T 2304/16 (Compositions cosmétiques contenant un copolymère d'acide mé … of 1.2.2018

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2018:T230416.20180201
Date de la décision : 01 Fevrier 2018
Numéro de l'affaire : T 2304/16
Numéro de la demande : 02292002.9
Classe de la CIB : A61K 8/81
A61K 8/895
A61Q 5/00
A61K 8/894
A61K 8/898
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Compositions cosmétiques contenant un copolymère d'acide méthacrylique, une silicone et un polymère cationique et leurs utilisations
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : Procter & Gamble Technical Centres Limited
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 12
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Recevabilité de documents (oui)
Requête principale - Nouveauté (oui)
Requête principale et requête subsidiaire 1 - Activité inventive (non)
Requête subsidiaire 2 - Activité inventive (oui)
Choix de l'état de la technique le plus proche
Essais comparatifs reproductibles et analysables (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0702/99
T 1127/10
T 0275/11
T 0826/11
T 1962/12
T 2123/14
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen n° 1 291 003 a été délivré sur la base de 40 revendications.

Le libellé de la revendication indépendante 1 s'énonçait comme suit:

"1. Composition cosmétique, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un milieu cosmétiquement acceptable, au moins un copolymère réticulé d'acide méthacrylique et d'acrylate d'alkyle en C1-C4, au moins un polymère cationique ou amphotère et au moins une silicone choisie parmi :

(i) les polyorganosiloxanes, comportant dans leur structure générale, un ou plusieurs groupements organofonctionnels directement fixés sur la chaîne siloxanique ou fixés par l'intermédiaire d'un radical hydrocarboné à l'exclusion des silicones solubles choisies parmi les polydiméthylsiloxanes comportant des groupements polyoxyéthylénés terminaux et/ou latéraux;

(ii) les copolymères blocs linéaires polysiloxane(A)-polyoxyalkylène(B) de type (A-B)n avec n >3 ;

(iii) les polymères siliconés greffés, à squelette organique non siliconé, constitués d'une chaîne principale organique formée à partir de monomères organiques ne comportant pas de silicone, sur laquelle se trouve greffé, à l'intérieur de ladite chaîne ainsi qu'éventuellement à l'une au moins de ses extrémités, au moins un macromonomère polysiloxane ;

(iv) les polymères siliconés greffés, à squelette polysiloxanique greffé par des monomères organiques non siliconés, comprenant une chaîne principale de polysiloxane sur laquelle se trouve greffé, à l'intérieur de ladite chaîne ainsi qu'éventuellement à l'une au moins de ses extrémités, au moins un macromonomère organique ne comportant pas de silicone ;

(v) ou leurs mélanges."

II. Le brevet a été opposé aux motifs de l'article 100(a) CBE pour manque de nouveauté et d'activité inventive.

III. Par la décision prononcée à la clôture de la procédure orale du 22 octobre 2015, la division d'opposition a décidé de maintenir le brevet sous forme modifiée. La décision était basée sur les revendications telles que délivrées, et sur les jeux de revendications déposés comme requêtes subsidiaires 1 et 2 par lettre datée 15 octobre 2015.

L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 avait été restreint aux seules silicones (i), comme suit, les modifications étant montrées en caractères gras:

"(i) les polyorganosiloxanes, comportant dans leur structure générale, un ou plusieurs groupements organofonctionnels [deleted: directement fixés sur la chaîne siloxanique ou] fixés par l'intermédiaire d'un radical hydrocarboné à l'exclusion des silicones solubles choisies parmi les polydiméthylsiloxanes comportant des groupements polyoxyéthylénés terminaux et/ou latéraux."

L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 avait été restreint aux seules silicones aminées (i) comme suit:

"(i) les polyorganosiloxanes, comportant dans leur structure générale, un ou plusieurs groupements organofonctionnels directement fixés sur la chaîne siloxanique ou fixés par l'intermédiaire d'un radical hydrocarboné à l'exclusion des silicones solubles choisies parmi les polydiméthylsiloxanes comportant des groupements polyoxyéthylénés terminaux et/ou latéraux, les polyorganosiloxanes (i) étant choisis parmi ceux comportant:

a) des groupements aminés substitués ou non substitués."

