T 1227/05 (simulation de circuit I / Infineon Technologies) of 13.12.2006

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2006:T122705.20061213
Date de la décision : 13 Décembre 2006
Numéro de l'affaire : T 1227/05
Numéro de la demande : 01964907.8
Classe de la CIB : G06F 7/00
Langue de la procédure : DE
Distribution : A
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Infineon Technologies AG
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.5.01
Sommaire : I. La simulation d'un circuit soumis à un bruit 1/f constitue un objectif technique suffisamment défini d'un procédé assisté par ordinateur limité fonctionnellement à cet objectif (point 3.1 des motifs)
II. Les applications techniques concrètes des procédés de simulation numérique assistés par ordinateur doivent être elles-mêmes considérées comme des procédés techniques modernes jouant un rôle important dans la fabrication et précédant la production, généralement en tant qu'étape intermédiaire. En ce sens, un effet technique ne peut pas être dénié à de tels procédés de simulation pour la simple raison qu'ils n'englobent pas encore le produit final sous forme matérielle (point 3.4.2 des motifs).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52(1)
European Patent Convention 1973 Art 52(2)
European Patent Convention 1973 Art 52(3)
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 84
BGH X ZB 11/98-Logikverifikation
Mot-clé : Procédé assisté par ordinateur comportant des étapes mathématiques, pour simuler le comportement d'un circuit sous l'effet de bruit 1/f - Caractère technique (oui)
Objectif technique indéfini - suffisant pour la clarté (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0453/91
T 0931/95
T 1173/97
T 0049/99
T 0641/00
T 0914/02
T 0258/03
T 0424/03
T 0930/05
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0001/19
T 0421/06
T 1029/06
T 1784/06
T 1410/07
T 1806/07
T 1954/08
T 0042/09
T 0531/09
T 0754/09
T 1265/09
T 2331/10
T 0625/11
T 1630/11
T 0988/12
T 2313/12
T 0489/14
T 0547/14
T 1823/15
T 0517/16
T 1820/16
T 0697/17
T 1924/17
T 1035/18
T 1636/18
T 0874/19
T 2804/19
T 3226/19
T 1199/20
T 1557/20
T 1768/20
T 2319/22

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours s'attaque à la décision de la division d'examen de rejeter la demande nº 01964907.8 au motif que le procédé de simulation selon la revendication 1 telle qu'elle se présentait alors constituait une activité intellectuelle ou une méthode mathématique en tant que telle, et qu'elle était donc exclue de la brevetabilité en vertu de l'article 52(2) CBE en tant que non-invention.

II. Dans une citation, la Chambre a fait remarquer qu'une mise en oeuvre du procédé au moyen d'un ordinateur enlèverait tout fondement à l'objection de non-brevetabilité. L'évaluation de l'activité inventive ne peut toutefois faire appel qu'à des caractéristiques qui contribuent au caractère technique du procédé de simulation. Dès lors, il faut notamment examiner si les formules mathématiques qui figurent dans les revendications indépendantes peuvent contribuer au caractère technique.

III. La requérante a demandé que la décision de rejet soit annulée et qu'un brevet soit délivré sur la base des revendications 1 à 6 déposées lors de la procédure orale qui s'est tenue devant la chambre de recours. Moyennant correction ("ti") d'une faute de frappe évidente ("t") dans la formule définissant e(i,j), à la revendication 2 (on comparera à la description, page 5, ligne 10 et page 11, ligne 26), les revendications s'énoncent comme suit :

"1. Procédé assisté par ordinateur pour la simulation numérique d'un circuit avec une largeur de pas (, soumis à un bruit 1/f, caractérisé en ce que :

le circuit est décrit par un schéma (1) comprenant des canaux d'entrée (2), des canaux d'entrée de bruit (4) et des canaux de sortie (3) ;

- le comportement des canaux d'entrée (2) et des canaux de sortie (3) est décrit par un système d'équations différentielles ou d'équations algébro-différentielles ;

