T 0208/84 (Invention concernant un calculateur) of 15.7.1986

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1986:T020884.19860715
Date de la décision : 15 Juillet 1986
Numéro de l'affaire : T 0208/84
Numéro de la demande : 79300903.6
Classe de la CIB : G06F 15/20
Langue de la procédure : EN
Distribution :
Téléchargement et informations
complémentaires :
PDF pas disponible
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : DE | EN | FR
Versions : OJ
Titre de la demande : -
Nom du demandeur : VICOM
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.5.01
Sommaire : 1. Même si l'idée qui sous-tend une invention peut être considerée comme résidant dans une méthode mathématique, la revendication ayant pour objet un procédé technique dans lequel la méthode est utilisée ne recherche pas la protection pour la méthode mathématique en tant que telle.
2. Une calculateur de type connu agencé pour fonctionner selon un nouveau programme ne peut être considéré comme étant compris dans l'état de la technique tel que défini à l'article 54(2) CBE.
3. Une revendication ayant pour objet un procédé technique qui est exécuté sous la commande d'un programme (que ce soit au moyen d'un matériel ou d'un logiciel) ne peut être considérée comme concernant un programme d'ordinateur en tant que tel.
4. Une revendication qui peut être considérée comme ayant pour objet un calculateur agencé pour fonctionner selon un programme spécifié (que ce soit au moyen d'un matériel ou d'un logiciel) pour la commande ou l'exécution d'un procédé technique ne peut être considérée comme concernant un programme d'ordinateur en tant que tel.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52(2)
European Patent Convention 1973 Art 52(3)
European Patent Convention 1973 Art 54(2)
Mot-clé : Méthode mathématique
Programme d'ordinateur
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0002/88
G 0003/08
G 0001/19
T 0107/87
T 0583/88
T 0236/91
T 0453/91
T 0833/91
T 0775/92
T 0820/92
T 0059/93
T 0572/93
T 0605/93
T 0190/94
T 0212/94
T 0263/94
T 0953/94
T 0905/95
T 0931/95
T 0410/96
T 1054/96
T 0935/97
T 0995/97
T 1173/97
T 0767/99
T 0154/04
T 1161/04
T 0365/05
T 1147/05
T 1569/05
T 0784/06
T 1029/06
T 1416/06
T 1814/07
T 1616/08
T 0531/09
T 0318/10
T 2330/13
T 0489/14
T 0140/15
T 0697/17
T 1924/17
T 0872/19

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 79 300 903.6 déposée le 22.5.1979 (n° de publication 0 005 954), revendiquant une priorité US du 26.5.1978 a été rejetée par décision de la Division d'examen 065 de l'Office européen des brevets en date du 13.4.1984. Cette décision a été rendue sur la base des revendications 1 à 12 déposées le 25.1.1984.

II. Le rejet se fondait sur les motifs suivants : les revendications indépendantes 1, 3, 5 et 12 portant sur la méthode concernent une méthode mathématique non brevetable en vertu de l'article 52(2)a) et (3) CBE ; les revendications dépendantes 2, 4, 6 et 7 ne contiennent aucune caractéristique technique additionnelle comme l'exige la règle 29(1) CBE et en l'absence d'une description étayant les revendications 8 à 11, qui portent sur le dispositif, ces revendications ne sont pas admissibles en vertu des articles 52(1) et 54 CBE.

Au surplus, la Division d'examen a estimé que la mise en oeuvre normale des méthodes revendiquées par un passage de programme sur un calculateur connu ne pouvait être considérée comme une invention eu égard aux articles 52(2)c) et (3) CBE.

III. Les demandeurs ont formé un recours contre cette décision le 12.6.1984. La taxe correspondante a été acquittée le même jour et le mémoire exposant les motifs du recours déposé le 16.8.1984.

