T 0286/10 (Sécurisation d'un accès à une ressource numérique/BOUYGUES) of 21.5.2014

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2014:T028610.20140521
Date de la décision : 21 Mai 2014
Numéro de l'affaire : T 0286/10
Numéro de la demande : 02803846.1
Classe de la CIB : G06F 12/14
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : PROCEDE DE SECURISATION D UN ACCES A UNE RESSOURCE NUMERIQUE
Nom du demandeur : Bouygues Telecom
Nom de l'opposant : Pointsec Mobile Technologies AB
Chambre : 3.5.06
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 54(2)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 16
European Patent Convention 1973 Art 104(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 15(3)
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 15(6)
Mot-clé : Publications Internet citées comme art antérieur:
Standard de preuve de l'accessibilité au public: principe de la liberté de la preuve
Application du régime de droit commun de la preuve par l'appréciation de la plus forte probabilité ou présomption suffisante (oui); dérogation à ce standard de preuve, base légale (non)
Présomption suffisante de l'accessibilité au public résultant des circonstances de la publication (oui); renversement de la présomption à la charge de la partie qui en conteste la force probante (points 2-5)
Activité inventive - (non)
Requête subsidiaire tardive - recevable (non)
Répartition des frais - (non)
Exergue :

Voir points 2-5

Décisions citées :
T 0472/92
T 0750/94
T 1134/06
T 0990/09
T 2339/09
T 1836/12
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0545/08
T 1711/11
T 2309/11
T 1066/13
T 0353/14
T 1040/14

Exposé des faits et conclusions

I. L'opposante a formé un recours contre la décision de la division d'opposition, postée le 7 décembre 2009, re­je­tant l'opposition et maintenant le brevet litigieux no. 1449092 comme délivré.

II. L'acte de recours a été reçu le 12 février 2010 et la taxe de recours a été acquittée le même jour. Le mé­moire exposant les motifs du recours a été reçu le 19 av­ril 2010. La requérante-opposante demande l'annu­lation de la dé­cision attaquée et la révocation du brevet, tandis que l'intimée-proprié­taire requiert le rejet du recours et le maintien du bre­vet. Les deux par­ties ont sollicité, à titre subsidiaire, la tenue d'une procédure orale.

III. Comme motifs de l'opposition, la requérante avait invo­qué l'articles 100 (a) et 100 (c) CBE 1973 en soulevant des ob­jec­tions en vertu des l'articles 123 (2) CBE et 56 CBE 1973. Selon la décision contestée, le brevet était con­forme aux exigences de l'article 123 (2) CBE et la re­qué­rante n'a pas renouvelé ces objections dans son mémoire de recours.

IV. La requérante fait valoir que l'objet des revendica­tions du brevet en litige manque d'activité inventive au vu de documents A2-A12, dont certains (les documents A2-A8) ont déjà été discutés dans la décision attaquée. Les documents A9-A12 ont été introduits avec le mémoire exposant les motifs du recours. Pour les besoins de la présente décision il suffit d'iden­tifier les documents suivants:

A9: Ed Stansel, "Save face with this unique password system", The Times-Union, marqué "28 May 2000" et "http://jacksonville.com/tu-online/stories/052800/web_3158672.html 2010-02-09"

A10: M Merkow, "Toss Out Your Passwords - Bring On Pass­faces (TM) Instead!", marqué "April 1, 1999" et "http://web.archive.org/web/20010709013138/www.rea...xe/_/homepages/about/articles/article_plain_3.htm" et "[2010-04-13 13:52:47]"

V. L'intimée a contesté que les documents A4 et A8-A12 fassent partie de l'état de la technique parce qu'il n'a­vait pas été prouvé qu'ils étaient accessibles au pub­lic avant la date de priorité du brevet d'une manière qui répondait aux critères établis dans la décision T 1134/06. En particulier, l'intimée a fait référence aux conclusions suivantes de cette décision (T 1134/06, motifs, points 4.1 et 4.2; voir la lettre de l'intimée, p. 2, alinéas 8-10, et p. 3, alinéa 6):

i) Les modalités de divulgation d'un document extrait de l'Internet doivent être établies selon les mêmes critères que le serait une divulgation orale ou un usage public antérieur.

