T 1276/08 (Silice conditionnée/RHODIA) of 6.7.2012

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2012:T127608.20120706
Date de la décision : 06 Juillet 2012
Numéro de l'affaire : T 1276/08
Numéro de la demande : 99910448.2
Classe de la CIB : A61K 9/14
C01B 33/193
A23K 1/16
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Composition comprenant un liquide absorbé sur un support à base de silice précipitée
Nom du demandeur : RHODIA CHIMIE
Nom de l'opposant : Degussa AG
BASF SE
Chambre : 3.3.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 83
Mot-clé : Exposé de l'invention (suffisant) - pas de lacune d'information ni défaut d'orientation ou d'instruction
Activité inventive (requête principale): oui - reformulation du problème (oui) - alternative non évidente
Exergue :

-

Décisions citées :
T 1250/01
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0958/11
T 1875/12
T 2344/12
T 0094/13
T 1334/15

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours vise à contester la décision intermédiaire postée le 29 avril 2008 par laquelle la division d'opposition maintenait le brevet européen 0 984 772 sur la base des revendications soumises à titre de première requête subsidiaire au cours de la procédure orale du 8 avril 2008, la revendication 1 présentant le libellé suivant:

"1. Composition conditionnée comprenant au moins un complément liquide d'alimentation animale absorbé sur un support contenant une silice précipitée, caractérisée en ce que ladite silice se présente sous forme de billes sensiblement sphériques et possède :

- une taille moyenne des billes supérieure à 150 mym,

- une densité de remplissage à l'état tassé (DRT) comprise strictement entre 0,24 et 0,29,

- un taux de refus au tamis ayant une ouverture de mailles de 75 mym d'au moins 88 % en poids,

- un volume poreux (Vd1) constitué par les pores de diamètre inférieur à 1 mym d'au moins 2,1 cm**(3)/g,

- une prise d'huile DOP d'au moins 275 ml/100g,

ladite composition présentant une teneur en complément liquide d'alimentation animale d'au moins 60 % en poids."

II. Durant la phase d'opposition, les parties se sont notamment appuyées sur les documents suivants:

D1: Brochure du produit Hi-Sil SC 60 (09/1996)

D7: EP 0 520 862 A1

D8: WO 95/09128

D12: Scott et al., "High-capacity precipitated silica for the rubber industry", 148th Meeting of the Rubber Division, American Chemical Society, 1995, pages 8, 12 et 14.

D13: Analytikbefund zu Hi-Sil SC 60-M

D14: Brochure du produit Hi-Sil SC 72 (09/1996)

III. Avec son mémoire exposant les motifs du recours, l'opposante (ci-après "la requérante") a cité quatre nouveaux documents:

D19: EP 0 345 109 B1

D20: IUPAC, "Recommendations for the characterization of porous solids", Pure & Appl. Chem., Vol. 66, pages 1739, 1740, 1752 et 1753 (1994)

D21: Ullmann's Encyclopedia of Industrial Chemistry, VCH, 5ème édition, Volume B2, pages 2-23 et 2-24 (1988)

D22: Ullmann's Encyclopedia of Industrial Chemistry, VCH, 5ème édition, Volume A23, pages 643 à 647 (1993).

La requérante a en outre contesté le bien-fondé de la décision incriminée et attaqué l'objet des revendications telles que maintenues par la division d'opposition au titre des Articles 83 et 56 CBE, faisant en particulier valoir un défaut d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 par rapport au contenu des documents D1, D14 ou D19 pris isolément ou en combinaison, ou alternativement par rapport au contenu des documents D1 ou D14 en combinaison avec l'enseignement des documents D7 ou D8.

IV. En réponse au mémoire de recours, l'intimée a présenté des observations en date du 19 mars 2009 et soumis deux jeux de revendications modifiées à titre de première et seconde requêtes subsidiaires, respectivement.

