T 0938/05 () of 21.1.2010

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2010:T093805.20100121
Date de la décision : 21 Janvier 2010
Numéro de l'affaire : T 0938/05
Numéro de la demande : 00402658.9
Classe de la CIB : A61K 7/06
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Composition de lavage des matières kératiniques, à base d'un agent tensio-actif détergent, d'une silicone fonctionnalisée et d'un terpolymère acrylique
Nom du demandeur : L'Oréal
Nom de l'opposant : 01) HENKEL KGaA
02) KPSS-Kao Professional Salon Services GmbH
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
Rules of procedure of the Boards of Appeal Art 13
European Patent Convention 1973 Art 54(3)
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Nouveauté - oui
Activité inventive (non) - solution évidente
Requête orale en vue d'une modification d'une requête en instance - admise (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0181/82
T 0035/85
T 0197/86
T 0702/99
T 0421/02
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours a été formé contre la décision de la division d'opposition de rejeter les oppositions formées à l'encontre du brevet européen n° 1 090 622 (demande n° 00 402 658.9).

II. Le libellé de la revendication 1 du brevet tel que délivré s’énonce ainsi :

"1. Composition de lavage des matières kératiniques, comprenant dans un milieu cosmétiquement acceptable, au moins un agent tensio-actif détergent et au moins une silicone fonctionnalisée, caractérisée par le fait qu’elle comprend en outre au moins un terpolymère acrylique constitué:

- de 5 à 80% en poids, préférentiellement de 15 à 70% en poids et plus préférentiellement de 40 à 70% en poids, d’un monomère acrylate (a) choisi parmi un acrylate d’alkyle en C1-C6 et un méthacrylate d'alkyle en C1—C6

- de 5 à 80% en poids, préférentiellement de 10 à 70% en poids et plus préférentiellement de 20 à 60% en poids, d'un monomère (b) choisi parmi un composé vinylique héterocyclique contenant au moins un atome d'azote ou de soufre, un (méth)acrylamide, un (méth)acrylate de mono- ou di-(C1-C4)alkylamino(C1-C4)alkyle et un mono ou di (C1 -C4)alkylamino (C1-C4) alkyl(méth)acrylamide;

- de 0,l à 30% en poids, préférentiellement de 0,1 à 10% en poids d'un monomère (c) choisi parmi:

un uréthane produit par réaction entre un isocyanate insaturé monoéthylénique et un agent tensioactif non ionique englobant un copolymère séquencé d’oxyde de 1,2-butylène et d’oxyde d’éthylène à extrémité alcoxy en C1-4;

un monomère tensioactif insaturé éthylénique copolymérisable obtenu par condensation d'un tensioactif non-ionique avec un acide carboxylique insaturé a,ß-éthylénique on son anhydride;

un monomère tensioactif choisi parmi les produits de réaction de type urée d'un monoisocyanate insaturé monoéthylénique avec un tensioactif non ionique présentant une fonctionalité amine;

un éther de (méth)allyle de formule CH2=CR1CH2OAmBnApR2 dans lequel R1 désigne un atome d’hydrogène ou un groupe méthyle, A désigne un groupement propylèneoxy ou butylèneoxy, B désigne éthylèneoxy,

n est égal à zéro ou désigne un nombre entier inférieur ou égal à 200,

m et p désignent zéro ou un nombre entier inférieur à n et R2 est un groupe hydrophobe d’au moins 8 atomes de carbone; et un monomère non-ionique de type uréthane produit par réaction d’un tensioactif non ionique monohydrique avec un isocyanate insaturé monoéthylénique;

les pourcentages en poids de monomères étant basés sur le poids total des monomères constituant le terpo1ymère."

III. Deux oppositions avaient été formées en vue d'obtenir la révocation du brevet européen dans son intégralité sur le fondement de l'article 100a) CBE, à savoir défaut de nouveauté et manque d'activité inventive, sur la base, entre autres, des antériorités suivantes :

D1 : EP-A-1 080 714 ;

D3 : EP-A-0 824 914 ;

D4 : WO-A-01/19946 ;

D6 : US-A-5 656 257.

IV. D'après la décision attaquée :

a) La composition faisant l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux était nouvelle au vu des compositions décrites dans les documents D1 et D4.

En considérant D1, notamment la composition définie dans sa revendication 7, il fallait choisir une silicone fonctionnalisée ainsi que le polymère "Structure(R) Plus", parmi les silicones et les agents de mise en suspension divulgués par D1, pour arriver à l'objet tel que revendiqué. Donc, la composition obtenue par de tels choix n'était pas divulguée de manière directe et non ambiguë par D1.

