T 2123/14 (Composition cosmétique détergente comprenant quatre tensioactifs et … of 27.10.2016

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2016:T212314.20161027
Date de la décision : 27 Octobre 2016
Numéro de l'affaire : T 2123/14
Numéro de la demande : 09306274.3
Classe de la CIB : A61K 8/39
A61K 8/44
A61K 8/46
A61K 8/60
A61K 8/92
A61Q 5/02
A61Q 5/12
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Composition cosmétique détergente comprenant quatre tensioactifs et un corps gras non siliconé
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Activité inventive - Toutes les requêtes (non)
Choix de l'état de la technique le plus proche
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0197/86
T 0710/97
T 0967/97
T 0021/08
T 1962/12
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1747/12
T 1536/15
T 2304/16

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 09306274.3 a été refusée sur la base de la requête principale constituée des revendications telles que déposées et des jeux de revendications déposés en ligne à la date du 28 février 2014 comme requêtes subsidiaires 1 à 3.

Le libellé de la revendication indépendante 1 de la requête principale s'énonçait comme suit:

"1. Composition de lavage et de conditionnement des matières kératiniques, en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, comprenant :

- un ou plusieurs tensioactifs anioniques (A) comportant dans leur structure un ou plusieurs groupes sulfate et/ou sulfonate et/ou phosphate,

- un ou plusieurs tensioactifs anioniques alkyl éther carboxylique (B) différents des tensioactifs anioniques cités en (A),

- un ou plusieurs tensioactifs amphotères et/ou zwittérioniques (C),

- un ou plusieurs tensioactifs non ioniques alkyl(poly)glycoside (D),

- un ou plusieurs corps gras non siliconés (E),

- et éventuellement un ou plusieurs polymères cationiques (F), le rapport pondéral de la quantité dudit ou desdits tensioactifs anioniques (A) sur la quantité dudit ou desdits tensioactifs non ioniques (D) allant de 0,5 à 1."

II. Les documents suivants, cités au cours de la procédure d'examen, restent pertinents:

D3: DE 195 30 550 A1

D8: FR 2 780 278 A1

T1: Essais comparatifs déposés par courrier du 10.7.2013

T2: Essais comparatifs et Déclaration datés du 30 mars 2011 déposés par courrier du 28.2.2014

III. Selon la décision de la division d'examen, le problème de la demande était la mise à disposition de compositions cosmétiques détergentes contenant des acides gras conduisant à de bonnes performances cosmétiques en terme de démêlage et de lissage, sans charge ni alourdissement de la chevelure et en maintenant la qualité d'usage. Le document D3 constituait l'état de la technique le plus proche, et divulguait dans l'exemple 5, une composition comportant entre autres un tensioactif anionique de type sulfate et sulfonate A et un tensioactif alkylpolyglycoside D dans un rapport pondéral A/D de 1,33. La différence entre l'objet revendiqué et la divulgation de D3 portait sur le rapport A/D qui était inférieur ou égal à 1. Les essais T1 et T2 comparaient une composition de shampoing B selon l'invention ayant un rapport A/D de 0,75 à une composition selon l'exemple 5 de D3 et les résultats aboutissaient à un meilleur lissage des cheveux avec les compositions selon l'invention. Les tests T1 et T2 ne permettaient cependant pas d'identifier un effet lié avec la valeur de rapport pondéral A/D de 1, et la demande ne divulguait aucun enseignement technique permettant d'entrevoir un lien entre les effets allégués et les différentes valeurs du rapport A/D sur toute la plage revendiquée. Comme les exemples comparatifs ne permettaient pas de démontrer que la caractéristique distinctive entraînait une amélioration du lissage des cheveux, les améliorations allégués ne pouvaient être retenues dans, l'évaluation du problème technique. Le problème devenait la mise à disposition d'une composition de lavage et de conditionnement alternative. Comme le document D8 divulguait des compositions ayant un rapport A/D compris entre 0,5 et 1,7, plus particulièrement entre 1 et 1,5 l'homme du métier serait arrivé à la solution revendiquée. L'objet de la revendication 1 de la requête principale n'impliquait donc pas d'activité inventive.

