European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1983:T000981.19830125 | ||||||||
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Date de la décision : | 25 Janvier 1983 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0009/81 | ||||||||
Numéro de la demande : | 78101583.9 | ||||||||
Classe de la CIB : | - | ||||||||
Langue de la procédure : | DE | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Asta | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.3.01 | ||||||||
Sommaire : | Sous réserve que les revendications soient rédigées conformément à l'article 54 (5) de la CBE, la protection peut être accordée à des associations médicamenteuses dont les constituants élémentaires représentent des médicaments connus, même lorsque lesdits constituants sont revendiqués sous forme juxtaposée (Kit-of-parts). La condition en est que les constituants formant une unité fonctionnelle du fait d'une indication commune (combinaison véritable). | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Catégorie de revendications Indication d'usage Kit-of-parts |
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Exergue : |
- |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet n° 78 101 583.9 déposée le 6 décembre 1978 et publiée le 21 juin 1979 sous le numéro 0 002 495, pour laquelle est revendiquée la priorité de demandes antérieures déposées en Allemagne Fédérale les 14 décembre 1977 et 23 juin 1978, a été rejetée par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets du 29 octobre 1980. Cette décision reconnaît la brevetabilité de l'objet des revendications 6 à 10. Elle considère toutefois comme non brevetables les revendications 1 à 5, qui concernaient des utilisations de substances pour une thérapie cytostatique. Les revendications 1 et 6 sont libellées comme suit:
"1. Utilisation de sels pharmaceutiquement acceptables d'un acide mercaptoalcanesulfonique de formule générale
(FORMULA)
où alk est un reste alkylène, en chaîne droite ou ramifiée, ayant de 2 à 6 atomes de carbone, pour la thérapie cytostatique avec des agents alkylants.
6. Produits pharmaceutiques contenant un sel pharmaceutiquement acceptable d'un acide mercaptoalcanesulfonique de formule générale
(FORMULA)
où alk est un reste alkylène, en chaîne droite ou ramifiée, ayant de 2 à 6 atomes de carbone, et un agent alkylant-cytostatique".
II. C'est contre cette décision qu'est dirigé le recours formé par la demanderesse le 19 décembre 1980. La taxe correspondante a été simultanément acquitée et un mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 26 fevrier 1981. Par mémoire en date du 10 décembre 1982, la protection recherchée a été limitée à des moyens pour éviter des lésions causées par des métabolites d'oxazaphosphorine, qui contiennent de l'acide 2-mercapatoéthanesulfonique, soit comme principe actif unique (revendications 1 et 2), soit conjointement avec une oxazaphosphorine cytostatique (revendications 3 à 6). Au cours de l'audience du 25 janvier 1983, ont été présentées trois revendications libellées comme suit:
"1. Produits contenant une oxazaphosphorine cytostatique et le sel de sodium de l'acide 2-mercaptoéthanesulfonique comme produit de combinaison pour une utilisation simultanée, séparés ou étalée dans le temps en thérapie cytostatique.
2. Produit selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'il renferme comme oxazaphosphorine cytostatique du 2-/N,N - bis - (2 - chloroéthyl) - amino/- 3 - (2 - chloroéthyl) - 2 - oxo - 1.3.2-oxazaphosphorinane (Trofosfamid), du 2 - /N - (2 - chloroéthyl) - amino/ - 3- (2 - chloroéthyl) - 2 - oxo - 1.3.2 - oxazaphosphorinane (Ifosfamid), du 2-/N,N - bis - (2 - chloroéthyl) - amino/-2 - oxo - 1,3,2 - oxazaphosphorinane (Cyclophosphamid), ou du 2 - (2 - mésyloxyéthylamino) - 3 - (2 - chloroéthyl)-2 - oxo - 1,3,2 - oxazaphosphorinane (Sulfosfamid).
3. Produits selon les revendications 1 et 2 caractérisés en ce qu'ils contiennent le sel de sodium de l'acide 2-mercaptoéthanesulfonique et l'oxazaphosphorine cytostatique dans un rapport en poids d'au moins 0,2:1".
La requérante demande l'annulation de la décision de rejet et la délivrance d'un brevet sur la base de ces trois revendications.
III. A l'appui du recours, la requérante a développé en dernier lieu l'argumentation suivante:
La présente invention aurait une grande importance pour la chimiothérapie du cancer utilisant des agents cytostatiques du type oxazaphosphorine, à laquelle on a souvent recours. Le traitement des patients avec de tels agents cytostatiques conduirait à des lésions graves touchant les reins, les voies urinaires et la vessie, si bien que la thérapie devrait en règle générale être interrompue ou totalement abandonnée. L'invention aurait pour fondement la découverte de ce que ces lésions ne se produisent pas lorsqu'on administre conjointement du sel de sodium de l'acide 2-mercaptoéthanesulfonique. La fonction de détoxification de ce sel sur les métabolites d'oxazaphosphorine pourrait, par exemple, être observée lorsqu'on administre simultanément ces deux composants, mais il serait également avantageux d'employer ces composants séparément ou de manière étalée dans le temps. Le produit revendiqué pourrait donc aussi comprendre la présence conjointe des deux principes actifs dans des ampoules pour injection intraveineuse. Eu égard à cet enseignement d'ensemble, nouveau et incontestablement inventif, il conviendrait de rechercher une protection adéquate pour toutes ces variantes, du moins sous la forme d'une protection du produit.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 de la CBE; il est donc recevable.