La composition illustrée à l'exemple 6 de D4 n'étant pas divulguée dans la demande sur laquelle se fondait le droit de priorité invoqué, elle ne pouvait jouir du droit de priorité. Comme la date de dépôt de D4 était postérieure à celle du brevet litigieux, l'exemple 6 n'était pas compris dans l'état de la technique au titre de l'article 54(3) CBE 1973.

b) Quant à l'activité inventive, l'état de la technique le plus proche était décrit par D6, en particulier ses exemples 12-14, 20, 26 et 29. Le problème mentionné dans le brevet en litige portait sur la séparation des phases dans les shampooings contenant des silicones fonctionnalisées. D6 abordait de mêmes problèmes et la composition de la revendication 1 du brevet litigieux ne se distinguait de celle de D6 que par la nature du polymère stabilisant les ingrédients de la composition, à savoir un terpolymère acrylique tel que défini. La composition faisant l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux ne représentait donc qu'une autre composition de lavage. Bien que le terpolymère acrylique défini dans la revendication 1 du brevet litigieux soit connu de D3, notamment pour stabiliser des compositions cosmétiques, l'homme de l'art n'aurait néanmoins pas envisagé de remplacer le terpolymère stabilisant de la composition selon les exemples de D6 (contenant des groupes anioniques) avec le terpolymère selon D3 (contenant des groupes cationiques). La nature anionique, essentielle selon D6, du terpolymère serait ainsi changée. En l'absence de toute indication que ce remplacement néanmoins stabiliserait les silicones fonctionnalisées sans altérer les propriétés cosmétiques de la composition, le remplacement n'était pas évident. Donc, la composition revendiquée était inventive.

V. Le 21 juillet 2005, l'opposante 01 (requérante) a formé un recours contre cette décision. Le mémoire de recours a été remis le 15 août 2005.

VI. L'opposante 02 n'ayant pas formé de recours, elle est partie de droit à la procédure (article 107 CBE).

VII. En réponse au mémoire de recours (lettre du 2 mai 2006), l'intimée a déposé 11 jeux de revendications en tant que requêtes subsidiaires 1 à 11 ainsi que de nouveaux éléments de preuve, soit :

D8 : Essais comparatifs - Première série ; et,

D9 : Essais comparatifs - Deuxième série.

VIII. En réponse à une notification en préparation de la procédure orale, dans laquelle la Chambre avait indiqué les points à débattre et proposé de désigner "D02" le rapport d'essais comparatifs soumis en procédure d'examen (courrier du 12 décembre 2001), l'intimée, avec sa lettre du 6 octobre 2009, a déposé de nouvelles requêtes subsidiaires n° 4, 7 et 10, remplaçant les requêtes de même numérotation remises le 2 mai 2006.

IX. Par rapport à la revendication 1 telle que délivrée :

La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 comporte, tout à sa fin, l'ajout de la caractéristique suivante : "et au moins un adjuvant cosmétiquement acceptable choisi parmi les huiles minérales, animales ou de synthèse, les céramides".

La revendication 1 de la requête subsidiaire 5 comporte, tout à sa fin, la caractéristique "ladite composition présentant un pH de 3 à 8".

La revendication 1 de la requête subsidiaire 6 comporte la suppression des caractéristiques suivantes dans la définition du monomère (b), soit "un composé vinylique hétérocyclique contenant au moins un atome d'azote ou de soufre, un (méth)acrylamide,", et, à sa fin, l'ajout de la caractéristique "et au moins un polyorganosiloxane différent de la silicone fonctionnalisée".

La revendication 1 de la requête subsidiaire 7 comporte une nouvelle définition du monomère (b), à savoir : "d'un monomère (b) choisi parmi le méthacrylate de N,N-diméthylaminoéthyle, l'acrylate de N,N-diétylaminoéthyle, le méthacrylate de N,N-diéthylaminoéthyle, l'acrylate de N-t-butylaminoéthyle, le méthyacrylate de N-t-butylaminoéthyle, le N,N-diméthylaminopropyl-acrylamide, le N,N-diméthylaminopropyl-méthacrylamide, le N,N-diéthylaminopropyl-acrylamide et le N,N-diéthylamino propyl-méthacrylamide", ainsi que l'ajout de la caractéristique suivante à la fin de la revendication : "et au moins un adjuvant cosmétiquement acceptable choisi parmi les huiles minérales, animales ou de synthèse, les céramides".

La revendication 1 de la requête subsidiaire 8 comporte une plus restreinte définition du monomère (b), à savoir "d'un monomère (b) choisi parmi un (méth)acrylate de mono- ou di-(C1-C4)alkylamino(C1-C4)alkyle et un mono on di (C1 -C4)alkylamino (C1 -C4) alkyl(méth)acrylamide", et

l'ajout de la caractéristique suivante à sa fin : "ladite composition présentant un pH de 3 à 8".