V. Au cours de la procédure orale, qui s'est tenue le 6 juillet 2012 en présence des deux parties à la procédure de recours, la requérante a confirmé que l'objet revendiqué était nouveau; les discussions se sont en outre focalisées sur la suffisance d'exposé de l'invention et l'appréciation de l'activité inventive de l'objet revendiqué.

VI. Concernant les requêtes au dossier:

La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimée a demandé le rejet du recours, et à titre subsidiaire, le maintien du brevet sur la base des revendications selon l'une des deux requêtes subsidiaires soumises en date du 19 mars 2009.

Motifs de la décision

1. Suffisance d'exposé de l'invention

1.1 Il est de jurisprudence constante qu'une invention est considérée comme suffisamment exposée dès lors que l'homme du métier est mis en mesure d'exécuter celle-ci dans toute sa portée, telle que revendiquée. Si ladite invention fait appel dans sa définition à un ou plusieurs paramètres, l'homme du métier se doit en outre d'être mis en mesure de vérifier si ce(s) dernier(s) est/sont respecté(s) lors de l'exécution de l'invention.

Dans le cas d'espèce où l'objet revendiqué fait appel à plusieurs paramètres, il y a lieu de vérifier chacun des deux aspects susmentionnés.

1.2 Concernant le premier aspect, la chambre observe que les différentes étapes du procédé de fabrication de la silice précipitée à la base de l'objet du brevet contesté sont décrites de manière extensive et détaillée aux paragraphes [0029] à [0056] du fascicule de brevet. En particulier l'étape d'obtention des "billes sensiblement sphériques" est décrite comme suit au paragraphe [0029]: "De manière avantageuse, la silice employée dans la composition selon l'invention est issue du séchage au moyen d'un atomiseur à buses d'une suspension de silice obtenue par précipitation. De préférence, ladite suspension de silice à sécher présente un taux de matière sèche compris entre 18,0 et 20,5 % en poids, en particulier entre 18,5 et 20,0 % en poids, notamment entre 19,0 et 20,0 % en poids."

1.3 La requérante a fait valoir que ces informations étaient insuffisantes, car certaines données essentielles à la réalisation de "billes sensiblement sphériques" - telles que la taille des buses, la viscosité de la suspension ainsi que certaines variables concernant le dispositif d'atomisation, telles que température, pression et débit de ce dernier - étaient absentes de la description du fascicule de brevet.

La chambre ne peut suivre ces allégations, car il appartient à celui qui procède à une affirmation d'en rapporter la preuve au-delà d'un doute raisonnable, et tel n'est le cas en l'espèce, aucune preuve n'ayant été produite à cet effet.

1.4 Concernant l'exécution même de l'invention, le fascicule de brevet contient un exemple spécifique de réalisation (paragraphe [0070]) d'une composition conditionnée conforme au libellé de la revendication 1 du brevet tel que maintenu par la division d'opposition. A aucun moment, la requérante n'a fait valoir que cette composition aurait pu ne pas être conforme à l'objet défini dans la revendication 1. La chambre n'ayant également aucun doute à ce sujet, il y a lieu de conclure que l'homme du métier est effectivement mis en mesure d'exécuter au moins un mode spécifique de réalisation de l'invention.

1.5 Eu égard à la question de savoir si la présupposée invention peut être exécutée dans toute sa portée, telle que revendiquée, la chambre observe que le brevet contesté définit (paragraphes [0029] à [0056]) de multiples possibilités de variations du procédé de préparation de la silice selon l'exemple spécifique de réalisation décrit au paragraphe [0070]. Il est crédible que ces diverses variations mènent à des silices différentes et multiples couvrant toute la portée de la silice objet de la revendication 1 en instance. Attendu que la requérante n'a à aucun moment contesté cet état de fait et qu'elle n'a soumis aucun élément de preuve tangible du contraire, le bénéfice du doute doit profiter au titulaire du brevet et il y a lieu de conclure que la présupposée invention peut être exécutée sur toute la portée, telle que revendiquée.

