T 0398/19 (Température maximale de réductibilité / RHODIA OPERATIONS) of 13.11.2020

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2020:T039819.20201113
Date de la décision : 13 Novembre 2020
Numéro de l'affaire : T 0398/19
Numéro de la demande : 04721217.0
Classe de la CIB : B01J21/06
B01J23/10
B01J35/00
B01J37/03
B01D53/94
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Composition à base d'oxyde de zirconium et d'oxyde de cérium à température maximale de réductibilité réduite, son procédé de préparation et son utilisation comme catalyseur
Nom du demandeur : Rhodia Operations
Nom de l'opposant : Neo Chemicals & Oxides (Europe) Ltd.
Chambre : 3.3.06
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56 (2007)
European Patent Convention Art 83 (2007)
Mot-clé : Exposé de l'invention suffisant - (oui)
Activité inventive - (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 1018/05
T 0624/08
T 1697/12
T 0113/19
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1942/21
T 1311/22
T 1339/22

Exposé des faits et conclusions

I. Les recours des titulaire et opposante font suite à la décision de la division d'opposition de maintenir le brevet européen nº 1 603 667 sous forme modifiée sur la base de la première requête auxiliaire déposée au cours de la procédure orale du 29 novembre 2018.

II. Avec son mémoire de recours, la titulaire (ci-après "la requérante I") a défendu à titre principal le brevet tel que délivré et à titre alternatif le jeu de revendications tel que maintenu par la division d'opposition. En réponse au recours de l'opposante, elle a déposé cinq jeux de revendications modifiées à titre de requêtes auxiliaires 2 à 6.

III. Avec son mémoire de recours et ses courriers ultérieurs, l'opposante (ci-après "la requérante II") a maintenu ses objections au titre des articles 83 et 56 CBE et déposé les documents D23 (A. Trovarelli et al., "Nanophase Fluorite-Structured CeO2-ZrO2 Catalysts Prepared by High-Energy Mechanical Milling", Journal of Catalysis, 169, 490-502 (1997) et D24 (W.K. Jozwiak et al., "Determination of reduction mechanism by TPR data for FeO-H2 system", Annales University M. Curie-Sklodowska Lublin, vol. LXII, 5, Section AA 2007, 49-58). En outre elle a étayé ses arguments entre autres avec les figures (points 96 et 107 du mémoire de recours) référencées F1 et F2.

IV. Parmi les documents cités en première instance, sont pertinents pour la présente décision:

N3: Lettre du 8 décembre 2009 soumise en phase d'examen par la titulaire du brevet

D3: Norme ASTM D 3663-78

D4: J. Gregg et al., "Adsorption, surface area and Porosity", 1982, pages v-xi et 1-10

D6: V.S. Escribano et al., "Characterization of cubic ceria-zirconia powders by X-ray diffraction and vibrational and electronic spectroscopy", Solid State Science 5 (2003) 1369-1376

D7: US 6 214 306 B1

D14: WO 98/16472 A1

D17: Déclaration de P. Llewellyn datée du 17 mai 2019;

D17a: "Certificate Of Analysis" du produit CZO 5040

D19: S.D. Robertson et al., "Determination of Reductibility and Identification of Alloying in Copper-Nickel-on-Silica Catalysts by Temperature-Programmed Reduction", Journal of Catalysis 37, 424-431 (1975)

D20: P. van Leeuwen et al., An Integrated Approach to Homogenous, Heterogenous and Industrial Catalysis, Elsevier, 1993, Chapter 11: "Temperature programmed reduction and sulphiding", pages 401-406

D21: P. Fornasiero et al., "On the rate determining step in the reduction of CeO2-ZrO2 mixed oxides", Applied Catalysis B: Environmental 22 (1999) L11-L14.

V. Suite à la notification exposant l'opinion préliminaire de la chambre, la requérante II a soumis (courrier du 12 octobre 2020) le document D25 (Reproduction of example 8 of D5 (US 6,214,306)) et étayé ses arguments entre autres avec une nouvelle figure référencée F3.