IV. Les documents suivants, cités au cours de la procédure d'opposition, restent pertinents pour la présente décision:

D5: Brochures CASF1-011 et CASF1-007

D7: US-A-6 172 019

D9: complément aux essais comparatifs déposés par

lettre du 19.10.2009

D10: rapport d'essais comparatifs déposés par lettre du

28 juin 2011

V. Dans sa décision, la division d'opposition a considéré que les documents D5 et D7 anticipaient l'objet de la revendication 1 de la requête principale, en particulier car les dimethiconol et dimethicone divulgués dans ces documents étaient des silicones tombant sous la catégorie (i) revendiquée comportant un groupement organofonctionnel.

L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire

1 était considéré comme nouveau puisque les dimethiconol et dimethicone divulguées dans les document D5 et D7 étaient exclus du champ de la revendication 1.

En ce qui concernait l'activité inventive de cette requête, l'art antérieur le plus proche retenu était le document D5.

L'objet de la revendication 1 en différait en ce que la silicone était choisie parmi les silicones aminées du groupe (i) modifié. Les résultats expérimentaux D10 et D10bis montraient un effet conditionnant supérieur lié à l'utilisation particulière de l'amodiméthicone, une silicone du groupe (i) modifiée par une amine. Selon la division d'opposition, ces essais ne permettaient cependant pas de conclure que des silicones du groupe (i) modifiées par un groupement organo-fonctionnel autre que des groupements aminés puissent se comporter de la même façon avantageuse. L'objet revendiqué représentait donc une alternative par rapport à l'enseignement du document D55. Cette alternative étant considéré comme évidente, la requête subsidiaire 1 n'impliquait donc pas une activité inventive sur l'ensemble du domaine qu'elle revendiquait.

L'objet de la requête subsidiaire 2 était limité aux silicones de type (i) comportant des groupements aminés substitués ou non substitués. Les revendications de cette requête impliquaient une activité inventive par rapport aux documents D5 et D7 pour l'ensemble du domaine revendiqué, car les essais D10 et D10bis démontraient bien l'existence d'un effet technique lié auxdites silicones aminées, et que l'existence de cet effet était plausible pour toutes les silicones comportant un groupe aminé.

VI. La titulaire (ci-après requérante-titulaire) et l'opposante (ci-après requérante-opposante) ont formé un recours contre la décision de la division d'opposition.

VII. Le mémoire exposant les motifs du recours de la requérante-titulaire daté du 19 décembre 2016 était accompagné inter alia des essais D9ter et D10ter et des requêtes subsidiaires 1-6.

L'objet des revendications 1 des requêtes subsidiaires 1 et 2 était identique à celui des requête subsidiaires 1 et 2, qui étaient l'objet de la décision de la division d'opposition.

VIII. Le mémoire exposant les motifs du recours de la requérante-opposante daté du 19 décembre 2016 était accompagné des documents D16-D20:

D16: "Principles of Polymer Science and Technology in Cosmetics and Personal Care", 1999, pages 299-305

D17: "Conditionning Agents for Hair and Skin", 1999, pages 207-209

D18: "Handbook of Cosmetic Science and Technology", 2001, pages 339-342

D19: J. Soc. Cosmet. Chem., 1995, 46, 231-245

D20: J. Soc. Cosmet. Chem., 1992, 43, 275-284

IX. Par lettre datée du 2 mai 2017, la requérante-titulaire déposait les rapport d'essais comparatifs D9(4) et D10(4). Elle demandait également que les documents D16-D20 ne soient pas admis dans la procédure.

X. Aux fins de la préparation de la procédure orale, la Chambre a envoyé une notification datée du 1er décembre 2017. Dans cette notification, la Chambre soulignait en particulier que les tests D9(ter), D9(4) et D10(ter), D10(4) semblaient montrer une amélioration au vu respectivement de D1 et D5.

XI. La procédure orale s'est tenue le 1er février 2018.

XII. Les arguments suivants ont été avancés par la requérante-titulaire:

Recevabilité des documents D16-D20

Ces documents ont été déposés tardivement et auraient pu être déposés plus tôt dans la procédure. De plus l'enseignement de ces documents est très général, et se rapportait à l'utilisation se silicones aminées en tant qu'agent conditionnants.

Recevabilité des essais D9(4) et D10(4)

Les essais D9(4) et D10(4) devaient être admis dans la procédure. Ils correspondaient aux essais D9 et D10 déjà présents dans la procédure et avaient été déposés en réponse aux objections de la requérante-opposante. Les évaluations avaient été faites par des experts en aveugle, et une évaluation statistique prouvaient leur pertinence. Dans le cas de D10(4) les notes individuelles avaient été fournies également.