1.6 Concernant le deuxième aspect à vérifier, à savoir si à partir des informations fournies par le brevet contesté l'homme du métier est mis en mesure de vérifier si les paramètres définissant l'invention sont respectés lors de l'exécution de celle-ci, la chambre observe que pour chacun des paramètres définissant la silice entrant dans la composition selon la revendication 1 en instance, le brevet décrit aux paragraphes indiqués ci-dessous une méthode à mettre en oeuvre pour la mesure dudit paramètre:

- la taille moyenne des billes au paragraphe [0008],

- la densité de remplissage à l'état tassé (DRT) au paragraphe [0009],

- le taux de refus au tamis au paragraphe [0008],

- le volume poreux au paragraphe [0011], et

- la prise d'huile DOP au paragraphe [0010].

1.7 La requérante, s'appuyant en particulier sur le contenu des documents D20 et D21 et de la décision T 1250/01, a prétendu qu'il était toutefois impossible de mesurer et de contrôler précisément les paramètres "taux de refus au tamis ayant une ouverture de mailles de 75 mym" et "Vd1" définis à la revendication 1 en instance.

1.8 La chambre ne peut suivre ces allégations, car même si le contenu de D20 auquel fait référence la requérante fait apparaître des données qui pourraient sembler être absentes de la description du brevet, le paragraphe [0011] du brevet décrit de manière irréfutable l'appareillage mis en oeuvre pour effectuer les mesures de porosité, à savoir le "porosimètre MICROMERITICS 9300", et la requérante n'a pas été en mesure de prouver que celui-ci ne permettait pas l'obtention directe et automatisée de la mesure de pores définie à la revendication 1 en instance.

S'agissant du contenu du document D21 qui, selon la requérante, préciserait que des divergences importantes de résultats pouvaient être obtenues selon la méthode employée pour effectuer la mesure du refus au tamis de 75 mym, la chambre constate que le paragraphe [0008] du brevet fait explicitement référence à la norme NF X 11507 et il n'a pas été prouvé que le contenu de cette norme était insuffisante pour effectuer ladite mesure.

Enfin, eu égard au contenu de la décision T 1250/01 qui stipule qu'il y a lieu de conclure à un défaut de description lorsque l'on est en présence d'une méthode de mesure décrite de manière insuffisante ou erronée, la chambre fait remarquer que la requérante n'a fourni aucune preuve tangible à l'appui de ses allégations, si bien qu'il n'est pas possible de conclure à l'absence de données essentielles dans la description de l'une ou l'autre des méthodes de mesure concernées.

1.9 Et quand bien même à la lecture des documents D20 ou D21 il subsisterait certaines ambiguïtés dans l'exposé de la méthode de mesure de l'un ou l'autre de ces deux paramètres, la chambre observe que la description d'un brevet ne s'adresse pas à un amateur, mais à un homme du métier qui se doit de lire la description avec l'intention de la comprendre et de lui donner un sens au point de vue technique.

C'est précisément ce qu'a fait l'opérateur ayant effectué les mesures reportées dans D3, un document émanant de l'opposante/requérante ayant retiré son opposition. En effet, le document D3 qui était supposé prouver le défaut de nouveauté de l'objet revendiqué par rapport à un produit dénommé "EXP 4102", fait explicitement référence aux paragraphes auxquels la chambre a elle-même fait référence au point 1.6 ci-dessus lorsque son auteur fait part des méthodes de mesures utilisées. Par conséquent, D3 ne laisse pas planer l'ombre d'un doute quant au choix des méthodes de mesure décrites dans le brevet ni sur leur précision. Dans ce contexte et déjà rien que pour cette raison, il y aurait eu lieu de conclure que l'homme du métier était mis en mesure par le seul contenu du brevet de vérifier si les paramètres définissant l'invention sont respectés lors de l'exécution de celle-ci.