VI. Lors de la procédure orale, les débats se sont en particulier concentrés sur les questions de suffisance de description de l'invention revendiquée (Article 83 CBE) et d'activité inventive de l'objet des revendications 1 et 12 en partant du document D7 représentant l'état de la technique le plus proche.

VII. A la clôture des débats, les requêtes des parties ont été établies comme suit:

La requérante I a demandé que la décision soit annulée et que le brevet soit maintenu tel que délivré; à titre subsidiaire, elle a demandé que le brevet soit maintenu sur la base de l'une des requêtes auxiliaires 3 à 6 déposées par lettre du 24 octobre 2019.

La requérante II a demandé que la décision contestée soit annulée et que le brevet soit révoqué.

VIII. Les revendications 1 et 12 selon la requête principale (brevet tel que délivré) sont libellées comme suit:

"1. Composition à base d'oxyde de zirconium et d'oxyde de cérium dans une proportion d'oxyde de zirconium d'au moins 50% en masse, caractérisée en ce qu'elle présente une température maximale de réductibilité d'au plus 500°C et une surface spécifique d'au moins 40 m**(2)/g après calcination 6 heures à 500°C et en ce qu'elle est sous forme d'une phase tétragonale."

"12. Procédé de préparation d'une composition selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes:

(a) on forme un mélange comprenant des composés de zirconium, de cérium et, éventuellement, d'un autre élément choisi parmi les lanthanides autres que le cérium;

(b) on met en présence ledit mélange avec un composé basique ce par quoi on obtient un précipité;

(c) on chauffe en milieu aqueux ledit précipité à une température d'au moins 100ºC; puis

(d) soit on ajoute d'abord un additif, choisi parmi les tensioactifs anioniques, les tensioactifs non ioniques, les polyéthylène-glycols, les acides carboxyliques et leurs sels et les tensioactifs du type éthoxylats d'alcools gras carboxyméthylés au milieu issu de l'étape précédente et on sépare ensuite éventuellement ledit précipité;

(d') soit on sépare d'abord ledit précipité et on ajoute ensuite ledit additif au précipité;

(e) on soumet à un broyage le précipité obtenu à l'étape précédente;

(f) on calcine le précipité ainsi obtenu."

Les revendications dépendantes 2 à 11 et 13 à 19 concernent des aspects particuliers de la composition et du procédé revendiqués, la revendication 20 concerne un système catalytique comprenant une composition telle que revendiquée et la revendication 21 un procédé de traitement de gaz d'échappement des moteurs à combustion interne utilisant à titre de catalyseur un système catalytique selon la revendication 20 ou une composition selon les revendications 1 à 11.

Motifs de la décision

Requête principale (brevet tel que délivré)

1. Suffisance d'exposé de l'invention (Article 83 CBE)

1.1 La requérante II a fait valoir une insuffisance de description de l'invention revendiquée en mettant en cause:

a) l'applicabilité de la méthode de diffraction RX (méthode XRD) pour déterminer la présence d'une phase tétragonale dans les compositions revendiquées;

b) l'applicabilité de la méthode BET selon la norme ASTM D 3663-78 pour mesurer la surface spécifique des compositions revendiquées;

c) l'applicabilité de la méthode de réduction programmée en température (méthode TPR) aux compositions revendiquées présentant une proportion minime d'oxyde de cérium;

d) les intervalles ouverts des caractéristiques "surface spécifique d'au moins 40 m**(2)/g après calcination 6 heures à 500°C" et "température maximale de réductibilité (TR maximale) d'au plus 500°C".

1.2 Eu égard au point a), la chambre observe que le brevet (paragraphes [0017] et [0018]) décrit que la structure cristalline de l'oxyde mixte revendiqué est déterminée par la méthode XRD après calcination pendant 6 heures à une température d'au moins 900°C. La requérante II - se référant aux documents D6 et D23 - a fait valoir que cette méthode ne serait toutefois pas applicable pour établir l'existence d'une phase tétragonale dans les compositions revendiquées, en particulier lorsque la taille des cristallites est très petite.