- pour un vecteur d'entrée (INPUT) situé aux canaux d'entrée (2) et pour un vecteur de bruit (NOISE) situé aux canaux d'entrée de bruit (4), un vecteur de sortie (OUTPUT) est calculé à partir d'une distribution 1/f de nombres aléatoires,

- le vecteur de bruit y étant obtenu par les étapes suivantes :

- détermination de la valeur spectrale souhaitée ( du bruit 1/f ;

- détermination d'une valeur n de nombres aléatoires à générer d'un bruit 1/f ;

- détermination d'une constante d'intensité const ;

- formation d'une matrice de covariance C de dimensions (n x n), un élément e(i,j) de la matrice de covariance C étant à chaque fois défini d'après l'équation suivante :

e(i,j)= const·|delta|beta+1(|i-j+1|beta+1-2|i-j|beta+1+|i-j-1|beta+1),

où i,j = 1, ..., n ;

- formation de la factorisation de Cholesky L de la matrice de covariance C,

les étapes suivantes étant exécutées pour chaque série de nombres aléatoires à générer d'un bruit 1/f :

- formation d'un vecteur x de longueur n à partir de nombres aléatoires ayant une distribution (0,1) de gauss ;

- génération du vecteur y de longueur n des nombres aléatoires à distribution 1/f souhaités en multipliant la factorisation de Cholesky L par le vecteur x.

2. Procédé assisté par ordinateur pour la simulation numérique d'un circuit soumis à un bruit 1/f aux moments d'observation t0 à tn, caractérisé en ce que :

le circuit est décrit par un schéma (1) comprenant des canaux d'entrée (2), des canaux d'entrée de bruit (4) et des canaux de sortie (3) ;

- le comportement des canaux d'entrée (2) et des canaux de sortie (3) est décrit par un système d'équations différentielles ou d'équations algébro-différentielles ;

- pour un vecteur d'entrée (INPUT) situé aux canaux d'entrée (2) et pour un vecteur de bruit (NOISE) y situé au canaux d'entrée de bruit (4), un vecteur de sortie (OUTPUT) est calculé à partir d'une distribution 1/f de nombres aléatoires ;

- le vecteur de bruit y étant obtenu par les étapes suivantes :

- détermination d'une valeur n de nombres aléatoires à générer d'un bruit 1/f ;

- détermination d'une constante d'intensité const ;

- détermination de la valeur spectrale souhaitée beta du bruit 1/f ;

- formation d'une matrice de covariance C de dimensions (n x n), un élément e(i,j) de la matrice de covariance C étant à chaque fois défini d'après l'équation suivante :

e(i,j)= const·(-|tj-ti|beta+1+|tj-1-ti|beta+1+|tj -ti-1|beta+1-|tj-1 -ti-1|beta+1)

où i,j = 1, ..., n ;

- formation de la factorisation de Cholesky L de la matrice de covariance C,

les étapes suivantes étant exécutées pour chaque série de nombres aléatoires à générer d'un bruit 1/f :

- formation d'un vecteur x de longueur n à partir de (0,1) nombres aléatoires ayant une distribution (0,1) de gauss ;

- génération du vecteur y de longueur n des nombres aléatoires à distribution 1/f souhaités en multipliant la factorisation de Cholesky L par le vecteur x.

3. Procédé selon la revendication 1 ou 2, où tous les éléments de la matrice de covariance C ne sont pas définis, les éléments non calculés étant occupés par la valeur 0.

4. Programme d'ordinateur pour mettre en oeuvre un procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 3.

5. Support de données comprenant un programme d'ordinateur selon la revendication 4.

6. Système informatique sur lequel est chargé un programme d'ordinateur selon la revendication 4."

IV. La requérante voit une contribution technique, non seulement dans le mode de réalisation assisté par ordinateur, mais également dans les aspects suivants du procédé de simulation revendiqué :

a) La simulation numérique d'un circuit passe par des considérations techniques en vue de résoudre un problème dans le domaine des sciences de l'ingénieur, notamment l'électronique, pour prévoir le comportement d'un circuit dont les variables sont des grandeurs techniques (différence de potentiel etc.).

