T 0320/87 (Plantes hybrides) of 10.11.1988

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1988:T032087.19881110
Date de la décision : 10 Novembre 1988
Numéro de l'affaire : T 0320/87
Numéro de la demande : 81303287.7
Classe de la CIB : A01H 1/02
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Lubrizol
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.02
Sommaire : 1. Pour apprécier si un procédé (non microbiologique) doit ou non être considéré comme "essentiellement biologique" au sens de l'article 53 b) CBE, il convient de se fonder sur ce qui constitue l'essence de l'invention, en tenant compte de toutes les interventions humaines et des effets qu'elles exercent sur le résultat obtenu (cf. point 6 des motifs).
2. Les semences hybrides et les plantes issues de ces semences présentant un caractère instable sur l'ensemble de la population d'une génération, ne peuvent être considérér comme des variétés végétales au sens de l'article 53 b) CBE (cf. point 14 des motifs de la décision).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 53(b)
European Patent Convention 1973 Art 84
Strasbourg Convention Art 002(b)
Mot-clé : Procédés essentiellement biologiques
Variété végétale
Revendication de produits caractérisés par leur procédé d'obtention
Plantes ou semences hybrides
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/98
G 0002/07
G 0001/08
G 0002/12
G 0002/13
T 0820/92
T 0356/93
T 1054/96
T 0866/01
T 0315/03
T 1374/04
T 0083/05
T 1242/06

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 81 303 287.7, déposée le 16 juillet 1981 et publiée le 27 janvier 1982 sous le numéro 44723, pour laquelle était revendiquée la priorité de trois demandes antérieures déposées le 17 juillet 1980, a été rejetée le 4 mai 1987 par la division d'examen. Cette décision a été rendue sur la base des revendications indépendantes 1, 10 et 17 portant sur des procédés pour l'obtention rapide de plantes hybrides et la production, à l'échelle commerciale, de semences hybrides en général (revendications 1 et 10) ou de semences hybrides appartenant au genre Brassica (revendication 17).

II. Cette demande a été rejetée au motif que les revendications 1, 10 et 17 avaient pour objet des procédés essentiellement biologiques d'obtention de végétaux, lesquels procédés sont exclus de la brevetabilité par l'article 53 b) CBE. Dans sa décision, la division d'examen a déclaré que ce n'est pas la "quantité", mais la "qualité" des interventions humaines qui doit jouer un rôle déterminant lorsqu'il s'agit d'apprécier si par essence un procédé revêt ou non un caractère biologique.

Selon cette décision, il est incontestable que les méthodes traditionnelles d'obtention tout au moins sont considérées comme essentiellement biologiques, bien qu'elles puissent faire largement place quantitativement parlant au contrôle et à l'ingérence de la part de l'homme ; en outre, tous les procédés d'obtention traditionnels ont en commun un certain nombre d'éléments, ils comportent tous en particulier des étapes de sélection, de croisement et de reproduction, le croisement s'effectuant par voie sexuée à partir de deux individus sélectionnés et aboutissant à une population statistique qui obéit aux lois de Mendel pour ce qui concerne la répartition des caractères phénotypiques.

Un procédé comportant ces éléments doit être considéré comme essentiellement biologique et n'est pas brevetable. Il ne fait aucun doute que les procédés selon les revendications 1, 10 et 17 comportent ces éléments, leur brevetabilité est donc exclue en vertu de l'article 53 b) CBE.

III. Un recours a été formé contre cette décision le 8 juillet 1987 et la taxe correspondante a été acquittée ce même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 14 septembre 1987.

Un nouveau jeu de vingt-cinq revendications comprenant les revendications de produits 20 à 25 a été produit lors de la procédure orale le 10 novembre 1988. Les revendications indépendantes modifiées 1, 8 et 13 correspondent respectivement aux anciennes revendications 1, 10 et 17.