1.10 Attendu de ce qui précède que l'homme du métier est mis en mesure aussi bien de reproduire l'invention dans toute sa portée, telle que revendiquée, que de vérifier si les différents paramètres de la silice employée ont été respectés lors de l'exécution de l'invention, il y a lieu de conclure qu'en l'espèce il n'y a pas de lacune d'information dans le brevet, si bien que les conditions de l'Article 100(b) ensemble l'Article 83 CBE sont remplies.

2. Requête principale - Activité inventive

S'appuyant sur l'approche problème-solution développée par les chambres de recours, la chambre est arrivée à la conclusion que l'objet revendiqué satisfaisait aux exigences de l'Article 56 CBE pour les raisons suivantes:

2.1 Le brevet contesté (paragraphe [0001]) concerne une composition comprenant un complément liquide d'alimentation animale absorbé sur un support contenant une silice précipitée particulière.

2.2 S'agissant de définir l'état de la technique le plus proche, les parties sont convenus à la procédure orale sur le principe que le contenu du document D1 représentait le point de départ le plus adapté pour l'appréciation de l'activité inventive. Comme établi ci-après, les documents D14 ou D19 que la requérante avait alternativement envisagés à ce titre durant la phase écrite de la procédure de recours comportent en effet moins de caractéristiques en commun avec l'objet revendiqué que le document D1 et en sont par conséquent plus éloignés.

2.2.1 D1 (Tableau, deuxième page de la brochure) décrit la silice de dénomination commerciale Hi-Sil SC60 comme présentant les caractéristiques techniques suivantes:

- Surface spécifique: 185 m**(2)/g

- Prise d'huile DBP: 205 ml/100g

- Perte au séchage à 105ºC: 5%

- pH en suspension aqueuse à 5%: 7

- Densité à l'état tassé: 0,24 g/cm**(3)

- Taille moyenne des agglomérats: environ 200 à 250 mym

- Fractions retenues au crible de

50 mesh: 86%

100 mesh: 13%

200 mesh: 1%

Reliquat: < 1%

- Morphologie: billes

- Teneur en Na2SO4: 1% en poids.

D1 (première page de la brochure) décrit en outre cette silice comme présentant une bonne fluidité, un faible poussiérage, une densité élevée et une importante capacité d'absorption (jusqu'à 65%) de liquides tels que les compléments d'alimentation animale.

2.2.2 Les parties sont d'accord sur le fait que les valeurs de criblage susmentionnées correspondent à un taux de refus au tamis ayant une ouverture de mailles de 75 mym tombant sous le libellé de la revendication 1. En effet, un crible de 200 mesh correspond à un tamis de maillage de 75 mym et le reliquat après passage au crible de 200 mesh, qui dans le cas de la silice de D1 est inférieur à 1%, correspond au taux de refus au tamis de maillage de 75 mym.

2.2.3 Sur les caractéristiques distinctives, si les parties s'accordent pour affirmer que la valeur de prise d'huile DBP (dibutyl phthalate) de la silice de D1 correspond dans l'absolu à une prise d'huile DOP (dioctyl phthlate) inférieure à celle de la silice revendiquée, elles ne sont pas du même avis pour ce qui est du volume poreux constitué par les pores de diamètre inférieur à 1 mym (ci-après nommé Vd1) de la silice Hi-Sil SC60.

Selon la requérante, qui s'appuie sur le courrier de l'ex-opposante Degussa daté du 6 mai 2005, le volume poreux Vd1 de la silice selon D1 serait égal à 2,1 cm**(3)/g et tomberait de ce fait dans l'intervalle revendiqué "d'au moins 2,1 cm**(3)/g", alors que l'intimée (note d'observations datée du 8 février 2008) déclare disposer d'une mesure dudit volume poreux Vd1 et que celui-ci serait de 1,92 cm**(3)/g pour cette même silice.

