European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2018:T133415.20180910 | ||||||||
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Date de la décision : | 10 Septembre 2018 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 1334/15 | ||||||||
Numéro de la demande : | 07731292.4 | ||||||||
Classe de la CIB : | D21H 27/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | FEUILLE ABSORBANTE DELITABLE MULTIPLIS, ROULEAU ET PROCEDE DE FABRICATION ASSOCIES | ||||||||
Nom du demandeur : | SCA TISSUE FRANCE | ||||||||
Nom de l'opposant : | Essity Hygiene and Health Aktiebolag | ||||||||
Chambre : | 3.3.06 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Possibilité d'exécuter l'invention - (non) | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le présent recours fait suite à la décision de révocation par la division d'opposition du brevet européen n° 2 013 416 au motif que celui-ci ne satisfaisait pas aux exigences de l'Article 83 CBE.
La revendication 1 du brevet est libellée comme suit:
"1. Feuille absorbante, à usage sanitaire telle que de papier toilette, délitable multi-plis, sensiblement rectangulaire, à base d'ouate de cellulose, caractérisée en ce qu'elle comprend au moins cinq plis et au plus douze plis les plis sont liés par collage le long de zones gaufrées, et en ce qu'elle présente un coefficient KNOVE = RSM x RST x A x G x Exp(12 x (E + EP)) x (1/Ep (sep)) > 75 000 avec
RST = résistance à la traction selon la largeur de la feuille en N/m, comprise entre 200 N/m et 500 N/m ;
RSM = résistance à la traction selon la longueur de la feuille en N/m, comprise entre 400 N/m et 1000 N/m ;
G = grammage de la feuille en kg/m**(2), supérieur à
70 g/m**(2) et inférieur à 150 g/m**(2) ;
E = épaisseur de la feuille en mm, supérieure à 0,75 mm et inférieure à 1,5 mm ;
Sp = souplesse de la feuille en N ;
A = absorption de la feuille en kg/m**(2) ;
Ep = épaisseur moyenne d'un pli de la feuille en mm, Ep étant supérieure à 0,115 mm."
II. La décision contestée faisait en particulier valoir que la divulgation du brevet était insuffisamment claire et complète pour permettre à l'homme du métier de mesurer la valeur de la souplesse Sp d'une feuille telle que définie ci-dessus.
III. Avec son mémoire de recours, la requérante a contesté le bien-fondé de la décision, en se basant en particulier sur le contenu de la norme ASTM D 4032 déposée conjointement au mémoire.
IV. Dans une notification, la chambre a fait part de son avis préliminaire confirmant la décision de première instance eu égard à l'insuffisance de description de la méthode de mesure du paramètre incriminé. La chambre a en outre émis des doutes sur la suffisance de description du procédé de préparation de ladite feuille.
V. Par courrier daté du 23 juillet 2018, la requérante a soumis trois nouveaux documents désignés D6, D7 et D8 et contesté la position de la chambre. En outre, elle a confirmé maintenir ses requêtes subsidiaires déposées en première instance.
La revendication 1 selon la première requête subsidiaire diffère de celle selon la requête principale (cf. point I) en ce que la locution "telle que" a été biffée de sorte que la feuille absorbante soit limitée à un usage sanitaire de papier toilette.
Selon la deuxième requête subsidiaire, la revendication 1 inclut en supplément des précisions sur l'épaisseur Ep.
VI. A l'audience, le débat s'est concentré sur la conformité aux dispositions de l'article 83 CBE du brevet pris dans son ensemble. Dans ce cadre, il a en particulier été débattu des connaissances générales de l'homme du métier et du contenu des documents cités au cours de la procédure de recours.
VII. A la clôture des débats, la requérante a demandé à titre principal l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet tel que délivré. A titre subsidiaire, elle a demandé le maintien du brevet sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 (datée du 30 octobre 2014) ou 2 (telle que modifiée au cours de la procédure orale qui s'est tenue le 2 décembre 2014 devant la division d'opposition).