Le procédé de simulation permet de tenir compte des bruits et de détecter les défauts et les faiblesses dans la conception du circuit, avant sa fabrication proprement dite. On peut ainsi réaliser des économies importantes et gagner du temps dans le développement de circuits électroniques, par exemple en fabriquant moins de puces prototypes avant la production en série. Le procédé revendiqué permet de réduire nettement le délai de production des puces.

b) La simulation d'un bruit 1/f par génération de nombres aléatoires pouvant s'insérer dans la séquence temporelle d'une application technique - simulation d'un circuit - constitue indéniablement un processus technique. Ceci est d'autant plus vrai que la suite de nombres aléatoires revendiquée produit pour la première fois un bruit 1/f exact, chose jusque-là jugée difficile, voire impossible par la littérature spécialisée (p.ex. US-A-5 719 784, colonne 6, lignes 55 à 65). En plus de fournir une formule pour obtenir les nombres aléatoires nécessaires, la présente demande apporte aussi la preuve mathématique que les nombres générés introduisent effectivement un bruit 1/f exact dans la simulation. Cette divulgation supplémentaire de nature mathématique ne prive pas cependant l'enseignement revendiqué de son caractère technique.

c) Toute instruction en vue de remplir une mémoire d'ordinateur de nombres aléatoires définis par une formule qui se rapportent à un bruit 1/f s'adresse, non pas au mathématicien, mais au technicien : elle constitue en elle-même un enseignement technique. Elle permet, par exemple, de construire un générateur de nombres aléatoires lequel, à l'instar de n'importe quel générateur de signal moderne (basé p.ex. sur la synthèse numérique directe), constitue un produit technique commercialisable.

d) Comparé aux autres techniques concevables pour simuler des circuits affectés par du bruit, le procédé revendiqué nécessite des temps de calcul plus courts et un espace de stockage plus réduit parce que les nombres aléatoires peuvent être générés séparément, avant d'être intégrés à la simulation, et parce que l'état de la technique fait appel à des systèmes d'équations dont les dimensions augmentent fortement avec le nombre de sources de bruit. Le procédé revendiqué permet soit de simuler les circuits parasités par du bruit sur de petits ordinateurs dont la puissance aurait, jusque-là, été insuffisante pour y parvenir, soit de simuler de grands circuits qu'aucun ordinateur n'aurait jadis été capable de simuler. L'économie de moyens constitue donc également un effet technique qui dépasse l'interaction physique normale entre un programme d'ordinateur et un système informatique.

V. La chambre a prononcé sa décision à la fin de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Enseignement de la demande

1.1 La demande (cf. introduction de la description) porte sur la simulation ou la modélisation du comportement d'un circuit sous l'influence d'un bruit 1/f, c'est-à-dire d'un processus stochastique avec un spectre de fréquences, dont l'intensité est inversement proportionnelle à une puissance beta de la fréquence. (Dans les revendications, beta est appelée "valeur spectrale"). Le processus décrit la dynamique dans le temps d'une grandeur physique telle que la différence de potentiel électrique.

1.2 La solution de la demande part du principe selon lequel il est possible de simuler un bruit 1/f dans un circuit en alimentant le modèle avec des nombres aléatoires appropriés, tirés d'un processus gaussien stochastique BFBM (mouvement brownien fractionnaire en fonction du temps), dont la dérivée, on le sait, possède un spectre 1/f. Le processus BFBM et sa dérivée se caractérisent notamment par une fonction de covariance (équation 1.4) et une matrice de covariance (équation 2.7).

L'invention génère une matrice de covariance (équation 2.8) qui possède les mêmes éléments simples que la matrice de covariance (équation 2.7) de la dérivée du mouvement brownien fractionnaire. La factorisation triangulaire (de Cholesky) de la matrice de covariance générée est multipliée par un vecteur x de nombres aléatoires ayant une distribution de gauss. La suite de nombres aléatoires y qui en résulte forme une source de bruit 1/f en raison de la construction de la matrice de covariance.

