T 0069/83 (Matières à mouler thermoplastiques) of 5.4.1984

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1984:T006983.19840405
Date de la décision : 05 Avril 1984
Numéro de l'affaire : T 0069/83
Numéro de la demande : 78101145.7
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : DE
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Bayer
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.01
Sommaire : 1. Si, dans un mélange de substances, en abandonnant un composant avantageux selon l'état de la technique, on se borne à se résigner à accepter l'inconvénient ainsi créé, on ne saurait avoir vaincu par là un préjugé.
2. Si l'état de la technique contraint l'homme du métier, en vertu d'une partie essentielle du problème technique existant, à choisir une solution déterminée, le fait que cette solution permette aussi de résoudre simultanément et de façon inattendue un problème partiel ne la rend pas nécessairement inventive.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 52
Mot-clé : Activité inventive
Préjugé (nié)
Etat de la technique le plus proche
Effet inévitablement obtenu
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0021/89
T 0146/89
T 0541/89
T 0713/90
T 0920/90
T 0412/93
T 0431/93
T 0703/93
T 0663/94
T 0681/94
T 0848/94
T 0317/95
T 0741/95
T 0777/95
T 0422/97
T 0956/98
T 0164/00
T 0184/00
T 0660/00
T 0866/01
T 1013/02
T 0881/05
T 0030/10
T 2043/12
T 1311/13

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 78 101 145.7., déposée le 14 octobre 1978, pour laquelle a été revendiquée la priorité d'une demande antérieure allemande du 26 octobre 1977, a donné lieu le 15 juillet 1981 à la délivrance du brevet européen n° 0 001 624, sur la base d'une unique revendication.

Cette revendication s'énonce comme suit:

"Matières à mouler thermoplastiques consistant en:

A) 25 à 95 % en poids d'un polymère greffé de 70 à 30 % en poids d'un mélange de 95 à 50 % en poids de styrène et 5 à 50 % en poids d'acrylonitrile sur 30 à 70 % en poids de caoutchouc EPDM, et

B) 5 à 75 % en poids d'un copolymère ternaire de l'acrylonitrile, de l'anhydride maléique et du styrène, caractérisées en ce que le copolymère ternaire contient, à l'état polymérisé, 10 à 30 % en poids d'acrylonitrile, 7,5 à 15 % en poids d'anhydride maléique, 82,5 à 55 % en poids de styrène, les indications de pourcentages se rapportant à un total de 100".

Dans la suite du texte, les abréviations ont la signification suivante:

AN = acrylonitrile

S = styrène

MA = anhydride maléique

SAN = résine styrène/acrylonitrile

SAN-MA = résine styrène/acrylonitrile/ anhydride maléique

ABS = polymère greffé de styrène et d'acrylonitrile sur du polybutadiène

AES = polymère greffé de styrène et d'acrylonitrile sur du caoutchouc EPDM.

II. Les opposantes ont formé opposition au brevet européen et requis sa révocation pour défaut de nouveauté et d'activité inventive, respectivement le 23 janvier et le 3 avril 1982. Les motifs de l'opposition s'appuyaient sur un état de la technique nouvellement cité, à savoir les documents

(1) DE-A-1 949 487

(2) DE-A-1 965 283

(3) GB-A-1 375 508,

complété après l'expiration du délai d'opposition par la publication

(4) "EPDM Elastomers in rubber modified plastics", dans Rubber Chemistry and Technology, septembre 1971, vol. 44, n° 4, p. 1130 à 1146.

III. Par décision du 4 novembre 1982, la Division d'opposition a rejeté l'opposition; elle a exposé que l'objet du brevet est non seulement nouveau, mais aussi représente une sélection inventive à partir de l'état de la technique selon (1).

La sélection porte, d'une part, sur les caoutchoucs EPDM, comme support de greffage, dans l'ensemble des caoutchoucs ayant une température de transition vitreuse inférieure à -30°C, et, d'autre part, sur des copolymères ternaires déterminés, dans un groupe comprenant des copolymères ternaires de ce type répondant à des proportions beaucoup plus étendues, des copolymères MA-S ainsi que des mélanges de ces deux derniers avec des copolymères SAN, tandis que, de surcroît, toujours selon l'invention, la proportion du polymère greffé peut être presque double de celle indiquée dans l'état de la technique.