ii) Si une divulgation Internet doit être utilisée comme état de la technique, un standard de preuve strict devrait être adopté. Ainsi, pour qu'une divulgation Internet fasse partie de l'état de la tech­nique selon l'article 54 (2) CBE elle doit être prouvée hors de tout doute raisonnable.

iii) Lorsqu'une divulgation a été extraite d'une ressource telle que l'Internet Archive, une preuve supplémentaire sera nécessaire concernant l'historique de la divulgation, si et de quelle manière elle a été modifiée depuis sa date initiale de parution sur un site web.

A supposer même que ces documents fassent partie de l'art antérieur, ils ne seraient pas suffisants pour établir une manque d'activité inventive de l'objet revendiqué.

VI. Une citation à une procédure orale a été envoyée par la chambre le 12 février 2014. En annexe à la citation, la chambre a communiqué ses observations concernant la ques­tion de l'accessibilité au public des documents A4 et A8-A12. La chambre a indiqué avoir tendance à suivre l'intimée et la décision attaquée en considérant qu'il n'était pas établi de façon suffisamment probable que A4 et A8, ou leur con­te­nu, aient été publiés avant la date de priorité du bre­vet. En revanche, elle avait tendance à suivre la re­quérante en ce qu'elle consi­dérait qu'il existait une présomption suffisante que A9-A11 aient été rendus accessibles au public à temps. A12 semblait n'être pas pertinent. La chambre a aussi exprimé son avis préliminaire que l'ob­jet de la reven­dication 1 manquait d'activité inventive vis-à-vis des documents A9 et A10, article 56 CBE 1973.

VII. En réponse à la citation de la chambre, par lettre datée du 11 avril 2014, la requérante a développé ses ar­gu­ments en faveur de l'accessibilité au public du document A4 et son contenu avant la date de priorité. Au soutien de ces arguments était versé aux débats un article, rédigé par M. Tim Valen­tine.

VIII. Par téléfax du 15 mai 2014, l'intimée a fait savoir qu'elle n'assisterait pas à la procédure orale prévue le 21 mai 2014. Elle a toutefois soumis en tant que requête subsidiaire un jeu de revendications modifiées et fait valoir que cette requête ne devrait pas être consi­dé­rée comme tardive parce-qu'elle était fondée sur la revendication 4 du brevet tel que délivré. Elle a déclaré que, au vu de la précision des caractéristiques de la revendication 1 modifiée, les divulgations vagues des documents opposés ne sauraient les rendre évidentes. Aucun argument n'a été présenté en réponse à l'analyse de la chambre relative à l'accessibilité au public des documents pertinents ou l'activité inventive de la revendication 1 du brevet.

IX. Les revendications 1 et 4 du brevet s'énoncent comme suit:

"1. [P]rocédé de sécurisation d'un accès à une ressource numérique depuis un terminal de commande comprenant au moins un clavier de commande comprenant des touches de commandes, ledit procédé comportant:

- une étape d'apprentissage consistant à sélectionner un authentifiant numérique secret et à l'enregistrer dans une mémoire électronique associée audit terminal de commande, et

- ladite étape d'apprentissage comprenant:

- une sous-étape d'affichage d'au moins un tableau comprenant chacun une pluralité d'éléments graphiques disposés selon une matrice corrélée avec la répartition des touches dudit clavier de commande;

- pour chaque au moins un tableau, une sous-étape de sélection d'un code graphique consistant à activer au moins une touche de commande dudit clavier de commande associée chacune à un élément graphique;

- une sous-étape d'enregistrement d'un identifiant d'apprentissage de chaque tableau et de chaque au moins un identifiant numérique d'apprentissage dudit élément graphique associé à ladite touche de commande activée à la sous-étape de sélection pour chaque tableau, dans ladite mémoire électronique, pour former ledit authentifiant numérique représentatif dudit code graphique;