1.2.1 La chambre ne peut se joindre à cette conclusion, la requérante II n'ayant, d'une part, soumis aucune preuve expérimentale à l'appui de son allégation, et d'autre part, son argument basé sur l'inapplicabilité de la méthode XRD est basé sur des mesures effectuées sur un produit calciné à 600°C (873 K dans D6) ou même non calciné (D23), et présentant donc des tailles de cristallites très petites. Or, tel qu'établi en page 3 du courrier du 24 octobre 2019 de la requérante I et confirmé par le document D6, page 1373, point 3.3, lignes 6-8, il est manifeste qu'une calcination à une température de l'ordre de 900°C (1173 K) implique une croissance importante des cristaux ainsi qu'une séparation des deux pics caractéristiques de la phase tétragonale dans le diagramme XRD, ce qui - à preuve du contraire - devrait permettre l'identification de la phase tétragonale dans les produits revendiqués.

1.2.2 La chambre observe aussi que la revendication 1 du brevet ne contient aucune limitation sur la méthode à utiliser pour la détermination de la structure cristalline. Par conséquent, même en considérant que la méthode XRD ne soit pas applicable, il est clair pour l'homme du métier, en particulier à la lumière des documents D6 (page 1372, colonne de gauche, dernier alinéa et figure 3; page 1375, colonne de droite, lignes 3 à 7) et D23 (page 493, colonne de gauche en combinaison avec la figure 5 et page 494, lignes 2 à 8), que la présence d'une phase tétragonale peut être établie de manière alternative au moyen de la spectrométrie Raman, également bien connue de l'homme du métier.

Pour la chambre, il ne fait donc aucun doute que l'homme du métier est capable d'identifier par des méthodes connues une structure tétragonale dans un mélange d'oxydes tel que celui revendiqué.

1.2.3 Selon la requérante II, l'étape de calcination serait en outre absolument nécessaire pour obtenir la structure tétragonale; or la revendication 1 n'étant nullement limitée à un produit issu d'une telle étape et le brevet ne divulguant pas comment de tels mélanges d'oxydes pouvaient être préparés sans celle-ci, il en résultait une insuffisance de description.

La chambre ne peut se joindre à cette conclusion, car de jurisprudence constante, il n'est nullement nécessaire de définir un produit par son mode de préparation, en particulier lorsque celui-ci est défini par des paramètres, comme en l'espèce par sa composition, sa structure cristalline, sa surface spécifique et sa TR maximale, ces différents paramètres ayant bien évidemment une implication sur la structure du mélange d'oxydes revendiqué. On notera au demeurant que D20 (page 401, lignes 1-14) explique que la TPR est complémentaire aux autres méthodes d'analyse pour la détermination structurelle d'un oxyde de métal.

En outre, le brevet décrivant de manière générale la préparation de la composition revendiquée (voir paragraphes [0028] à [0069]) ainsi que deux exemples spécifiques de préparation d'une telle composition, l'homme du métier est indisputablement mis en mesure de préparer un mélange d'oxydes de phase tétragonale telle que revendiqué en suivant l'enseignement du brevet.

1.3 Eu égard au point b) susmentionné, la requérante II conteste la suffisance de description de la méthode utilisée pour mesurer la surface spécifique, prétendant que celle décrite dans le brevet (paragraphe [0012]), à savoir la méthode BET selon la norme ASTM D 3663-78, ne serait applicable qu'à des oxydes présentant un isotherme d'adsorption de l'azote de type II ou IV (voir D3, D4 et D17), et qu'elle ne serait donc pas applicable à tous les oxydes couverts par la revendication 1.

1.3.1 La chambre observe que la requérante II n'a soumis aucune preuve expérimentale à l'appui de cette allégation (voir aussi la décision attaquée, point 2.2.3). La seule évidence supposée étayer celle-ci concerne un produit dénommé CZO 5040 (mémoire de recours, point 48 en combinaison avec D17, pages 10 et 17 et D17a) contenant toutefois 60.02% d'oxydes de zirconium et de hafnium et 29.97% d'oxyde de cérium, et pour lequel la surface spécifique et la TR maximale n'ont été déterminées (voir D17a); ce produit n'étant toutefois pas conforme à celui revendiqué, cet argument n'est pas recevable.

