T 0738/18 () of 23.3.2021

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2021:T073818.20210323
Date de la décision : 23 Mars 2021
Numéro de l'affaire : T 0738/18
Numéro de la demande : 10740387.5
Classe de la CIB : B42D 15/00
G02B 27/22
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Elément de sécurité à effet de parallaxe
Nom du demandeur : Oberthur Fiduciaire SAS
Nom de l'opposant : Giesecke & Devrient GmbH
DE LA RUE INTERNATIONAL LIMITED
Chambre : 3.2.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 84
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention R 80
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12(4)
RPBA2020 Art 013(2)
Mot-clé : Admission de la requête auxiliaire 2 (oui)
Modifications répondant à un motif d'opposition (oui)
Clarté (oui)
Extension indue (non)
Nouveauté de l'objet de la revendication 1 (oui)
Attaque fondée sur l'absence d'activité inventive (non admise)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0001/95
T 0079/91
T 0246/91
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0489/19

Exposé des faits et conclusions

I. La titulaire du brevet européen n° 2 454 102 (ci-après « le brevet ») a formé un recours contre la décision de la division d'opposition relative au texte dans lequel le brevet peut être maintenu sous une forme modifiée.

II. La division d'opposition était d'avis que l'objet des revendications indépendantes du brevet tel que délivré et des requêtes auxiliaires 1 à 4 n'était pas nouveau par rapport à l'état de la technique, mais que l'objet de la requête auxiliaire 5 satisfaisait aux exigences de la CBE.

III. Parmi les documents de l'état de la technique considérés par la division d'opposition, les documents suivants sont particulièrement pertinents pour la procédure de recours :

D2 : WO 97/47478 A1

E1 : EP 2 123 470 A1

E6 : Extrait de R. L. van Renesse, "Optical

Document Security", Artech House, 2005,

p. 76 à 83

E11 : NL 1030245

E12 : traduction anglaise du document E11

IV. La procédure orale devant la chambre a eu lieu le 23 mars 2021. L'intimée II n'était pas présente, comme elle l'avait annoncé par lettre du 11 février 2021.

V. La requérante (titulaire du brevet) a demandé l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet sous une forme modifiée sur la base d'une des requêtes auxiliaires 2, 4 ou 5, déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours.

L'intimée I (opposante 1) a demandé le rejet du recours.

L'intimée II (opposante 2) a demandé, par écrit, le rejet du recours. Elle a en outre demandé que les requêtes auxiliaires 1 à 3 ne soient pas admises dans la procédure.

VI. La revendication 1 de la requête auxiliaire 2 est rédigée comme suit (la numérotation des caractéristiques utilisée par la chambre est indiquée entre crochets) :

« [1] Article de sécurité (10), notamment un document de sécurité, comportant un élément de sécurité (1) comportant un système optique, comportant :

- [2] un substrat transparent ou translucide (2),

- [3] du côté d'une première face (2a, 2b) du substrat (2) une image combinée (I) comportant une pluralité d'images codées imbriquées (I1, ... IN),

- [4] du côté d'une deuxième face (2a, 2b) du substrat (2), opposée à la première, une trame de révélation (4) superposée à l'image combinée (I), permettant d'observer les images codées (I1, ... IN) lors d'un changement de la direction d'observation de l'élément de sécurité (1) relativement au système optique,

caractérisé en ce que [5] les images codées (I1, ... IN) sont observables, lors d'un changement de la direction d'observation de l'élément de sécurité (1) relativement au système optique, du côté de la première face et du côté de la deuxième face du substrat (2), [6] la trame de révélation (4) étant d'aspect homogène à l'oeil nu, [7] la résolution de la trame de révélation étant supérieure à 800 dpi, [8] l'épaisseur (e) du substrat (2) étant comprise entre 10 et 100 µm, [9] la période de la trame de révélation étant inférieure ou égale à l'épaisseur du substrat. »

VII. Les parties ont argumenté comme suit :

a) Requête auxiliaire 2 : admission

i) Requérante (titulaire du brevet)

Le dépôt de cette requête au stade du recours se justifie par l'interprétation de la revendication 1 dans la décision, qui ne correspond pas à ce qui a été discuté pendant la procédure orale. Il n'était donc pas possible de présenter cette requête auparavant. Son dépôt avec le mémoire exposant les motifs du recours, en réponse à la décision attaquée, est légitime.

ii) Intimées (opposantes)

La requête auxiliaire 2 ne devrait pas être admise, car elle manque de clarté et son objet contrevient à l'article 123(2) CBE et n'est pas nouveau.

b) Requête auxiliaire 2 : conformité à la règle 80 CBE

i) Intimées (opposantes)

L'insertion de la caractéristique « supérieure à 800 dpi » contrevient à la règle 80 CBE. La résolution de la trame de révélation se réfère à la méthode de fabrication plutôt qu'à ses caractéristiques techniques. La mesure « dpi » ne saurait limiter la largeur des éléments de la trame de révélation, car il n'y a pas de relation directe entre la résolution de la trame de révélation et la largeur de ses éléments. Il n'y a pas de corrélation entre la largeur des éléments imprimés et la résolution de l'imprimante utilisée pour les imprimer. La revendication 1 autorise l'impression d'une trame de révélation à une résolution infinie, ce qui n'impose en fait aucune limitation à la largeur des éléments de la trame de révélation ou aux espaces entre eux. En effet, si l'homme du métier devait se voir présenter une trame de révélation, il n'aurait aucun moyen d'en connaître la résolution. L'homme du métier n'aurait aucune raison d'appliquer une interprétation différente à ces termes. Le document E11 souligne également cette distinction importante entre le terme « résolution » utilisé dans le contexte de la formation de la trame, et la structure physique de l'écran. A la page 9, lignes 12 à 17, il est indiqué que la résolution requise pour l'impression d'une telle marque d'authentification serait d'au moins 1 pixel par 31 micromètres (800 dpi) et que le pas de la trame devrait être ajustée à la résolution d'impression afin d'assurer des lignes nettes et régulières. On distingue donc clairement entre la résolution et le pas de la trame de révélation imprimée. A titre d'exemple, les images ci-dessous ont toutes la même résolution (celle de l'imprimante par laquelle la page est imprimée), mais le pas est clairement différent.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Par conséquent, la caractéristique 7 ne limite pas la portée de la revendication 1 accordée et ne peut pas être considérée comme une réponse à un motif d'opposition. Son insertion contrevient à la règle 80 CBE.