Devant cette divergence d'opinion, et précision devant être faite que la preuve doit être rapportée au-delà d'un doute raisonnable, la chambre n'a pas été convaincue par l'une ou l'autre de ces affirmations. En effet, la fiche d'analyse fournie par l'ex-opposante, à savoir le document D13, ne comporte aucune valeur de porosité et encore moins la valeur du volume poreux Vd1. Et concernant l'affirmation de l'intimée, celle-ci n'est corroborée par aucune attestation ni fiche d'analyse technique.

Dans ce contexte, il y a lieu de conclure que le volume poreux (Vd1) tel que défini dans la revendication 1 en instance ne découle pas de manière directe et sans équivoque du contenu du document D1.

2.3 S'agissant à présent de définir le problème à résoudre par l'objet revendiqué, le brevet contesté (paragraphes [0005] et [0006]) décrit le problème comme résidant en la mise au point d'une composition conditionnée possédant non seulement une bonne fluidité, un poussiérage faible voire nul et une densité assez élevée, mais présentant en outre une teneur assez importante en matière active liquide.

2.4 La solution proposée par le brevet contesté, à savoir la composition conditionnée selon la revendication 1 de la requête en instance, est en particulier caractérisée en ce que la silice contenue dans le support possède un volume poreux (Vd1) constitué par les pores de diamètre inférieur à 1 mym d'au moins 2,1 cm**(3)/g et une prise d'huile DOP d'au moins 275 ml/100g.

2.5 A la question de savoir si le problème défini au point 2.3 ci-dessus est effectivement résolu, la chambre constate que le document D1 décrit les mêmes avantages que ceux mentionnés aux paragraphes [0005] et [0006] du brevet contesté. Aucune amélioration ni effet avantageux n'ayant en outre été mis en évidence eu égard à la composition conditionnée selon D1, il y a lieu de conclure que le problème mis en avant dans le brevet n'est pas résolu.

Dans ce contexte, selon la jurisprudence des chambres de recours, le problème se doit d'être reformulé en des termes moins ambitieux. Selon la chambre, dans le cas d'espèce celui-ci consisterait en la mise au point d'une composition alternative à celle décrite dans l'état de la technique le plus proche.

Le mode de réalisation spécifique décrit à l'exemple 1 montre qu'une composition conditionnée basée sur une silice alternative à celle de D1 et présentant tous les avantages requis a pu être réalisée (voir paragraphes [0070] et [0071]), il y a donc lieu de conclure que le problème susmentionné a bien été résolu.

La requérante a prétendu que le problème susmentionné n'était pas résolu sur toute la largeur de la revendication. A l'appui de ses allégations, celle-ci a fait valoir que la formulation "support contenant une silice précipitée" utilisée pour définir l'objet de la revendication 1 était ouverte à l'utilisation de tout autre support et de ce fait, il n'était pas crédible que le problème soit résolu sur toute la largeur de l'objet revendiqué. La chambre ne peut se joindre aux arguments de la requérante, car il est d'usage que les allégations d'une partie soient étayées d'une preuve tangible. Or, dans le cas d'espèce, aucun test ni attestation n'ont été présentés par la requérante. En outre, la chambre fait observer que la composition conditionnée est définie de manière fermée pour ce qui concerne la quantité de liquide absorbée, si bien que toute composition ne comportant pas la teneur minimale requise en complément liquide d'alimentation animale, à savoir au moins 60% en poids, est de toute façon exclue de l'objet revendiqué.

2.6 Il convient à présent d'apprécier si la solution proposée par le brevet contesté découle ou non de manière évidente de l'état de la technique, en particulier du document D1 pris en combinaison avec l'un ou l'autre des documents cités à cet effet par la requérante, à savoir D7, D8, D12, D14, D19, D22.