1.3.2 Bien au contraire, la méthode divulguée dans le brevet étant incontestablement la plus utilisée dans le domaine (voir par exemple D7, colonne 2, lignes 18-24 et D14, page 13, lignes 1 à 5), il ne fait aucun doute pour la chambre que l'homme du métier serait en mesure de l'appliquer sur la composition d'oxydes revendiquée et d'en mesurer une valeur de surface spécifique, quelle qu'elle soit.

1.3.3 En outre, la revendication 1 n'étant nullement limitée à une méthode de mesure particulière, il est incontestable que l'homme du métier sera capable d'appliquer une autre méthode connue pour mesurer la surface spécifique des mélanges d'oxydes couverts par la revendication 1.

1.4 La requérante II a en outre fait valoir (point c)) que la méthode TPR utilisée dans le brevet pour déterminer la TR maximale se basant sur le captage d'hydrogène et étant lié à la réduction du cérium IV en cérium III, celle-ci ne présenterait pas un signal suffisant pour de petites quantités de cérium et ne conviendrait donc pas pour déterminer la TR maximale de compositions telles que celles revendiquées et contenant de faibles proportions de cérium.

1.4.1 La chambre observe toutefois que les méthodes TPR et de détermination de la TR maximale sont bien connues de l'homme du métier, tel que confirmé par les documents D19, D20, D21 et D24. Le brevet (paragraphes [0021], [0077] et [0078]) explique en outre que la réductibilité des oxydes revendiqués est mesurée à partir d'une TPR effectuée sur ceux-ci en faisant varier la température de l'ambiant à 900°C et que cette mesure permet de déduire le pourcentage de cérium (IV) réduit par l'hydrogène mis en oeuvre dans la TPR. Il n'e fait donc aucun doute que l'homme du métier est mis en mesure de déterminer la TR maximale des produits revendiqués en suivant l'enseignement de la description.

1.4.2 Quant à l'allégation selon laquelle celle-ci ne serait pas quantifiable pour les petites quantités de cérium, la requérante II n'a déposé aucune preuve expérimentale à l'appui de cette allégation, ni indiqué de valeur minimale à partir de laquelle cette mesure ne serait plus quantifiable. Pour la chambre, en l'absence de telles indications ou preuves, il est évident que l'oxyde mixte revendiqué étant défini comme ayant une TR maximale, celui-ci doit nécessairement contenir une quantité de cérium minimale et suffisante pour pouvoir appliquer la méthode TPR et en déduire la TR maximale.

1.5 Eu égard au point d), la requérante II a soulevé une objection à l'encontre des intervalles ouverts "d'au moins 40 g/m**(2)" pour la surface spécifique et "d'au plus 500°C" pour la TR maximale, alléguant qu'il n'était pas crédible qu'une composition de surface spécifique substantiellement plus élevée que celle de valeur maximale (89 g/m**(2)) indiquée dans la description (paragraphe [0023]), et/ou de TR maximale substantiellement plus basse que celle de valeur minimale (300°C) indiquée dans la description (paragraphe [0020]), puisse être préparée en mettant en oeuvre la méthode de préparation divulguée dans le brevet, sachant que les valeurs de surface spécifique des mélanges d'oxydes exemplifiés sont de 83 et 84 g/m**(2)et celles de TR maximale de 475°C et 375°C.

Eu regard à l'intervalle ouvert de surface spécifique la requérante II a en outre fait valoir que des valeurs substantiellement plus élevées que celles explicitement divulguées dans le brevet pourraient peut-être être obtenues en mettant en oeuvre des méthodes de préparation devant encore être inventées. Par conséquent, l'objet revendiqué ne serait pas limité à la contribution de l'exposé de l'invention à l'état de la technique et s'étendrait à des mélanges d'oxydes qui ne sont pas réalisables en suivant l'exposé du brevet.