ii) Requérante (titulaire du brevet)

Les intimées interprètent la résolution de la trame de révélation comme la résolution de l'imprimante l'ayant imprimée. Or, la revendication 1 ne précise pas que la trame de révélation est imprimée avec une résolution de 800 dpi mais que la résolution de la trame de révélation est de 800 dpi. Par définition, la résolution d'un objet est la distance minimale entre deux points d'un objet dont les images données par un instrument d'optique puissent être séparées (selon le Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi)). En l'espèce, la distance minimale entre deux points de la trame de révélation dont les images données par un instrument d'optique puissent être séparées correspond à la taille d'une unité de la trame (l'épaisseur d'une ligne de la trame). Ainsi, l'homme du métier comprend de cette limitation de la revendication 1 que la valeur de 800 dpi correspond au nombre de 800 unités de trame par pouce pour la trame de révélation. Cela correspond à une valeur minimale d'impression de 800 dpi, une telle trame ne pouvant pas être obtenue par des impressions à moins de 800 dpi. En outre, les exemples du brevet définissent clairement que la résolution de la trame correspond à la résolution minimale de l'impression (paragraphes [0110] à [0113]). Par ailleurs, de manière contradictoire, l'intimée II admet cette interprétation de la résolution en page 6 de sa réponse. A l'appui de cette interprétation, on peut également citer le document E11, page 6, où des valeurs dpi sont utilisées pour définir le pas de la trame de révélation.

c) Requête auxiliaire 2 : clarté

i) Intimées (opposantes)

L'homme du métier aurait compris que les termes « résolution » et « points par pouce » sont directement liés à la formation de la trame de révélation, plutôt qu'à une quelconque mesure de la trame de révélation elle-même. Par conséquent, la revendication 1 de la requête principale manque de clarté, car elle inclut une caractéristique définie par une étape de méthode. La chambre elle-même a reconnu dans sa notification établie conformément à l'article 15(1) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR) que l'unité « dpi » est souvent utilisée pour définir la résolution d'un scanner, d'une imprimante, etc. Ce paramètre n'est pas approprié pour limiter les dimensions de la trame. La revendication 1 manque de clarté, car elle présente à l'homme du métier un certain nombre de plages différentes pour le même paramètre. Si l'on admet l'interprétation de la titulaire selon laquelle la caractéristique 7 correspond à une largeur de ligne de 31,25 microns ou moins (et donc à une période de la trame de 62,5 microns ou moins), l'homme du métier se voit présenter deux gammes différentes pour le même paramètre : la période de la trame peut être comprise entre 10 et 100 microns (caractéristique 9) et doit, simultanément, être inférieure à 62,5 microns. Il n'est pas clair si une trame dont le pas est compris entre 62,5 microns et 100 microns est couverte ou non par la revendication. Par conséquent, la revendication 1 ne définit pas clairement l'objet de l'invention ; elle impose au lecteur une charge indue pour déterminer l'objet pour lequel la protection est recherchée (T 79/91, T 246/91). La seule façon de résoudre ce problème semble être que la caractéristique de la résolution de la trame d'exposition supérieure à 800 dpi se rapporte à la formation de la trame d'exposition plutôt qu'à ses dimensions structurelles.

ii) Requérante (titulaire du brevet)

La limitation selon laquelle « la résolution de la trame de révélation étant supérieure à 800 dpi » n'est pas une limitation de procédé d'impression mais bien une caractéristique technique de la trame de révélation. Par ailleurs, tous les éléments requis pour obtenir l'effet revendiqué sont décrits ; toutes les caractéristiques essentielles sont présentes dans la revendication 1, explicitement ou implicitement, et la description donne tous les renseignements requis.

La revendication 1 est donc claire.

d) Requête auxiliaire 2 : conformité à l'article 123(2) CBE

i) Intimées (opposantes)

Contrairement à l'avis préliminaire de la chambre, la précision « lors d'un changement de la direction d'observation de l'élément de sécurité (1) par rapport au système optique » insérée dans la caractéristique 5 n'a pas de base suffisante à la page 19, lignes 20 à 23 de la demande telle que déposée. Ce passage de la description se rapporte à une disposition et à un nombre très spécifiques d'images codées, à savoir les spirales I1, I2, I3 et I4 représentées à la figure 5.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Il n'est pas possible d'extraire la caractéristique de ce contexte précis. Le passage explique également que « l'animation correspondant aux images codées peut être exposée en réflexion ..." Or, la revendication 1 n'énonce aucune condition de visualisation. De plus, il n'est pas clair comment les images codées peuvent être observées en réflexion depuis le côté des images codées. Par conséquent, la caractéristique a été extraite de manière isolée de la combinaison (i) du nombre d'images codées, (ii) de la forme des images codées et (iii) des conditions d'observation divulguées dans le passage cité. Cela constitue une généralisation intermédiaire qui contrevient à l'article 123(2) CBE.