1.3 La construction de la suite de nombres aléatoires permet en outre de prendre en compte n'importe quels intervalles de temps dans la simulation du circuit : l'intervalle de temps pourra être constant (largeur de pas (, revendication 1) ou variable (moments d'observation t0, t1, ... tn, à la revendication 2) pour s'adapter à une simulation dynamique du circuit. Dans un cas comme dans l'autre, les nombres aléatoires s'inscrivent sans interruption dans le déroulement chronologique de la simulation numérique du circuit.

Par ailleurs, les nombres aléatoires peuvent être calculés séparément, avant même la simulation du circuit, pour y être ensuite incorporés.

Cet aspect, ajouté à la facilité avec laquelle les nombres aléatoires sont produits, permet de simuler économiquement, sur ordinateur, le fonctionnement d'un circuit soumis à un bruit 1/f.

2. Article 123 (2) CBE - Divulgation initiale

2.1 La chambre ne doute pas qu'un procédé de simulation numérique assisté par ordinateur ayant les caractéristiques des revendications 1 et 2 découle de la demande telle que déposée, publiée sous la cote A2: WO-A2-02/19089.

Les passages suivants divulguent la simulation d'un circuit avec bruit 1/f : A2, page 1, lignes 9 à 11 ; page 5, lignes 13 à 26. Le circuit peut, par exemple, être une diode PN ou un transistor MOS (page 1, lignes 21 à 23).

Les passages suivants montrent qu'il s'agit d'une simulation assistée par ordinateur : A2, page 1, ligne 34 à page 2, ligne 13 ; page 12, lignes 15 à 23 ; revendications initiales 5 à 7.

Les passages suivants montrent que la simulation est numérique : A2, page 2, lignes 19 à 23 ; page 2, ligne 36 à page 3, ligne 11 ; page 5, lignes 16 à 19.

La simulation d'un bruit 1/f exact par production et injection de nombres aléatoires ressort notamment des passages suivants : A2, page 2, lignes 19 à 25 ; page 3, lignes 29 à 34 ; page 4, lignes 22 à 24 ; page 12, paragraphe 2 ; revendication 4 initiale.

Pour construire la matrice de covariance des nombres aléatoires, on utilise la même largeur de pas que pour simuler le circuit, comme le montrent entre autres les passages suivants, lesquels prouvent en même temps que la largeur de pas peut être constante (revendication 1) ou dynamique (revendication 2) : A2, page 4, lignes 8 à 16 (largeur de pas ( constante) ; page 4, ligne 35 à page 5, ligne 11 (largeur de pas dynamique = intervalle entre des moments d'observations consécutifs tj).

La figure 1 et la description y afférente montrent que le circuit simulé est modélisé au moyen de canaux d'entrée (2), de canaux d'entrée de bruit (4) et de canaux de sortie (3), et que son comportement est décrit par un système d'équations algébro-différentielles.

Les étapes de calcul des nombres aléatoires qui forment un vecteur de bruit (y) simulant un bruit 1/f découlent notamment des revendications initiales 1 et 2.

2.2 Les revendications 3, 4 et 5 reposent sur les revendications initiales 3, 5 et 6. La mise en oeuvre du procédé sur un ordinateur (revendication 6) est à la base de la demande tout entière, cf. par exemple page 1, ligne 34 à page 2, ligne 13.

3. Article 52 (1), (2) et (3) CBE - Caractère technique

La condition nécessaire et suffisante pour donner droit à la protection par brevet est que le procédé revendiqué ait un caractère technique (cf. par exemple T 930/05 - Modellieren eines Prozessnetzwerks/XPERT, non publié au JO OEB). Selon les revendications indépendantes 1 et 2, le procédé est mis en oeuvre à l'aide d'un ordinateur : il utilise donc un moyen technique, et ceci suffit à lui conférer un caractère technique, cf. notamment T 258/03 - Méthode d'enchères/HITACHI (JO OEB 2004, 575, points 4.1 à 4.7 des motifs) et T 914/02 - Core loading arrangement/GENERAL ELECTRIC (non publiée au JO OEB, points 2.3.4 à 2.3.6 des motifs).