La sélection n'a donc nullement consisté uniquement à choisir simplement la seule classe de caoutchouc comprise dans la revendication de (1), qui ne soit pas mentionnée dans ce document.

La combinaison sélectionnée conduit, d'après l'essai comparatif, au résultat que les matières à mouler selon l'invention deviennent plus faciles à transformer lorsque la température augmente, alors que pour des produits analogues à base de polybutadiène l'aptitude à la transformation diminue (description p. 4, lignes 36 s.).

Le choix du caoutchouc EPDM comme support de greffage pour le composant A apporte déjà par rapport à l'état de la technique (polybutadiène comme support de greffage) une inversion de l'effet de la température dans le test de fluidité à la spirale. Ce résultat est surprenant. L'opposante II nie, il est vrai, la valeur informative de cet essai comparatif, parce qu'il aurait fallu faire appel à l'exemple 25 tiré du document (1) constituant l'état de la technique le plus proche comme comparaison. Il aurait cependant incombé aux opposantes de démontrer par leurs propres essais comparatifs qu'une telle comparaison ait été plus significative.

En outre, il est indiqué dans le document (1) que si les matières à mouler qui y sont décrites peuvent être constituées- tout comme celles concernées par le présent brevet - du mélange de deux composants polymère greffé-copolymère ternaire, la présence d'un troisième composant, un copolymère SAN, n'en est pas moins particulièrement avantageuse (voir p. 3, 3ème alinéa, lignes 4 à 8). Dans ces conditions, il existait même, pour l'homme du métier, un préjugé contre le choix de la combinaison revendiquée par la titulaire du brevet.

Pour ce qui est des autres documents cités, leurs objet était encore plus éloigné de l'invention.

L'opposante II a introduit un recours contre cette décision le 30 décembre 1982 et a acquitté simultanément la taxe correspondante. Elle a déposé le 28 février 1983 le mémoire exposant les motifs du recours, qui a, pour l'essentiel, la teneur suivante:

il est connu d'après le document (1) que la température de Vicat d'un mélange d'un copolymère ternaire SAN-MA avec un polymère greffé SAN sur un caoutchouc est plus élevée que celle du polymère greffé seul. De plus, le document (3) enseigne que les copolymères greffés sur du caoutchouc EPDM ont une résistance à l'oxydation et une tenue à la lumière meilleures. Il est donc évident de combiner un polymère greffé à base d'EPDM avec un copolymère ternaire selon (1). Au demeurant, l'objet évident de la demande ne saurait être rendu brevetable par le biais d'un effet supplémentaire. La révocation du brevet a par conséquent été requise.

IV. La titulaire du brevet réfute les allégations de la requérante et demande le rejet du recours.

V. La Chambre s'est efforcée, dans une notification aux parties, de situer le problème technique significatif pour l'appréciation de l'activité inventive, sur la solution duquel porte le brevet contesté. Pour cela, l'accent a été mis sur le document (3) et il a été donné à entendre que les matières à mouler qui y étaient décrites ne se distinguaient de celles selon le brevet contesté que par le remplacement du copolymère SAN par un copolymère ternaire SAN-MA, ce qui, d'après les indications contenues dans le fascicule du brevet, conduit à une fluidité apparemment bonne (aussi bonne), à une bonne ténacité inchangée et à une résistance au fluage à chaud accrue d'au moins 12°C. Le problème à résoudre devrait ainsi avoir été celui d'améliorer cette dernière propriété.

La question est dès lors néanmoins de savoir si la solution proposée de ce problème n'était pas évidente compte tenu du document (1), selon lequel la stabilité dimensionnelle à chaud doit être manifestement attribuée au composant SAN-MA (cf. exemple 25 et p. 5, lignes 1 à 4).

En ce qui concerne les indications générales contenues dans le fascicule du brevet quant à la bonne résistance aux intempéries, à la stabilité dimensionnelle à chaud élevée, à la ténacité élevée et à une bonne aptitude à la transformation, ne peut-on ainsi percevoir en l'état une amélioration sous ces différents aspects pour les matières à mouler brevetées par rapport au document (3).