ii) Requérante (titulaire du brevet)

La caractéristique ajoutée part de la figure 5. Il apparaît clairement de la description correspondante que la caractéristique d'observation des images codées est indépendante de l'exemple de la figure 5. Elle n'est pas limitée à quatre images. Concernant l'aspect réflexion/transmission, il convient de noter la divulgation à la page 22, lignes 1 à 3, qui précise que « le système optique peut fonctionner en lumière transmise ou réfléchie ». La caractéristique peut donc être extraite du mode de réalisation ; elle est généralisable à l'ensemble des modes de réalisation décrits dans la demande d'origine.

e) Requête auxiliaire 2 : nouveauté au vu du document E11

i) Intimée I (opposante 1)

L'objet de la revendication 1 est antériorisé par l'enseignement du document E11. Ce document mentionne une « fenêtre » (E12, page 4, quatrième paragraphe avant la fin). Le billet de 50 Euros cité par la requérante a un trou qui traverse le substrat en papier qui est couvert par un ruban. Le fait de prévoir une fenêtre traversante dans un substrat en papier est donc connu depuis 2004 ; voir aussi la figure 18 du brevet.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

La disposition « en fenêtre » mentionné par la requérante ne concerne que des fils de sécurité. Par ailleurs, l'objet de la revendication 1 n'est pas limité à un fil en fenêtre, c'est-à-dire un élément très fin. Un fil ne serait pas capable de recouvrir un trou. Il est d'ailleurs significatif que le document E11 se réfère à une disposition en fenêtre (E12, page 4, quatrième paragraphe avant la fin : « as a window ») ; l'élément de sécurité lui-même forme la fenêtre dans le support.

Lorsque l'élément de sécurité selon le document E11 est disposé dans cette fenêtre, il peut bien entendu être observé des deux côtés. On peut assimiler cela à un motif en filigrane (E12, page 3, troisième paragraphe : « ... just as a conventional watermark. »). Cette précision concerne une observation en transmission. Dans un arrangement en fenêtre, l'effet est observable des deux côtés lors d'un changement de la direction d'observation. C'est aussi visible à la figure 3 du document E11. Celle-ci ne montre pas de substrat, mais lorsqu'on est en présence d'une disposition en fenêtre le substrat ne s'étend que jusqu'à la marge de l'élément de sécurité.

Le document E11 évoque également la résolution de la trame de révélation : il est question d'un pas de 62 mym ou 800 dpi, et de 2300 dpi, respectivement (document E12, page 6). Le pas de 62 mym est en l'occurrence aussi inférieur à l'épaisseur du substrat (85 mym).

Par ailleurs, la figure 4 du document E11 montre un dispositif dont l'effet est observable des deux côtés.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Selon la description (E12, page 7), les portions désignées par x (tout comme les portions 4) sont opaques, alors que les images 31 et 32 peuvent être transparentes.

Toutes ces caractéristiques sont divulguées en combinaison avec la fenêtre, qui est décrite de manière générale. La divulgation de la page 6 du document E12 concerne la figure 3, et donc un mode de réalisation de l'invention susceptible d'être réalisé comme fenêtre.

ii) Intimée II (opposante 2)

Dans le document E11, les images codées (par exemple les « 20 » et « $ ») sont observables des deux côtés du substrat. La figure 2 est simplement une représentation schématique d'une méthode de combinaison d'images pour former l'image combinée. Elle ne montre pas ce que l'observateur voit lorsqu'il regarde le billet de banque du document E11 du côté de l'image combinée en combinaison avec la trame de révélation. Elle est similaire à la figure 3 du brevet. La visibilité des images codées dépend certes de l'opacité du fond de l'image combinée, mais la revendication 1 ne requiert pas un fond non opaque de l'image combinée. Comme le document E11 divulgue directement et sans ambiguïté toutes les caractéristiques structurelles de la revendication 1, l'effet visuel présenté par le document E11 doit être le même que celui obtenu par l'article de sécurité de la revendication 1. A la page 3 du document E11, il est indiqué que la marque d'authentification peut également être vue simplement en la tenant à la lumière, tout comme un filigrane conventionnel. Si le fond était opaque, l'effet de filigrane ne serait pas visible simplement en le tenant à la lumière.

Même si les éléments de ligne individuels constituant les images codées « 20 » et « $ » étaient impossibles à distinguer à l'oeil nu, l'observateur percevrait toujours la forme graphique des images individuelles « 20 » et « $ », comme suit :

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

En outre, rien dans la revendication 1 n'exige que l'observation des images codées se fasse à l'oeil nu. Les éléments de ligne individuels formant le « 20 » et le « $ » dans la figure 2 du document E11 seraient faciles à observer en utilisant une loupe.

Par ailleurs, les images codées sont observables lors d'un changement de direction de visualisation lors de la visualisation du dispositif depuis le côté des images codées.

Le document E11 divulgue également une épaisseur de substrat de 85 mym et un pas de 62 mym (E12, page 6).

L'objet de la revendication 1 manque donc de nouveauté par rapport au document E11.

iii) Requérante (titulaire du brevet)

Le document E11 ne décrit pas que les images codées sont observables dans l'article de sécurité d'un côté et de l'autre. L'intégration dans un document de sécurité de l'élément de sécurité est seulement évoquée sans aucune référence au fait que les images codées sont observables des deux côtés du substrat. Les figures 3 et 5 n'illustrent que la visualisation au travers de la trame de révélation. Ce n'est pas parce que l'image combinée dans son intégralité est observable du côté de la face sur laquelle elle est imprimée que les images codées sont observables. Or, la revendication 1 exige que les images codées soient observables des deux côtés du substrat. Rien n'indique que dans le document E11, les images codées sont visibles du côté de l'image combinée. Par exemple, à la figure 2 du document El1, le signe « $ » en particulier n'est plus indentifiable et donc observable dans l'image combinée.