Motifs de la décision
1. Requête principale - Exposé de l'invention
1.1 Il est de jurisprudence constante qu'une invention est considérée comme suffisamment exposée dès lors que l'homme du métier est mis en mesure de l'exécuter dans toute sa portée, telle que revendiquée (voir par exemple T 409/91, OJ 1994, 653, motifs 3.5; T 435/91, OJ 1995, 188, motifs 2.2.1; T 1743/06, motifs 1.1).
Si l'invention fait en outre appel dans sa définition à un ou plusieurs paramètres, l'homme du métier doit également être mis en mesure de vérifier si ceux-ci sont respectés lors de l'exécution de l'invention (voir par exemple T 0045/09, motifs 1.1 et 1.3; T 1276/08, motifs 1.1; T 0641/07, motifs 1).
1.2 Dans le cas d'espèce, où l'invention est une feuille absorbante définie en particulier par un résultat à atteindre, à savoir le coefficient KNOVE, qui a priori ne fait pas partie des connaissances générales de l'homme du métier, et qui est lui-même calculé à partir de sept paramètres physiques de la feuille supposée être obtenue selon le mode opératoire décrit dans le brevet, il est non seulement nécessaire que l'homme du métier soit en mesure de préparer la feuille absorbante revendiquée mais il est tout aussi crucial qu'il soit en mesure de vérifier si les valeurs des paramètres servant au calcul dudit coefficient sont respectés.
1.3 S'agissant d'apprécier si la préparation de la feuille objet de l'invention revendiquée est exposée de manière suffisante et complète pour en permettre sa reproduction, la chambre est d'avis que cette question peut rester ouverte, mais elle note toutefois que le brevet est très avare en détails concernant en particulier les opérations de gaufrage - qui selon l'invention sont différentes pour chaque pli ou groupe de plis - mises en oeuvre lors de la préparation des cinq feuilles illustrant l'invention et exemplifiées en page 7 du brevet.
1.4 La chambre est toutefois convaincue et partage à cet égard les conclusions de la division d'opposition quant au fait que la méthode de mesure de la souplesse Sp est insuffisamment décrite pour permettre à l'homme du métier d'en vérifier les valeurs au cours de l'exécution de l'invention. Les raisons en sont les suivantes:
1.4.1 Selon le brevet (paragraphe 0081), la souplesse Sp est déterminée "par une méthode dite "ring and rod" qui consiste à faire passer la feuille de surface S à travers un trou de diamètre légèrement supérieur au grand diamètre d'un tronc de cône entouré par la feuille. On mesure la force de traction sur la feuille avant et pendant son passage à travers le trou que l'on reporte sur un graphe ayant pour abscisse la force de traction (en N) et en ordonnée le déplacement du tronc de cône (en mm). Lors du passage à travers le trou, la pente de la courbe change et l'on relève la valeur de la force au niveau du point d'inflexion. Cette valeur est corrélée à la souplesse Sp (en N) de ladite feuille, puisqu'elle est inversement proportionnelle à ladite force."
1.4.2 Pour la chambre, la description de la méthode susmentionnée présente des lacunes d'une ampleur telle que des opérations de routine ne peuvent permettre à l'homme du métier de combler. Dans la description du brevet, il manque en effet non seulement les dimensions du trou au travers duquel est supposée passer la feuille mais aussi les dimensions et le matériau du tronc de cône mis en oeuvre, sans oublier la méthodologie à utiliser pour permettre une mesure précise et reproductible dudit paramètre.
1.4.3 La requérante a fait valoir qu'à la lecture du brevet l'homme du métier comprendrait que la méthode "ring and rod" décrite au paragraphe [0081] est inspirée de la méthode dite "Circular Bend Procedure" décrite en détails dans la norme ASTM D 4032, mais la chambre ne partage pas cet avis, car même si cette dernière méthode fait usage d'un tronc de cône et d'une plaque trouée, elle est décrite comme étant destinée à la mesure de la rigidité (stiffness) des tissus (fabrics), et non à la mesure de la souplesse de feuilles absorbantes de type papier toilette.