Pour ce qui est de l'essai comparatif, l'attention a été attirée sur le fait que la valeur de l'effet obtenu pour la pratique n'avait pas été exposée à ce stade de manière que l'on puisse en retirer d'autre élément pour la définition du problème.

VI. Dans sa réplique, la titulaire du brevet défend l'opinion selon laquelle il convient de laisser à la Chambre le soin de décider si c'est le document (1) ou le document (3) qui constitue l'état de la technique le plus proche et qui est donc pertinent pour la détermination du problème.

De façon très simplifiée, le brevet contesté concerne un mélange de SAN-MA et d'AES, le document (3) un mélange de SAN et d'AES et le document (1) un mélange de SAN-MA et d'ABS. Selon la titulaire du brevet, il faut en réalité considérer les relations de façon plus différenciée: par exemple, il y a lieu de tenir compte de la composition des produits et du fait que le document (1) ne donne qu'un exemple parmi 27 dans lequel entre en jeu du SAN-MA, en l'occurrence en combinaison avec un produit greffé qui n'est pas de l'ABS, mais un polymère greffé à base de caoutchouc d'acrylate.

Si l'on considère le document (1) comme état de la technique le plus proche, l'effet inattendu consiste dans la meilleure aptitude à la transformation à des températures croissantes. A supposer que le document (3) représente l'état de la technique le plus proche, l'effet consiste par contre en un accroissement considérable de la résistance au fluage à chaud, sans affaiblissement des autres propriétés essentielles. Depuis des années, on a fait l'expérience que l'amélioration d'une propriété dans des produits polymères du type en question doit s'obtenir au prix de pertes pour d'autres propriétés. Par exemple, l'amélioration de la stabilité dimensionnelle à chaud va normalement de pair avec une diminution de l'aptitude à la transformation ou une amélioration de la ténacité s'accompagne d'une dégradation de l'état de surface.

L'effet ne doit pas seulement être vu dans l'amélioration de la stabilité dimensionnelle à chaud, mais dans le fait que cette amélioration n'entraîne pas la dégradation d'autres propriétés. Il est incontestable que dans le document (1) ce n est pas le cas; s'il y est en effet indiqué, à la page 2, 2ème alinéa, que les produits qui y sont décrits ont une stabilité dimensionnelle à chaud accrue, leurs propriétés mécaniques sont mentionnées comme étant exploitables, mais non, par exemple, comme des propriétés bonnes ou remarquables.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 CBE; il est donc recevable.

2. Il y a lieu tout d'abord d'établir lequel des deux documents (1) et (3) est le plus proche de l'objet du brevet contesté. Ce dernier concerne des matières à mouler thermoplastiques consistant en un mélange d'AES (composant A) et de SAN-MA (composant B), dans le cas desquelles doivent être respectées, pour chacun des composants et entre les composants, les limites de proportion indiquées plus précisément dans la revendication. Les mélanges se caractérisent en particulier par leur bonne résistance aux intempéries, leur stabilité dimensionnelle à chaud élevée, leur ténacité élevée et leur bonne aptitude à la transformation (cf. p. 3. lignes 37 et 38).

La première instance a considéré que l'objet en cause était une sélection à partir du document (1), et par conséquent, que le document (1) était l'antériorité la plus proche. Celle-ci concerne en première approximation des mélanges d'ABS et de SAN-MA, qui se distinguent de ceux selon la revendication actuelle du brevet par l'échange de l'ABS contre l'AES, c'est-à-dire dans le composant polymère greffé.

Si l'on choisit par contre comme base de comparaison l'antériorité (3), qui, considérée de façon simplifiée, décrit des mélanges d'AES et de SAN, la différence par rapport aux mélanges du brevet contesté réside dans l'échange du SAN contre le SAN-MA, donc dans le composant copolymère.

Dans cette situation, le choix entre les documents (1) et (3) comme base de référence pour l'objet du brevet doit paraître arbitraire à première vue.