La visibilité des images codées des deux côtés dépend en particulier de l'opacité du fond des images, qui n'est pas indiquée. Un fond blanc et opaque fait que les images codées ne sont visibles que d'un seul côté. On peut illustrer ce propos avec une image avec :

- une ligne horizontale sur fond opaque (gris, pour une meilleure visualisation, au lieu de blanc comme sur la figure 2 du document E11),

- une diagonale descendante sur fond opaque, et

- une diagonale montante sur fond opaque.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

L'image combinée est comme suit :

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

La trame de révélation se présente ainsi :

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Du côté de la trame de révélation, on voit les images suivantes en fonction de l'angle d'observation :

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Lorsque l'article est observé du côté de l'image combinée, l'image obtenue (l'image combinée) ne dépend pas de l'angle d'observation. Les images codées ne sont pas visibles. Il en est de même pour les images du document E11. Rien dans ce document ne permet de conclure que les images codées présentent un fond non opaque et donc seraient visibles du côté de l'image combinée. D'ailleurs, sur la figure 1, l'image combinée semble être continue. L'objet de la revendication 1 est donc nouveau vis-à-vis du document E11.

La figure 2 du document E11 illustre un exemple d'image combinée pour lequel la résolution de la trame de révélation associée est bien supérieure à 800 dpi et la trame n'a pas un aspect homogène à l'oeil nu.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Les caractéristiques 6 et 7 de la revendication 1 bornent la largeur de lignes à des valeurs inférieures à 31,25 mym. Selon la caractéristique 4, la largeur des lignes de chaque image codée est inférieure ou égale à celle de la trame de révélation (31,25 mym). L'oeil humain n'étant pas capable de distinguer des détails inférieurs à 200 mym, la visualisation de l'image combinée ne permet pas d'observer les images codées (cf. la figure 3 du brevet où les images codées I1 à I4 ne sont pas observables du côté de l'image combinée) :

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Le document E11 ne décrit donc pas directement et sans ambiguïté, de façon explicite ou implicite, que les images codées sont observables par visualisation de l'image combinée du côté de l'image combinée. Pour pouvoir observer l'effet décrit dans le document E11 en transmission du côté de la trame de révélation, il faudrait que le fond de l'image combinée soit au moins partiellement translucide ou transparent. Cela ne veut pas dire pour autant que, par visualisation du côté de l'image combinée, les images codées sont observables. En effet, le fond des lignes d'image codée qui se superposent aux lignes opaques de trame peut rester sensiblement blanc par visualisation du côté de l'image combinée du fait de la très faible transparence du fond de l'image combinée.

L'élément de sécurité selon le document E11 doit être intégré dans un article, qui n'est pas illustré. Le document de sécurité peut être une couche qui se trouve sous l'image combinée qui, elle, n'est pas nécessairement transparente, mais peut être opaque ou translucide, comme à la figure 19 du brevet. Un tel fond empêcherait la visualisation de l'image combinée.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Par ailleurs, la revendication 1 exige que les images codées soient observables des deux côtés du substrat. Selon la revendication 1, les images codées sont « observables » (caractéristique 5) et c'est la trame de révélation qui permet de les observer (caractéristique 4). Par conséquent, l'observation de la caractéristique 5 se fait aussi nécessairement lors d'un changement de la direction d'observation. Il s'agit de l'observation individuelle de chaque image codée et non pas sous forme intégrée dans l'ensemble de l'image combinée.

L'ajout des caractéristiques 6 et 7 entraîne que dans l'image combinée, les images codées imbriquées ne sont pas discernables les unes par rapport aux autres.

Dans le document E11 il n'est donc pas divulgué que les images codées sont visibles du côté de l'image combinée et observables par un changement de l'angle de vue.

Si le document E11 évoque la possibilité d'intégrer l'élément de sécurité dans une « fenêtre » (E12, page 4, quatrième paragraphe avant la fin : « window »), cela ne veut pas dire pour autant que l'élément de sécurité a ses deux faces opposées accessibles. Lorsqu'on dit qu'on intègre un fil de sécurité « en fenêtre », en général, le film émerge du papier que d'un côté (voir le document E6, page 78). Le billet de 50 Euros en fournit une illustration. Toute fenêtre n'est pas traversante. Lorsqu'elle l'est, cela est en général spécifié (voir le paragraphe [0029] du brevet). Les figures du document E11 sont très schématiques. Elles ne sont pas censées représenter dans le détail la structure du montage de l'élément de sécurité dans le billet. Si le document E11 mentionne un billet polymère (E12, page 4, quatrième paragraphe avant la fin : « polymer bank note »), cela n'exclut pas pour autant que sur la face arrière du billet on ait une couche translucide. En général, ces billets sont imprimés, et à cette fin, on prévoit une sous-couche blanche. Cette sous-couche pourrait être translucide, de sorte qu'on aurait un effet de vision « comme en filigrane » du côté de la face de la trame, mais pas de vision de l'autre côté. D'ailleurs, dans le document E11, la seule observation mentionnée est celle du côté de la trame (« ... from the first side ... »). Une éventuelle transparence du fond n'est pas mentionnée.

Les caractéristiques 8 et 9 ne sont pas divulguées en combinaison avec le mode de réalisation comportant une fenêtre. A la page 6 du document E12, on évoque l'épaisseur du substrat en plastique, tandis qu'à l'a page 4, il est question d'un composant transparent qui se trouve entre la trame de révélation et l'image combinée et qui est lui-même disposé dans un substrat en papier. Il n'y a donc pas de lien entre les deux paragraphes, de sorte qu'une combinaison n'est pas divulguée directement et sans ambiguïté.