Requête principale - Nouveauté

Aucune des compositions décrites dans D5 et D7 ne comprenaient une silicone à groupements organofonctionnels, c'est à dire une chaîne carbonée avec un groupement fonctionnel. Les groupes méthyles des dimethiconol et diméthicone ne pouvaient être considérés comme des groupes fonctionnels.

Requête principale - Activité inventive

Le document D1 qui devait être considéré comme l'état de la technique le plus proche, car se rapportant au même but que la présente invention, en l'occurrence la préparation d'une composition conditionnante, alors que D5 se rapportait à la préparation d'un shampoing anti-pelliculaire. Les essais D9(4) montraient l'existence d'un effet d'amélioration des propriétés conditionnantes vis-à-vis de l'enseignement de D1. L'objet revendiqué n'était ainsi pas évident au de D1.

Les essais D10(4) montraient également un effet vis-à-vis de D5. Ces essais avaient été réalisés par des experts entraînés en aveugle, et comptaient une évaluation statistique. L'opposante n'avait pas démontré l'absence d'effet par d'éventuels contre-essais.

Requête subsidiaires 1 et 2 - Activité inventive

Les mêmes arguments que pour la requête principale s'appliquent pour ces requêtes. Les essais D10(4) étaient particulièrement pertinents pour ces requêtes car se rapportant à l'utilisation d'une silicone aminée.

XIII. Les arguments suivants ont été avancés par la requérante-opposante:

Recevabilité des documents D16-D20

Ces documents étaient cités dans le cadre de l'activité inventive et devaient être admis pour cette raison.

Recevabilité des essais D9(4) et D10(4)

Ces essais avaient été déposés tardivement et pour cette raison ne pouvaient être admis dans la procédure. Ces essais étaient la troisième forme amendée des essais D9 et D10, et ne comprenaient toujours pas une description des tests reproductibles.

Requête principale - Nouveauté

Les compositions décrites dans D7 et en particulier dans D5 étaient pertinentes pour la nouveauté. Le diméthiconol divulgué dans D5 était en effet un siloxane comportant un groupement hydroxyle, donc organofonctionnel. De plus, des polydimethylsiloxanes à groupements hydroxyles étaient explicitement décrits dans le brevet comme siloxane de classe (i) comme revendiqué.

Requête principale - Activité inventive

D5 était considéré comme état de la technique le plus proche. La différence entre l'objet revendiqué et D5 était la présence de groupements organofonctionnels. Les essais D10(4) se rapportant à la composition de D5 ne pouvaient être pris en compte car déficients au titre de la procédure, du choix de l'expert, du système de notation, de l'absence de référence, de la tolérance, du nombre de tests; référence était faite aux décision T 826/11 et T 1127/10. Le problème était ramené à la mise à disposition d'une composition alternative, évidente au vu de D1, D2, D3 ou D6.

Dans ces écritures, la requérante-opposante ajoutait que, si D1 devenait ledit état de la technique le plus proche, l'objet revendiqué ne serait pas non plus inventif vis-à-vis de D1. L'objet de la revendication 1 différerait de l'objet de D1 par la nature du polymère acrylique. Les essais D9 ou D9ter souffrant des mêmes déficiences que les essais D10 ou D10ter, le problème revenait également à la mise à disposition d'une composition alternative, et la solution était évidente.

Requête subsidiaires 1 et 2 - Activité inventive

Les mêmes arguments que pour la requête principale s'appliquent pour ces requêtes.

Les silicones aminées étaient en outre connues par les documents D16-D20.

XIV. Requêtes

La requérante-titulaire a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de la requête principale à savoir les revendications telles que délivrées ou d'une des requêtes subsidiaire 1 à 6 déposées avec le mémoire de recours.

La requérante-titulaire a demandé également que les documents D16-D20 ne soient pas admis dans la procédure.

La requérante-opposante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet. En outre elle a demandé que les essais D9(4) et D10(4) ne soient pas admis dans la procédure.

Motifs de la décision

1. Recevabilité des documents D16-D20

Ces documents ont été déposés avec le mémoire de recours de la requérante-opposante. L'enseignement de ces documents est général et se rapporte à l'utilisation des silicones aminées en tant qu'agent conditionnants, ce qui était l'objet de la requête subsidiaire maintenue par la division d'opposition.

Ces documents se bornent donc à rappeler les connaissances générales quant à l'utilisation de silicones aminées et constituent clairement une réponse à la décision de la division d'opposition.