Le texte des revendications 1, 20 et 21 se lit comme suit :

1. Un procédé pour l'obtention rapide de plantes hybrides et la production de semences hybrides à l'échelle commerciale, comportant les étapes suivantes :

a) sélection d'un premier parent hétérozygote et sélection d'un deuxième parent ;

b) croisement de ce premier parent avec ce deuxième parent en vue d'obtenir des hybrides dérivés directement des parents sélectionnés et possédant tous le même phénotype ;

c) clonage de ce premier parent en vue d'obtenir une première lignée parentale clonée ;

d) croisement de plantes appartenant à cette première lignée parentale clonée avec ce deuxième parent ou avec une deuxième lignée parentale issue de ce parent, afin d'obtenir des semences hybrides produisant des plantes hybrides ayant toutes le même phénotype, à condition que, lorsque ledit deuxième parent est hétérozygote et qu'une deuxième lignée parentale issue de ce parent est utilisée lors du croisement effectué à l'étape d), ladite deuxième lignée parentale soit produite par clonage ; et

e) répétition des étapes c) et d) aussi souvent que nécessaire pour obtenir des semences hybrides produisant des plantes hybrides ayant toutes le même phénotype et, si on le souheite, production à partir de ces semences de plantes hybrides ayant toutes le même phénotype.

20. Semences hybrides produisant des plantes ayant toutes le même phénotype, lesdites semences ayant été produites par un procédé comportant les étapes suivantes :

a) sélection d'un premier parent hétérozygote et sélection d'un deuxième parent ;

b) croisement de ce premier parent avec ce deuxième parent en vue d'obtenir des hybrides dérivés directement des parents sélectionnés et possédant tous le même phénotype ;

c) clonage de ce premier parent en vue d'obtenir une première lignée parentale clonée ;

d) croisement de plantes appartenant à cette première lignée parentale clonée avec ce deuxième parent ou avec une deuxième lignée parentale issue de ce deuxième parent, afin d'obtenir des semences hybrides produisant des plantes hybrides ayant toutes le même phénotype, à condition que, lorsque ledit deuxième parent est hétérozygote et qu'une deuxième lignée parentale issue de ce parent est utilisée lors du croisement effectué à l'étape d), ladite deuxième lignée parentale soit produite par clonage ; et

e) répétition des étapes c) et d) aussi souvent que nécessaire pour obtenir des semences hybrides produisant des plantes hybrides ayant toutes le même phénotype et, si on le souhaite, production à partir de ces semences de plantes hybrides ayant toutes le même phénotype.

21. Plantes hybrides ayant toutes le même phénotype, obtenues à partir de semences hybrides selon la revendication 20.

La Chambre a souligné dans la revendication 1 les caractéristiques qui ont été ajoutées au texte de la revendication produit antérieurement. Les revendications de procédé indépendantes 8 et 13 ont été modifiées par introduction des caractéristiques correspondantes.

IV. Dans le mémoire exposant les motifs et lors de la procédure orale, la requérante a avancé en substance les arguments suivants :

a) en excluant de la brevetabilité les procédés "essentiellement biologiques", l'article 53 b) CBE énonce une exception au principe général de la brevetabilité des procédés. Or, les exceptions aux vastes principes généraux posés dans la Convention doivent être interprétées de manière limitative. Dans ce même article, il est précisé expressément que la notion de procédé "essentiellement biologique" ne doit pas être étendue, sous l'effet d'une interprétation trop générale, aux procédés microbiologiques et aux produits obtenus par ces procédés. Il est clair que l'exclusion de la brevetabilité ne peut s'appliquer automatiquement à tous les procédés de production de végétaux ou d'animaux ; si c'était le cas, la précision apportée par l'expression "essentiellement biologique" figurant à l'article 53 b) CBE n'aurait pas de raison d'être.