- une étape d'authentification consistant à saisir une information numérique et à comparer ladite information numérique saisie au niveau dudit terminal de commande avec ledit authentifiant numérique, ladite étape d'authentification délivrant un signal d'acquittement lorsque ladite comparaison est positive,

- ladite étape d'authentification comprenant:

- une sous-étape d'affichage au niveau dudit terminal, d'au moins dudit au moins un tableau comprenant ladite pluralité d'éléments graphiques, la disposition desdits éléments graphiques au sein dudit tableau étant aléatoire;

- une sous-étape de transmission à un calculateur associé audit terminal de ladite information numérique correspondant à au moins un identifiant numérique d'un élément graphique désigné par un utilisateur par activation de la touche de commande associée audit élément graphique pour chaque tableau;

- une sous-étape de comparaison consistant pour le calculateur, à délivrer ledit signal d'acquittement lorsque ledit au moins un identifiant numérique d'apprentissage correspond à ladite information numérique transmise audit calculateur.

4. Procédé selon la revendication 1, dans lequel:

ladite sous-étape d'affichage de ladite étape d'apprentissage comprend une étape consistant à:

- choisir N tableaux issus d'une bibliothèque de M matrices graphiques, chaque tableau étant décomposé en P éléments graphiques, chaque tableau étant associé à un identifiant d'apprentissage de tableau Ti, chaque élément graphique de chacun desdits tableau étant associé à un identifiant d'apprentissage d'élément graphique Mtaui,j,

dans lequel, lors de ladite étape d'enregistrement, ledit authentifiant numérique est formé en outre par lesdits identifiants d'apprentissage de tableau Ti associés auxdits éléments graphiques sélectionnés lors de ladite sous-étape de sélection d'un code graphique;

et dans lequel ladite étape d'authentification comprenant une étape consistant à:

- Afficher une partie P au moins desdits N tableaux."

X. La revendication 1 selon la requête subsidiaire correspond à la revendication 4 du brevet.

XI. La procédure orale a eu lieu le 21 mai 2014 en présence des mandataires de la requérante, l'intimée n'étant ni présente ni représentée. Lors de la procédure orale, la requérante a requis que ne soit pas admise au débat la requête subsidiaire parce que tardive et une réparti­tion différente des frais occasionnés par la nécessité d'analyser ladite requête tar­dive et par la défaillance de l'intimée à la pro­cé­dure orale en application de l'articles 104 (1) CBE 1973 et l'article 16 RPCR. Les raisons au soutien de la requête en répartition des frais ont fait l'objet de la requête écrite annexée au procès verbal de la procédure orale.

XII. Les requêtes de l'intimée étaient la confirmation de la décision objet du recours, ou, à défaut le maintien du brevet selon la requête subsidiaire déposée avec la lettre datée du 15 mai 2014.

XIII. A l'issue de la procédure orale, la présidente a prononcé la décision de la chambre.

Motifs de la décision

Procédure orale en absence de l'intimée

1. L'article 15(3) RPCR prescrit que la chambre n'est pas tenue de différer une étape de la procédure, y compris sa décision, au seul motif qu'une partie dûment con­vo­quée est absente lors de la procédure orale, et qu'elle pourra en ce cas considérer que cette partie se fonde uniquement sur ses écritures.

1.1 En ce qui concerne la question de l'activité inventive de la revendication 1 du brevet, en particulier vis-à-vis de A9 et A10, la présente décision se fonde sur l'analyse déjà présentée par la chambre avec son invitation à la procédure orale. L'intimée a choisi de ne pas répondre sur le fond à cette analyse.

1.2 En ce qui concerne la requête subsidiaire déposée moins d'une semaine avant la procédure orale, l'inti­mée sa­vait ou devait savoir que la question de sa recevabi­lité serait nécessairement abordée conformément à la procédure en vigueur devant les chambres de recours en cas de dépôt d'une nouvelle requête. D'ailleurs l'inti­mée a anticipé cette discussion en donnant explicite­ment les raisons en faveur de la recevabilité, c'est à dire les raisons pour lesquelles cette requête subsi­diaire ne devrait pas être considérée comme tardive.