L'objet de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 à 3 différait de celui de de la requête principale par la spécification des corps gras non siliconés, ainsi que par la spécification des quantités desdits corps gras non siliconés dans le cas des requêtes subsidiaires 2 et 3. La caractéristique distinctive entre l'objet de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1, 2 et 3 restant toujours le rapport pondéral A/D, les conclusions quant à l'activité inventive restaient les mêmes que pour la requête principale.

IV. La demanderesse (ci-après nommée requérante) a formé un recours contre cette décision.

V. Par sa lettre datée du 21 août 2014, la requérante a fourni des essais complémentaires sous la forme du document (T3), ainsi que de nouvelles requêtes subsidiaires 1 et 2. La requête principale restait celle qui était l'objet de la décision de la division d'examen.

L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de celui de la requête princiaple par la spécification de l'état liquide des corps gras, en l'occurrence "un ou plusieurs corps gras non siliconés liquides (E)".

L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 diffère de celui de la requête principale par la spécification des corps gras, en l'occurrence

"le ou les corps gras non siliconés (E) étant choisis parmi les corps gras liquides non siliconés suivants :

- les esters gras liquides,

- les huiles hydrocarbonées,

- les acides gras liquides,

- les alcools gras liquides,

- et leurs mélanges."

VI. Aux fins de la préparation de la procédure orale fixée le 27 octobre 2016, la chambre a envoyé une notification datée du 12 septembre 2016. En ce qui concernait l'activité inventive, la chambre notait en particulier qu'un effet ne semblait pas avoir été démontré vis-à-vis de D3 et que la solution paraissait évidente au vu de D8.

VII. Par une lettre datée du 18 octobre 2016, la requérante a déposé des essais complétés T1' correspondants aux essais T1.

VIII. La procédure orale s'est tenue le 27 octobre 2016.

IX. Les arguments suivants ont été avancés par la requérante:

Le document D3 avait dans toute la procédure été considéré comme l'état de la technique le plus proche.

Cependant, au-delà du critère des ressemblances structurelles, un autre critère était à prendre en compte pour la détermination de l'état de la technique le plus proche, à savoir l'identité de l'objectif ou de l'effet. En l'espèce, le problème technique à la base de l'invention était de disposer de compositions détergentes pour les fibres kératiniques qui contiennent des composés gras et qui conduisent à des propriétés de conditionnement (démêlage, lissage, souplesse, brillance et discipline), sans charge ni alourdissement de la chevelure (paragraphes 3 à 8 de la demande telle que publiée), tout en maintenant les qualités d'usage de la composition, notamment son pouvoir moussant.

Le document D3 ne faisait pas état du lissage ni du problème d'éviter un toucher gras ou un alourdissement de la chevelure.

À l'inverse, le document D8 mentionnait, outre le démêlage, le volume, la légèreté, la douceur, la souplesse et la discipline, le lissage tout en évitant de conférer un caractère gras (paragraphe 2, lignes 26 à 30, page 3, lignes 13 à 17).

Le document D8 visait donc plus que le document D3 à atteindre le même objectif ou obtenir le même effet que l'invention. D8 pouvait donc être considéré comme un meilleur point de départ pour apprécier l'activité inventive que D3. Dès lors, les essais T3 devenaient pertinents pour évaluer l'activité inventive de l'objet de la requête principale vis-à-vis de D8 et la caractériser.

En ce qui concernait l'évaluation de l'activité inventive vis-à-vis de D3, l'exemple 5 du document D3 divulguait une composition de shampooing contenant les composés À, B, C, D et E, avec un rapport A/D de 1,33. La différence entre l'objet de la revendication 1 et la divulgation de D3 portait sur le rapport A/D qui était de 1,33. L'effet de cette différence était de conférer des propriétés de lissage sans charge ni alourdissement de la chevelure tout en maintenant les qualités d'usage. Cela était démontré dans les essais comparatifs T1' et T2. Le problème technique objectif était de mettre à disposition des compositions détergentes contenant un ou plusieurs composés A, B, C, D, et E définis selon la revendication 1, qui conduisaient à des performances cosmétiques de plus haut niveau, en particulier en terme de lissage au toucher, sans charge ni alourdissement ou regraissage de la chevelure et en maintenant les qualités d'usage (stabilité, pouvoir moussant, démarrage de mousse).