L'objet de la revendication 1 est donc nouveau par rapport au document E11.

f) Requête auxiliaire 2 : admission de l'attaque fondée sur l'absence d'activité inventive

i) Intimée I (opposante 1)

L'objet de la revendication 1 manque d'activité inventive au regard de l'enseignement du document E11, compte tenu des connaissances générales de l'homme du métier. L'attaque se fonde sur les passages qui ont déjà été mentionnées dans le contexte de l'attaque de nouveauté, à savoir le mode de réalisation comportant une fenêtre (E12, page 4) et les indications concernant le pas et l'épaisseur du substrat dans le contexte du mode de réalisation de la figure 3, à savoir 62 et 85 mym. L'homme du métier savait qu'un billet de banque a typiquement une épaisseur de 100 mym ; l'épaisseur de 85 mym est donc une valeur usuelle. Les valeurs des caractéristiques 8 et 9 auraient donc été parfaitement normales pour l'homme du métier. Par ailleurs, un pas de 22 mym est également divulgué (voir document E12, page 6). Il s'ensuit que les caractéristiques 8 et 9 ne sauraient fonder une activité inventive.

Interrogé par la chambre pourquoi cette attaque n'avait pas été formulée avant la procédure orale, alors que la requête auxiliaire 2 de la requérante avait été déposée tout au début de la procédure de recours, et quelles étaient les « circonstances exceptionnelles » au sens de l'article 13(2) RPCR 2020 justifiant son admission, l'intimée I a déclaré que ce n'était pas une objection nouvelle, car il ne s'agissait pas d'une combinaison de différentes antériorités et les modes de réalisation du document E11 n'étaient pas différents au point de constituer de véritables modes de réalisation différents ; il était totalement évident prima facie que l'on pouvait combiner ces modes de réalisation. Aux yeux de l'intimée I, cette attaque ne correspond pas à une modification de ses moyens en recours.

ii) Requérante (titulaire du brevet)

Cette attaque n'a jamais été formulée avant ; son admission semble discutable. Par ailleurs, l'attaque est prima facie non pertinente, car les modes de réalisation invoqués sont clairement distincts. Les caractéristiques 8 et 9 présentent un effet synergique et un avantage technique (voir le paragraphe [0055] du brevet). Ni la combinaison, ni l'effet technique ne sont mentionnés dans le document E11. Par ailleurs, l'intimée I n'a jamais contesté le mémoire exposant les motifs du recours, ni soulevé d'autres objections. Elle n'avait même pas formé d'attaque de nouveauté contre la requête auxiliaire 2. Il ne saurait donc y avoir de continuité avec d'autres motifs déjà soulevés.

Motifs de la décision

1. Admission de la requête auxiliaire 2 (article 12(4) RPCR 2007)

La requérante a présenté la requête auxiliaire 2 comme une réaction à l'interprétation de la revendication 1 de ce qui était alors la requête principale par la division d'opposition. Les intimées n'ont pas contesté cette présentation des faits. La chambre ne voit pas non plus de raison de ne pas admettre cette requête présentée tout au début de la procédure de recours, à la première occasion de réagir offerte à la requérante. La requête est donc admise.

Les objections soulevées dans le contexte de l'admission de la requête - au titre des articles 84 et 123(2) CBE et de la règle 80 CBE - seront traitées séparément (aux points 3., 4. et 5. ci-dessous).

2. Interprétation des revendications

2.1 « Trame de révélation »

Le brevet ne contient pas de définition de ce qu'il faut entendre par « trame de révélation ». La revendication 1 elle-même précise que, superposée à l'image combinée, la trame de révélation permet d'observer les images codées lors d'un changement de la direction d'observation de l'élément de sécurité relativement au système optique.

La chambre comprend le concept de « trame » comme désignant un motif périodique (cf. paragraphe [0096]) formé par un ensemble de bandes finement quadrillé ou réticulé, étant entendu que les bandes ne sont pas forcément rectilignes, comme le montre, par exemple, la figure 6 du brevet.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Le complément de nom « de révélation » indique la fonction recherchée, à savoir révéler ou faire apparaître des images, ou, pour utiliser le langage de la caractéristique 4, les rendre « observables » (voir point 2.3 ci-dessous).

2.2 Caractéristique 4 : « ... permettant d'observer ... lors d'un changement de la direction d'observation ».

Le brevet ne donne pas de définition particulière de ce qu'il faut entendre par « observer » ; il convient donc de considérer le sens général du mot. Le dictionnaire Larousse le définit comme « regarder attentivement » ou « examiner attentivement », le Robert en ligne comme « considérer avec attention » ou « examiner en surveillant ».

La trame permet d'observer une image codée si elle la présente à la vue d'un observateur ou du moins n'empêche pas sa perception par l'observateur.

La caractéristique 4 exige que la trame de révélation soit telle qu'elle permet d'observer les images codées « lors [c'est-à-dire : au moment] d'un changement de la direction d'observation ». La trame étant une trame « de révélation », l'observation des images codées permise par elle lors d'un changement de la direction d'observation peut être comprise comme un « décodage » des images codées. Autrement dit, la trame doit être telle que, lors d'un changement de la direction d'observation, les différentes images codées apparaissent ou disparaissent, de manière que chacune d'entre elles peut être perçue en tant que telle.

2.3 Caractéristique 5 : « les images codées ... sont observables du côté de la première face et du côté de la deuxième face du substrat ... »

La caractéristique 5 précise que les images codées doivent être « observables » du côté de la première face et du côté de la seconde face du substrat.