Le procédé utilisé dans la présente invention ne devient donc pas automatiquement un procédé "essentiellement biologique" du seul fait que l'invention permet l'obtention de végétaux.

b) Il n'a en effet jamais été considéré qu'un procédé dans lequel est utilisé, préparé ou modifié un organisme vivant est de ce seul fait un procédé "essentiellement biologique" (cf. brevets européens n°s 10 393 et 30 575, et décision T 49/83 de la chambre de recours technique 3.3.1 "Matériel de reproduction de végétaux/CIBA GEIGY", JO OEB 1984, 112).

c) Par ailleurs, dans le procédé selon la présente invention, l'intervention technique, de par sa nature même (aspect qualitatif), est bien plus qu'une simple manipulation de routine d'un phénomène biologique naturel connu.

d) Il y a lieu à cet égard de tenir compte non seulement des caractéristiques biologiques ou non biologiques du procédé à ses différentes étapes, mais aussi des caractéristiques du résultat final, c'est-à-dire du produit obtenu par le procédé. En outre, les résultats caractéristiques obtenus par le procédé, qui sont reproductibles d'année en année, différent fondamentalement de ceux obtenus tant par sélection et croisement naturels que par des procédés traditionnels d'obtention. Ces derniers ne peuvent produire des résultats reproductibles que par le recours à des parents homozygotes.

e) L'article 53 b) CBE, qui exclut de la brevetabilité les "variétés végétales", vise notamment à éviter que la protection conférée par brevet ne fasse double emploi avec celle prévue par la législation sur les droits de protection relatifs aux obtentions végétales. Or dans la présente espèce, ni les produits obtenus par les procédés revendiqués ni les produits revendiqués eux- mêmes ne peuvent être protégés par des droits de protection relatifs aux obtentions végétales, car il s'agit de populations hybrides et non de variétés. Toute possibilité de double protection ou de protections se recoupant en partie est donc exclue. Refuser la protection par brevet revient, dans la présente espèce, à empêcher toute protection du procédé et des produits revendiqués obtenus par ce procédé. Or ce procédé est susceptible de produire des améliorations intéressantes chez les plantes cultivées. Sa mise en oeuvre est coûteuse du fait de la conservation, des micropropagations et, le cas échéant, des méthodes de culture de tissus. Privée de protection, cette technique risque de ne pas être exploitée, ce qui est contraire à l'intérêt général.

V. La requérante a demandé l'annulation de la décision attaquée et la délivrance du brevet sur la base des revendications 1 à 25 produites lors de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108, ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.

Modifications (art. 123(2) CBE)

2. La limitation à des parents "hétérozygotes" introduite dans les nouvelles revendications de procédé pour le choix de l'un des parents sélectionnés selon l'étape a) du procédé exposé dans les revendications 1 et 13 et selon la dernière caractéristique indiquée dans la revendication 8, est fondée sur l'ensemble de la description. En effet, celle-ci souligne bien l'avantage particulier des procédés revendiqués, qui est de pouvoir utiliser des parents hétérozygotes quel que soit le degré d'héterozygotie (cf. page 6, dernier paragraphe, et page 9, premier paragraphe).

Les caractéristiques de l'étape e) du procédé qui vient d'être ajoutée dans les revendications indépendantes 1, 8 et 13 se fondent elles aussi sur la description (cf. par exemple page 23, paragraphes 2 et 3, et page 25, paragraphe 2).

En ce qui concerne les nouvelles revendications de produits, qui n'ont été déposées que peu de temps avant la procédure orale, la Chambre a accepté de les examiner, vu la situation particulière existant en l'occurrence. Ces revendications, relatives à des semences hybrides et à des plantes issues de ces semences, lesquelles plantes et semences constituent des produits obtenus directement par le procédé exposé dans l'une des trois revendications indépendantes de procédé, se fondent sur l'ensemble du texte de la description, où sont exposés en détail les procédés en question, qui permettent l'obtention répétée desdites semences et plantes. Ces semences et ces plantes sont mentionnées expressément à la page 1b, lignes 18 à 23, à la page 6, lignes 12 à 16 , à la page 8, lignes 4 à 8 et ligne 29 , à la page 42, lignes 30 à 36, à la page 43, paragraphe 7, et à la page 55, paragraphe 6.

La modification apportée aux revendications indépendantes de procédé 1, 8 et 13 de même que les nouvelles revendications de produit 20 à 25 sont donc admissibles au regard de l'article 123(2) CBE.