La requérante II s'est appuyée à ce sujet sur les décisions T 1697/12 et T 0113/19 ainsi que sur celles (X ZR 32/17 et X ZR 34/17) émanant de la cour fédérale de justice d'Allemagne.

1.5.1 Comme expliqué ci-avant, la chambre observe que le fascicule de brevet décrit en détail la préparation de la composition revendiquée (voir paragraphes [0028] à [0069])), celle-ci comprenant au moins une étape de calcination et étant étayée de deux exemples spécifiques de préparation; le brevet contient donc un enseignement qui permet à l'homme du métier de préparer des compositions ayant les propriétés revendiquées. La requérante n'a soumis aucune évidence expérimentale qui mette en doute l'enseignement du brevet ou démontre qu'il n'était pas possible d'atteindre des valeurs de surface spécifique ou TR maximale respectivement supérieures et inférieures aux valeurs maximales et minimales explicitement divulguées en suivant la méthode de préparation décrite dans le brevet.

Il est aussi manifeste du paragraphe [0066] du brevet que l'augmentation de la température de calcination entraîne inévitablement une diminution de la surface spécifique et que celle-ci peut être ajustée en fonction de la température d'utilisation prévue. Le brevet décrit en outre que la température de calcination nécessaire au développement de la phase tétragonale peut aller jusqu'à 1000°C (paragraphe [0067] ou [0069]). L'homme du métier en déduit donc que la température de calcination a un effet certain sur la cristallinité du produit final et sa température d'utilisation ultérieure; et par conséquent manifestement aussi sur sa TR maximale (voir paragraphes [0066] et [0022]).

La chambre note en outre que la référence de la requérante II au document D20 (page 404, figure 11.3), aux fins de montrer que la TR maximale ne dépend pas de la température de calcination, n'est pas pertinente parce que concernant un mélange d'oxydes complètement différent (CoO/Al2O3), qui ne peut donc présenter des courbes TPR similaires à celles obtenues pour un mélange d'oxydes de cérium et zirconium.

1.5.2 La requérante I a en outre confirmé par écrit (mémoire de recours, points 2.2 et 2.3, et courrier du 24 octobre 2019, point 1.4.2) et à la procédure orale que la surface spécifique des compositions revendiquées (et par conséquent aussi leur TR maximale) est inextricablement limitée à des valeurs maximales (ou minimales pour la TR maximale) de l'ordre de magnitude de celles illustrées dans la description du brevet et qui peuvent être atteintes en suivant les étapes de la méthode de préparation divulguée dans le brevet. Pour la chambre, il est donc clair que des valeurs de surface spécifique et de TR maximale très éloignées des valeurs spécifiquement divulguées ne font pas partie de l'invention revendiqué; celle-ci est donc bien limitée à la contribution de l'exposé de l'invention par rapport à l'état de la technique existant.

1.5.3 Par conséquent, le cas présent est en accord avec la conclusion des T 0113/19 (point 2.1 i) des motifs) et T 1018/05 (point 2.3 des motifs) ainsi celles des décisions similaires citées dans T 1697/12 (point 5.5.5 des motifs), par exemple T 0624/08 (point 3.2.2 des motifs). On notera que la conclusion contraire de la décision T 1697/12 ne s'applique pas au cas d'espèce, puisqu'elle concernait (point 5.5.1 à 5.5.5 des motifs) un paramètre qui n'était pas implicitement limité par les autres caractéristiques de la revendication et, contrairement au cas présent, il était explicitement accepté que l'intention de la revendication était de couvrir des produits non encore disponibles au moyen du procédé de préparation divulgué mais éventuellement ceux pouvant devenir disponibles à l'avenir.