Une analyse plus détaillée de la proportion des deux composants dans le mélange n'est pas non plus ici d'un grand secours, car les matières à mouler selon le document (3) peuvent, tout comme celles selon la revendication actuelle du brevet, contenir au choix chacun des deux constituants comme composant principal [cf. document (3), revendications 1, 12 et 16 en combinaison avec p. 3, lignes 57 à 72 et 106 à 108]. Le document (1) laisse également sans réponse la question de la détermination du composant principal, tout au moins dans le domaine limite (50:50). Une comparaison de la composition des composants individuels se révèle également vaine [cf. la présente revendication et celle de l'antériorité (1) ainsi que, dans l'antériorité (3), les revendications 1 et 12 et les tableaux 1 et 2].

Lorsqu'en considérant les aspects de constitution en même temps que le domaine général d'application (matières à mouler thermoplastiques) on ne parvient pas à choisir quel est l'état de la technique le plus proche, les propriétés spéciales recherchées dans de tels mélanges peuvent encore se révéler déterminantes. Comme on l'a indiqué au début, les mélanges revendiqués dans le cas d'espèce visent à l'obtention d'une bonne résistance aux intempéries, d'une ténacité élevée et d'une bonne aptitude à la transformation. Face à ces exigences, les mélanges à base de polymères greffés ABS, comme ceux du document (1), doivent être éliminés d'emblée à cause de leur résistance insuffisante notoire aux intempéries, tandis que les mélanges à base de polymères greffés AES - qui ont en même temps une ténacité élevée - sont ici parfaitement appropriés (cf. document (3), p. 1, lignes 37 à 44, p. 2, lignes 1 à 9 et le présent fascicule de brevet européen, p. 2, lignes 3 à 7]; en effet, la résistance insuffisante aux intempéries est inhérente au système ABS et ne peut pas, comme la stabilité dimensionnelle à chaud et l'aptitude à la transformation, être influencée par une modification du composant copolymère [cf. document (1), p. 3, 3ème alinéa et p. 5 1er alinéa], mais seulement par l'addition de stabilisants contre le vieillissement et contre le rayonnement UV, ce qui entraîne qu'avec la composition qu'il implique, on songerait à éloigner encore plus le document (1) de l'objet du brevet contesté. Il en découle que le document (3) est en fait plus proche que le document (1) de l'objet du brevet contesté. Ce document (3) doit donc servir de point de départ pour la détermination du problème technique qui est à la base de ce brevet.

3. Comme cela a déjà été exposé, le document (3) décrit des polymères greffés AES (cf. revendication 1 en combinaison avec revendication 16, p. 3, lignes 57 à 72 en combinaison avec p. 2, lignes 77 à 119) et leurs mélanges thermoplastiques avec du SAN (cf. revendication 16, p. 3, lignes 57 à 72 en combinaison avec p. 2, lignes 116 à 119), qui sont dans une large mesure résistants aux intempéries (cf. p. 1, lignes 37 à 50) et possèdent de bonnes propriétés mécaniques et physiques, en particulier une résistance élevée au choc sur éprouvette entaillée (cf. p. 2, lignes 1 à 6, p. 3, lignes 51 à 56 et les exemples 1 à 21).

Pour situer le problème technique, il faut examiner ce qu'apportent les mélanges selon le brevet contesté. La titulaire du brevet fait valoir que la stabilité dimensionnelle à chaud est améliorée tandis que les autres propriétés, comme la ténacité et la fluidité, demeurent aussi bonnes. Si l'on se réfère au tableau 1 du présent fascicule de brevet européen, dans lequel sont donnés pour des AES-SAN-MA (exemples 1 à 5) et du AES-SAN (exemple 6) la résistance au choc (an), la résistance au choc sur éprouvette entaillée (ak), la stabilité dimensionnelle à chaud (Vicat) et le comportement à l'écoulement (MFI), on constate tout d'abord pour les composés selon les exemples 1 à 5 une amélioration sensible de la stabilité dimensionnelle à chaud (de 11 à 16°C selon Vicat B). En ce qui concerne la résistance au choc sur éprouvette entaillée, on ne peut pas parler d'amélioration à ce point, car les valeurs accusent, en fonction de la température, une variation plus ou moins forte au delà ou au deçà de la valeur correspondant à la substance de comparaison (exemple 6). Pour ce qui est du comportement à l'écoulement, les mélanges brevetés (exemples 1 à 5) sont inférieurs aux mélanges d'AES-SAN.