Le problème technique était résolu comme le montraient les essais comparatifs. En outre, les exemples de la demande montraient que les compositions selon l'invention permettaient d'obtenir des cheveux humides qui sont lisses, souples et se démêlent facilement, et des cheveux secs qui sont lisses, disciplinés et brillants.

Le document D3 n'incitait aucunement l'homme du métier à travailler avec un rapport À/D variant de 0,5 à 1, tous les exemples du document D3 divulguaient un rapport A/D supérieur à 1, et le document D8 ne venait pas combler les lacunes du document D3. Le document D8 divulguait des compositions cosmétiques conditionnantes et détergentes pour les matières kératiniques comprenant les composés À et D au sens de l'invention, ainsi qu'une huile. Le document D8 divulguait un rapport A/D inférieur ou égal à 2, de préférence compris entre 0,1 et 1,8. de préférence encore entre 0,5 et 1,7 et de préférence encore entre 1 et 1,5. Mais tous les exemples du document D8 présentent un rapport A/D strictement supérieur à 1. Ainsi, même si la valeur 1 était divulguée dans le document D8, l'homme du métier, qui cherche à améliorer le lissage, aurait pu éventuellement choisir cette valeur 1 comme rapport AD, mais ne l'aurait pas fait puisqu'il n'y était pas incité pour cela par des exemples dont les rapports A/D se situent tous nettement au-dessus de 1. L'invention présentait donc le caractère inventif requis par rapport au document D3 pris comme état de la technique le plus proche, même en combinaison avec le document D8.

En ce qui concernait les requêtes subsidiaires 1 et 2, la restriction aux corps gras liquides venait confirmer le fait que le document D8 peut être considéré comme état de la technique le plus proche, puisque la caractéristique additionnelle « liquide » introduite dans les requêtes subsidiaires I et 2 ne venait pas créer une différence supplémentaire par rapport à D8 puisque l'exemple 4 du document D8 comprend des corps gras non siliconés liquides. Tandis que les exemples du document D3, et en particulier l'exemple 5, ne contenait pas d'esters gras non siliconés liquides, ce qui ajoute une différence structurelle.

X. Les requêtes

La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et et la délivrance d'un brevet sur la base de la requête principale des revendications déposées avec la demande de brevet, ou, à défaut, sur la base des requêtes subsidiaires 1 et 2, toutes deux déposées avec la lettre datée du 21 août 2014.

Motifs de la décision

1. Requête principale - Activité inventive

1.1 L'invention a pour objet une composition de lavage et de conditionnement des matières kératiniques, en particulier des fibres kératiniques, comprenant au moins quatre tensioactifs différents définis ci-après, éventuellement un ou plusieurs polymères cationiques et un ou plusieurs corps gras non siliconés. Les agents de conditionnement insolubles, en particulier lesdits corps gras non-siliconés, sont connus et utilisés pour améliorer le démêlage et la douceur des cheveux mouillés et séchés. L'utilisation de ces corps gras est fortement limitée du fait des difficultés de stabilisation dans des compositions détergentes, et du fait des défauts cosmétiques en termes d'alourdissement, de charge et de regraissage liés à des dispersions grossières ou hétérogènes dans ces mêmes compositions détergentes.

L'invention vise ainsi à proposer des compositions détergentes contenant des composés gras conduisant néanmoins à des performances cosmétiques de haut niveau en termes de démêlage et de lissage, sans charge ni alourdissement de la chevelure et en maintenant le niveau des qualités d'usage (voir la publication EP 2 198 850 A1, par. [0001]-[0008]).

1.2 Le document D3 a été considéré comme état de la technique le proche par la division d'examen dans sa décision, alors que D8 est considéré par la requérante comme un meilleur point de départ pour apprécier l'activité inventive.