En tout état de cause, la lecture du brevet ne permet en aucun cas de conclure directement et sans équivoque que les dimensions et le matériau utilisés dans la méthode "ring and rod", ou encore la méthodologie utilisée dans celle-ci, devraient être rigoureusement identiques à ceux mis en oeuvre dans la norme ASTM D 4032.
1.4.4 La chambre ne partage pas plus l'avis de la requérante quant au contenu des documents D6 à D8, que la requérante à soumis pour étayer son argument selon lequel la méthode décrite dans le brevet ferait partie des connaissances générales de l'homme du métier.
En effet, aucun de ces trois documents ne décrit ni la méthode "ring and rod", ni une méthode de mesure de la souplesse, et encore moins la mesure d'une quelconque propriété d'une feuille absorbante du type papier toilette, mais aussi bien D6, que D7 et D8 sont relatifs au domaine des protections hygiéniques féminines et tous trois décrivent la méthode "Circular Bend Procedure", déjà mentionnée plus haut, pour mesurer non pas la souplesse mais la résistance à la flexion (flexural resistance) ou la rigidité desdites protections, si bien que ces documents - qui font d'une part partie d'un domaine éloigné au domaine du papier toilette, et d'autre part ne traitent pas du paramètre concerné - ne peuvent être retenus comme évidence pouvant étayer l'argument avancé par la requérante.
1.4.5 Celle-ci a au demeurant également fait valoir qu'il faisait partie des connaissances générales de l'homme du métier que la souplesse fût l'inverse de la rigidité; elle n'a toutefois pas été en mesure d'étayer ses dires par un quelconque document.
Quant au brevet, celui-ci décrit certes (cf. paragraphe [0081]) que la valeur mesurée par la méthode "ring and rod" est corrélée à la souplesse Sp (en N) de ladite feuille, "puisqu'elle est inversement proportionnelle à ladite force", mais sans en indiquer la relation de proportionnalité.
Selon le brevet (voir paragraphe [0081] et tableau en page 7), la souplesse serait en outre exprimée en N. Pour la chambre cette information est pourtant contradictoire à l'information précédente selon laquelle la souplesse serait "inversement proportionnelle" à une force, et devrait donc être indiquée en N**(-1). La requérante n'a pas non plus été en mesure d'expliquer cette information contradictoire.
1.4.6 La chambre observe en outre que dans le cas d'espèce, il apparaît impossible de mener une procédure de calibration - telle que celle décrite par exemple dans la décision T 485/00 (point 1.6)) - pour identifier les paramètres manquants de la méthode de mesure, car la reproduction par l'homme du métier de l'un des exemples du brevet contesté relèverait d'un effort devant être qualifié d'excessif car, tel qu'indiqué plus haut, en particulier les détails des opérations de gaufrage des plis constitutifs de la feuille absorbante, qui selon le brevet diffèrent d'un pli à l'autre, font défaut.
1.5 Il suit de ce qui précède que la chambre confirme l'avis de la division d'opposition selon lequel la méthode de mesure de la souplesse Sp n'est pas décrite de manière suffisamment claire et complète pour à tout le moins permettre à l'homme du métier de vérifier que les paramètres définissant l'invention sont respectés lors de son exécution, si bien que le brevet pris dans son ensemble ne peut être considéré comme satisfaisant aux dispositions des articles 83 et 100(b) CBE.
2. Requêtes subsidiaires
La revendication 1 de ces deux requêtes incluant le paramètre souplesse Sp, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, le brevet ne peut être considéré comme satisfaisant aux dispositions des Articles 83 et 100(b) CBE.
3. Aucune des requêtes en instance ne satisfaisant aux exigences de l'Article 83 CBE, la décision de révocation du brevet est confirmée et il ne peut donc être fait droit au recours.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.