En conséquence, ces documents sont admis dans le débat (Article 12 RPCR).

2. Recevabilité des essais D9(4) et D10(4)

Les essais D9(4) et D10(4) ont été soumis par la requérante-titulaire en réponse au mémoire de recours de la requérante-opposante. Ledit mémoire de la requérante-opposante objectait en particulier la pertinence des essais présentés en phase d'opposition.

D9(4) et D10(4) consistent en des essais comparatifs et correspondent aux pièces déjà présentes dans la procédure sous la forme des essais D9, D10 ou D9bis, D10bis présents en phase d'opposition, et également des essais D9ter et D10ter soumis avec le mémoire de recours de la requérante-titulaire. Ces essais présentent tous la même appréciation des propriétés des compositions présentées ainsi que les mêmes résultats.

Les documents D9(4) et D10(4) se distinguent des essais comparatifs D9ter et D10ter soumis préalablement par l'introduction d'informations supplémentaires quant à la méthodologie des tests, en particulier sur la façon dont les propriétés testées ont été appréciées. D10(4) comporte en outre toutes les notes individuelles obtenues lors des essais.

Les essais D9(4) et D10(4) n'apportent donc pas de nouvelles informations et sont clairement une réponse aux arguments développés par la requérante-opposante quant à la pertinence des essais déjà présents dans la procédure.

La Chambre admet donc les essais D9(4) et D10(4) dans la procédure (article 13 RPCR).

3. Requête principale - Nouveauté

Dans sa décision, la division d'opposition a considéré que les documents D5 et D7 anticipaient l'objet de la revendication 1 de la requête principale, car ces document décrivaient une composition comprenant un copolymère réticulé méthacrylique tel que revendiqué, un polymère cationique et une silicone de la catégorie (i) telle que revendiquée.

3.1 D5 décrit ainsi une composition de shampoing anti-pelliculaire comportant entre autre:

- un agent de rhéologie selon la revendication 1 (Carbopol AQUA SF-1)

- un polymère cationique (Ucare Polymer JR-400)

- un dimethiconol présenté comme agent conditionnant (Dow Corning 1784 Emulsion).

Le dimethiconol est un polysiloxane (liaisons Si-O-Si) comportant des groupes méthyles directement fixés sur la chaîne siloxanique, ainsi qu'un groupement hydroxyle fixé en position terminale de la chaîne siloxanique.

Les silicones de la catégorie (i) telle que revendiquée doivent comporter un ou plusieurs groupement organofonctionnels directement attachés sur la chaîne siloxanique ou fixés par l'intermédiaire d'un radical hydrocarboné. Par groupement organifonctionnel, l'homme du métier comprend qu'il s'agit d'un groupement fonctionnel comportant un radical hydrocarboné.

Dans le cas du diméthiconol utilisé dans D5, le groupement hydroxyle est directement fixé sur la chaîne siloxanique en position terminale, ce qui exclut la présence d'une chaîne hydrocarbonée. Le dimethiconol ne peut donc constituer une silicone du groupe (i) tel que donné à la revendication 1 et le document D5 ne peut anticiper l'objet revendiqué pour cette raison.

3.2 D7 décrit une composition comportant:

- un agent de rhéologie selon la revendication 1

(Carbopol AQUA SF-1)

- un polymère cationique (Cosmedia Guar C-261N)

- une dimethicone conditionnante (Dow Corning 1664

Emulsion).

La diméthicone est un polysiloxane (liaisons Si-O-Si) comportant des groupes méthyles directement fixés sur la chaîne siloxanique, ainsi qu'un groupement méthyle fixé en position terminale de la chaîne siloxanique. Ce polymère siliconique ne comporte donc aucun groupement fonctionnel, et ne peut donc être rentrer dans la définition des silicones du groupe (i) de la revendication 1 de la requête principale. Un groupe fonctionnel est en effet un groupement dans une molécule responsable des réactions chimiques caractéristiques de ladite molécule. L'homme du métier ne rangerait pas un groupe méthyle dans la catégorie des groupements fonctionnels.

D7 n'est donc pas pertinent pour la nouveauté de la revendication 1 de la requête principale.