IV. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, les demandeurs ont développé pour l'essentiel les arguments suivants :

La Division d'examen semblerait avoir tenu pour acquis que l'exposé de l'invention porte sur des opérations mathématiques pouvant être effectuées sur un calculateur universel conventionnel; que l'exposé ne comportant pas de discussion détaillée du circuit du matériel spécialisé, il n'existe aucune base pour prétendre que l'appareil est autre chose qu'un calculateur conventionnel programmé de manière appropriée. Pourtant, l'exposé de l'invention concernerait un matériel spécialisé devant être mis en oeuvre par l'homme du métier qui conçoit des circuits propres à exécuter les opérations spécifiques détaillées dans la description. Ces opérations y sont définies avec précision par des expressions mathématiques ; une objection portant sur le fait que la description n'étaie pas suffisamment les revendications à cet égard serait dépourvue de fondement, car il est parfaitement classique de définir des filtres en termes d'opérations mathématiques, étant donné que l'on peut raisonnablement attendre de l'homme du métier spécialisé dans l'étude des filtres qu'il sache "réduire" un filtre mathématiquement spécifié, sous la forme d'un circuit. Pour la commodité de la lecture, et comme cela est classique dans ce domaine technologique complexe, la description de l'opérateur de virgule et des circuits de masque est exprimée en termes mathématiques, ce qui est perçu par l'homme du métier comme se référant à une série de circuits logiques qui peuvent exécuter la fonction spécifiée par la description mathématique. Ainsi, les mathématiques constituent une simple sténographie permettant de décrire une fonction technique, et non pas l'invention dans sa totalité. On pourrait dire des étapes du procédé décrites dans les revendications qu'elles sont définies en termes de nouvel algorithme. La Division d'examen semblerait d'avis que quelque chose de défini en termes d'algorithme est par nature non brevetable. Les requérants considèrent que bien qu'un algorithme puisse être exclu en tant que tel en vertu de l'article 52(2) CBE, il apparaîtrait clairement qu'un procédé exécuté selon un algorithme n'est pas exclu par cette disposition. Une définition en termes d'algorithme ne diffère pas, en principe, de n'importe quelle autre sorte de définition technique d'un procédé et l'article 52(2) CBE ne fournirait aucune base pour établir une distinction entre les définitions fondées sur un algorithme et d'autres modes de définition, notamment si l'on considère le paragraphe (3) du même article. C'est la substance et non pas le mode de définition de l'objet revendiqué qui en détermine la brevetabilité.

En vertu de l'article 52(1) CBE, les brevets sont délivrés pour les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle. Les requérants vendent un produit couvert par les revendications de la demande, ce qui démontrerait clairement, selon eux, que la présente invention est susceptible d'application industrielle.

On peut lire dans les Directives relatives à l'examen (Partie C, Chapitre IV, page 36, point 2.3 Version française) sous la rubrique "Méthodes mathématiques" :

"Une méthode mathématique permettant d'obtenir des filtres électriques n'est pas brevetable ; néanmoins, les filtres obtenus d'après cette méthode pourraient être brevetés à condition de présenter une caractéristique technique inédite pouvant être protégée par une revendication du type produit".

Une caractéristique inédite existerait à l'évidence non seulement dans le matériel, mais également dans la méthode exposée dans les revendications sub judice. L'invention procurerait en outre un avantage technique par rapport à l'art antérieur, à savoir une importante augmentation de la vitesse de traitement.

Le filtrage numérique en général et le traitement d'images numériques en particulier sont des activités du "monde réel" qui commencent dans le monde réel (avec une image) et se terminent dans le monde réel (avec une image). Ce qui se produit dans l'intervalle n'est pas un processus abstrait, mais la manipulation physique de signaux électriques représentant l'image conformément aux procédures définies dans les revendications. La CBE ne fournirait aucune base permettant de réserver aux filtres numériques un traitement différent de celui accordé à des filtres analogues.

Les requérants auraient ainsi apporté une contribution nouvelle et utile à la somme des connaissances humaines et la protection par brevet ne saurait être déniée à cette contribution au simple motif que la manière dont est définie l'invention semblerait la faire entrer dans le cadre des exclusions visées à l'article 52(2) CBE.