D8 divulgue dans l'exemple 4 une composition de shampoing conditionnante comprenant entre autres les composés suivants:

(A): Lauryléther sulfate de sodium oxyéthyléné à 2,2 moles d'oxyde d'éthylène en solution aqueuse à 70%: 9,8 g

(C): Cocoylbétaïne en solution aqueuse à 30%: 2,1 g

(D): Alkyl (C8/C10/C12/C14) polyglycoside (1,4) en solution aqueuse à 53% (PLANTACARE 2000 de HENKEL): 7,4 g

(E): Huile d'avocat: 6g

Dans ledit exemple 4, le composé (B) est absent et le rapport A/D se monte à 9,8/7,4 soit 1,32, au-dessus de la valeur de 1 revendiquée.

D3 divulgue dans l'exemple 5 une composition de shampoing ayant d'excellentes propriétés conditionnantes et comprenant tous les composés de la revendication 1 de la requête principale, en l'occurrence:

(A): 3% en poids de alpha-C14-C16 olefin sulfonate de

sodium et 3% en poids de lauryl ether sulfate de

sodium,

(B): 3% en poids d'acide

laurylamidoethercarboxylique

(C): 2,80% en poids de cocoamidopropylbetaïne

(D): 4,5% en poids de C9-C11 alkylpolyglycoside

(E): 4,5% en poids de caprate de glyceryle

(F): 1% en poids de Polyquaternium.

La composition de l'exemple 5 a un rapport pondéral A/D de 6/4,5 soit 1,33, qui se situe en dehors de l'intervalle de 0,5 à 1 de la revendication 1 de la requête principale. Dans le cas d'espèce, D3 présente indéniablement plus de caractéristiques techniques en commun avec la composition de la revendication 1 de la requête principale et doit être considéré comme l'état de la technique le plus proche.

1.2.1 Selon la requérante, le document D8 visait plus que le document D3 à atteindre le même objectif ou obtenir le même effet que l'invention, qui est d'éviter un toucher gras ou un alourdissement de la chevelure. D8 devait donc être considéré comme un meilleur point de départ pour apprécier l'activité inventive que D3, même si l'exemple 5 de D3 comportait plus de caractéristiques techniques en commun avec la composition revendiquée que l'exemple 4 de D8.

D8 mentionnait en effet comme objectif technique, outre l'amélioration du démêlage, du volume, de la légèreté, de la douceur, la souplesse et la discipline des cheveux, également l'amélioration du lissage tout en évitant de conférer un caractère gras (paragraphe 2, lignes 26 à 30, page 3, lignes 13 à 17),à l'inverse de D3 qui ne faisait pas état du problème du toucher gras des cheveux ou d'un alourdissement de la chevelure, et qui se contentait d'un effet conditionneur, de rendre les cheveux doux et souples, et d'améliorer le volume, la brillance, et le lissage des cheveux mouillés et secs (voir D3, page 2, l 3-6).

1.2.2 La chambre ne peut suivre l'opinion de la requérante quant au choix de l'état de la technique le plus proche.

1.2.2.1 En tout état de cause, l'objet revendiqué doit impliquer une activité inventive vis-à-vis de chacun des documents de l'état de la technique. Rien ne s'oppose donc à ce que la pertinence vis-à-vis de D3 soit évaluée en premier lieu.

Si l'homme du métier a a priori le choix entre plusieurs documents de l'état de la technique comme points de départ raisonnables, l'activité inventive ne peut être effectivement reconnue qu'après avoir appliqué l'approche problème-solution à chacune des options (T967/97, T21/08). Si l'une des options met en lumière l'évidence, il n'y a alors pas d'activité inventive. L'approche problème-solution peut ainsi nécessiter d'être répétée pour chacune desdites options (T710/97).

En outre, contrairement à l'argumentation de la requérante, la démonstration de la non-évidence par rapport à un document de l'état de la technique ne suffit pas à établir la non-évidence par rapport à l'ensemble des documents disponibles constituant un point de départ raisonnable.