La revendication 1 de la requête subsidiaire 9 comporte : une nouvelle définition du monomère (b), à savoir "d'un monomère (b) choisi parmi un (méth)acrylate de mono- ou di-(C1-C4)alkylamino(C1-C4)alkyle et un mono on di (C1-C4)alkylamino (C1-C4) alkyl(méth)acrylamide" ; une plus restreinte définition du monomère (c), soit "d'un monomère (c) choisi parmi : un monomère tensioactif insaturé éthylènique copolymérisable obtenu par condensation d'un tensio-actif non-ionique avec un acide carboxylique insaturé a,ß-éthylènique ou son anhydride" ; et, tout à la fin de la revendication, l'ajout de la caractéristique "et au moins un polyorganosiloxane différent de la silicone fonctionnalisée".

La revendication 1 selon la requête subsidiaire 10 comporte les modifications de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 7 ainsi que la restriction du monomère (c) au seul "monomère tensioactif insaturé éthylènique copolymérisable obtenu par condensation d'un tensio-actif non-ionique avec un acide carboxylique insaturé a,ß-éthylènique ou son anhydride".

La revendication 1 selon la requête subsidiaire 11 comporte les modifications de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 8 ainsi que la restriction du monomère (c) au seul "monomère tensioactif insaturé éthylènique copolymérisable obtenu par condensation d'un tensio-actif non-ionique avec un acide carboxylique insaturé a,ß-éthylènique ou son anhydride".

X. La procédure orale a eu lieu le 21 janvier 2010. L'intimée s'est désistée des requêtes subsidiaires 1, 2 et 3 et a maintenu les requêtes subsidiaires 5 à 11 sans souhaiter présenter d'observations à leur sujet. Elle a requis oralement que lui soit allouée la possibilité de déposer une requête subsidiaire supplémentaire sur la base de la requête subsidiaire 4 restreinte à la présence de céramides en tant qu'agent adjuvant. Ce que la Chambre a refusé.

XI. La requérante et la partie de droit ont soutenu que :

Requête principale

Nouveauté

D1 divulguait des compositions de lavage contenant une silicone hydrosoluble, un détergent, un agent cationique. Le caractère hydrosoluble impliquait que la silicone soit fonctionnalisée. La composition selon D1 incluait de manière préférable aussi un agent de suspension, parmi lesquels, le Structure(R) Plus était le plus préféré. La composition revendiquée dans le brevet en litige n'était donc pas nouvelle par rapport à celles de D1.

Activité inventive

D6 et le brevet litigieux abordaient des objectifs communs et portaient sur des compositions proches quant à leur formulation. La seule différence par rapport aux compositions contenant une silicone fonctionnalisée illustrées par D6 résidait dans l'agent de mise en suspension, celui de D6 étant un copolymère acrylique. D6 décrivait donc l'état de la technique le plus proche.

Le brevet en litige ne comportait aucun exemple comparatif. D8 portait sur la comparaison de deux silicones et ne se référait pas à D6. D9 portait sur une comparaison de compositions contenant respectivement les agents "Structure(R) Plus", selon l'invention, et "Aculyn(R)", selon D6. Néanmoins, la composition D de D9 ne contenait pas de polymère cationique, pas plus que d'acides gras, et les proportions relatives des ingrédients, notamment celles de la silicone, des tensioactifs et du polymère étaient arbitrairement fort différentes par rapport à celles des ingrédients correspondants dans les compositions les plus proches de D6 (en particulier, l'exemple 20 de D6). Donc, D9 ne portait pas sur une comparaison avec les compositions les plus proches de D6. L'amélioration du lissage obtenue dans D9 (quantifiée, 3 contre 2,6) était subjective, spéculative et ne pouvait être surprenante. Enfin, D9 ne portait pas sur une comparaison de la stabilité des compositions testées, donc aucune amélioration de stabilité ne pouvait être étayée par D9.

Comme il n'avait pas été démontré que les compositions telles que revendiquées atteignaient de meilleurs effets par rapport à celles illustrées par D6, le problème à résoudre était de proposer la formulation d'autres compositions cosmétiques de lavage telles que des shampooings, aptes à apporter de bonnes propriétés de conditionnement aux matières kératiniques traitées, étant suffisamment stables au stockage et permettant une réduction des étapes de leur préparation.

De telles autres compositions de lavage étaient décrites par D3. En particulier, la Formulation 4 de D3 contenait une silicone, un détergent et un polymère tel que requis par le brevet en litige. Les compositions de D6 et celles de D3 se chevauchaient donc sur plusieurs de leurs ingrédients. En plus, le polymère de mise en suspension proposé par D3 était un nouveau agent apte à épaissir ou suspendre même à pH acide, qui ne comportait pas les désavantages (mentionnés par D3) des polymères comprenant des groupes acides tel que celui de D6. Comme D3 suggérait que son terpolymère était avantageusement apte à remplacer et/ou supplémenter le copolymère de D6, c'est-à dire que le terpolymère utilisé dans les compositions de D3 représentait un nouveau agent de suspension qui se prêtait bien à l'utilisation dans les compositions de D6, la composition revendiquée découlait de manière évidente des documents D6 et D3. En outre, l'homme du métier aurait voulu remplacer le terpolymère de D6 par celui de D3 puisqu'il en escomptait aussi des avantages dans la préparation, tel que pouvoir se passer de l'étape de neutralisation requise par D6.