1.3 La requête de la requérante en répartition des frais a été rejetée. La question du respect du droit d'être entendu en application de l'article 113 CBE, à son sujet, ne s'est donc pas posée.

1.4 Par conséquent, la chambre a été en position de prononcer une décision à la clôture de la procédure orale, comme prévu par l'article 15(6) RPCR.

Accessibilité du A9 et A10 au public

2. La chambre ne partage pas la conclusion tirée dans T 1134/06 selon laquelle la publication antérieure d'une divulgation Internet doit être prouvée hors de tout doute raisonnable. En réalité, comme il va être démontré, la chambre estime qu'il n'y a pas de base légale pour un régime de preuve différent de celui régissant les divulgations de l'art antérieur en général.

2.1 Il est vrai que les publications Internet présentent une difficulté particulière par rapport aux publications conventionnelles, liée aux possibles modifica­tions des documents dans le temps sans que la tra­çabilité des modifications soit aisément perceptible. Mais aux yeux de la chambre le remède à cette difficulté ne passe pas par une dérogation au régime commun de l'admi­nistration de la preuve selon lequel l'existence d'une publication antérieure doit être établie en appréciant les probabilités en fonction des circon­stances de chaque cas. La chambre rejoint dans son analyse les décisions T 2339/09, motifs 2, et T 990/09, mo­tifs 10 et ce, dans le contexte d'une libre évaluation des preuves comme expliqué dans la décision T 750/94 (JO OEB, 1998, 32; motifs 8, deuxième alinéa):

"... il convient de peser et d'apprécier les preuves qui tendraient à montrer l'existence d'une publication antérieure par ce mode de publication. Si de telles preuves sont en soi considérées comme suffisamment con­vaincantes pour rendre suffisamment probable l'existence de la publication antérieure et justifier le re­jet de la demande ou la révocation du brevet, il convi­en­­dra d'examiner s'il existe également des preuves con­traires suffisamment convaincantes contredisant les preuves de l'existence probable d'une publication an­té­rieure et en annulant les effets, si bien qu'en fin de compte l'existence de cette publication antérieure n'apparaît plus suffisamment probable."

2.2 Pour justifier la nécessité d'un standard de preuve strict pour les divulgations Internet, la décision T 1134/06 a fait référence à la décision T 472/92 (JO OEB 1998, 161). Cependant, T 472/92 elle aussi a confirmé la jurisprudence constante des chambres de recours qu'en général les preuves sont appréciées en fonction de ce qui paraît le plus probable, et a fait une exception seulement en cas d'allégation d'une utilisation antérieure dont les preuves se trouvent presque toutes en la possession de l'opposant et ne sont connues que de lui seul (sommaire 1 et motifs 3.1). Dans le cas présent la chambre considère que les circonstances des divulgations Internet avancées par la requérante, c'est à dire A9 et A10, ne sont pas assimilables à une utilisation antérieure nécessitant un standard de preuve plus rigoureux et que la T 472/92 ne peut être utilisée pour justifier en l'espèce un standard de preuve dérogatoire pour les divulgations Internet.

2.3 D'ailleurs la décision T 1134/06, elle même, a entrevu des cas dans lesquels, s'agissant d'un site Internet appartenant à un éditeur de bonne réputation et de confiance qui publie en ligne des versions correspon­dant à des publications papier, le con­te­nu et la date peuvent être tenus pour acquis a priori sans nécessité de preuves supplémentaires. Il peut être aussi envisagé que si un site Internet fonctionne selon des réglemen­tations et standards reconnus qui per­mettent de retrouver une information et sa date avec un haut de­gré de certitude, des preuves supplémentaires ne sont pas nécessaires (T 1134/06, motifs 4.1). Cela revient en réalité à appliquer la règle de l'appréciation des probabilités qui suppose l'évaluation des éléments de nature à entraîner la conviction de la chambre dans un sens ou dans un autre. En d'autres termes les publica­tions Internet n'impliquent pas par principe une régime dérogatoire de preuve, les incertitudes liées à ces divulgations doivent être levées de façon à procurer un degré de probabilité suffisant, et établir la pré­somption d'accessibilité qui emportera la conviction du juge. Il n'y a aucune raison de hausser le degré des probabilités à hauteur de l'absence de tout doute raisonnable.