1.2.2.2 De surcroît, D3 était le document utilisé par la division d'examen dans sa décision comme état de la technique le plus proche, et la chambre se doit d'en évaluer la pertinence.

1.2.2.3 Enfin, lorsque plusieurs documents rentrent en ligne de compte, il convient de choisir un document constituant le "tremplin le plus prometteur pour parvenir à l'invention" dont dispose l'homme du métier pour arriver le plus facilement à l'invention revendiquée; certains critères permettent de déterminer cet état de la technique le plus proche qui servira de point de départ:

a) En premier lieu, le critère le plus important est que l'état de la technique le plus proche doit s'intéresser à un objet conçu dans le même but que l'objet revendiqué, correspondant à un usage similaire ou concernant le même problème technique ou un problème similaire, ou au moins appartenant au même domaine technique ou à un domaine très proche, et présentant pour l'essentiel des caractéristiques techniques semblables, à savoir qui appellent peu de modifications structurelles (cf. La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, I.D.3.2).

Ceci ne signifie cependant pas que, dans les cas où une invention s'attache à résoudre une liste de problèmes spécifiques, ledit état de la technique le plus proche doive nécessairement divulguer ou mentionner spécifiquement tous ces problèmes spécifiques ou plus particulièrement un seul de ces problèmes pris isolément:

i) C'est le cas en particulier pour le problème technique objectif, qui est seulement déterminé dans la deuxième étape de l'approche problème-solution, et qui est basé sur l' effet technique produit par la caractéristique distinguant l'invention de l'état de la technique le plus proche. La réalité de cet effet et le lien effectif direct de l'effet avec ladite caractéristique distinguant l'invention de l'état de la technique le plus proche doivent alors être établis de façon convaincante.

ii) C'est aussi le cas d'un problème technique résolu de façon implicite et inhérente par l'état de la technique le plus proche, sans qu'il n'en soit fait état verbatim dans ledit état de la technique.

Ainsi, le fait d'insérer simplement un but ou plus encore une liste/série de buts spécifiques dans la description n'autorise pas le demandeur à s'opposer à toute objection pour absence d'activité inventive soulevée sur la base d'un document ne mentionnant pas un des buts précis précité, si ce document s'intéressait à une utilisation semblable. Ceci est encore plus pertinent quand il s'avère ensuite que ledit problème technique précis revendiqué par la demande ou le brevet n'est pas résolu sur l'entière portée de la revendication ou sur une partie de celle-ci.

b) En tant que critère de deuxième rang, l'état de la technique le plus proche devrait divulguer un objet ayant le plus de caractéristiques en commun avec l'invention revendiquée, donc requérant le moins de modifications structurelles et fonctionnelles.

Dans le cas d'espèce, même si D3 ne mentionne pas explicitement l'intégralité des objectifs de l'objet revendiqué, il est indéniable que les deux documents D3 et D8 présentent des compositions conçues pour le même but et appartenant au même domaine technique très précis que la présente demande, à savoir les shampoings conditionneurs, et ont donc un usage similaire et les mêmes actions et effets sur les cheveux, en particulier quant au lissage. On peut donc légitimement s'attendre à ce que le type de composition cosmétique divulgué dans D3 et D8 présente de manière générale les mêmes problèmes techniques, ou des problèmes techniques découlant forcément de l'usage similaire.

En outre, même si les propriétés afférentes à l'absence d'un toucher gras ou d'alourdissement de la chevelure ne sont pas explicitement mentionnées dans D3, il reste que l'exemple 5 de D3 contient bien lesdits corps gras non-siliconés responsables d'un potentiel toucher gras et d'un potentiel alourdissement de la chevelure. En l'absence de toute indication ou remarque spécifique dans l'exemple 5 de D3 liées à ces propriétés, il est immédiatement apparent et évident à l'homme du métier que les propriétés et les capacités des compositions divulguées dans D3 sont a priori satisfaisantes, également en ce qui concerne un toucher gras ou d'alourdissement de la chevelure. Il apparaît donc nécessaire de faire une comparaison des propriétés de ladite composition de l'exemple 5 de D3 avec les compositions revendiquées, pour établir l'existence d'une amélioration qui pourrait supporter l'existence d'un effet de la composition revendiquée par rapport à la composition de D3.