L'objet de la revendication 1 n'était donc pas inventif.

Requête subsidiaire 4

L'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 4 manquait encore de nouveauté au vu de D1, en particulier au vu de l'exemple 4 qui contenait du phytantriol, un adjuvant huileux. En outre, l'objet tel que revendiqué manquait aussi d'activité inventive au vu de D6, car la modification ne changeait pas le problème à résoudre et les compositions de D6 pouvaient contenir des agents de conditionnement huileux. Selon la partie de droit, les modifications seraient telles que les exigences de l'article 84 CBE ne seraient pas respectées. En outre, les modifications n'étaient pas à même de surmonter le manque d'activité inventive (règle 80 CBE).

Questions de procédure

Le dépôt tardif d'une requête subsidiaire supplémentaire, afin de limiter les adjuvants aux seuls céramides, ne pouvait être permis durant la procédure orale, étant donné que la requête aurait pu être déposée avant la procédure orale. En plus, la modification portait sur des adjuvants définis "habituels" dans le brevet litigieux, pour le choix desquels aucun effet n'avait été démontré. Par ailleurs, si cette limitation impliquait un effet, les exigences de l'article 123(2) EPC ne seraient pas remplies non plus. Donc, le dépôt de la requête subsidiaire supplémentaire n'était pas admissible.

Autres Requêtes subsidiaires

Les modifications apportées aux revendications des autres requêtes subsidiaires ne changeaient ni l'état de la technique le plus proche ni le problème à résoudre. En plus, elles étaient divulguées par D6 or D3, ou elles portaient sur des ingrédients habituels.

XII. L'intimée a essentiellement soutenu que :

Requête principale

Nouveauté

D1 divulguait que la silicone hydrosoluble pouvait être volatile ou non volatile, fonctionnalisée ou non fonctionnalisée. Donc, le caractère hydrosoluble n'impliquait pas que la silicone était fonctionnalisée. En plus, D1 divulguait 14 familles d'agents de mise en suspension. La mention dans D1 que l'agent Structure(R) Plus était préféré était contredite par les exemples de D1, lesquels n'illustraient que l'utilisation du distéarate de glycol et du lauramide DEA. Par conséquent, plusieurs choix étaient nécessaires dans la divulgation de D1 pour arriver à l'objet de la revendication 1, lequel n'était donc pas divulgué de manière directe et non ambiguë. L'objet tel que revendiqué était nouveau.

Activité inventive

D6, qui portait sur une composition cosmétique de lavage de matières kératiniques étant de formulation proche à celle revendiquée, et visant à de mêmes objectifs que le brevet en litige, décrivait l'art le plus proche.

Le problème évoqué dans le brevet litigieux portait sur la formulation d'une composition cosmétique telle qu'un shampooing présentant de bonnes ou meilleures propriétés cosmétiques telles que légèreté, douceur, lissage, souplesse et malléabilité, ne présentant pas de séparation de phases et étant stable.

Les essais comparatifs de l'intimée démontraient qu'une composition telle que revendiquée dans le brevet en litige, grâce au terpolymère tel que défini, ne présentait pas de séparation de phases (D02) et que l'emploi d'une silicone fonctionnalisée à la place d'une silicone non fonctionnalisée (D8) ainsi que le remplacement du copolymère Aculyn(R) de D6 par le Structure(R) Plus selon l'invention apportaient une amélioration de propriétés cosmétiques telles que souplesse, démêlage et lissage. Donc, le problème évoqué avait été résolu.

Concernant les objections soulevées à l'encontre de la nature comparative des essais de l'intimée : D9 portait sur la caractéristique distinguant la composition du brevet litigieux de celle de D6 ; D6 était ouvert quant aux proportions des ingrédients ; les proportions des ingrédients restaient les mêmes dans les compositions testées de D9 ; les essais étaient tels que requis par la jurisprudence des Chambre de recours de l'OEB, exemplifiée par T 421/02 du 20 septembre 2007 et T 197/86 (JO 1989, 371). D9 était bien représentatif de D6.

Quant à la question de savoir s'il était évident de résoudre le problème posé par une composition telle que revendiquée : D6 ne contenait aucune incitation au remplacement de l'Aculyn(R), bien que deux de ses trois monomères soient tels que définis dans la revendication 1 ; D3 s'intéressait à la viscosité plutôt qu'à la mise en suspension d'huiles ; il divulguait plusieurs compositions cosmétiques telles que crèmes et shampooings ; le shampooing illustré ne contenait pas de silicone fonctionnalisée. Donc, l'homme du métier n'était nullement incité à remplacer le copolymère de D6 par le terpolymère de D3, pas plus qu'en s'attendant à l'amélioration de propriétés cosmétiques de conditionnement démontrée par D9.