Selon les requérants, l'invention envisage et divulgue de façon adéquate pour l'homme du métier l'utilisation d'un matériel spécial nouveau ainsi que l'utilisation d'étapes inédites d'une méthode, et on trouve ces caractéristiques techniques dans les revendications.

V. Dans une communication du 30.9.1985, le rapporteur de la Chambre a informé les requérants que la délivrance du brevet pouvait être envisagée s'ils modifiaient les revendications de méthode de telle sorte qu'elles s'appliquent au traitement numérique des images sous forme d'un ensemble de données à deux dimensions. Simultanément, il était signalé aux requérants que la Chambre renverrait probablement cette affaire devant la Division d'examen aux fins de traiter la demande sous l'angle des exigences de la CBE autres que l'admissibilité des revendications en vertu de l'article 52(2) et (3) auxquelles il ne serait pas satisfait.

VI. Le 11.11.1985, les requérants ont déposé des revendications modifiées 1 à 12 sur la base desquelles ils ont demandé la délivrance d'un brevet européen. Les revendications 1 et 8 se lisent comme suit :

1. Méthode de traitement numérique d'images sous forme d'un ensemble de données à deux dimensions ayant des éléments disposés en rangées et en colonnes, dans lequel une matrice opératoire d'une taille sensiblement inférieure à la taille de l'ensemble de données est soumise à une convolution avec ledit ensemble de données, comprenant un balayage séquentiel des éléments de l'ensemble de données avec la matrice opératoire, caractérisée en ce que la méthode comprend des cycles répétés de balayage séquentiel de la totalité des données dudit ensemble avec une matrice opératoire à petit noyau intégral pour générer un ensemble qui a subi une convolution, puis le remplacement de l'ensemble de données par le nouvel ensemble obtenu ; le petit noyau générateur restant le même pour tout balayage individuel de l'ensemble de données et, bien que comprenant nécessairement une multiplicité d'éléments, étant néanmoins d'une taille sensiblement inférieure à ce qu'on exige d'une matrice opératoire conventionnelle dans laquelle la matrice opératoire est soumise à une seule convolution avec l'ensemble de données, et le cycle étant répété pour chaque nouvel ensemble précédent de données en choisissant les matrices opératoires à petit noyau générateur et le nombre de cycles conformément aux techniques conventionnelles de minimalisation d'erreur jusqu'à ce que le dernier ensemble nouveau de données généré corresponde sensiblement à la convolution requise de l'ensemble initial de données avec la matrice opératoire conventionnelle.

8. Dispositif pour la mise en oeuvre de la méthode de la revendication 1 comprenant des moyens d'entrée de données (10) recevant ledit ensemble de données, et des moyens pour générer une matrice opératoire destinée à balayer l'ensemble de données de façon à produire la convolution requise de la matrice opératoire et de l'ensemble de données ; caractérisé en ce qu'il est prévu des moyens de réaction (50) pour transférer la sortie du moyen de masque (20) vers le moyen d'entrée de données, et des moyens de commande (30) pour provoquer la répétition suivant un nombre de fois prédéterminé, du balayage et du transfert de la sortie du moyen de masque (20) vers le moyen d'entrée de données.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.

2. Dans la décision entreprise, la Division d'examen a considéré que la méthode du filtrage numérique d'un ensemble de données à deux dimensions (représentant une image mise en mémoire) selon la revendication 1 qui lui avait été soumise était une méthode mathématique, parce qu'en tout état de cause la partie caractérisante de la revendication ne faisait qu'ajouter un concept mathématique différent et ne définissait pas un objet technique inédit en termes de caractéristiques techniques. La première instance a considéré en outre que de telles revendications ne concernaient qu'une approximation mathématique de la fonction de transfert d'un filtre à réponse impulsionnelle finie (FIR) à deux dimensions mis en oeuvre par une convolution directe ou conventionnelle. Enfin, la Division d'examen a estimé que le traitement numérique d'images en tant que tel était un simple calcul exécuté sur des ensembles à deux dimensions de nombres (représentant les points d'une image) utilisant certains algorithmes pour lisser ou rendre plus net le contraste entre éléments de données voisins dans un ensemble. Le filtrage numérique doit par conséquent être regardé comme une opération mathématique.