1.2.2.4 En conclusion, le choix de D3 comme état de la technique le plus proche est tout à fait justifié et, de plus, en tous points incontestable.

1.3 Selon la requérante, le problème à la base de la présente invention est de proposer des compositions détergentes contenant des composés gras qui conduisent à des performances cosmétiques de haut niveau en termes de démêlage et de lissage, sans charge ni alourdissement de la chevelure et en maintenant le niveau des qualités d'usage.

1.4 Comme solution à ce problème supposé, la revendication 1 de la requête principale propose une composition comprenant un ou plusieurs tensioactifs anioniques (A) comportant dans leur structure un ou plusieurs groupes sulfate et/ou sulfonate et/ou phosphate et un ou plusieurs tensioactifs non ioniques alkyl(poly)glycoside (D), avec en particulier un rapport pondéral de la quantité dudit ou desdits tensioactifs anioniques (A) sur la quantité dudit ou desdits tensioactifs non ioniques (D) allant de 0,5 à 1.

1.5 La requérante a soumis les tests T1', T2 t T3 pour démontrer l'existence d'un tel effet.

Les essais T3 se rapportent à une comparaison de la composition de l'exemple 4 de D8 avec une composition selon l'invention. Ces essais ne sont donc pas appropriés.

Les tests T1' et T2 sont similaires, avec un degré

de précision des résultats et d'analyse des essais plus élevé et adéquat dans T1' que dans T2.

Ces essais utilisent comme base de comparaison une composition A selon l'exemple 5 de D3 ayant un rapport A/D de 1,33 et comprenant en particulier:

- C14-C16 alpha oléfine de sodium (A): 3 g

- Lauryl éther sulfate de sodium contenant 2-4 moles d'oxyde d'éthylène (A): 3 g

- C9-C11 alkyl polyglucoside (D): 4,5 g.

La comparaison se fait vis-à-vis d'une composition B selon l'invention ayant un rapport A/D de 0,75 et comprenant:

- C14-C16 alpha oléfine de sodium (A): 2,25 g

- Lauryl éther sulfate de sodium contenant 2-4 moles d'oxyde d'éthylène (A): 2,25 g

- C9-C11 alkyl polyglucoside (D): 6 g.

Pour être crédibles, des exemples comparatifs fournis pour démontrer l'existence d'un effet doivent pourtant remplir un certain nombre de conditions. Entre autre, la comparaison avec l'état de la technique le plus proche doit être de nature à montrer de manière convaincante que les présumés effets bénéfiques ou propriétés avantageuses sont dus à la caractéristique distinctive de l'invention par rapport à l'état de la technique le plus proche. Seuls conviennent pour ce faire des essais comparatifs axés sur la proximité de structure par rapport à l'invention, car c'est uniquement de là que doit provenir l'effet inattendu (cf T 197/86; T 1962/12).

Comme mentionné dans la décision de la division d'examen, la composition B selon l'invention utilisée dans les tests T1' et T2 présente un rapport A/D de 0,75, centrale de l'intervalle 0,5-1 tel que revendiqué, mais trop éloignée de la limite supérieure revendiquée de 1. Le critère de proximité technique permettant de crédibiliser des exemples comparatifs n'est donc pas rempli; les tests auraient du être réalisés à une valeur A/D proche de la valeur limite de 1 et non à la valeur de 0.75, ceci d'autant plus que la revendication 1 de la requête principale ne comporte aucune limitation en termes de quantités de ses composés.

En outre, la composition B diffère de la composition A également par sa teneur en composés (A) et (D) alors qu'il aurait suffi de varier la quantité d'un seul de ces composés de façon infime pour permettre une comparaison crédible. Au vu des faibles quantités de composés (A) et (D) présentes dans les compositions A et B, il apparaît évident qu'une modification substantielle des quantités de tous les composés a une influence non négligeable sur les propriétés des compositions.