La chambre comprend l'adjectif « observable » comme signifiant « pouvant être observé » ou « pouvant être vu lors d'un examen attentif ». De nouveau, cela signifie que les différentes images codées apparaissent ou disparaissent, de manière que chacune d'entre elles peut être perçue en tant que telle lors du changement (précisément parce qu'elle apparaît ou disparaît).

2.4 Caractéristique 7 : « résolution de la trame de révélation... supérieure à 800 dpi »

L'unité « dpi » (« dots per inch » ; points par pouce) est souvent utilisée pour définir la résolution d'un scanner, d'une imprimante etc. Il se pose la question de savoir ce qu'elle signifie dans le contexte d'une trame de révélation.

La requérante a invoqué la définition du « Trésor de la langue française informatisée » (accessible à l'adresse suivante : http://atilf.atilf.fr/). La résolution spatiale y est définie comme « distance minimale entre deux points d'un objet dont les images données par un instrument d'optique puissent être séparées ».

La caractéristique en question signifierait alors que les bandes formant la trame de révélation (voir point 2.1) ont une périodicité telle que l'on trouve au moins 800 bandes par pouce.

Cette interprétation « par extension » est techniquement raisonnable et dans la ligne de l'enseignement du brevet dans son ensemble.

L'argument selon lequel l'homme du métier aurait pris cette caractéristique comme se référant au procédé de fabrication de l'article de sécurité (par impression avec une résolution supérieure à 800 dpi) n'a pas convaincu la chambre. L'homme du métier aurait compris que cette interprétation ne fait pas de sens dans ce contexte précis (la résolution de l'impression de la trame est un paramètre sans pertinence pour l'objet revendiqué). Aussi, la caractéristique 7 se réfère à la résolution de la trame elle-même, et non pas à celle de son impression. L'homme du métier aurait donc retenu l'interprétation « par extension » esquissée plus haut.

3. Conformité à la règle 80 CBE

L'objection au titre de la règle 80 CBE se fonde sur l'interprétation du terme « résolution » comme étant la résolution à laquelle la trame de révélation est imprimée. Comme la chambre interprète ce terme différemment (voir point 2.4), à savoir comme une limitation de la revendication 1 délivrée, en réponse à un motif d'opposition, elle estime que cette objection n'est pas fondée.

4. Clarté (article 84 CBE)

4.1 Le terme « résolution »

L'objection de manque de clarté fondée sur le terme « résolution » repose sur une interprétation du terme que la chambre ne fait pas sienne (cf. point 2.4). Par conséquent, cette objection est infondée.

4.2 Combinaison des caractéristiques 7 à 9

La caractéristique 7, selon l'interprétation retenue par la chambre, conduit à une période inférieure à 62,5 microns pour la trame de révélation. La caractéristique 9 requiert une période inférieure ou égale à l'épaisseur du substrat, qui, selon la caractéristique 8, est comprise entre 10 et 100 µm. Considérant ces deux plages de valeurs, les intimées ont fait valoir que l'homme du métier aurait des difficultés pour déterminer laquelle de ces plages était prioritaire. Cet argument n'a pas convaincu la chambre. L'homme du métier aurait compris qu'en présence de deux limites supérieures différentes pour la période de révélation, il devait retenir la valeur inférieure des deux, ce qui permet de satisfaire aux deux conditions. Cela ne lui aurait posé aucune difficulté et ne lui aurait pas imposé une charge indue pour déterminer l'objet pour lequel la protection est recherchée. Par conséquent, cette objection est également infondée.

Les décisions T 79/91 (où l'invention était définie dans dix revendications indépendantes de portée différente qui se chevauchaient plus ou moins, rendant difficile la détermination de l'objet pour lequel la protection était demandée, voir point 2.2 des motifs) et T 246/91 (où le fait qu'il fallait interpréter 157 revendications constituait une charge excessive, voir point 7.2 des motifs) concernent des situations très différentes et ne sont pas pertinentes pour le cas présent.

4.3 Conclusion concernant la clarté

L'objet de la revendication 1 satisfait aux exigences de l'article 84 CBE.

5. Conformité à l'article 123(2) CBE

L'objection concerne l'ajout à la caractéristique 5 de la précision que les images codées sont observables des deux côtés du substrat « lors d'un changement de la direction d'observation de l'élément de sécurité relativement au système optique ».

La requérante a invoqué la page 17, lignes 1 à 5, de la publication de la demande internationale dont est issu le brevet. Ce passage, qui est absent de la description du brevet, est rédigé comme suit :

« L'homme du métier choisira en particulier une structure adaptée à l'effet recherché, notamment selon qu'il souhaite observer les images codées, lors d'un changement de la direction d'observation de l'élément de sécurité relativement au système optique, d'un seul ou des deux côtés de l'élément de sécurité. »

La demande d'origine décrit plusieurs aspects de ce qui constitue l'invention objet de la demande :

- un article de sécurité (page 2, ligne 18, jusqu'à la page 13, ligne 15, correspondant aux revendications 1 à 25 d'origine et aux paragraphes [0013] à [0086] du brevet) ;

- un procédé de fabrication d'un tel article de sécurité (page 13, lignes 16 à 19, revendication 26, non repris dans le brevet) ;

- un autre article de sécurité (page 13, lignes 20 à 24, non repris dans le brevet) ;

- un procédé d'authentification (page 13, lignes 25 à 29, correspondant à la revendication 27 d'origine et au paragraphe [0087] du brevet) ;

- un élément de sécurité comportant notamment deux trames de révélation (page 14, ligne 25, jusqu'à la page 17, ligne 10, correspondant à la revendication 28 d'origine, non repris dans le brevet) ; et

- un article de sécurité comportant un tel élément de sécurité (page 15, lignes 16 et 17, non repris dans le brevet).