3.3 La revendication principale remplit les conditions de l'article 54 CBE.

4. Requête principale - Activité inventive

4.1 L'invention se rapporte à des compositions cosmétiques comprenant dans un milieu cosmétiquement acceptable au moins un copolymère acide méthacrylique / acrylate d'alkyle en C1-C4 réticulé, au moins un polymère cationique ou amphotère et au moins une silicone fonctionnalisée. Ces compositions doivent en particulier avoir des propriétés conditionnantes, en l'occurrence apporter de la brillance, de la légèreté, de la douceur, du lissage au toucher, de la souplesse aux cheveux (voir par. [0008] et [0012] du brevet) et doivent également être stables (voir par. [0009]).

4.2 La division d'opposition a considéré D5 comme état de la technique le plus proche, ce qui est également le choix de la requérante-opposante. Ce choix est contesté par la requérante-titulaire, qui considère le choix de D1 comme plus approprié, puisque, selon elle, plus proche techniquement, le document D1 cherchant à concilier les propriétés conditionnantes avec la stabilité, comme l'invention revendiquée.

4.2.1 D1 divulgue en effet dans l'exemple 3 une composition conditionnante stable comprenant entre autre un polymère acrylique de suspension, en l'occurrence le Carbopol 1342, un polymère cationique et une silicone aminée. Ce document ne divulgue pas la présence de l'élément essentiel de la présente invention, à savoir un copolymère réticulé d'acide méthacrylique et d'acrylate d'alkyle en C1-C4.

4.2.2 D5 divulgue un shampoing anti-pelliculaire comprenant comme agent de viscosité le polymère préférentiel de la présente invention, le Carbopol Aqua SF-1, qui est un copolymère réticulé d'acide méthacrylique et d'acrylate d'alkyle en C1-C4 tel que revendiqué. La composition anti-pelliculaire comprend en outre un polymère cationique et du diméthiconol, présentés tous deux dans D5 comme agents conditionnants.

4.2.3 S'il est vrai que la composition de D5 est présentée avant tout comme shampoing anti-pelliculaire, l'homme du métier verrait néanmoins indéniablement et instantanément que ledit shampoing présente des propriétés conditionnantes au vu de sa composition et en particulier la présence d'un polymère cationique et d'une silicone, connus généralement de l'homme du métier pour leur propriétés conditionantes; ceci est en outre corroboré par la mention explicite de ces produits comme agents conditionnants dans D5.

Tout aussi évidente pour l'homme du métier est l'utilisation d'un agent de suspension ou d'un modificateur de rhéologie ("Rheology Modifier" dans D5), en l'occurrence le copolymère acrylique Carbopol AQUA SF-1 polymer, pour stabiliser des formulations.

D5 appartient donc sans aucun doute possible au même domaine technique que l'invention revendiquée et l'homme du métier verrait qu'il cherche à résoudre au moins implicitement les mêmes problèmes que l'invention revendiquée, par la présence d'un agent de suspension en ce qui concerne la stabilité, et par la présence d'agent conditionnants en ce qui concerne les propriétés conditionnantes.

Quoique les compositions divulguées dans les documents D5 et D1 présentent quantitativement le même nombre de caractéristiques en commun avec l'invention revendiquée, il apparaît que D1 ne décrit pas de compositions comprenant un copolymère réticulé d'acide méthacrylique et d'acrylate d'alkyle en C1-C4, qui constitue le coeur et l'élément essentiel de l'invention du brevet contesté, alors que c'est le cas de D5. Il ressort qu'il est indéniable que D5 représente un point de départ plus légitime pour l'appréciation de l'activité inventive, puisque son enseignement technique présente un point de départ qualitativement plus proche de l'objet revendiqué.

4.2.4 En règle générale, le fait d'insérer simplement un but ou plus encore une liste/série de buts spécifiques dans la description d'une demande de brevet n'autorise pas la requérante-titulaire à s'opposer à toute objection pour absence d'activité inventive soulevée sur la base d'un document de l'état de la technique ne mentionnant pas expressis verbis un des buts précis précité, si ce document s'intéressait à une utilisation générale semblable, comme ici un shampoing. C'est aussi le cas d'un but spécifique ou problème technique résolu de façon implicite et inhérente par l'état de la technique le plus proche, sans qu'il n'en soit fait état verbatim dans ledit état de la technique. Ceci est en particulier valable, quand l'homme du métier peut déduire de la divulgation du document que ce but précis est effectivement atteint de manière inhérente ou implicite au vu de la divulgation dudit document (cf. T 2123/14, point 1.2.2).