2. Il n'y a en l'espèce aucune objection procédurale (règle 86(3) considérée conjointement avec la règle 66 (1) de la CBE) à l'admission des revendications présentées pour la première fois à l'audience du 25 janvier 1983, car elles rentrent dans le cadre de la catégorie de revendications sur laquelle la Chambre devait exclusivement se pencher pour la préparation de l'audience, eu égard à la déclaration contenue dans le mémoire du 10 décembre 1982 (page 1).
3. La rédaction actuelle des revendications n'est pas critiquable du point de vue formel, car elle est étayée par la description originaire (voir en particulier revendication 6; page 5, lignes 19-29; page 1, lignes 1-5; page 6, ligne 1 et revendications 9 et
10). En outre. les revendications sont rédigées sous la forme prévue à l'article 54(5) de la CBE.
4. La revendication actuelle concerne une association médicamenteuse qui comprend une oxazaphosphorine cytostatique et le sel de sodium de l'acide 2-mercaptoéthanesulfonique comme substances à effet thérapeutique. Le composant du produit cité en premier lieu est connu (voir page 1 de la présente demande); le second est, d'après le document DE-A-1 620 629, un agent mucolytique connu. On administre normalement les agents cytostatiques par voie intraveineuse; le 2-mercaptoéthanesulfonate de sodium est utilisé de préférence sous la forme d'un aérosol, directement sur la muqueuse, mais on peut également l'administrer par voie orale ou parentérale. D'après l'état de la technique matérialisé par les documents mis à la disposition de la Chambre, les deux principes actifs n'ont cependant jamais été appliqués ensemble pour un nouvel effet commun, et ils étaient inconnus en tant que mélange. Les substances actives administrées de préférence simultanément conformément à l'invention (voir page 5, lignes 14 et 15 de le demande) ne constituant donc pas non plus une simple agrégation d'agents connus, mais une nouvelle combinaison dotée d'une propriété intéressante et inattendu grâce à laquelle sont évités, du fait de l'activité détoxifiante du 2-mercaptoéthanesulfonate de sodium, les effets secondaires néfastes qui accompagnent habituellement l'administration des agents cytostatiques.
5. C'est pourquoi la combinaison des deux constituants a déjà été reconnue à bon droit par la Division d'examen comme impliquant une activité inventive (revendications initiales 6 à 10). Cette combinaison aurait joui, en raison de la revendication non limitée concernant le produit pharmaceutique, d'une protection absolue en ce qui concerne le produit, au moins pour toutes les applications du domaine thérapeutique. Il faudrait pourtant se représenter un tel produit comme une étroite combinaison physique des constituants, c'est-à-dire un composé ou un mélange, pour le distinguer d'un état de la technique qui comprend la possibilité d'un emballage, d'une collection ou d'un conditionnement pharmaceutique contenant les deux agents séparés mais juxtaposés pour leurs applications indépendantes connues en médecine.
6. La revendication 1 actuelle concerne toutefois un produit qui est limité à une application simultanée, séparée ou étalée dans le temps, en thérapie cytostatique. Il découle de cette indication d'usage que les constituants ne sont plus nécessairement présents sous la forme d'une combinaison, par exemple en mélange, car sinon les constituants ne seraient plus disponibles pour une application séparée ou étalée dans le temps. Une telle présentation juxtaposée de médicaments connus peut être cependant susceptible d'application industrielle en tant que produit pour la mise en oeuvre d'une méthode thérapeutique au sens de l'article 52(4) 2ème phrase. En tant que collection ("kit-of-parts") elle n'est cependant pas encore nécessairement une combinaison véritable, étant donné que ses constituants individuels sont séparés physiquement. Le simple fait d'associer de manière lâche des constituants connus ne suffit pas à conférer à ceux-ci une unité fonctionnelle, dans laquelle une interaction nécessaire et directe entre les composants est une condition préalable de l'application envisagée (voir, à titre d'exemples, une serrure et une clef, une allumette et un frottoir, une colle à deux composants). Bien que les constituants de la combinaison revendiquée n'exercent pas entre eux une telle interaction directe, la finalité de la thérapie combinée peut rétablir l'unité du produit au sens d'une fusion fonctionnelle de ses deux constituants, lorsque cette finalité représente une véritable limitation à l'application indiquée.