3. En l'espèce, la requérante a apparemment téléchargé l'article A9 du site Internet www.jacksonville.com qui est exploité par le journal "The Florida Times Union" - ou bien, plus brièvement, "The Times-Union" comme indiqué sur l'article lui-même. La chambre note que l'article reste accessible jusqu'à ce jour à la même adresse. La chambre considère que ce journal est, ­au moins à première vue, une source d'in­for­ma­tion connue et fiable et conclut qu'il en résulte une présomption suffisante que A9 a été publié le 28 mai 2000.

4. Le document A10 a apparemment été archivé par l'archive Internet, respectivement, le 9 juillet 2001.

4.1 La chambre en partie pour les raisons ci-dessus exposées, ne partage pas la conclusion de la décision T 1134/06 que, par principe, les archives Internet ne sont pas fiables. En particulier, la chambre considère que normalement le fait qu'un document a été archi­vé par l'archive Internet www.archive.org à une cer­taine date, sauf bien entendu circonstance particulière jetant une suspicion, constitue en soi une présomption suffisante que le do­cument a été accessible au public au jour de téléchar­gement et, rendu accessible au public via l'archive Internet elle-même peu après.

4.2 L'archive Internet, une initiative d'archivage privé et non-lucratif (voir aussi T 1134/06, motifs 3.2), met à la disposition du grand public d'instantanés anté­ri­eurs de l'Internet. Depuis sa création in 1996, elle est de­ve­nu très populaire et a développé une bonne réputa­tion. Même si le volume de données traitées est énorme, l'archive n'est, naturellement, qu'une collection in­com­­plète des pages Internet antérieures. Cependant, des bibliothèques classiques sont incomplètes elles aussi sans affecter la crédibilité de l'information dispo­nible. Bien que la chambre ne nie pas que des doutes sur les entrées individuelles dans l'archive Internet puiss­ent surgir, elle estime que l'archive elle-même présente des garanties suffisantes pour bénéficier d'une présomption de source d'informa­tion fiable et de confiance, à charge pour la partie adverse de produire, en fonction de l'espèce, les éléments de nature à jeter un doute sur cette fiabilité présumée et par là même détruire cette présomption.

4.3 Pour cette raison, il ne saurait suffire à l'intimée de se borner à invoquer en général un manque de fiabilité de l'archive Internet pour mettre en doute la date d'accessi­­­bilité publique d'un document archivé sur www.archive.org.

4.4 Dans l'URL indiqué sur A10, la partie "20010709013138" indique que la page Internet a été téléchargée le 9 juillet 2001. Cette date étant quelques mois avant la date de priorité du brevet, 28 novembre 2001, la chambre considère qu'il y une présomption suffisante que A10 a été rendu accessible au public par l'archive Internet avant la date de priorité. De plus, il n'y a aucune raison de penser que que la page Internet originale n'ait pas été accessible au public au moins a la date du téléchargement.

5. Dans son mé­mo­ire exposant les motifs du recours, l'in­timée n'a pas expliqué pourquoi les dates indiquées dans les documents A9 et A10 n'étaient pas crédibles. Dans sa communication, la chambre a informé l'intimée de sa tendance à accepter, au vu des éléments de preuve présentés jusqu'à ce moment-là, que A9 et A10 faisaient partie de l'art antérieur dans le sens de l'article 54(2) CBE 1973. Dans ses écritures en réponse, l'intimée n'a ni argumenté sur ce point ni présenté de nouveaux éléments de nature à jeter la suspicion et apporter une preuve contraire destructrice de la présomption. Donc la chambre conclut que A9 et A10 doivent être considérés comme faisant partie de l'art antérieur.

L'activité inventive

6. La revendication 1 du brevet concerne un procédé de sé­cu­­ri­sation d'un accès à une ressource numérique com­por­tant deux étapes, une étape dite d'apprentissage - mais étant plutôt une de sélection - et une d'authentifi­ca­tion.