La chambre est en outre d'avis que le cas présent ne concerne pas une nouvelle préparation d'une composition connue mais une nouvelle classe d'oxydes mixtes caractérisée par une nouvelle combinaison de paramètres ayant des implications structurelles. Par conséquent elle ne peut pas plus suivre les conclusions des décisions X ZR 32/17 (IntPatÜbkG Art. II § 6 Abs. 1 Satz 1 Nr. 2 a, b) et X ZR 34/17 (paragraphes 29 et 30 des motifs) de la cour fédérale de justice d'Allemagne.

1.5.4 Eu égard à ces deux dernières décisions de la cour fédérale de justice, que la chambre ne partage pas nécessairement, la chambre tient à observer que le seul fait que certaines caractéristiques soient exprimées par des intervalles ouverts n'est, selon elle, pas suffisant pour fonder une objection d'insuffisance de description, en particulier comme dans le cas d'espèce, où la description et les exemples contiennent des informations précises permettant de préparer un ou plusieurs produits spécifiques présentant toutes les caractéristiques revendiquées.

En outre, on notera qu'une caractérisation d'un produit par le biais d'intervalles ouverts est commune dans le domaine technique en question (voir par exemple les revendications de D7 et D14), et souvent l'objet revendiqué fait abstraction de paramètres tout aussi importants pour l'efficacité du produit revendiqué, comme dans le cas d'espèce le volume poreux total ou la distribution des tailles de pores, et dont l'intervalle de protection est implicitement - du fait de son absence - encore plus large que celui des paramètres explicitement décrits, et contre lesquels aucune objection d'insuffisance n'est bien souvent - et à bon escient - pas soulevée. Or la définition d'un produit par tous ses paramètres structurels serait clairement impossible et d'ailleurs souvent non nécessaire au vu de l'objet de l'invention.

Finalement, la chambre tient à observer que la définition d'un paramètre par un intervalle ouvert n'empêche nullement l'invention ultérieure de méthodes nouvelles rendant possible l'obtention de paramètres de valeurs très éloignés de celles revendiquées et pouvant également bénéficier d'une protection brevetable.

1.5.5 Un raisonnement similaire s'applique aux revendications dépendantes 7 à 9 relatives à des intervalles ouverts de surface spécifique déterminée après calcination à d'autres températures (voir en particulier les paragraphes [0024] et [0025] du brevet).

1.6 Il suit de ce qui précède que la chambre n'est pas convaincue par les arguments présentés par la requérante II et que l'exposé de l'invention selon le brevet contesté est donc considéré comme suffisant et satisfaisant aux exigences de l'Article 83 CBE.

2. Article 56 CBE - Activité inventive - Revendication 1

2.1 La chambre observe que la revendication 1 du brevet concerne une composition à base d'oxydes de zirconium et cérium, ayant une proportion d'oxyde de zirconium d'au moins 50% en masse, pouvant être mise en oeuvre dans un catalyseur multifonctionnel pour le traitement des gaz d'échappement de moteurs à combustion interne (paragraphe [0002] du brevet).

Comme expliqué dans la description du brevet (paragraphe [0003]) la réductibilité et, par conséquent, l'efficacité des catalyseurs connus est maximale à une température élevée généralement de l'ordre de 600ºC. Par conséquent, il existe un besoin en catalyseurs pour lesquels cette température soit abaissée et dont les performances soient élevées dans des gammes de températures plus faibles.

Selon le brevet (page 2, lignes 17-19 et paragraphe [0010]), cet objectif a été atteint par la mise au point d'un mélange d'oxydes tel que revendiqué et présentant, entre autres, une TR maximale inférieure à celle de ceux de l'art antérieur.

2.2 Il n'est pas contesté que le document D7, en particulier son exemple 8, représente l'état de la technique le plus proche de l'objet selon la revendication 1.

Le document D25 montre en outre que la composition de cet exemple 8 est sous forme tétragonale. Par conséquent, la seule différence entre l'état de la technique le plus proche (D7/exemple 8) et la revendication 1 du brevet est la TR maximale dudit mélange d'oxydes. Comme expliqué ci-avant, la TR maximale implique des modifications structurelles sur le produit (celui-ci présentant une meilleure efficacité dans une gamme de températures plus faibles) et permet de distinguer le produit revendiqué de celui divulgué dans le document D7.