Par conséquent, l'objet de la revendication 1 de la requête principale satisfaisait aux exigences de la CBE.

Requête subsidiaire 4

Les exemples de D6 les plus proches, pas plus que ceux de D3, ne contenaient pas d'adjuvants tels que définis dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 4. Même si le problème à résoudre restait la mise au point d'autres compositions de lavage, en partant de D6 il fallait faire deux choix, le terpolymère et un adjuvant tel que défini. Même si le brevet en litige qualifiait les adjuvants comme habituels, leur ajout dans les compositions de D6 n'était pas évident. Donc, la revendication 1 était plus distante par rapport à D6.

Questions de procédure

Le désir de limiter ultérieurement la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 aux seuls adjuvants céramides se fondait sur le fait que D6 et D3 ne mentionnaient pas la présence possible de céramides dans les compositions. Donc, même si le problème à résoudre était de proposer une autre composition, elle ne saurait être évidente au vu des antériorités D6 et D3. Comme la modification portait sur des caractéristiques de revendications telles que délivrées, elle ne pouvait être surprenante.

Autres requêtes subsidiaires

L'intimée, durant la procédure orale, a déclaré que les modifications ultérieures dans les autres requêtes subsidiaires n'ajoutaient pas de différence par rapport aux aspects de D6 et D3 débattus durant la procédure orale, donc qu'elle n'avait pas de commentaires à faire sur les autres requêtes en sus des arguments avancés dans la procédure écrite, auxquels elle entendait se référer.

XIII. La requérante (opposante 01) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet litigieux.

XIV. L'intimée (titulaire du brevet) a demandé que le recours soit rejeté ou, à défaut, que le brevet soit maintenu sur le fondement des requêtes subsidiaires 4, 7, 10 déposées le 6 octobre 2009 ou 5, 6, 8, 9, 11 déposées le 5 mai 2006.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Requête principale

2. Nouveauté

2.1 L'allégation de défaut de nouveauté se fonde sur D1, une demande de brevet européen déposée le 26 mai 2000 sur la base de la demande américaine US 321074 du 27 mai 1999, donc antérieure à la date de priorité du brevet en litige (20 septembre 1999), mais publiée le 7 mars 2001, donc postérieurement à la date de dépôt de la demande du brevet en litige (26 septembre 2000). Par conséquent, D1 est compris dans l'état de la technique au titre de l'article 54(3) CBE 1973.

D1 porte sur une composition nettoyante comprenant :

a) au moins un agent siliconé hydrosoluble ;

b) au moins an agent de conditionnement cationique ; et,

c) au moins un détergent (revendication 1).

L'agent siliconé hydrosoluble peut être choisi parmi les diméthicones hydrosolubles substitués comportant des groupes d'acides gras, des silicones hydrosolubles comportant des groupes quaternium ainsi que leurs mélanges (revendication 2).

La composition nettoyante de D1 peut en plus comprendre au moins un agent actif bénéficial (revendication 5), tels que ceux mentionnés dans la revendication 6 de D1, entre autres des agents antipelliculaires particulaires (tel que le zinc pyrithione). Les compositions peuvent aussi comprendre un agent de suspension (revendication 7 ; paragraphe [0042]).

La combinaison des revendications 1 et 5 à 7 englobe, de manière générique au vu des expressions "agent siliconé hydrosoluble" et "agent de suspension", une composition telle que définie dans la revendication 1 du brevet litigieux, sans cependant divulguer de manière directe et non ambiguë une composition comportant l'association d'une silicone fonctionnalisée et d'un terpolymère tel que défini dans la revendication 1 du brevet litigieux.

Il en va de même si l'on considère le reste de la divulgation de D1, pour les raisons suivantes.

- Les paragraphes [0021] et [0022] de la description de D1 portent sur la définition "agent siliconé hydrosoluble" telle que donnée dans la revendication 1 de D1. Ils mentionnent que l'agent siliconé est préférablement hydrosoluble et que les agents siliconés hydrosolubles incluent des silicones volatiles hydrosolubles non fonctionnalisées tels que polydiméthylsiloxane, hexaméthylsiloxane et cyclométhicones fluides. En somme, l'agent siliconé n'est pas nécessairement hydrosoluble, et, s'il est hydrosoluble, n'est pas nécessairement une silicone fonctionnalisée telle que définie dans la revendication 1 du brevet litigieux.

- Des agents bénéficiaux sous forme de particules, tels que les agents pelliculaires, ne sont pas nécessairement présents dans les compositions nettoyantes selon D1. Aussi, d'après la description, un agent de suspension ne serait présent que dans les compositions qui comprennent des composants particulaires (paragraphe [0042]).

- Même dans le cas où des composants particulaires seraient présents dans les compositions nettoyantes, plusieurs familles d'agents de suspension se prêteraient à l'utilisation (paragraphe [0043]).