Ces essais comparatifs ne sont donc pas en mesure de démontrer que les avantages techniques de la composition revendiquée vis-à-vis de l'état de la technique le plus proche sont obtenus sur toute la portée de la revendication 1, en particulier sur la plage supérieure du rapport A/D.

Il n'existe donc aucune donnée expérimentale permettant de conclure à une amélioration des propriétés cosmétiques liée à la composition revendiquée, en particulier quant à des performances cosmétiques de haut niveau en termes de démêlage et de lissage, sans charge ni alourdissement de la chevelure et en maintenant le niveau des qualités d'usage.

En l'absence d'une preuve ou d'une argumentation technique établissant une plausibilité minimale quant à l'existence d'une amélioration, le problème technique ne peut qu'être reformulé sous la forme de la mise à disposition d' une composition cosmétique alternative.

1.6 Etant donné que le problème posé consiste en la mise à disposition d'une composition alternative, il relève de l'homme du métier de modifier la composition existante dans le cadre de son activité normale et sans faire preuve d'inventivité, cela d'autant que cette solution était déjà connue.

Le document D3 divulgue explicitement la combinaison d'alkyl polyglucosides (D) et de tensioactifs anioniques (A) en particulier de type sulfonate (voir D3, page 3, lignes 51-63). En outre, l'intervalle de concentration revendiqué pour les tensioactifs de type sulfate/sulfonate (A) permet d'arriver à un ration (A)/(D) inférieur à 1 (voir par exemple rev. 1).

Dans ces circonstances, l'homme du métier à la recherche d'une solution au problème tel que défini ci-dessus aurait été conduit par l'enseignement technique du document à arriver à l'objet revendiqué par la revendication 1 de la requête principale,en l'occurrence une composition comprenant un ou plusieurs tensioactifs anioniques (A) comportant dans leur structure un ou plusieurs groupes sulfate et/ou sulfonate et/ou phosphate et un ou plusieurs tensioactifs non ioniques alkyl(poly)glycoside (D), avec en particulier un rapport pondéral de la quantité dudit ou desdits tensioactifs anioniques (A) sur la quantité dudit ou desdits tensioactifs non ioniques (D) allant de 0,5 à 1.

Il en ressort que la solution proposée par l'objet de la revendication 1 de la requête principale ne peut être considérée comme impliquant une activité inventive.

1.7 La requête principale ne remplit pas les conditions de l'article 56 CBE.

2. Requête subsidiaire 1 - Activité inventive

L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de celui de la requête principale par la spécification de l'état des corps gras, en l'occurrence: "un ou plusieurs corps gras non siliconés liquides (E)".

Cette spécification n'a pas d'incidence sur le raisonnement et la conclusion établie auparavant pour la requête principale. En effet, cette caractéristique technique supplémentaire n'implique aucun effet technique particulier ou supplémentaire apparent ou démontré. De plus, dans le cas du shampoing de l'exemple 5 de D3 comme dans l'objet revendiqué, les compositions finales sont sous forme liquide.

Par conséquent, les conditions de l'Article 56 CBE ne sont pas remplies pour la requête subsidiaire 1.

3. Requête subsidiaire 2 -Activité inventive

L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de celui de la requête principale par la spécification de l'état des corps gras, en l'occurrence: "un ou plusieurs corps gras non siliconés liquides (E)..."le ou les corps gras non siliconés (E) étant choisis parmi les corps gras liquides non siliconés suivants :

- les esters gras liquides,

- les huiles hydrocarbonées,

- les acides gras liquides,

- les alcools gras liquides,

- et leurs mélanges."

Comme pour la requête subsidiaire 1, cette spécification n'a pas d'incidence sur le raisonnement et la conclusion établie auparavant pour la requête principale. Le corps gras utilisé dans l'exemple 5 de D3 était une ester solide, et le fait d'utiliser un corps gras liquide n'implique aucun effet technique particulier ou supplémentaire apparent ou démontré, ceci étant renforcé par le fait que les compositions de l'exemple 5 de D3, comme les compositions revendiquées, sont sous forme liquide.

Les conditions de l'Article 56 CBE ne sont donc pas remplies pour la requête subsidiaire 2.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

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