Ci-après, la Chambre aborde les autres caractéristiques, qui, selon elle, contribuent au caractère technique du procédé, ces caractéristiques étant les seules qui doivent et peuvent entrer en ligne de compte dans l'évaluation de l'activité inventive (cf. T 641/00 - Deux identités/COMVIK, JO OEB 2003, 352, point 6 des motifs).

3.1 Au-delà de sa mise en oeuvre, une étape de procédé ne peut contribuer au caractère technique du procédé que dans la mesure où elle aide à réaliser un des objectifs techniques du procédé.

La chambre est convaincue que la simulation d'un circuit soumis à un bruit 1/f constitue un objectif suffisamment défini d'un procédé assisté par ordinateur, dans la mesure où le procédé se limite fonctionnellement à l'objectif technique.

3.1.1 En revanche, l'indication générale d'un objectif technique indéterminé (simulation d'un "système technique", cf. revendication 4 initiale) ne peut pas être jugée suffisante car les revendications n'ont pas ici pour but de constater l'exigence de technicité, mais de mentionner des caractéristiques claires et fondées sur la description qui satisfont à cette exigence (article 84 CBE).

Néanmoins, un circuit comprenant des canaux d'entrée, des canaux d'entrée de bruit et des canaux de sortie, dont le comportement est décrit au moyen d'équations différentielles, constitue une classe suffisamment définie d'objets techniques, dont la simulation peut être une caractéristique technique fonctionnelle.

3.1.2 Dans la présente espèce, l'objectif déclaré, à savoir la simulation d'un circuit soumis à un bruit 1/f, est réalisé dans les autres étapes du procédé revendiqué. La dérivation physico-mathématique qui figure dans la description montre que les nombres aléatoires générés selon les revendications introduisent effectivement un bruit 1/f dans la simulation du circuit. La chambre est donc convaincue que les revendications de procédé indépendantes sont fonctionnellement limitées à la simulation d'un circuit soumis à un bruit.

3.2 La chambre estime d'autre part que la simulation de circuit revendiquée ne constitue ni une méthode mathématique en tant que telle, ni un programme d'ordinateur en tant que tel, même si sa mise en oeuvre fait appel à des formules mathématiques et à des instructions informatiques.

3.2.1 Quand bien même l'invention serait précédée d'une activité intellectuelle ou mathématique, le résultat revendiqué ne peut pas être assimilé à cette activité. En l'espèce, les revendications ne portent pas sur la conception d'un procédé de simulation, mais sur un procédé de simulation dont la mise en oeuvre n'est plus purement intellectuelle ou mathématique.

3.2.2 La simulation remplit des fonctions techniques propres à l'ingénierie moderne. La simulation permet de prédire, de façon concrète, le comportement d'un circuit projeté. Elle peut orienter le développement du circuit avec une précision telle que l'on puisse estimer les chances de réussite d'un prototype avant même de le construire. La signification technique de ce résultat croît avec la vitesse du procédé de simulation : on peut tester une large gamme de circuits virtuels pour en retenir ceux qui ont des chances de réussite, avant de se lancer dans des fabrications coûteuses.

Sans aide technique, tester un circuit complexe de façon prédictive ou choisir, dans un ensemble de projets, ceux qui offrent les meilleures chances de réussite, serait impossible ou prendrait trop de temps. Pour l'électronicien, le procédé de simulation assisté par ordinateur pour l'expérimentation virtuelle constitue donc un outil concret et pratique. Cet outil est d'autant plus précieux qu'il n'existe généralement aucune méthode purement mathématique, théorique ou intellectuelle permettant de prévoir, de manière exhaustive et/ou rapide, le comportement d'un circuit soumis à un bruit.

3.2.3 Pour ce qui est de l'exclusion éventuelle des programmes d'ordinateur, la Chambre s'en tient à sa jurisprudence selon laquelle les procédés assistés par ordinateur, en l'espèce les revendications 1 à 3, ne tombent pas sous le coup de l'exclusion (T 424/03 - Clipboard formats I /MICROSOFT, point 5.1 des motifs, non publiée au JO OEB)

3.2.4 Par conséquent, la Chambre est d'avis que les étapes utiles à la simulation du circuit contribuent toutes, y compris les caractéristiques des revendications exprimées en langage mathématique, au caractère technique du procédé de simulation selon les revendications 1 et 2.