- Bien que d'après le paragraphe [0044] un copolymère acrylates/ aminoacrylates C10-30 alkyle PEG-20 itaconate, tel que vendu par la société National Starch sous la marque "Structure(R) Plus" (c'est-à-dire, celui mentionné dans le brevet en litige) soit l'agent de suspension le plus préféré, il n'est cependant utilisé dans aucune des compositions illustrées par les exemples de D1.

- En fait, les compositions de lavage (shampooings) illustrées dans les exemples 1 à 8 de D1 ne comportent pas toutes une silicone fonctionnalisée. Celles qui comprennent une silicone fonctionnalisée (exemples 3 à 5, 7 et 8) comportent toutes, en tant qu'agent de suspension, le glycol distéarate et le lauramide MEA (appartenant à la deuxième famille d'agents de suspension mentionnée dans le paragraphe [0043] de D1, à savoir celle des dérivés acyliques d'acides gras, comprenant les alcanolamides), qui ne sont même pas mentionnés dans la liste d'agents préférés telle que donnée au paragraphe [0044] de D1.

Il suit de ce qui précède que l'antériorité D1 ne divulgue pas de manière directe et non ambiguë une composition telle que définie dans la revendication 1 du brevet litigieux, qui par conséquent est nouvelle.

3. Etat de la technique le plus proche

3.1 Le brevet en litige porte sur des compositions de lavage des matières kératiniques, à base d'un agent tensio-actif détergent, d'une silicone fonctionnalisée et d'un terpolymère acrylique.

De telles compositions sont connues, en particulier, du document D6, retenu dans la décision attaquée et considéré par toutes les parties comme le document décrivant l'état de la technique le plus proche. La Chambre n'a aucune raison de prendre une position différente.

3.2 D6 porte sur une composition de shampooing et de conditionnement, comprenant :

a) environ 0,1 à environ 10,0% en poids d'un agent de conditionnement huileux, substantiellement insoluble dans l'eau ;

b) environ 5 à environ 70% en poids d'un agent de shampooing ;

c) environ 0,15 à environ 5% en poids d'un copolymère d'acrylate comprenant un copolymère d'émulsion obtenu par copolymérization en émulsion aqueuse de

(1) environ 20 à environ 50% en poids d'acide méthacrylique ou acrylique,

(2) environ 0,5 à environ 25% en poids d'un ester d'acide acrylique ou méthacrylique et d'un monoéther de polyéthylène glycol, ayant au moins deux unités d'oxyéthylène, et d'un hydrocarbyle de C8-C30 alkyle, alkyle-aryle ou polycyclique, cet ester étant défini par la formule générale suivante

H2C=C(R)-C(O)-O-(CH2CH2O)n-R*

dans laquelle

R est H ou CH3,

n va de 2 à environ 60, et

R* est un groupe hydrophobe alkyle, alkyle- aryle ou polycyclique-alkyle ayant de 8 à 30 atomes de carbone, et

(3) environ 40 à environ 60% en poids d'un acrylate ou méthacrylate d'alkyle en C1-C4, le total des pourcentages des composants du copolymère étant égal à 100% ;

d) environ 0,05 à environ 5% en poids d'un agent de conditionnement cationique, cet agent de conditionnement cationique étant un polysaccharide quaternaire, une polyamide quaternaire, un polyacrylate cationique, un polyméthacrylate cationique, une polyacrylamide cationique, une polyméthacrylamide cationique, ou des dérivés de sels de tétralkylammonium et d'oxides de butylène, de propylène ou d'éthylène ;

e) environ 0,05 à environ 5% en poids d'acide gras en C8-C18 ou de leurs mélanges ; et

f) environ 30 à environ 90% en poids d'eau, dans laquelle, la quantité de copolymère d'acrylate et d'acides gras en C8-C18 est suffisante à suspendre l'agent de conditionnement cationique, l'agent de conditionnement huileux et l'eau dans la composition (revendication 1).

Concernant les agents de conditionnement huileux, pratiquement insolubles dans l'eau, lesquels doivent apporter les propriétés de conditionnement aux matières kératiniques, les silicones sont préférées. Elles peuvent être hydrosolubles, telles que celles comprenant les copolymères à bloques polyéther/polysiloxane (Colonne 7, lignes 27 à 65).

D'après la description de D6 (Colonne 3, lignes 5 à 48), le copolymère d'acrylate est en fait un terpolymère comprenant les monomères tels que définis dans la revendication 1 de D6 et, de manière facultative, une petite proportion de monomère insaturé polyéthylènique.

Toujours d'après la description de D6 (Colonne 3, lignes 49-57), le copolymère d'acrylate préféré porte la désignation CTFA "Acrylates/Steareth 20 Méthacrylate Copolymère", disponible sur le marché sous la marque commerciale ACULYN(R) 22. Ce copolymère est un polymère d'ester d'acide méthacrylique et de Steareth 20 et d'un ou plusieurs monomères d'acides acrylique ou méthacrylique, ou de leurs esters simples.