Par rapport au document (3), le problème technique revenait donc à proposer pareillement des matières à mouler thermoplastiques à base de polymères greffés AES résistantes aux intempéries, qui présentent une stabilité dimensionnelle à chaud améliorée pour une ténacité (résistance au choc) comparable mais pour une fluidité ( = aptitude à la transformation) devant être acceptée comme inférieure (cf. lettre de la titulaire du brevet du 14 septembre 1983. p. 2. 2ème alinéa).

Les mélanges de polymères greffés AES et de copolymères ternaires SAN-MA, plus précisément définis dans la revendication du brevet, sont offerts en vue de résoudre ce problème.

4. Il est incontestable qu'un tel enseignement n'est pas déductible de l'état de la technique cité; il est donc nouveau.

Il convient par conséquent d'examiner s'il repose sur une activité inventive. Il a déjà été mentionné que l'objet du brevet constaté se distingue des mélanges thermoplastiques selon le document (3) essentiellement par le remplacement du copolymère SAN par le copolymère ternaire SAN-MA, de sorte que se pose la question de savoir si le document (1) peut suggérer cette démarche.

Selon ce document, on surmonte l'inconvénient de la faible stabilité dimensionnelle à chaud de mélanges thermoplastiques de copolymères SAN, d'une part, et de caoutchouc polymérisé avec greffage de S et d'AN, d'autre part (cf. p. 1. 1er alinéa), en ajoutant un copolymère S-MA ou un copolymère ternaire SAN-MA (forme de réalisation dans laquelle sont présents dans le mélange les composants A, B et C conformément à la revendication du brevet) ou en remplaçant le copolymère SAN par un copolymère ternaire du type susmentionné (mélange des composants A et C selon la revendication du brevet). Il est confirmé aux pages 4 et 5. dans le paragraphe commun à ces deux pages, que les trois composants sont compatibles; cela entraîne que la stabilité dimensionnelle à chaud élevée du composant S-MA (a), qui, selon la revendication peut également être du SAN-MA, les bonnes propriétés du composant SAN (b) et la ténacité du composant polymère greffé (c) peuvent être maintenues. Les bonnes propriétés du composant (b), que l'on peut choisir d'utiliser ou non, sont d'ailleurs considérées comme consistant - outre en une meilleure résistance aux solvants - en l'amélioration, pertinente ici, de l'aptitude à la transformation (cf. p. 3, lignes 18 à 22).

Il convient d'en déduire que chaque composant apporte sa contribution particulière aux propriétés utiles du mélange, sans que les composants se nuisent mutuellement. Cela contredit la déclaration de la titulaire du brevet, qui affirme tout à fait gratuitement que l'on a constaté depuis des années que l'amélioration d'une propriété des produits polymères en cause doit s'obtenir au prix de pertes pour d'autres propriétés.

L'homme du métier qui, partant de mélanges thermoplastiques selon le document (3), s'était fixé comme objectif prioritaire l'amélioration de leur stabilité dimensionnelle à chaud devait, en se fiant à l'indication tirée du document (1), escompter de la conjonction des propriétés de leurs composants que le copolymère ternaire SAN-MA, qui y est responsable de la stabilité dimensionnelle à chaud, produise également cet effet dans des mélanges semblables à base d'AES.

Il ne faudrait certes pas méconnaître la particularité structurale des polymères greffés d'AES par rapport aux polymères greffés d'ABS (voir le présent fascicule de brevet européen, p. 1, 1er alinéa), qui engendre la résistance améliorée aux intempéries du système AES. Cependant, chacun des deux systèmes polymères greffés mentionnés communique aux matières thermoplastiques selon les documents (1) et (3) la ténacité nécessaire, de sorte que, pour ce qui est de cette propriété, les systèmes pouvaient être considérés comme échangeables, sans craindre que le remplacement du copolymère SAN par le copolymère ternaire SAN-MA dans les matières thermoplastiques selon le document (3) ne nuise à cette propriété ainsi qu'à d'autres.