4.2.5 De plus, l'objet revendiqué doit impliquer une activité inventive vis-à-vis de chacun des documents de l'état de la technique. L'approche problème-solution peut ainsi nécessiter d'être répétée pour chacun des documents de l'état de la technique considérés par l'homme du métier comme points de départ raisonnables.

La démonstration de la non-évidence par rapport à un document de l'état de la technique ne suffit en particulier pas à établir la non-évidence par rapport à l'ensemble desdits documents disponibles constituant un point de départ raisonnable.

En outre, le "caractère éloigné" d'un document de l'état de la technique par rapport à l'invention revendiquée n'exclut pas, en soi, une évaluation de l'activité inventive au vu de cet état de la technique, comme argumenté par la requérante-titulaire. En tout état de cause, si un élément de l'art antérieur est "trop éloigné" d'une invention, il devrait être possible de montrer beaucoup plus facilement que l'invention n'est pas évidente pour un homme du métier au regard de cet état de la technique.

4.2.6 En conclusion, le choix de D5 comme état de la technique le plus proche est tout à fait justifié.

De surcroît, D5 était le document utilisé par la division d'examen dans sa décision comme état de la technique le plus proche, et la chambre se doit d'en évaluer la pertinence.

4.3 Selon la requérante-titulaire, le problème à la base de la présente invention est de proposer des compositions conditionnantes améliorées, en particulier de facilité de répartition sur la chevelure et de légèreté des cheveux humides.

4.4 Comme solution à ce problème supposé, la revendication 1 de la requête principale propose une composition comprenant en particulier une silicone choisie parmi (i) les polyorganosiloxanes, comportant dans leur structure générale, un ou plusieurs groupements organofonctionnels, (ii) les copolymères blocs linéaires polysiloxane(A)-polyoxyalkylène(B), (iii) les polymères siliconés greffés, à squelette organique non siliconé, (iv) les polymères siliconés greffés, à squelette polysiloxanique greffé par des monomères organiques non siliconés, (v) ou leurs mélanges.

4.5 La requérante-titulaire a soumis les essais comparatifs D10(4) pour démontrer l'existence d'un tel effet.

4.5.1 Les essais D10(4) reproduisent le shampoing anti-pelliculaire du document D5 sous la forme de la composition A et la comparent à une composition B, identique à la composition A à ceci près qu'elle contient une amodiméthicone à la place du diméthiconol. Les compositions sont appliquées par des experts en aveugle par demi-têtes sur 8 modèles. L'échelle des notes va de 0 (très mauvais) à 5 (très bon) par graduation de 0,5 en 0,5. La légèreté sur cheveux humides et la facilité de répartition sont évaluées à l'aide d'un protocole donné en détail. Les 8 notes individuelles comparatives pour les composition A et B sont données.

Une note moyenne de 1,9375 pour la composition A selon D5 et une note moyenne de 2,75 pour la composition B selon l'invention est obtenue pour la légèreté des cheveux. Une valeur de 0,01 pour la p-value est également obtenue pour ladite comparaison, et les écarts-types sont donnés pour les notes de chaque composition.

En ce qui concerne la facilité de répartition, les notes moyennes sont de 3 et 4,4 pour respectivement les compositions A et B. Une p-value de 0,00 est obtenue pour cette comparaison, et les écarts-types sont également donnés pour chaque série de notes.

4.5.2 Ces essais D10(4), dont la pertinence a été contestée par la requérante-opposante au titre de la procédure, du choix de l'expert, du système de notation, de l'absence de référence, de la tolérance, du nombre de tests, apparaissent tout à fait crédibles dans leur méthodologie et la présentation des résultats pour démontrer l'existence d'un effet (voir T 1962/12, point 1.5.2).

Tout d'abord, la comparaison avec l'état de la technique le plus proche est de nature à montrer de manière convaincante que les présumés effets bénéfiques ou propriétés avantageuses sont dus à la caractéristique distinctive de l'invention par rapport à l'état de la technique le plus proche.

Ensuite, les essais comportent des informations suffisantes sur le panel testé, à savoir en aveugle sur 8 demi-têtes, et procurent la méthodologie précise d'application des compositions. Les informations données permettent en particulier de réaliser la comparaison dans des conditions assurant un maximum d'objectivité. La comparaison est effectuée par des experts, dont la requérante-titulaire a précisé dans son argumentation qu'il s'agissait d'experts formés de manière à noter de la même façon. Les essais présentent également les résultats ou notes de manière détaillée et individuelles selon des critères d'évaluation ou de notations clairs et suffisamment précis (cf. T 702/99 et T 275/11). Il résulte de tout ceci que les essais D10(4) sont reproductibles et analysables sur la base des informations fournies, rendant de ce fait les résultats de tels essais directement vérifiables.