Clarté et fondement des revendications (article 84 CBE

3. Les revendications de produit sont rédigées sous forme de "revendications de produits caractérisés par leur procédé d'obtention". Une chambre de recours technique a reconnu que "les revendications de produits dans lesquelles les produits sont définis par leur procédé de fabrication.... ne peuvent être acceptées que si les produits en tant que tels satisfont aux conditions requises pour la brevetabilité, et que si la demande ne contient aucune autre information permettant au demandeur de définir le produit de manière satisfaisante par référence à sa composition, à sa structure ou à tout autre paramètre pouvant être testé" (cf. décision T 150/82, "Catégories de revendications/IFF", JO OEB 1984, 309). Les produits revendiqués n'étant pas, dans la présente espèce, des entités biologiques définissables individuellement, et identifiables par leurs caractéristiques physiologiques ou morphologiques, il n'est pas possible de définir les semences et les plantes hybrides autrement que par leurs procédés d'obtention.

Les revendications de procédé (article 53 b) CBE)

La question des procédés "essentiellement biologiques"

4. Comme indiqué ci-dessus au point II, la demande a été rejetée au motif que les procédés revendiqués étaient considérés comme "essentiellement biologiques" au sens de l'article 53 b) CBE et, par conséquent, exclus de la brevetabilité.

5. L'article 53 b) CBE constitue à cet égard une exception à la disposition générale de l'article 52(1) CBE selon laquelle les brevets européens sont délivrés pour les inventions susceptibles d'application industrielle, à condition que ces inventions soient nouvelles et impliquent une activité inventive. Cette exception est calquée sur celle qui a été prévue à l'article 2 (b) de la Convention de Strasbourg du 27 novembre 1963 sur l'unification de certains éléments du droit des brevets d'invention. Les documents préparatoires ne contiennent aucune indication précise sur l'interprétation qu'il convient de donner aux termes "essentiellement biologiques". Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'à l'époque où ont été rédigées ces dispositions, les perspectives d'avenir que pouvait offrir la biotechnologie étaient encore assez mal connues.

6. Comme toute exception à une règle générale de cet ordre, l'exclusion des procédés "essentiellement biologiques" d'obtention de végétaux (ou d'animaux) doit être interprétée limitativement. En effet, cette exclusion ne s'applique pas aux procédés microbiologiques et aux produits obtenus par ces procédés, comme le prévoit l'article 53 b) CBE. La Chambre estime que pour apprécier si un procédé (non microbiologique) doit ou non être considéré comme "essentiellement biologique" au sens de l'article 53 b) CBE, il convient de se fonder sur ce qui constitue l'essence de l'invention, en tenant compte de toutes les interventions humaines et des effets qu'elles exercent sur le résultat obtenu.

La Chambre estime qu'à elle seule la nécessité de l'intervention humaine ne constitue pas un argument suffisant pour prouver qu'un procédé n'est pas "essentiellement biologique". L'existence d'une intervention humaine permet seulement de conclure que le procédé n'est pas "purement biologique", la contribution apportée par cette intervention pouvant demeurer insignifiante. Par ailleurs, le problème ne se résume pas à la question de savoir si ce sont les aspects quantitatifs ou qualitatifs de cette intervention qui jouent un rôle en l'occurrence.

7. L'invention vise essentiellement à produire rapidement, et en quantité accrue, des plantes et des semences hybrides hautement homogènes, fournissant ainsi une méthode de production commerciale à grande échelle. Dans les procédés revendiqués (revendications 1 à 19), les parents possédant les caractères désirés sont sélectionnés, font l'objet de croisements tests, sont marqués et stockés. Les hybrides issus des croisements sont ensuite examinés pour vérifier qu'ils possèdent les caractères désirés et un phénotype uniforme, et le couple de parents qui a permis d'obtenir les hybrides souhaités est sélectionné. On reproduit par clonage au moins le parent hétérozygote, et le croisement de ces deux parents est répété autant de fois qu'il est jugé souhaitable pour obtenir les hybrides à grande échelle. Ce procédé permet d'obtenir rapidement et de manière reproductible de nouvelles plantes hybrides ayant les caractères désirés ; il permet aussi d'obtenir un rendement élevé en semences, que les parents soient ou non homozygotes.