2.3 Considérant D7/exemple 8 comme l'état de la technique le plus proche, la requérante I a formulé le problème technique sous-tendant l'invention comme consistant en la mise à disposition d'une composition catalytique alternative pour les catalyseurs multifonctionnels de traitement des gaz d'échappement des moteurs à combustion interne présentant une meilleure efficacité dans une gamme de températures plus faibles.

Selon la requérante I, le produit revendiqué ayant une TR maximale d'au plus 500ºC, celui-ci aura une efficacité à basses températures supérieure à celle des compositions de D7 qui ont une TR maximale supérieure (voir document N3).

2.3.1 La chambre observe que la requérante II n'a déposé aucune preuve expérimentale que les compositions selon D7 - préparées par une méthode différente de celle du brevet - présentent une TR maximale d'au plus 500ºC, qui plus est une efficacité à basses températures qui soit supérieure ou même comparable à celle des mélanges d'oxydes revendiqués.

2.3.2 La requérante II, se rapportant aux figures F1-F3 et à certaines figures des documents D23 et D2, a simplement fait valoir qu'une TR maximale d'au plus 500ºC n'impliquait pas nécessairement une plus grande efficacité à températures plus faibles.

La chambre observe que les figures F1-F3 déposées par la requérante II à l'appui de cet argument, sont fictives et sans lien prouvé avec des mélanges d'oxydes de cérium et zirconium tels que revendiqués; en outre elle n'a déposé aucune preuve expérimentale que les mélanges d'oxydes divulgués dans D7 ou dans le brevet puissent avoir une trace de la courbe TPR similaire à celle des figures F1 à F3.

De manière similaire, la figure 11 du document D23 (page 497) citée par la requérante II, n'est pas pertinente car concernant un mélange d'oxydes préparés par simple broyage (D23: page 104) et contenant moins de 50% en masse d'oxyde de zirconium, donc des produits différents de ceux du brevet et de D7, obtenus eux par coprécipitation. De plus, la figure 11 ne divulgue que des TR maximales supérieures à 500°C et quasiment aucune réductibilité à des températures plus faibles.

Enfin, la figure 8 du document D2 (page 903) - publié en 2016 et ne faisant donc pas partie de l'art antérieur - montre les courbes de TPR et de TR maximales de mélanges d'oxydes CZ-1, CZ-2 et CZ-3, qui sont préparés par des méthodes de coprécipitation différentes (page 898, colonne de gauche). Bien que le produit CZ-2 - de TR maximale apparemment inférieure à 500°C - présente la meilleure réductibilité totale et que le produit CZ-1 - également de TR maximale au-dessous de 500°C - présente une réductibilité totale inférieure aux autres deux mélanges d'oxydes, on ne peut déduire de cette figure que la réductibilité à basses températures de CZ-3, ayant une TR maximale supérieure à 500°C, soit meilleure ou comparable à celle de CZ-1 ou CZ-2. La requérante II n'ayant en outre déposé aucune preuve expérimentale que les courbes TPR de ces mélanges d'oxydes sont similaires à celles des produits de D7 ou du brevet, la chambre ne peut se joindre à cet argument de la requérante II.

2.3.3 La chambre fait donc sienne la conclusion de la division d'opposition (point 3.4 de la décision attaqué) selon laquelle le problème technique sous-tendant l'invention est celui défini par la requérante I et que celui-ci est effectivement résolu par le mélange d'oxydes revendiqué.

2.3.4 La chambre ne peut donc suivre l'argumentation de la requérante II, selon laquelle la caractéristique TR maximale serait une caractéristique arbitraire qui ne comporte aucun avantage technique et que celle-ci devrait par conséquent ne pas être prise en compte dans l'évaluation de l'activité inventive.