Le passage sur lequel s'appuie la requérante fait donc partie de la description de l'avant-dernier aspect, qui n'a pas été repris dans le brevet. Or, il n'est pas possible de combiner l'enseignement de la demande d'origine concernant l'avant dernier-aspect avec celui du premier aspect sans aller au-delà du contenu de la demande d'origine, car cette combinaison ne semble ni divulguée ni suggérée dans la demande.

Deux autres passages ont été cités à l'appui de la caractéristique 5. Le premier se trouve à la page 4, lignes 1 à 8 ; il est rédigé comme suit :

« L'authentification et/ou l'identification de l'article peut se faire indifféremment par observation de la face recto ou verso de l'article de sécurité. En effet, la trame de révélation et l'image combinée étant présentes respectivement de part et d'autre du substrat, les images codées peuvent être observées en réflexion côté recto, lequel coïncide par exemple avec le côté de la trame de révélation, mais également du côté verso. Lorsque l'élément de sécurité est intégré à un document de sécurité, par exemple en fenêtres, il peut être avantageux de rendre observables à la fois les côtés recto et verso de l'élément de sécurité. »

Si ce passage divulgue le fait que les images codées peuvent être observées des deux côtés, il ne contient pas de divulgation directe et sans ambiguïté de ce que ces éléments sont observables du côté de la première face lors d'un changement de la direction d'observation.

Le second passage se trouve à la page 19, lignes 20 à 23 ; il est rédigé comme suit :

« On a représenté à la figure 5 l'aspect des différentes images I1 à I4, quand l'angle d'observation alpha représenté sur la figure 1, relativement au système optique, change. L'animation correspondant aux images codées peut être révélée en réflexion, côté trame de révélation et côté image combinée. »

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

L'argument selon lequel ce passage de la description se rapporte à une disposition et à un nombre très spécifiques d'images codées, à savoir les spirales 11, I2, I3 et I4 représentées à la figure 5 n'a pas convaincu la chambre, car l'homme du métier est conscient que le nombre et la forme précis des images est sans rapport avec la caractéristique mentionnée dans ce passage.

L'objection que le passage cité se limite au cas de réflexion, alors que la revendication 1 n'énonce aucune condition de visualisation, n'est pas déterminant non plus. En effet, l'homme du métier s'attendrait qu'un dispositif permettant l'observation de l'effet en réflexion à la fois du côté de la trame de révélation et du côté de l'image combinée fonctionne également en transmission, étant entendu que le fond du dispositif doit être transparent pour que l'observation puisse se faire des deux côtés en réflexion. Ce constat est par ailleurs conforté par l'affirmation générale à la page 22, lignes 1 à 3, selon laquelle « le système optique peut fonctionner en lumière transmise ou réfléchie ». Il est donc légitime d'extraire la caractéristique sans référence à l'observation en réflexion.

Par conséquent, la caractéristique 5 a un fondement dans la demande d'origine. Elle ne constitue pas une généralisation intermédiaire et ne contrevient pas à l'article 123(2) CBE.

6. Nouveauté au vu du document E11 (article 54(1)(2) CBE)

Le document E11 concerne des éléments de sécurité permettant une reconnaissance visuelle facile. Sa figure 3 montre un tel élément qui comprend une image 3 visible à travers une grille 4. En raison de l'effet de parallaxe, la position de l'observateur détermine quelle partie de l'image 3 est visible à travers la grille 4. Il n'est pas contesté que ce mode de réalisation possède les caractéristiques 1 à 4, 6 et 7 de la revendication 1, comme cela a été constaté par la division d'opposition au point 3.2.2 de la décision attaquée.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Aux pages 8 et 9, le document E11 divulgue, dans le contexte du mode de réalisation de la figure 3, une épaisseur de substrat de 85 mym et un pas de 62 mym (cf. E12, page 6), ce qui antériorise également les caractéristiques 8 et 9 et tant que telles.

Le débat concernant la caractéristique 5 s'est cristallisé autour de la question de savoir si les images codées du dispositif du document E11 sont visibles des deux côtés, et notamment du côté de l'image combinée.

La requérante a fait valoir qu'il n'y avait pas de divulgation explicite dans le document E11 de ce que les images codées sont observables des deux côtés du substrat. Cette affirmation est correcte, mais elle n'est pas déterminante, dans la mesure où une divulgation implicite, que l'homme du métier déduit directement et sans ambiguïté du contexte général d'une antériorité, suffirait aussi bien pour priver cette caractéristique de nouveauté (voir "La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets", 9e édition, juillet 2019, I.C.4.3).

Selon la requérante, ce n'est pas parce que l'image combinée dans son intégralité est observable du côté de la face sur laquelle elle est imprimée que les images codées le sont. La requérante s'est notamment appuyée sur la figure 2 du document E11, où le nombre « 20 » et le signe « $ » sont superposés, le signe n'est pas observable dans l'image combinée :

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Indépendamment de la question de savoir si le signe « $ » peut être considéré comme étant « observable » à la figure 2, la chambre partage l'avis de la requérante que la caractéristique 5 requiert que les différentes images codées apparaissent ou disparaissent, de manière que chacune d'entre elles peut être perçue en tant que telle (voir point 2.3). En l'occurrence, cet effet ne saurait être obtenu que par une interaction avec la trame de révélation.