8. Si l'on analyse les procédés revendiqués, l'on constate qu'ils consistent essentiellement en une combinaison particulière d'étapes spécifiques, qui, bien qu'autorisant l'utilisation d'un parent hétérozygote, permet néanmoins d'obtenir rapidement, et de manière reproductible, des semences et des plantes hybrides sélectionnées ayant les caractères souhaités. Ni dans la nature ni dans les procédés traditionnels d'obtention, on ne retrouve l'ensemble des opérations mentionnées, avec leur séquence. Les phénomènes naturels de croisement et de sélection se produisent sous l'influence de facteurs complexes, variés et imprévisibles. Il est donc fort improbable qu'un certain croisement se reproduise dans la nature de manière identique et avec les caractéristiques désirées, en donnant naissance, de manière contrôlée, à une première génération sélectionnée. L'une des raisons majeures de l'aboutissement incertain d'un tel croisement réside dans ce que l'on est convenu d'appeler la diploïdie, c'est-à-dire le fait que dans les organismes supérieurs tels que les plantes, chaque gène est présent en deux exemplaires. Un certain caractère, représenté par ces gènes, peut se manifester chez une certaine plante sous forme homozygote, ce qui signifie que ces deux gènes sont identiques pour un caractère donné. Si ces deux gènes sont différents, ladite plante est hétérozygote pour ce qui concerne les gènes en question. Il existe donc dans la nature des caractères homozygotes et hétérozygotes, et la ségrégation de ces gènes lors des croisements naturels se déroule de façon imprévisible. Tous les procédés d'obtention - et c'est là un de leurs principaux objectifs - visent à déterminer si une plante est homozygote ou hétérozygote et à produire des plantes homozygotes. Le caractère en question est en effet reproduit de manière strictement identique lorsqu'on croise ces plantes homozygotes entre elles ou avec un homozygote similaire. Seule l'homozygotie permet la reproduction répétée d'une certaine génération par croisement. Elle présente néanmoins bon nombre d'inconvénients, par exemple une faible vigueur et, par voie de conséquence, un faible rendement en semences.

9. La modification fondamentale que l'on entend apporter à un procédé connu d'obtention de végétaux peut porter soit sur les caractéristiques du procédé, c'est-à-dire sur ses éléments constitutifs, soit sur la séquence particulière des étapes du procédé si la revendication porte sur un procédé en plusieurs étapes. Dans certains cas, l'effet de cette modification se manifeste dans le résultat obtenu. Dans le procédé en plusieurs étapes qui est revendiqué en l'occurrence, chaque étape isolée peut être qualifiée de biologique au sens scientifique du terme. Toutefois, au lieu de l'approche traditionnelle qui consiste à effectuer d'abord un seul croisement nouveau, puis à essayer de reproduire le résultat particulier obtenu, la séquence spécifique des étapes du procédé exposée ci-dessus au point 8 engendre un procédé à séquence inverse, consistant d'abord à multiplier les parents par clonage, puis à croiser à grande échelle et de manière reproductible les lignées parentales clonées ainsi obtenues, afin d'obtenir la population hybride désirée. Cette séquence d'étapes joue un rôle déterminant dans l'invention et permet d'obtenir le résultat voulu, malgré la présence d'au moins un parent hétérozygote. Dans la présente espèce, il ressort clairement des faits que les procédés d'obtention de plantes hybrides qui ont été revendiqués apportent une modification essentielle à des procédés traditionnels d'obtention et à des procédés biologiques connus ; l'efficacité et le rendement élevé obtenus avec le produit dont il est question ici témoignent de l'importance du caractère technique de l'invention.

10. Dans ces conditions, les procédés revendiqués ne peuvent être considérés comme "essentiellement biologiques" au sens de l'article 53 b) CBE. L'exception à la brevetabilité énoncée dans ce même article ne s'applique donc pas dans la présente espèce aux procédés couverts par les revendications 1, 8 et 13 sous leur forme actuelle.