3.2.5 À cet égard, la Chambre fait observer que la conclusion qui précède ne découle pas simplement du fait que le procédé revendiqué est plus rapide qu'un procédé "imaginable" servant de référence (cf. point IV d) supra). Comme il est toujours possible d'imaginer un procédé de référence plus lent, la simple comparaison de la rapidité n'est pas un critère valable pour distinguer entre étapes de procédé techniques et étapes de procédé non techniques. Ainsi, le fait que les étapes séquentielles d'une méthode d'enchères permettent plus rapidement de déterminer un prix qu'une autre méthode d'enchères, n'autorise pas à conclure simplement que ces étapes contribuent au caractère technique de la méthode (cf. T 258/03).

3.3 Le programme d'ordinateur selon la revendication 4 peut engendrer un effet technique allant au-delà de l'interaction élémentaire entre matériel et logiciels dans un ordinateur classique. Installé sur un ordinateur, il permet de simuler et d'évaluer de façon automatisée les circuits soumis à un bruit. Ce programme d'ordinateur n'est donc pas exclu de la brevetabilité (cf. T 1173/97 - Produit "programme d'ordinateur"/IBM, JO OEB 1999, 609, point 6.5 des motifs).

L'exclusion potentielle des programmes d'ordinateur ne s'applique pas non plus à la revendication 5 portant sur un support de données (cf. décision T 424/03 précitée, point 5.3 des motifs).

Enfin, la revendication 6 porte sur un objet brevetable car un système informatique doit tout simplement être considéré comme technique, cf. T 931/95 - Contrôle d'un système de retraite/PBS (JO OEB 2001, 441, point 5 des motifs) ou la décision T 258/03 citée plus haut (point 3.8 des motifs).

3.4 Comparaison avec la décision antérieure T 453/91

3.4.1 Dans la décision T 453/91 - Method for physical VLSI-chip design/IBM en date du 31 mai 1994 (non publiée au JO OEB), la Chambre (dans une composition différente) a considéré comme non-invention un procédé pour concevoir un circuit intégré à un semi-conducteur, au motif que la conception ne faisait que donner une image de ce qui, dans la réalité, n'existait pas encore et n'existerait peut-être jamais ; le résultat du procédé revendiqué n'était donc pas forcément une grandeur physique. Les étapes de la conception n'apportaient du nouveau qu'à des domaines exclus de la brevetabilité, tels que les activités intellectuelles et leur mise en oeuvre au moyen de programmes d'ordinateurs (point 5.2 des motifs). Seuls devaient être considérés dans l'ensemble comme techniques les procédés comprenant une étape supplémentaire en vue de fabriquer le circuit à semi-conducteur projeté (point 5.3 des motifs).

3.4.2 Dans sa composition actuelle, la Chambre estime qu'un procédé pour concevoir un circuit n'est pas purement et simplement assimilable à un procédé de simulation pour tester un circuit déjà conçu soumis à un bruit. Quoi qu'il en soit, force est de constater, eu égard aux affirmations générales de T 453/91, concernant notamment la présence exigée d'une étape de fabrication, que l'importance et l'appréciation des procédés de simulation industrielle ont beaucoup changé. En raison des motifs évoqués au point 3.2 ci-dessus, "dans des domaines de plus en plus nombreux des sciences de l'ingénieur, les méthodes de simulation numériques remplacent avantageusement des expérimentations longues et coûteuses en fonds et en effectifs ; dans maints secteurs de l'industrie, la simulation numérique a déjà le statut de technologie clé" (cf. site web de la faculté d'informatique de la Technische Universität Darmstadt, à http://www.ce.tu-darmstadt.de/res/gk-mso.php?language=de). À notre époque, il arrive déjà que certaines avancées du progrès technique ne puissent être testées que moyennant simulation, par exemple lorsque l'environnement opérationnel est difficilement accessible, comme c'est le cas dans l'exploration spatiale.