L'homme du métier, qui, face au problème consistant à améliorer, sans diminution de la ténacité, la stabilité dimensionnelle à chaud de matières thermoplastiques selon le document (3), aurait proposé, en suivant l'enseignement selon le document (1), le remplacement du SAN par du SAN-MA aurait néanmoins eu conscience que ce remplacement pouvait avoir pour conséquence, en l'absence du composant SAN, une diminution de la fluidité; en effet, d'après le document (1), la présence de ce composant améliore l'aptitude à la transformation du mélange du SAN-MA et de polymère greffé d'ABS (cf. page 3, lignes 18 à 22). Cette diminution de la fluidité de telles matières thermoplastiques est d'ailleurs effectivement observée (voir le présent fascicule de brevet européen, tableau 1, colonne MFI, exemple 6 par rapport aux exemples 1 à 5) et concédée, de sorte que la titulaire du brevet, par le biais de la préparation des matières conformément au brevet contesté, a seulement enseigné ce à quoi on devait s'attendre compte tenu de l'état de la technique. L'abandon d'un composant considéré comme avantageux selon l'état de la technique [composant 8 du document (1)] laisse donc conclure que l'on s'est sciemment résigné à accepter un inconvénient, et non qu'un préjugé a été vaincu, comme l'estime la première instance.

Lorsque la titulaire du brevet fait valoir qu'il faut considérer les relations de façon plus différenciée, d'autant que sur les 27 matières à mouler décrites à titre d'exemple selon le document (1) le SAN-MA n'entre en jeu que dans un seul cas (exemple 25) et, au surplus, en combinaison avec un polymère greffé sur une base de caoutchouc d'acrylate (cf. exemple 25 en combinaison avec p. 5, dernière ligne et p. 6. 3ème alinéa), elle se fixe ainsi de manière irrecevable sur les exemples de ce document. Abstraction faite de ce que parmi ces exemples seulement 14 représentent les mélanges revendiqués dans ce document (exemples 14 à 27), il faut selon la jurisprudence de la Chambre, pour l'examen de l'activité inventive, faire appel à toutes les formes de réalisation publiées auparavant qui pouvaient suggérer à l'homme du métier une solution au problème posé, qu'elles aient ou non été particulièrement mises en relief (décision T 24/81 "Valorisation des métaux", Journal officiel de l'OEB n° 4/1983, p. 133, en particulier Sommaire II). Comme on l'a exposé, cette condition vaut aussi bien pour le copolymère ternaire SAN-MA en tant qu'unique composant susceptible de remplacer le copolymère S-MA (cf. revendication et p. 2, 4ème et 5ème lignes à partir du bas) que pour le caoutchouc greffé d'ABS (cf. p. 6, 4ème alinéa).

5. Cela étant, l'essai comparatif décrit dans le présent fascicule de brevet européen a également joué un rôle dans la procédure devant la première instance, car son résultat (test de fluidité à la spirale) a été considéré comme inattendu et comme étayant la sélection inventive à partir du document (1). Le résultat montre que la nature du polymère greffé dans le mélange avec le copolymère ternaire SAN-MA influence différemment l'aptitude à la transformation du mélange au-delà d'une température de 220°C, c'est-à-dire qu'elle l'influence positivement lorsqu'on utilise de l'AES et, au contraire, négativement lorsqu'un utilise de l'ABS. Cela entraîne, d'après la titulaire du brevet, que les matières thermoplastiques selon le brevet contesté remplissent plus complètement et plus rapidement le moule à injection, si bien qu'elles peuvent être injectées plus vite que celles selon le document (1).

Afin d'être pertinent pour l'appréciation de l'activité inventive, un essai comparatif doit se fonder sur l'état de la technique le plus proche. Comme indiqué au point 2, les matières thermoplastiques selon le document (1) ne se prêtent pas à une telle comparaison, car l'homme du métier, à cause de leur résistance insuffisante aux intempéries, n'aurait pas envisagé de telles matières à base d'ABS comme point de départ pour l'amélioration recherchée.

