est de 1 à 15 µm.

- Le document (3) décrit un procédé qui est très différent du procédé revendiqué puisqu'il concerne une graisse émulsionnée qui n'est pas de la crème de lait. Dans ce procédé connu, le milieu servant à disperser la matière grasse de départ (lactique ou non lactique, p.ex. huile de soja) est obligatoirement et entièrement constitué de lactosérum (petit-lait) provenant de la fabrication de fromage, le seul but étant de préparer une émulsion à partir de lactosérum et de graisse (voir colonne 1, ligne 55 et suivantes et exemple III). Ce procédé n'a donc pas comme objet l'incorporation d'une matière grasse végétale dans une crème de lait, ce qui explique l'absence de toute mesure de mélangeage des matières de départ (p.ex. cuve sous agitation). En outre, il n'est indiqué nulle part que le procédé connu permet de préparer un produit comparable au beurre pouvant contenir plus de 43 % de matière grasse végétale par rapport à la matière grasse totale.

8. Il reste à examiner si les revendications impliquent une activité inventive.

8.1. L'enseignement du document (4) est clairement limité à la préparation d'un produit gras comparable au beurre ayant une proportion en matière grasse végétale au plus égale à 30 % par rapport à la teneur totale en matières grasses. Or, cherchant à résoudre le problème tel que posé au point 6 ci- dessus, l'homme du métier ne pouvait tirer de ce document aucune information lui permettant de connaître les mesures à prendre afin d'atteindre l'objectif visé, ce qui n'est pas contesté par la requérante. Reste à savoir si les autres documents mentionnés par la requérante contiennent de telles informations.

8.2. Le traitement d'homogénéisation sous pression décrit dans le document (3) a entre autres pour but de préparer une émulsion grasse à partir d'une matière grasse d'origine lactique ou non lactique (p.ex. huile de beurre, huile de soja) dans un milieu ne contenant pas de micelles de caséine, à savoir le lactosérum provenant de la fabrication de fromage. Avant d'effectuer ce traitement qui peut avoir lieu à une pression de 1 MPa (10 bars), la matière grasse et le lactosérum sont mélangés à chaud (p.ex. à 50°C). La dimension moyenne des particules de graisse dans l'émulsion ainsi obtenue correspond pratiquement à celle que l'on trouve dans le lait naturel ; elle est de 1.5 à 6 µm (3 µm en moyenne). Pour la préparation de beurre, on peut utiliser une émulsion ayant une teneur élevée en matière grasse (p.ex. 40 % en poids) (voir en particulier colonne 1, ligne 55 à 62 ; colonne 2, lignes 28 à 35 et exemple III).

Or, ceci montre que le document antérieur se propose de résoudre un problème qui est différent de celui qui se pose dans le brevet attaqué. Le premier cherche simplement à préparer une émulsion grasse dans le lactosérum de fromagerie c'est-à-dire le liquide aqueux qui reste après la coagulation du lait, alors que le second vise l'incorporation d'une quantité importante de matière grasse végétale dans une émulsion toute faite (crème de lait) dans le but de l'enrichir avec une matière grasse d'origine différente. Par ailleurs, le document (3) ne contient pas la moindre indication permettant de penser que le procédé connu puisse conduire à des émulsions homogènes avec des mélanges de matières grasse ayant des origines différentes.

Ce qui compte davantage dans le procédé antérieur est le milieu de dispersion qui doit être le lactosérum, tout autre milieu étant exclu. En particulier, l'exemple IV montre toute l'importance du petit-lait afin d'obtenir un beurre acceptable puisqu'il y est dit explicitement que son utilisation comme milieu d'émulsion ne conduit plus à la difficulté qui consistait à obtenir une teneur correcte en eau lors de la fabrication du beurre (voir colonne 4, lignes 62 à 68 et tableau B). Dans ces conditions, l'homme du métier n'avait aucune raison d'appliquer le traitement d'homogénéisation connu à un mélange de crème de lait et de matière grasse végétale puisque cela aurait impliqué de renoncer à l'une des caractéristiques essentielles du procédé antérieur, à savoir le lactosérum comme milieu de dispersion.

Pour cette raison, la Chambre estime qu'il ne serait pas réaliste de considérer que l'homme du métier ait reconnu l'utilité du traitement d'homogénéisation sous pression pour résoudre le problème de l'incorporation d'une quantité importante de matière grasse végétale dans un milieu autre que le lactosérum. Dans ces conditions, la constatation de la requérante que l'homogénéisation sous pression est connue de l'état de la technique a vraiment peu d'importance pour l'appréciation de l'activité inventive, puisque la question décisive est de savoir si l'homme du métier aurait effectivement envisagé cette mesure afin de résoudre le problème qu'il s'est posé, ce qui n'est pas le cas ici (voir décision T 2/83, JO OEB 1984, 265, en particulier point 7 des motifs).

8.3. Selon le document (1), la dimension moyenne des particules de graisse dans le lait et la crème se situe entre 1 et 15 µm. Cette information ne va donc pas au-delà de ce qui est dit à ce sujet dans le document (3) (voir point 8.2 ci-dessus).

8.4. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre considère que les documents opposés ne suggérent d'aucune façon la solution préconisée dans le brevet en cause. Par conséquent, le procédé revendiqué implique une activité inventive au sens de l'article 56 CBE.

Il en est de même de l'installation pour la mise en oeuvre du procédé ainsi que du produit obtenu selon ce procédé.

9. Le document (6), présenté en dehors du délai d'opposition, décrit l'influence de la grosseur des particules de graisse sur le comportement de la crème de lait au barattage et ne concerne donc pas des mélanges de crème et de graisse d'origine végétale. En outre, il contient l'enseignement que la plupart des crèmes homogènes ne se prêtent pas au barattage (voir page 235, lignes 1/2). Comme ce document est manifestement moins pertinent que les documents déjà considérés, il ne saurait mettre en cause le maintien du brevet. Par conséquent, au titre de l'article 114(2) CBE, la Chambre a décidé de ne pas en tenir compte. (voir décision T 156/84, JO OEB 1988, 372).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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