Aussi, les applications techniques concrètes des procédés de simulation assistés par ordinateur doivent être elles-mêmes considérées comme des procédés techniques modernes jouant un rôle important dans la fabrication et précédant la production, généralement en tant qu'étape intermédiaire. En raison de cette évolution, il faut s'attendre à ce que les ressources consacrées à la réalisation d'un produit technique viennent de plus en plus s'investir dans la phase de simulation numérique, alors que la transformation du résultat de la simulation en vue de la fabrication proprement dite du produit représente, quant à elle, un effort d'innovation supplémentaire nul ou comparativement modeste. En ce sens, un effet technique ne peut pas être dénié à de tels procédés de simulation pour la simple raison qu'ils n'englobent pas encore le produit final sous forme matérielle (même conclusion en substance que la Cour fédérale de justice dans sa décision du 13 décembre 1999, X ZB 11/98 - Logikverifikation, point II.4. h) des motifs).

Un autre changement fondamental vient du fait que, dans une industrie mondialisée axée sur la division du travail, le développement et la production sont de plus en plus souvent séparés matériellement et géographiquement. Pour cette raison également, la chambre estime que les outils de développement numérique à finalité technique doivent bénéficier d'une protection par brevet spécifique.

3.5 Comparaison avec la décision T 49/99

3.5.1 Dans la décision T 49/99 - Information modelling/INTERNATIONAL COMPUTERS en date du 5 mars 2002 (non publiée au JO OEB), la chambre a considéré que les étapes abstraites pour modéliser un système physique indéterminé dans un ordinateur étaient assimilables à une activité intellectuelle présentant tous les caractères propres aux disciplines non techniques, et analogues de ce fait aux non-inventions répertoriées à l'article 52 (2) a) et c) CBE. La modélisation de l'information est un préalable au développement des logiciels, qui sert au rassemblement systématique de données sur le système physique à modéliser ou à simuler, afin de constituer un modèle sur papier du système (point 7 des motifs).

3.5.2 L'avis négatif concernait des parties des revendications qui portaient sur une métalangue pour décrire un modèle abstrait plutôt que sur une description de caractéristiques techniques mettant en oeuvre le modèle.

Ce n'est pas le cas dans la présente espèce. Les deux revendications indépendantes impliquent la modélisation concrète d'une classe suffisamment déterminée de systèmes techniques (les circuits), et définissent des mesures concrètes, réalisables non seulement en pensée, pour mettre en oeuvre et utiliser spécifiquement le modèle de circuit dans les conditions techniques pertinentes d'un bruit 1/f. Conformément à ce que dit également la décision T 49/99 (point 7, dernière phrase des motifs), il y a ici utilisation ciblée de la modélisation de l'information pour résoudre un problème technique, et donc contribution au caractère technique du procédé selon les revendications 1 et 2.

4. Article 56 CBE - Activité inventive

Les caractéristiques qui contribuent au caractère technique du procédé de simulation selon la revendication 1 ou 2 doivent être prises en considération dans l'évaluation de l'activité inventive (T 641/00). La chambre est persuadée que toutes les caractéristiques se rapportant à la simulation du circuit, y compris les étapes exprimées par des formules, contribuent au caractère technique du procédé de simulation. La conception et la réalisation d'une implémentation informatique dans le but général d'automatiser et d'accélérer un procédé de simulation numérique sont évidentes de prime abord, mais il reste à voir si le procédé revendiqué implique une activité inventive du fait de ses étapes définies mathématiquement.

Cette question n'a pas encore été abordée par la division d'examen. L'état de la technique n'a fait l'objet d'une recherche ni dans la phase internationale, ni dans la phase européenne. Les seuls documents sont ceux cités par le requérant dans la procédure devant la division d'examen.

Une recherche dans l'état de la technique sera donc nécessaire pour évaluer les caractéristiques contribuant au caractère technique quant à leur activité inventive.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour poursuite de l'examen.

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