Cependant, mème s'il l'on ne tient pas compte de l'essai comparatif, il demeure que l'aptitude à la transformation des matières selon le brevet contesté augmente avec l'accroissement de la température au-delà de 220°C. La question de savoir si cet effet - comme la titulaire du brevet l'indique dans le fascicule du brevet - n'est observé qu'avec la combinaison qu'elle revendique peut demeurer en suspens du fait que ce résultat, à supposer même qu'il fût surprenant, devait inévitablement s'offrir à l'homme du métier méthodique, en l'occurrence non inventif, mais averti de la proposition, évidente pour d'autres raisons, d'utiliser précisément ces matières, et ne peut donc servir à fonder l'activité inventive.

6. On concèdera que les proportions données dans la revendication du brevet contesté pour les 3 composants respectifs du polymère greffé AES et du copolymère ternaire SAN-MA sont plus limitées que dans le document (3) (cf. revendications 1 et 12, p. 3, lignes 7 à 10 et les exemples 1 à 21) ou le document (1) (cf. revendication et p. 2, 4ème et 5ème lignes à partir du bas). Il en est de même pour la fraction du polymère greffé dans la matière à mouler revendiquée dans le cas d'espèce par rapport à celle selon le document (3) (cf. p. 3, lignes 105 à 109 et les exemples 20 et 21). Il s'agit en l'occurrence surtout de limitations de peu d'importance et nullement radicales, par rapport à celles que l'on connaissait déjà. On ne peut discerner que ce soit précisément là que réside l'invention, et cela n'a d'ailleurs pas été allégué. De telles modifications n'ont pas de qualité inventive, car elles représentent pour l'homme du métier une démarche courante.

7. On ne parvient pas à un résultat plus favorable à la titulaire du brevet en considérant comme état de la technique le plus proche non pas le document (3) mais le document (1) et en voyant par contre le problème technique qui est à la base du présent brevet dans l'amélioration de la résistance aux intempéries sans perte pour la stabilité dimensionnelle à chaud et la ténacité; en effet, l'accroissement recherché de la résistance aux intempéries contraint déjà l'homme du métier à remplacer dans le composant polymère greffé le système ABS par le système AES, conformément à l'enseignement tiré du document (3). Comme les deux polymères greffés confèrent aux matières thermoplastiques une forte ténacité, il ne faut pas non plus s'attendre à ce que cette propriété se dégrade sous l'effet de ce remplacement. En même temps, la présence du copolymère ternaire SAN-MA laisse escompter pour ces matières une bonne stabilité dimensionnelle à chaud inchangée.

En ce qui concerne enfin le comportement à l'écoulement de telles matières, il faut s'attendre, en renonçant à un composant SAN selon le document (1), ayant une influence favorable sur l'aptitude à la transformation, à une diminution correspondante de cette propriété; cela est confirmé par la pratique (cf. tableau 1, colonne "MFI à 220°C" du présent brevet). Le test de fluidité à la spirale selon l'essai comparatif (p. 4 du présent fascicule de brevet) donne à une température de 220°C des valeurs très semblables pour des mélanges ABS SAN-MA (longueur d'écoulement 30 cm) et des mélanges AES SAN-MA (longueur d'écoulement 32 cm). Ce n'est qu'à des températures plus élevées que la longueur d'écoulement des matières à mouler selon le brevet contesté augmente nettement, tandis que celle de la matière selon le document (1) décroît lentement. Même si l'on inclut cet effet dans la définition du problème (matières à mouler mieux et plus rapidement transformables à des températures plus élevées) et si l'on admet qu'en ce qui concerne la solution à ce problème partiel l'état de la technique ne contient pas de réponse toute prête, le manque de données contraint cependant l'homme du métier à procéder à des expériences. L'essai avec le mélange AES SAN-MA s'offre ici comme la possibilité la plus évidente, car de telles matières à mouler thermoplastiques laissent entrevoir la solution des autres problèmes partiels déjà mentionnés. Par conséquent, la solution précisément de ce problème partiel doit inévitablement s'offrir à l'homme du métier opérant méthodiquement.

En résumé, il apparaît que le document (1) suggère de résoudre le problème par rapport au document (3) de la manière proposée selon le brevet contesté, et par conséquent que celle-ci doit être considérée comme évidente et donc non inventive.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

1. La décision de la Division d'opposition de l'Office européen des brevets du 4 novembre 1982 est annulée.

2. Le brevet européen n° 0 001 624 est révoqué.

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