3. Bien que la question de savoir si une méthode de traitement des images est susceptible ou non d'application industrielle (article 57 CBE) n'ait pas été explicitement soulevée dans la procédure devant la Division d'examen, il paraît souhaitable de considérer ce point avant d'examiner l'admissibilité des revendications en vertu de l'article 52(2) et (3) CBE.

Le point de vue actuel de la Chambre est qu'il y a lieu de répondre affirmativement à cette question.

Il est clair qu'une méthode permettant d'obtenir ou de reproduire - ou les deux - une image d'un objet physique ou même une image d'un objet simulé (comme dans les systèmes CAO/FAO de conception assistée par ordinateur et de fabrication assistée par ordinateur), peut être utilisée par exemple dans l'étude des propriétés de l'objet ou dans la conception d'un article industriel et qu'elle est par conséquent susceptible d'application industrielle. De la même manière, une méthode pour améliorer la qualité de l'image lorsqu'elle est produite, sans ajouter à son contenu en information, doit être considérée comme susceptible d'application industrielle au sens de l'article 57 CBE.

Cependant, l'argument invoqué par les requérants selon lequel le fait qu'ils vendent un calculateur incorporant quelque matériel ou logiciel nouveau ou les deux constitue la preuve de l'applicabilité industrielle ne saurait être admis dans la mesure où le procédé mis en oeuvre sous la commande d'un tel matériel ou logiciel est concerné. Même si un calculateur est un produit industriel, il ne s'ensuit pas inévitablement qu'un procédé mis en oeuvre sous sa commande est applicable industriellement. Ce procédé pourrait, par exemple, s'appliquer exclusivement à un jeu.

4. Les actuelles revendications de méthode 1 à 7 et 12 ont pour objet des méthodes pour le traitement numérique d'images. Une question fondamentale sur laquelle il y a lieu de statuer en la présente espèce est donc celle de savoir si ce type de méthode est considéré comme non brevetable en vertu de l'article 52(2) et (3) CBE au motif qu'il s'agit d'une méthode mathématique en tant que telle.

5. Il ne fait aucun doute que n'importe quelle opération mathématique portant sur un signal électrique peut être décrite en termes mathématiques. Les caractéristiques d'un filtre, par exemple, peuvent s'exprimer par une formule mathématique. Toutefois, une différence fondamentale entre une méthode mathématique et un procédé technique peut être perçue dans le fait qu'une méthode mathématique ou un algorithme mathématique s'applique à des nombres (quoi que ces nombres puissent représenter) et donne un résultat également sous forme numérique, la méthode mathématique ou l'algorithme n'étant qu'un concept abstrait prescrivant la façon de traiter les nombres. Aucun résultat technique direct n'est produit par la méthode en tant que telle. Par contre, si l'on utilise une méthode mathématique dans un procédé technique, ce procédé s'applique à une entité physique (qui peut être un objet matériel mais également une image mémorisée sous forme de signal électrique) par quelque moyen technique mettant en oeuvre la méthode et il en résulte une certaine modification de cette entité. Le moyen technique peut aussi consister en un calculateur comportant un matériel ad hoc ou un un calculateur universel programmé de manière appropriée.

6. La Chambre est par conséquent d'avis que, même s'il est possible de considérer que l'idée qui sous-tend une invention réside en une méthode mathématique, une revendication portant sur un procédé technique dans lequel la méthode est utilisée ne recherche pas la protection pour la méthode mathématique en tant que telle.

7. Par contre, une "méthode pour le filtrage numérique de données" reste une notion abstraite ne se distinguant pas d'une méthode mathématique aussi longtemps qu'il n'est pas spécifié que les données représentent une entité physique, et laquelle, et que cette entité est l'objet d'un procédé technique, c'est-à-dire d'un procédé susceptible d'application industrielle.