7. La chambre considère le document A9 comme le point de départ le plus approprié pour évaluer l'acti­vi­té inven­tive de l'objet revendiqué, parce que A9 divulgue une étape de sélection (dixième alinéa) et une étape d'au­then­tification (onzième alinéa) et, en plus, l'utili­sa­tion de plusieurs tableaux ("five grids") et la sélec­tion d'un visage de chaque tableau.

7.1 L'intimée soutient que A9, n'étant "rien d'autre qu'un article de vulgarisation technologique présentant dans ses grandes lignes le système Passcenter", il n'est pas un "exposé technique fournissant suffisamment d'élé­ments à l'homme du métier pour une mise en ½uvre effec­tive" (voir lettre de l'intimée de 21 octobre 2010, page 9, point 3.1.6, deuxième et troisième alinéa). La chambre accepte que A9 est plus une pré­sen­­tation de vulgarisa­tion adressée à l'utilisateur de sys­tème Passcenter qu'une instruction technique adressée au pro­grammeur pour la mise en ½uvre de ce système. Il n'en reste pas moins pertinent pour l'éva­lu­ation de l'activité inventive, comme cela va être expliqué ci-dessous.

7.2 Comme la requérante l'a soutenu la revendication 1 diffère de A9 par les caracté­ris­­tiques (i) et (ii) comme décrit dans les motifs de re­­­­cours (page 24, avant-dernier alinéa), à savoir A9 ne divulgue pas

(i) que la disposition des éléments graphiques au sein du tableau affiché pendant l'authentification soit aléatoire,

(ii) qu'un clavier de commande soit utilisé pour sélectionner des éléments graphiques pendant les deux étapes, et que "la répartition des touches du­dit clavier" soit "corrélée" avec la dis­po­si­tion des éléments graphiques dans les matrices affi­chées.

Cette analyse est compatible avec celle de l'in­timée qui ne liste que des caractéristiques qui se rappor­tent au clavier (voir lettre de 21 octobre 2010, page 9, avant-dernier alinéa - page 10, troisième alinéa, et page 10, septième alinéa). En outre, cette analyse de l'invention revendiquée a été exposée dans la notifica­tion de la chambre et l'intimée ne l'a pas contestée.

7.3 La chambre considère que ces différences ré­solvent deux problèmes indépendants comme décrit dans les motifs de recours (page 24, dernier alinéa - page 25, deuxième alinéa). En particulier, la chambre ne peut pas accepter que l'utilisation d'un clavier de commande comme revendiqué (différence ii) amé­liore la sécurité du système de A9.

7.4 Pour améliorer la sécurité du système de A9, l'homme du métier trouverait dans A10 la disposition aléa­toire des visages dans les tableaux pendant l'étape de l'authen­ti­fi­cation (voir page 1, section "Logging-in", lignes 2-3), donc la différence (i). Il ne saurait être mis en doute que les documents A9 et A10 sont compatibles parce qu'ils se réfèrent au même système.

7.5 En ce qui concerne la différence (ii), la chambre observe que des claviers de commande avec 9 touches dis­po­sées dans une ma­trice 3x3 sont universellement répan­dus et bien connus, par exemple sur des téléphones mo­biles. La chambre observe aussi que la répartition des touches d'un tel clavier est, en soi et en fait, "corré­­lée" avec les tableaux des visages selon A9. Si l'homme du métier essayait de mettre en ½uvre le sys­tème de A9 sur un tel téléphone (ou autre disposi­tif), il n'hé­­si­te­rait pas à uti­liser ce clavier de commande pour in­­teragir avec le système de A9 pour la simple raison qu'il était dispo­nible. Enfin, la chambre con­sidère être simple et évident d'uti­liser pour sélec­tionner un élément de la matrice 3x3 la touche de commande qui a la position correspondante sur le cla­vier.

7.6 Donc la chambre arrive à la conclusion que l'objet de la revendication 1 du brevet est dépourvu d'activité inventive au vu des documents A9 et A10, article 56 CBE 1973.