Enfin, les essais sont accompagnés d'informations quant à l'évaluation statistique des résultats sous la forme des p-value et des écarts-types, dont la pertinence et l'exactitude n'a pas été contesté par la requérante-opposante.

Dans le cas d'espèce, la mise en cause des essais D10(4) par la requérante-opposante ne repose sur aucune preuve ou indice tangible et uniquement sur des assertions. Ces assertions ne sont pas en particulier pas appuyés par des contre-tests, qui restent le meilleur moyen de preuve de l'absence d'un effet technique. En outre, la référence aux cas T 826/11 et T 1127/10 faite par la requérante-opposante est sans rapport avec le cas présent, car les essais présentés dans lesdits cas étaient lacunaires sur tous les points sus-mentionnés.

4.5.3 Les essais D10(4) démontrent ainsi l'existence de propriétés conditionnantes améliorées liées à l'utilisation d'une composition selon l'invention comprenant une amodiméthicone. Cet effet démontré par les essais D10(4) ne peut cependant pas être pris en considération dans l'appréciation de l'activité inventive de l'invention telle que revendiquée par la requête principale, car non-extrapolable sur l'ensemble des silicones revendiquées.

L'amodiméthicone utilisée dans la composition B selon l'invention des essais D10(4) est en effet un dérivé du diméthicone comportant un groupement organofonctionnel aminoalkyle en bout de chaîne siloxanique. Les silicones de type (i) polyorganosiloxaniques telles que revendiquées regroupent cependant un nombre extrêmement élevé de possibilités quant au groupement organofionctionnel qu'elles contiennent, puisque, outre des groupements aminés substituées ou non-substitués elles comprennent inter alia des groupements perfluorés, thiols, carboxylates, hydroxylés, alcoxylé, acyloxyalkyles, amphotéres, bisulfites, hydoxyacylamino, carboxyliques, et aryles (cf. par exemple la revendication dépendante 10).

Les polyorganosiloxanes de type (i) telles que revendiquées comprennent ainsi des groupements organofionctionnels extrêmement différentes de l'amodiméthicone des essais D10(4), tant au niveau de la structure que des propriétés qui sont rattachées à tout ces groupements. Il n'est donc pas crédible techniquement que l'effet technique observé dans les essais D10(4) avec une composition comprenant de l'amodiméthicone puisse être reproduit avec des compositions comprenant des polyorganosiloxanes aussi différentes. L'effet observé avec une composition comprenant de l'amodiméthicone ne peut donc pas être extrapolé de façon à l'ensemble des polysiloxanes de type (i) revendiquées.

Cette constatation est encore plus évident pour l'homme du métier quand on considère les autres silicones de la revendication 1 de la requête principale, en l'occurrence (ii) les copolymères blocs linéaires polysiloxane(A)-polyoxyalkylène(B), (iii) les polymères siliconés greffés, à squelette organique non siliconé, ou (iv) les polymères siliconés greffés, à squelette polysiloxanique greffé par des monomères organiques non siliconés. Ces composés ont une structure et des propriétés afférentes forcément très différentes de l'amodiméthicone et l'effet observé dans les essais D10(4) est encore moins crédiblement extrapolable vers une composition comprenant ces composés.

4.5.4 Les essais D10(4) ne constituent donc pas une donnée expérimentale permettant de conclure à une amélioration des propriétés cosmétiques liée à la composition revendiquée, en particulier quant à la mise à disposition de compositions conditionnantes améliorées, en particulier quant à la facilité de répartition sur la chevelure et de légèreté des cheveux humides.

En l'absence d'une preuve ou d'une argumentation technique établissant une plausibilité minimale quant à l'existence d'une amélioration, le problème technique ne peut qu'être reformulé sous la forme de la mise à disposition d' une composition cosmétique alternative.

4.5.5 Au vu des exemples du brevet, voire des essais fournis, il est crédible que ce problème ait été résolu par l'objet de la revendication 1 de la requête principale.

4.6 Etant donné que le problème posé consiste en la mise à disposition d'une composition alternative, il relève de l'homme du métier de modifier la composition existante dans le cadre de son activité normale et sans faire preuve d'inventivité, cela d'autant que cette solution était déjà connue.