8. La règle 29(1) CBE dispose que les revendications doivent définir l'objet de la demande "en indiquant les caractéristiques techniques de l'invention". La Chambre considère que cette condition est remplie dès lors que les caractéristiques mentionnées dans les revendications seront comprises par l'homme du métier comme se rapportant au moyen technique permettant d'exécuter les fonctions spécifiées par de telles caractéristiques. Par conséquent, l'utilisation d'expressions mathématiques (telles qu'"addition, multiplication, convolution, conjonctions logiques" etc.) est admissible pour la commodité de l'exposé, à condition bien entendu que la revendication soit claire et concise (article 84 CBE) et que l'homme du métier puisse comprendre quels sont les moyens techniques nécessaires à partir de la description ou de sa propre connaissance générale du domaine concerné ou des deux, en vue de satisfaire aux exigences de l'article 83 CBE.

9. Pour toutes les raisons qui précèdent, la Chambre est parvenue à la conclusion que l'objet de la revendication 1 (de même que celui des autres revendications de méthode 2 à 7 et 12) n'est pas exclude la protection par l'article 52(2)a) et (3) CBE.

10. La Chambre examinera ci-après le raisonnement de la Division d'examen selon lequel la mise en oeuvre des méthodes revendiquées pour le traitement d'images par un programme passé sur un calculateur ne saurait être considérée comme une invention au titre de l'article 52(2)c) et (3) CBE, ce qui apparemment revient à dire qu'une revendication ayant un tel objet recherche la protection pour un programme d'ordinateur en tant que tel.

11. Les requérants ont souligné que la demande divulgue un matériel nouveau destiné à mettre en oeuvre les méthodes revendiquées mais ils admettent d'autre part qu'au moins en principe, il est possible de mettre en oeuvre la méthode et le dispositif selon la demande au moyen d'un calculateur conventionnel programmé de façon appropriée, bien qu'un tel calculateur puisse ne pas être optimisé pour effectuer le traitement numérique des images (cf. page A-2 Mémoire exposant les motifs du recours).

12. La Chambre pense qu'une revendication portant sur un procédé technique réalisé sous la commande d'un programme (que celui-ci soit mis en oeuvre au moyen de matériel ou d'un logiciel), ne peut être considérée comme concernant un programme d'ordinateur en tant que tel au sens de l'article 52(3) CBE, car c'est pour l'application du programme qui détermine la succession des étapes du procédé que la protection est en fait recherchée. Par conséquent, une telle revendication est admissible en vertu de l'article 52(2)c) et (3) CBE.

13. S'agissant de la revendication 8 sur le dispositif, la Division d'examen a jugé qu'elle n'est pas admissible parce qu'un dispositif nouveau n'y est pas clairement décrit. Selon la décision entreprise, cette revendication interprétée à la lumière de la description et des dessins semble impliquer exclusivement l'emploi d'un calculateur conventionnel, lequel ne pourrait pas servir de base à une revendication de produit admissible compte tenu des articles 52(1) et 54 CBE. La Chambre entend par là que, de l'avis de la Division d'examen, un calculateur conventionnel programmé pour mettre en pratique une méthode selon une ou plusieurs des revendications qui la définissent n'est pas nouveau.

14. La Chambre estime toutefois que l'article 54 CBE ne donne pas lieu à une telle interprétation. Un calculateur de type connu agencé pour fonctionner selon un programme nouveau ne saurait être considéré comme faisant partie de l'état de la technique tel que défini à l'article 54(2) CBE.

Cela ressort particulièrement à l'évidence en la présente espèce, où les revendications 8 à 11 couvrent également et sans équivoque et l'utilisation d'un matériel spécial pour lequel des indications sont données dans la description, et des solutions mixtes combinant du matériel spécial avec un programme approprié.