Recevabilité de la requête subsidiaire

8. Selon l'article 13(1) RPCR l'admission de toute modifi­cation présentée par une partie après que celle-ci a déposé son mémoire du recours ou sa réponse est laissée à l'appréciation de la chambre. La chambre exerce son pouvoir d'appréciation en tenant compte, entre autres, de l'état de la procédure et du principe de l'économie de la procédure.

8.1 La requête subsidiaire a été déposée moins d'une semaine avant la procédure orale. Cela rend la requête tardive même si la revendication 1 de cette requête correspond à la revendication 4 du brevet.

8.2 L'intimée a fait valoir que la requête subsidiaire con­stituait une réponse aux dernières écritures de l'oppo­sant, à savoir sa lettre datée 11 avril 2014. Toutefois cela ne ressort pas des faits de la cause: Si la chambre se réfère à la télécopie de l'intimée, l'ob­­jet de la revendication 1 de la requête subsidiaire a été limité pour le rendre inventif vis-à-vis des divul­ga­tions vagues des documents opposés. Or, la lettre de la requé­rante était exclusive­ment consacrée à la question de savoir si A4 ou son contenu devrait être considéré comme art an­térieur et n'ajoutait rien sur la question d'activité inventive.

8.3 En outre, au-delà de la déclaration générale que la re­vendication modifiée impliquait une activité in­ven­tive vis-à-vis des divulgations vagues des documents oppo­sés, la lettre de l'intimée ne contient aucun raisonne­ment sur l'activité inventive.

8.4 C'est pourquoi la chambre dans l'exercice de son pouvoir dis­cré­tionnaire selon l'article 13(1) RPCR n'admet pas la requête subsidiaire dans la procédure.

Répartition des frais

9. La requérante soutient qu'au vu de l'opinion pré­li­mi­naire de la chambre qui était défavorable à l'in­timée et avant le dépôt de la requête subsidiaire par l'inti­mée il était probable que la procédure orale fût annulée.

9.5 En raison du dépôt extrêmement tardif de la requête subsidiaire et de l'absence de tout argument de la part de l'intimée pour expliquer pourquoi les revendications modifiées surmontaient les objections, il était impossible pour la requérante de repondre avant la procé­dure orale et donc sa présence à la procédure orale était impérative. Selon la requérante la requête subsidiaire n'avait été déposée qu'à la seule fin d'obliger la requérante à se déplacer à la procédure orale. Cela devait être considéré comme un abus de pro­cédure et justifiait une répartition des frais de la re­quérante occasionnés par l'analyse de la requête subsidi­aire et par le voyage et la présence à Munich.

9.6 Selon l'article 104 CBE 1973, chacune des parties à une procédure d'opposition supporte les frais qu'elle a ex­­­­posés, à moins que pour des raisons d'équité une répartition différente des frais soit justifiée.

9.7 La chambre estime que le fait pour un propriétaire de dé­poser une requête subsidiaire en réponse à une ob­jec­tion par une opposante, en particulier des revendi­ca­tions limitées vis-à-vis des revendications attaquées pour défaut d'activité inventive, indépendamment du bien fondé de ces modifications ne peut constituer en soi un abus de procédure. Ce genre de réaction est fréquent devant les chambres de recours et prévisible.

9.8 Le retard dans le dépôt et l'absence de raisonnement ont été sanctionnés par la décision de ne pas ad­mettre la requête subsidiaire (voir point 8 ci-dessus).

9.9 D'autre part la chambre estime aussi que la présence de la requé­rante à la procédure orale ne dépendait pas de la présence ou de l'absence de l'intimée à cette pro­cédure orale. Même si l'opinion préliminaire de la chambre était en sa faveur, la présence de la requé­rante se justifiait, d'une part parce que cette opinion préliminaire ne liait pas la chambre, et d'autre part pour faire valoir ses moyens vis-à-vis de la nouvelle re­quête subsidiaire et cela, que l'intimée soit présente ou pas.

9.10 Pour ces raisons, la chambre ne trouve pas dans le comportement de l'intimée un élément d'abus ou d'intention de nuire et donc conclut qu'une ré­par­tition différente des frais n'est pas justifiée en équité.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision objet du recours est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

3. La requête en répartition des frais est rejetée.

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