Il a été reconnu par les parties durant l'audience que deux des trois monomères du terpolymère décrit par D6 (à savoir, les monomères (2) et (3) tels que définis dans la revendication 1 de D6) correspondent aux premier et troisième monomères du terpolymère tel que défini dans la revendication 1 du brevet litigieux. C'est-à-dire que le terpolymère défini dans les revendications du brevet litigieux, en sus des deux monomères qui se correspondent, ne comporte pas de monomères d'acide acrylique ou méthacrylique mais des monomères (méth)acrylamino et/ou (méth)acrylamide.

La présence de monomères d'acides (méth)acrylique est telle que le copolymère acrylique de D6, pour devenir effectif, doit être au moins partiellement neutralisé avec un agent approprié, avant que la composition de shampooing soit acidifiée par un acide approprié au pH final (Colonne 43-48).

Ledit copolymère d'acrylate peut remplir deux fonctions, à savoir épaissir la composition et mettre en suspension l'agent de conditionnement huileux (phrase reliant les colonnes 3 et 4 de D6).

Parmi les compositions illustrées par les 30 exemples de D6, celles des exemples 12 à 14, 20, 26, 27 et 29 comprennent toutes un tensio-actif détergent (tel que le lauryl sulfate d'ammonium), une silicone fonctionnalisée (respectivement, amodiméthicone tallow trimonium, triméthylsilylamodiméthicone et diméthicone copolyol) et un copolymère acrylique (Aculyn(R) 22).

Les dits exemples de D6 divulguent donc une composition de lavage de matières kératiniques comprenant dans un milieu cosmétiquement acceptable un agent tensioactif détergent, une silicone fonctionalisée et un terpolymère acrylique.

D6 aborde le problème de la mise en suspension des agents de conditionnement tels que les silicones dans un système tensio-actif anionique sans inactiver l'agent de conditionnement cationique et sans compromettre la stabilité (Colonne 1, lignes 37 à 52 et 61 à 67), et ses compositions visent à apporter des propriétés de lavage et de conditionnement des matières kératiniques.

3.3 Par conséquent, conformément à l'approche problème-solution (Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 5e édition 2006, I.D.3), l'état de la technique le plus proche est constitué par une quelconque des compositions de lavage des matières kératiniques illustrées dans les exemples 12 à 14, 20, 26, 27 et 29 de D6.

4. Problème et solution

4.1 Le brevet en litige aborde le problème de mettre au point une composition cosmétique détergente, un shampooing, ayant un aspect esthétique satisfaisant et conférant des performances cosmétiques acceptables aux matières kératiniques, notamment les cheveux et le cuir chevelu (paragraphe [0003]). Une composition telle que définie dans la revendication 1 du brevet litigieux apporterait de très bonnes propriétés cosmétiques aux matières kératiniques, en particulier au niveau de la légèreté, de la douceur, du lissage au toucher, de la souplesse et de la malléabilité sur cheveux séchés (paragraphe [0004]). En plus, elle permettrait d'obtenir des cheveux séchés présentant au regard un aspect général plus lisse (paragraphe [0005]) et présenterait une bonne tolérance cutanée (paragraphe [0006]).

4.2 Le brevet litigieux illustre un seul mode de réalisation de composition telle que revendiquée (paragraphe [0047]), laquelle comporte entre autres les ingrédients suivants :

Tensio-actifs détergents : lauryl éther sulfate de sodium et cocoyl bétaïne ;

Silicone fonctionnalisée : polydiméthylsiloxane à groupement aminoéthyl iminopropyl en émulsion cationique ;

Terpolymère acrylique : terpolymère d'acrylates, d'amino (méth)acrylates et d'itaconates d'alkyl en C10-C30 polyoxyéthyléné à 20 moles d'oxyde d'éthylène (Structure® Plus);

Polymère cationique : chlorure d'hydroxypropyl guar triméthyl ammonium (MEYHALL JAGUAR C13S) ; et

Milieu cosmétiquement acceptable : eau déminéralisée.

Le pH de cette composition était adjusté à 5 par de l'acide citrique (brevet litigieux, paragraphe [0049]).

Après lavage avec cette composition, les cheveux séchés étaient doux, souples, lisses au toucher et au regard, et présentaient une bonne malléabilité (brevet litigieux, paragraphe [0050]).

4.3 L'intimée a aussi produit des rapports d'essais comparatifs qui se laissent résumer ainsi:

4.3.1 Le rapport D8 (supra) (déposé en procédure d'opposition et redéposé en appel) porte sur la comparaison entre une composition A selon l'exemple du brevet litigieux et une composition B se distinguant de la composition A par l'emploi d'une silicone non fonctionnalisée (polydiméthylsiloxane) à la place de la silicone fonctionnalisée de la composition A. La composition A offre, sur cheveux humides, de meilleures propriétés cosmétiques telles que souplesse, lissage et démêlage.