15. Compte tenu de certaines considérations de la Division d'examen qui semblent s'appliquer aussi aux revendications de dispositif (voir paragraphe 10 supra), il reste à examiner si l'actuelle revendication 8 se rapportant au dispositif soulève des objections en vertu du paragraphe (2)c) de l'article 52 CBE tel que modifié par le paragraphe (3). Pour des raisons analogues à celles énoncées au point 12 supra, la Chambre estime que ce n'est pas le cas et qu'il en va de même pour les autres revendications afférentes au dispositif, à savoir 9 à 11. D'une manière générale, des revendications qui peuvent être considérées comme portant sur un calculateur agencé de manière à fonctionner conformément à un programme spécifié (que ce soit au moyen d'un matériel ou d'un logiciel) pour la commande ou la mise en oeuvre d'un procédé technique ne sauraient être regardées comme concernant un programme d'ordinateur en tant que tel et ne soulèvent par conséquent aucune objection en vertu de l'article 52(2)c) et (3) CBE.

16. En aboutissant à cette conclusion, la Chambre a estimé de surcroît qu'il ne convient pas de faire une distinction entre des modes de réalisation de la même invention effectués soit au moyen de matériel, soit de logiciel, car on peut affirmer à juste titre que le choix entre ces deux possibilités n'est pas de nature fondamentale et qu'il se greffe sur des considérations techniques et économiques sans rapport avec le concept inventif en tant que tel.

Sur un plan général, une invention qui serait brevetable conformément aux critères classiques de la brevetabilité ne doit pas être exclue de la protection simplement du fait que des moyens techniques modernes sous la forme d'un programme d'ordinateur sont employés pour sa réalisation ; le critère déterminant étant, en l'occurrence, la contribution qu'apporte à l'état de la technique l'invention telle que définie dans la revendication et considérée dans son ensemble.

Enfin, il semblerait illogique d'accorder la protection à un procédé technique commandé par un calculateur programmé de manière appropriée, pour la refuser au calculateur lui-même lorsqu'il est agencé pour remplir la fonction considérée.

17. En théorie du moins, on pourrait se demander si des revendications qui portent sur un dispositif permettant d'exécuter une certaine fonction doivent être limitées au dispositif, dès lors qu'il assume en fait cette fonction, ce qui signifie en l'espèce que sous la commande du programme, le calculateur prend une succession de configurations différentes pour effectuer des opérations sur le signal électrique représentant l'image. Toutefois, la Chambre rejette ce point de vue, car il se traduirait par une limitation peu souhaitable des possibilités offertes au titulaire du brevet pour faire valoir ses droits.

18. Il convient de mentionner ici incidemment que le programme de calculateur auquel il est fait référence à la page 14, à partir de la ligne 16 de la description sert simplement à calculer les valeurs des éléments du petit noyau générateur et les valeurs de pondération. Il ne fait pas partie des méthodes de traitement de l'image revendiquées, et n'est pas non plus mis en oeuvre dans les revendications de dispositif. Un tel programme ne serait assurément pas brevetable, compte tenu des considérations qui précèdent.

19. Au cours de la procédure, la Division d'examen a également soulevé des objections quant à l'absence d'activité inventive et à l'insuffisance de la description. La discussion de ces points entre la Division d'examen et les demandeurs ne semble pas définitivement close.

20. Dans le but de ne pas priver les requérants d'un examen à deux degrés et comme ils l'ont demandé dans leur mémoire exposant les motifs du recours, la Chambre estime qu'il convient de renvoyer l'affaire devant la Division d'examen aux fins de traiter les points en cause de façon appropriée, le cas échéant sur la base des modifications qui lui apparaîtraient nécessaires en vue de satisfaire notamment aux dispositions des articles 83 et 84 et des règles 27 et 29 CBE.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision de la Division d'examen du 13 avril 1984 est annulée.

2. L'affaire est renvoyée devant la Division d'examen pour suite à donner sur la base des revendications 1 à 12 déposées le 11 novembre 1985.

Quick Navigation