2.6.1 Le document D14 (Tableau en deuxième page de la brochure) décrit une autre silice commerciale, à savoir la silice dénommée Hi-Sil SC72. Celle-ci présente les caractéristiques techniques suivantes:

- Surface spécifique: 150 m**(2)/g

- Prise d'huile DBP: 265 ml/100g

- Perte au séchage à 105ºC: 5%

- pH en suspension aqueuse à 5%: 7

- Densité à l'état tassé: 0.23 g/cm**(3)

- Taille moyenne des agglomérats: environ 150 à 200 mym

- Fractions retenues au crible de

100 mesh: 87%

200 mesh: 13%

Reliquat: < 1%

- Morphologie: billes

- Teneur en Na2SO4: 1% en poids.

Cette silice est également décrite (première page de la brochure) comme présentant une bonne fluidité, un faible poussiérage, une densité élevée et une importante capacité d'absorption des liquides (jusqu'à 75%) dont certains compléments d'alimentation animale tels que la vitamine E ou le chlorure de choline.

Mais tout comme D1, D14 n'indique aucune valeur de porosité de la silice et outre une prise d'huile inférieure à celle revendiquée, celle-ci présente une densité de remplissage à l'état tapé inférieure à celle revendiquée. Il s'ensuit que même si la silice de D14 est décrite comme présentant non seulement les mêmes avantages que celle revendiquée et même une capacité d'absorption de liquides supérieure à celle selon D1, l'homme du métier n'est nullement incité par D14 à modifier la silice selon D1 dans le sens proposé par la revendication 1 en instance, à savoir à augmenter la densité à 0,24 et la prise d'huile DOP à une valeur supérieure à 275 ml/100g ni à régler la porosité aux valeurs telles que revendiquées, à savoir un volume poreux constitué par les pores de diamètre inférieur à 1 mym d'au moins 2,1 cm**(3)/g.

2.6.2 Le document D19 (page 1, lignes 8 à 22) décrit des compositions à base de silice précipitée présentant une teneur élevée en matière active liquide, une forte densité, une bonne coulabilité ainsi qu'un faible poussiérage. A cet effet, la silice précipitée est définie comme présentant:

- une surface BET d'au moins 170 m**(2)/g;

- une prise d'huile (DOP) comprise entre 220 et 300 ml/100g;

- une densité de remplissage à l'état tassé d'au moins 0,29;

- un diamètre médian des particules compris entre 80 et 150 mym; et

- un indice de dispersion granulométrique d'au plus 0,70.

On notera que cette silice n'est pas sous forme de billes mais de particules. Aucune indication n'est en outre fournie quant à sa porosité et son taux de refus au tamis d'ouverture de mailles de 75 mym. Et quand bien même cette silice présente une prise d'huile (DOP) tombant - dans la partie supérieure de l'intervalle de valeurs "entre 220 et 300 ml/100g" - dans l'intervalle revendiqué, l'homme du métier n'est nullement incité par le contenu de D19 à modifier la silice selon D1 dans le sens proposé par la revendication 1 en instance, à savoir en ajustant sa porosité de sorte que le volume poreux constitué par les pores de diamètre inférieur à 1 mym soit d'au moins 2,1 cm**(3)/g. Le document D19 ne donne en outre pas à l'homme du métier les informations lui permettant de passer d'une silice particulaire à une silice de morphologie sensiblement sphérique et de granulométrie plus élevée, tout en conservant les qualités absorbantes de la silice particulaire de D19.

2.6.3 Les documents D7 (exemple 12) et D8 (page 5, lignes 1 à 35) décrivent des billes de silice présentant certes une prise d'huile DOP, une densité de remplissage à l'état tassé, une taille moyenne et vraisemblablement un taux de refus au tamis de mailles de 75 mym tombant dans les intervalles de valeurs définis à la revendication 1 en instance. Celles-ci sont toutefois destinées à un tout autre usage, puisqu'elles sont vouées à servir de charge renforçante pour élastomères.

Attendu que rien ne laisse transparaître dans l'un ou l'autre de ces deux documents que lesdites billes de silice auraient également pu servir au conditionnement de liquides et qu'il n'a pas été établi qu'elles présenteraient une porosité telle que celle revendiquée, l'homme du métier ne s'intéressera par conséquent pas à ces documents situés dans un tout autre domaine d'application pour trouver la solution au problème auquel il est confronté.