Les revendications de produits (art. 53 b) CBE)

La question des variétés végétales

11. Dans le cas des revendications de produits 20 à 25, la question se pose de savoir si l'objet de ces revendications répond ou non aux conditions prévues à l'article 53 b) CBE, soit directement pour ce qui concerne les plantes revendiquées, soit indirectement pour ce qui est des semences hybrides revendiquées. En d'autres termes, il s'agit de savoir si les produits obtenus doivent être considérés comme des "variétés végétales" au sens de cette disposition et être exclus, par conséquent, de la brevetabilité.

12. La notion de "variété" n'est définie nulle part dans la Convention sur le brevet européen. Contrairement aux notions d'"espèce" et de "genre", elle n'a pas fait l'objet d'une définition taxonomique universellement admise.

S'agissant de cette exception particulière que constitue l'exclusion des variétés végétales de la brevetabilité, il ressort de la genèse de l'article 53 b) CBE que si les variétés végétales ont été exclues de la brevetabilité par la CBE, c'est essentiellement parce qu'un certain nombre d'Etats signataires, qui avaient déjà institué une protection juridique spéciale pour les obtentions végétales aux niveaux national et international (Convention UPOV), jugeaient que celle-ci répondait mieux aux intérêts des obtenteurs.

13. Dans la décision de la chambre de recours technique mentionnée ci-dessus (cf. point IV.b de l'exposé des faits et conclusions), la notion de "variétés végétales" au sens de l'article 53 b) CBE a été analysée à la lumière des dispositions correspondantes de la Convention UPOV. La chambre compétente avait conclu à l'époque que l'expression "variétés végétales" désigne un grand nombre de plantes qui possèdent dans une large mesure des caractéristiques identiques (critère d'"homogénéité") et qui ne varient que dans des limites bien déterminées après chaque reproduction ou chaque cycle reproductif (critère de "stabilité") (cf. point 2 des motifs de cette décision). Pour pouvoir être considérée comme une variété "végétale", une plante devrait donc satisfaire aux critères d'"homogénéité" et de "stabilité". La Chambre estime n'avoir aucune raison d'adopter une position divergente dans la présente espèce.

14. Lorsque l'on analyse l'objet des revendications de produit 20 à 25, qui portent sur des procédés généraux dans lesquels l'un au moins des parents utilisé au départ de tous les procédés est hétérozygote pour ce qui concerne un certain caractère, et ne se reproduira donc jamais de manière strictement identique, l'on constate que les plantes ou les semences hybrides revendiquées, considérées en tant qu'ensemble d'une population d'une génération, ne sont pas stables au sens de la définition donnée ci-dessus, et ne peuvent donc pas être considérées comme une "variété".

Ainsi que l'a souligné la requérante tout au long de la procédure, l'invention revendiquée ne vise pas, et à plus forte raison ne garantit pas, la stabilité au sens de la définition ci-dessus. Elle suppose bien au contraire le retour répété aux parents en vue d'une reproduction ultérieure par clonage, car les hybrides issus du croisement des parents, dont l'un est hétérozygote, ne permettent pas d'obtenir des plantes qui, reproduites ultérieurement par voie sexuée, resteraient stables en ce qui concerne certains caractères désirés. Même si sur l'ensemble de la génération hybride résultant des croisements effectués au niveau des parents clonés sélectionnés, il existait des individus qui restent stables en ce qui concerne un certain caractère lors des croisements et des reproductions ultérieurs, il n'en demeurerait pas moins vrai que, considérée dans son ensemble, la population d'une génération manque de stabilité. En outre, de tels individus isolés ne doivent pas être considérés comme couverts par la revendication de produit. La Chambre estime donc qu'en l'occurrence, les semences hybrides et les plantes issues de ces semences présentant un caractère instable sur l'ensemble de la population d'une génération, il n'est pas possible de les considérer comme des variétés végétales au sens de l'article 53 b) CBE. L'exclusion de la brevetabilité prévue dans ledit article ne s'applique donc pas à l'objet des revendications nouvelles 20 à 25.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'examen pour poursuite de la procédure sur la base des revendications 1 à 25 présentées lors de la procédure orale.

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