7. L'indication d'usage dans les revendications est en général considérée comme ayant une grande importance au plan technique lorsque sont rendues par là intelligibles pour l'homme du métier d'autres caractéristiques identifiables, non expressément spécifiées ou à spécifier d'un produit ou des conditions supplémentaires d'un procédé qui sont nécessaires pour l'utilité ou la possibilité de réalisation visée (par exemple un choix, une qualité définie ou une certaine corrélation des constituants). Sans une telle concrétisation, l'indication d'usage peut rester lettre morte et n'être pas limitative. A l'inverse, des indications d'usage thérapeutique au sens de l'article 54(5) de la CBE ont forcément une grande importance et peuvent même servir de fondement à la nouveauté d'un produit connu dans des conditions déterminées, sans qu'il physiques supplémentaires, reconnaissables ou vérifiables. Ces conditions doivent cependant limiter en conséquence l'objet de telle sorte que soient exclues de la revendication des applications déjà connues de l'objet. Comme chacun des constituants du produit de combinaison selon les revendications actuelles a déjà en soi des applications thérapeutiques connues, les revendications actuelles, qui incluent expressément la présentation séparée de ces constituants, doivent en fait être considérées comme limitées à l'utilisation conjuguée des produits de combinaison, si bien que sont exclues les applications individuelles selon l'état de la technique. C'est la raison d'être de l'indication d'usage prévue à l'article 54(5) de la CBE pour de tels produits, pour autant que se formulation corresponde à la condition énoncée dans cet article.
8. L'article 54(5) de la CBE concerne les cas dans lesquels des substances ou des compositions font déjà partie de l'état de la technique, ce qui autorise la revendication de types déterminés de produits connus. La Chambre est toutefois également d'avis que, d'après l'article 54(5) de la CBE, de telles revendications ne peuvent alors pas être rejetées lorsque le produit en tant que tel est nouveau, comme c'est ici en partie le cas (voir mélanges), car cette catégorie de revendications peut servir de position de départ et protège par exemple contre les conséquences de divulgations antérieures fortuites du produit dans un domaine non médical.
9. L'article 54(5) de la CBE, dans sa version allemande, fait certes état de "Stoffgemischen", alors que le texte anglais ou français opte pour le concept plus large de "composition". Selon l'"Oxford English Dictionary" (Vol. III, p. 736) une "composition" est caractérisée en tant que produit de la manière suivante: "A condition consisting in a combination or union of several things; a combination, aggregate or mixture". Selon le Robert, Dictionnaire Alphabétique et Analogique de la langue française (1980, pages 862 et 830), "composition" peut aussi avoir le sens de "combinaison" - en particulier en chimie - ou en général d'"assemblage". Etant donné que les trois textes font également foi (article 177(1) de la CBE) et que, d'après cette disposition, ils expriment tous trois une seule et même intention des Etats contractants, la Chambre est d'avis que cette intention est formulée de la manière la plus claire par les deux textes mentionnés en dernier lieu. La Chambre estime également que les associations médicamenteuses destinées à la mise en oeuvre de méthodes de traitement thérapeutique, chirurgical et de diagnostic conformément à l'article 54(5) de la CBE, comprennent également les compositions dans lesquelles les constituants sont juxtaposés et peuvent par conséquent être appliqués au corps humain ou animal simultanément, séparément ou de manière étalée dans le temps. Dans la mesure où les constituants ne peuvent pas produire indépendamment l'un de l'autre l'effet avantageux conforme à l'invention, cet effet obtenu en commun établit l'unité de l'association médicamenteuse, par suite des limitations apportées par l'indication d'usage du produit à l'étendue de la revendication dans les conditions prévues à l'article 54(5) de la CBE, même lorsque les constituants sont juxtaposés et non pas unis. L'objet de la revendication 1 satisfait en l'espèce à ces conditions.
10. Au demeurant, la protection de l'association médicamenteuse en tant que collection de constituants essentiels ayant une même indication et devant être utilisés conjointement se justifie dans le domaine thérapeutique exceptionnellement aussi par le fait que certaines substances actives n'exercent pas nécessairement simultanément ou immédiatement leur activité commune. Lors de l'administration orale, il se peut par exemple qu'un constituant ne soit absorbé que par l'estomac, tandis que l'autre fraction n'est absorbée que par l'intestin. La coexistence des constituants essentiels de la combinaison n'a donc pas besoin de se manifester, selon l'enseignement de l'invention, dans des dimensions moléculaires ou microscopiques. Il ne serait pas justifié d'exclure de la protection des formes aussi avantageuses de la solution au problème. En effet, la médecine moderne s'orientera vraisemblablement de plus en plus vers des thérapies de combinaison, qui nécessitent des produits spéciaux dotés de souplesse quant aux possibilités d'administration.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 29 octobre 1980 est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour délivrance d'un brevet européen sur la base de la description et des revendications déposées le 25 janvier 1983.