2.4 Le document D7 (colonne 1, lignes 22-25), qui représente l'état de la technique le plus proche de l'objet revendiqué, vise à la production d'un catalyseur pouvant être utilisé à des températures élevées et présentant une surface spécifique stable à ces températures. En colonne 1, lignes 31-40, sont en particulier citées les températures de 900 ou 1000°C. Ce document ne contient toutefois aucune référence ni ne suggère l'importance de la TR maximale pour la réductibilité à basses températures, si bien que pour la chambre, l'homme du métier n'aurait été nullement motivé à modifier la méthode de préparation de D7 pour tenter de produire un mélange d'oxydes ayant une efficacité à températures plus faibles et donc une TR maximale plus basse telle que revendiquée et inférieure à celle des catalyseurs connus.

Il s'ensuit que la seule divulgation de D7 n'aurait pu conduire de manière évidente l'homme du métier à un catalyseur présentant toutes les caractéristiques de la revendication 1.

2.5 Les autres documents cités dans la procédure d'opposition et de recours étant tout autant silencieux sur cette caractéristique et son effet sur des catalyseurs de dépollution automobiles, ils ne peuvent pas plus conduire de manière évidente l'homme du métier à l'objet de la revendication 1 qui, par conséquent, implique une activité inventive au sens de l'Article 56 CBE.

3. Activité inventive - Revendication 12

3.1 Concernant cette revendication de procédé, la requérante II a confirmé à la procédure orale que le document D7/exemple 8 représentait l'état de la technique le plus proche.

3.1.1 Le procédé divulgué dans D7/exemple 8 diffère de celui selon la revendication 12 en ce qu'il ne divulgue pas l'étape d'adjonction d'un additif (d) ou (d'), ni l'étape de broyage (e) et encore moins la TR maximale du produit obtenu.

3.1.2 Il est de jurisprudence constante des chambres de recours que lorsqu'un produit implique une activité inventive (ici celui de la revendication 1), le procédé y conduisant (ici celui de la revendication 12), comporte aussi nécessairement une activité inventive.

3.1.3 En particulier, le problème technique sous-tendant l'objet revendiqué et résolu par le procédé de la revendication 12 doit être formulé de manière similaire, c'est-à-dire tel qu'indiqué au point 2.3 ci-dessus, à savoir la mise à disposition d'un procédé de préparation d'une composition d'oxydes mixtes permettant aux catalyseurs multifonctionnels de traitement des gaz d'échappement des moteurs à combustion interne d'avoir une meilleure efficacité dans une gamme de températures plus faibles.

Il n'y a au demeurant aucune raison pour reformuler le problème technique comme suggéré par la requérante II, à savoir la mise à disposition d'un procédé de préparation alternatif de catalyseurs multifonctionnels avec une surface spécifique plus élevée, puisque la surface spécifique du produit obtenu n'est pas une caractéristique distinctive par rapport au document D7.

3.1.4 Par conséquent, pour des raisons similaires à celles exposées dans la discussion d'activité inventive relative à la revendication 1 du brevet, l'homme du métier n'aurait été pas motivé à modifier le procédé divulgué dans D7 et à considérer par exemple la méthode de préparation divulguée dans D14 (pages 7-8), qui ne concerne pas le même objectif du brevet, mais la production d'un mélange d'oxydes de cérium et zirconium ayant une stabilité thermique élevée (page 1, lignes 17-19), ou l'étape de broyage divulguée dans D15 (colonne 2, lignes 29-33 et colonne 4, lignes 56-57) ou D23 (page 490, abrégé; page 497, figure 11 et sa description), pour arriver à un procédé permettant d'obtenir une composition présentant une meilleure efficacité à des températures plus faibles et toutes les caractéristiques de la revendication 1, en particulier un mélange d'oxydes avec une TR maximale telle que revendiquée.

3.2 Par conséquent, l'objet de la revendication 12 implique également une activité inventive.

3.2.1 Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1, ainsi que celui des revendications 2 à 21 qui en dépendent ou s'y rapportent, implique une activité inventive au sens de l'article 56 CBE.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. Le recours de l'opposante est rejeté.

2. La décision attaquée est annulée.

3. Le brevet est maintenu tel que délivré.

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