2.6.4 Concernant le contenu du document D12, que la requérante a fait valoir comme établissant le lien manquant entre le conditionnement des liquides et l'industrie du caoutchouc, la chambre observe que l'enseignement de ce document se limite à celui selon lequel les silices des documents D1 (Hi-Sil SC60) et D14 (Hi-Sil SC72) sont utilisables pour le conditionnement de liquides communément employés dans l'industrie du caoutchouc. Et mis à part l'information selon laquelle ces deux silices commerciales permettent la préparation d'une composition présentant une bonne fluidité, un faible poussiérage et pouvant contenir jusqu'à 66-72% de liquide (page 8, ligne 9 et page 12, lignes 4 à 7), D12 ne donne toutefois pas l'information permettant de conclure que les silices utilisées comme charge renforçante pour élastomères sont également opérationnelles pour le conditionnement de liquides. D12 ne fait également pas le lien entre le conditionnement des liquides et la prise d'huile DOP, et encore moins avec la porosité Vd1, si bien que l'homme du métier ne trouve pas plus d'incitation dans ce document à combiner l'enseignement des documents D1 ou D14 avec celui des documents D7 ou D8.

2.6.5 Eu égard à un lien potentiel entre le conditionnement des liquides et la prise d'huile DOP, la requérante a fait valoir que celui-ci découlait de l'enseignement du document D22 (paragraphe à cheval sur les pages 644 et 645) selon lequel l'absorption au dibutyl phthalate (DBP) était une mesure de la capacité adsorptive d'une silice et que celle-ci se situait dans un intervalle de valeurs allant de 175 à 320g/100g. D22 décrit en outre dans le même paragraphe que la capacité absorptive était importante pour la conversion en poudres de compositions liquides ou pâteuses.

La chambre observe que l'homme du métier ne peut certes ignorer cet enseignement, mais force est de constater que le susdit paramètre ne suffit pas à lui seul pour arriver à l'objet de la revendication 1. En effet, l'exemple 5 (comparatif) du document D19 - qui décrit une composition à base de vitamine E préparée à partir d'une silice présentant en particulier une prise d'huile DOP de 340 ml/100g BET, une DRT de 0,22 et une d50 de 60 mym - montre très clairement qu'une silice présentant une capacité d'absorption d'huile importante ne permet pas dans ce cas précis de mettre au point une composition présentant une bonne fluidité et un faible poussiérage.

Nonobstant, et même si l'homme du métier trouvait une incitation dans le contenu de D22 à augmenter la prise d'huile d'une silice, ce document est toutefois totalement silencieux au sujet de la porosité - et donc de la valeur Vd1 - des silices testées. D22 (page 644, Tableau 7.1) ne concerne en outre que des silices sous forme de poudre - et non de billes - et qui plus est, de taille moyenne de particules largement inférieure (6 à 100 mym) à celle revendiquée. C'est pourquoi, pour les raisons précédemment énoncées, la chambre juge que ce document ne mène pas plus de manière évidente à l'objet revendiqué que les documents cités ci-avant.

2.6.6 Les autres documents cités durant les procédures de recours et d'opposition ne contiennent - selon la chambre - pas plus d'information susceptible de conduire, en combinaison avec le document D1, à la composition selon la revendication 1 en instance.

2.6.7 Il s'ensuit que l'objection de défaut d'activité inventive procède manifestement d'une analyse a posteriori supposant une connaissance préalable de la solution telle que revendiquée. En conséquence de quoi, il y a lieu de conclure que l'objet de la revendication 1 satisfait aux exigences de l'Article 56 CBE.

2.6.8 Les revendications 2 à 10 dérivent leur brevetabilité de l'objet de la revendication 1, dont elles dépendent, et satisfont également aux exigences de l'Article 56 CBE.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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