Comme cela a été souligné par la requérante, la possibilité d'observer l'effet du côté de l'image combinée dépend de la présence éventuelle d'un fond, et de sa nature (transparente, translucide ou opaque). A titre d'exemple, un fond blanc opaque aurait pour conséquence que les images codées ne sont visibles que d'un seul côté. Selon la requérante, rien dans le document E11 ne permet de conclure que les images codées présentent un fond non opaque, et sur la figure 1, l'image combinée semble même être continue.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Ce dernier constat n'est cependant pas pertinent, dans la mesure où il s'agit d'un autre mode de réalisation.

Il n'est pas utile de spéculer sur le point de savoir si le dispositif de la figure 3 possède un fond et, le cas échéant, si ce fond serait opaque, car le document E11 est silencieux à cet égard. En revanche, ce document divulgue directement et sans ambiguïté qu'un élément de sécurité comportant une composante transparente peut être disposé « comme une fenêtre » (page 6 « ... als venster ... » ; cf. document E12, page 4, « ... as a window ... »). Dans une telle configuration, il n'y a pas lieu de prévoir de fond, et a fortiori de fond opaque, de sorte que les images codées sont observables, lors d'un changement de la direction d'observation de l'élément de sécurité relativement au système optique, comme le requiert la caractéristique 5.

La requérante a fondé son contre-argument sur une interprétation plus générale du concept de « fenêtre ». Elle a souligné qu'une « fenêtre » n'est pas traversante et a invoqué l'existence de « fils en fenêtre » (les windowed threads mentionnés à la page 78 du document E6) qui apparaissent par endroits sur une seule face du billet de banque. Or, cette interprétation large du terme « fenêtre » ne s'impose pas à l'homme du métier cherchant à comprendre l'enseignement du document E11, et ce d'autant plus qu'il n'est pas dit dans ce document que l'élément de sécurité est prévu dans une fenêtre mais « comme une fenêtre », c'est-à-dire pour former lui-même une fenêtre. La façon naturelle de comprendre ce passage est de considérer que le support du document de sécurité possède un trou traversant et que l'élément de sécurité est prévu dans cet évidement.

La chambre est néanmoins parvenue à la conclusion que la combinaison des caractéristiques 5, 8 et 9 n'est pas divulguée directement et sans ambiguïté en combinaison avec les autres caractéristiques de la revendication 1.

La chambre note qu'à la page 6 du document E12, on évoque l'épaisseur du substrat en plastique, tandis qu'à la page 4, la disposition « en fenêtre » concerne un substrat en papier. Il est vrai que la phrase suivante envisage un substrat en plastique ou en polymère, mais il n'y a pas de divulgation directe et non ambiguë d'un arrangement d'un élément de sécurité selon la figure 3 « en fenêtre » dans un substrat polymère. Pour parvenir à un tel mode de réalisation, il faut combiner plusieurs passages d'une manière qui n'est pas clairement énoncée dans le document E11.

Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 est nouveau au vu du document E11.

7. Admission de l'objection fondée sur un défaut d'activité inventive (article 13(2) RPCR 2020)

La requête auxiliaire 2 a été déposée ensemble avec le mémoire exposant les motifs du recours. L'intimée I n'a pas réagi à ce mémoire. L'intimée II a répondu, mais elle s'est contentée de contester l'admission de la requête auxiliaire 2 et la nouveauté de son objet (voir les points 4.1 et 4.2 de sa lettre en date du 3 octobre 2018). Seule l'intimée II a réagi par écrit à la notification de la chambre établie conformément à l'article 15(1) RPCR 2020. En ce qui concerne les requêtes auxiliaires 2 à 5, elle a seulement fait valoir que leur objet n'était pas clair (voir la lettre en date du 22 février 2021, point 4.1). Quant à la brevetabilité de leurs objets, elle s'est contentée d'un renvoi à sa lettre du 3 octobre 2018 (voir point 4.2). Il s'ensuit que l'objection tirée d'un défaut d'activité inventive a été soulevée pour la première fois pendant la procédure orale devant la chambre.

L'article 13(2) RPCR 2020, applicable en l'espèce, dispose :

« Toute modification des moyens présentée par une partie après ... la signification d'une citation à une procédure orale n'est, en principe, pas prise en compte, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, que la partie concernée a justifiées avec des raisons convaincantes. »

L'intimée I a fait valoir que son attaque fondée sur l'absence d'activité inventive n'était pas une modification de ses moyens parce qu'il ne s'agissait pas d'une combinaison de différentes antériorités et que les modes de réalisation du document E11 n'étaient pas véritablement différents, au point qu'il était totalement évident prima facie que l'on pouvait combiner ces modes de réalisation. Cet argument n'a pas convaincu la chambre. Le défaut de nouveauté et le défaut d'activité inventive sont des motifs d'opposition distincts (voir la décision G 1/95, point 4.3 des motifs). Introduire une objection de défaut d'activité inventive qui n'a jamais été soulevée auparavant constitue donc nécessairement une modification des moyens au sens de l'article 13(2) RPCR 2020. Or, l'intimée I n'a pas fait valoir de circonstances exceptionnelles, et a fortiori, n'a pas justifié de raisons convaincantes. Il s'ensuit qu'en application de cet article, la chambre ne peut pas prendre en compte cette objection.

L'objection de manque d'activité inventive contre la requête auxiliaire 2 n'est donc pas admise.

8. Conclusion

Aucun des motifs d'opposition valablement soulevés ne s'oppose au maintien du brevet sur la base des revendications de la requête auxiliaire 2.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de maintenir le brevet tel que modifié dans la version suivante, et une description à adapter :

- Revendications : N° 1 à 14 de la requête auxiliaire 2 produite avec le mémoire exposant les motifs du recours.

- Dessins : Figures : 1 à 20 du fascicule de brevet.

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