L'utilisation en cosmétique d'une silicone de types (i) les polyorganosiloxanes, comportant dans leur structure générale, un ou plusieurs groupements organofonctionnels, (ii) les copolymères blocs linéaires polysiloxane(A)-polyoxyalkylène(B), (iii) les polymères siliconés greffés, à squelette organique non siliconé, (iv) les polymères siliconés greffés, à squelette polysiloxanique greffé par des monomères organiques non siliconés, (v) ou leurs mélanges est largement connue de l'homme du métier. A ce titre, la requérante-opposante a cité inter alia D1, qui divulgue l'utilisation d'amodiméthicone.

La solution revendiquée découlait donc à l'évidence de l'état de la technique disponible pour l'homme du métier.

4.7 La requête principale ne remplit pas les conditions de l'article 56 CBE.

5. Requête subsidiaire 1 - Activité inventive

5.1 L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 a été restreint aux seules silicones de type (i), à savoir les polyorganosiloxanes, comportant dans leur structure générale, un ou plusieurs groupements organofonctionnels par l'intermédiaire d'un radical hydrocarboné à l'exclusion des silicones solubles choisies parmi les polydiméthylsiloxanes comportant des groupements polyoxyéthylénés terminaux et/ou latéraux.

5.2 Cette spécification n'a pas d'incidence sur le raisonnement et la conclusion établie auparavant pour la requête principale quant à l'activité inventive. En effet, les silicones revendiquées représentent toujours un groupe très important de olyorganosiloxane, très disparate quant à leur structure et propriétés.

Comme pour la requête principale, l'effet démontré par les essais D10(4) et lié à l'utilisation de l'amodiméthicone ne peut pas être pris en considération dans l'appréciation de l'activité inventive de l'invention telle que revendiquée par la requête subsidiaire 1, car non-extrapolable sur l'ensemble des silicones de type (i) revendiquées.

Le problème technique reste la forme de la mise à disposition d' une composition cosmétique alternative, dont la solution est évidente pour les mêmes raisons que la requête principale.

5.3 La requête subsidiaire 1 ne remplit pas les conditions de l'article 56 CBE.

6. Requête subsidiaire 2 - Activité inventive

6.1 L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 a été restreint à une silicone de type (i) spécifique, en l'occurrence "les polyorganosiloxanes (i) étant choisis parmi ceux comportant a) des groupements aminés substitués ou non substitués". Cette requête correspond à la requête maintenue par la division d'opposition.

6.2 L'amodiméthicone utilisé dans les essais D10(4) appartient à la classe de silicones aminées revendiquées et est considéré comme représentative de celle-ci, quant à la structure et aux propriétés afférentes. Les résultats et l'effet constaté par lesdits essais D10(4) sont, de ce fait, rendus plausibles pour toutes les silicones portant un groupement aminé.

6.3 Le problème à résoudre est de proposer des compositions conditionnantes améliorées, en particulier de facilité de répartition sur la chevelure et de légèreté des cheveux humides.

6.4 La question qui se pose ensuite est de savoir si la solution revendiquée découlait à l'évidence de l'état de la technique disponible pour l'homme du métier.

Au départ de D5, rien n'incite l'homme du métier à remplacer la silicone utilisée, en l'occurrence la diméthicone, par une silicone aminée telle que définie dans la revendication 1 pour améliorer des compositions conditionnantes comprenant également au moins un copolymère réticulé d'acide méthacrylique et d'acrylate d'alkyle en C1-C4 et au moins un polymère cationique ou amphotère améliorées, en particulier quant à la facilité de répartition sur la chevelure et la légèreté des cheveux humides.

Il en ressort que la solution proposée par l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive et les conditions de l'Article 56 CBE sont remplies pour la requête subsidiaire 2.

6.5 Ces conclusions restent valables au vu du choix de D1 comme état de la technique le plus proche comme avancé par la requérante-titulaire, en particulier au vu des arguments écrits de ladite requérante-titulaire se basant sur les essais D9(4) et également sur l'absence d'arguments oraux quant à ces essais de la part de la requérante-opposante. Comme pour les essais D10(4) sus- mentionnés, les essais D9(4) démontrent de façon convaincante et crédible l'existence d'une amélioration des propriétés conditionnantes de l'invention revendiquée et la non-évidence de la solution au vu du problème relié, de D1 et des autres documents cités.

6.6 Les conditions de l'Article 56 CBE sont remplies pour la requête subsidiaire 2.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Les recours sont rejetés.

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