4.3.2 Le rapport D02 porte sur la comparaison entre une composition A selon l'exemple du brevet litigieux et une composition B se distinguant de la composition A par le fait qu'elle ne comporte pas de terpolymère acrylique. La composition A n'est pas sujette à une séparation de phases, qui par contre se présente dans la composition ne contenant pas de terpolymère acrylique.

4.3.3 Le rapport D9 porte sur une comparaison entre une composition C selon le brevet en litige et une composition D qui diffère de la composition C en ce que le terpolymère Structure(R) Plus a été remplacé par un copolymère Aculyn(R). L'application de la composition C, par rapport à celle de la composition D, conduit à des cheveux humides plus lisses.

4.4 Il suit de ce qui précède que :

a) le brevet en litige ne contient pas d'exemples comparatifs par rapport à D6, donc la composition illustrée dans le seul exemple ne démontre pas une amélioration par rapport à celles de D6.

b) les compositions illustrées par D6 qui sont proches de la composition telle que définie dans la revendication 1 comprennent obligatoirement un terpolymère acrylique et une silicone fonctionnalisée, donc les rapports D8 et D02, qui ne comprennent pas de terpolymère ou de silicone fonctionnalisée, ne portent pas sur une comparaison avec les compositions les plus proches de D6.

c) le seul rapport à prendre en considération pour établir s'il y a eu une amélioration est D9.

4.5 Concernant le rapport D9, bien que sa composition D contienne un copolymère selon D6, elle ne contient pas d'autres composants obligatoirement requis par D6, tels que polymère cationique et/ou acide gras. Donc, la composition D de D9 ne représente pas une composition selon D6, pas plus qu'une variante selon D6 mais plus proche de l'invention.

En outre, la prétendue amélioration du lissage a été établie, sur cheveux humides, par une seule personne, et quantifiée, dans une échelle allant de 0 à 5, avec une valeur de 3, rapportée à 2,6 pour la composition D. La Chambre ne voit pas comment un tel résultat, qui n'est pas obtenu par un essai comparatif en double aveugle randomisé avec un panel de testeurs, et qui néanmoins se place lui aussi dans la partie moyenne de l'échelle considérée, pourrait être objectivement qualifié de surprenant (cf. T 702/99 dans la jurisprudence des Chambres de recours, 5e édition 2006, I.D.9.8).

Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'aborder les autres objections soulevées par les opposantes à l'encontre des proportions relatives d'ingrédients, tels que les tensio-actif anioniques, les silicones et les polymères, qui auraient été fortement changées dans les compositions C et D de D9 par rapport à celles de D6, en particulier celles de l'exemple 20 de D6, afin de démontrer une amélioration du lissage.

4.6 L'intimée a invoqué les décisions T 421/02 et T 197/86 (supra) pour soutenir que les essais de D9 étaient comparatifs tels que requis par la Jurisprudence des chambres de recours de l'OEB.

La jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB sur la manière de produire les essais comparatifs (5e édition 2006, I.D.9.8) requiert, en particulier, pour démontrer l'effet d'amélioration dans le domaine revendiqué, une comparaison avec l'état de la technique le plus proche, soit avec le mode de réalisation le plus proche du document décrivant l'état de la technique le plus proche (T 181/82 JO 1984, 401), au besoin avec une variante de l'état de la technique le plus proche qui soit encore plus proche de l'invention (T 197/86, JO 1989, 371, Point 6.1.3 ; T 35/85 du 16 décembre 1986), cette comparaison devant montrer de manière convaincante que l'effet soit dû à la caractéristique distinctive de l'invention.

La décision T 421/02 (supra) (point 3.4.2) suit les raisons de la décision T 197/86 (supra). De plus, elle ne concerne pas un cas tel que le présent dans lequel la seule différence par rapport à l'état de la technique le plus proche est dans la structure du terpolymère illustré par D6.

Cela revient à dire que dans le présent cas, dans lequel la question à trancher est celle de savoir si l'homme de l'art aurait remplacé le copolymère acrylique Aculyn(R) de D6 (état de la technique le plus proche) par le terpolymère Structure(R) Plus de D3, l'une quelconque des compositions les plus proches exemplifiées par D6 aurait pu être exactement reproduite, afin de la comparer avec une composition identique dans laquelle l'Aculyn(R) serait remplacé par le Structure(R) Plus. A supposer qu'une amélioration soit ainsi constatée, le rapport D9 aurait pu servir à démontrer que même en s'éloignant de D6, en se passant de l'agent cationique, l'on obtiendrait encore un meilleur lissage, donc à démontrer la présence d'une amélioration pour la portée entière de la revendication. Cela cependant n'a pas été fait.

4.7 Comme une amélioration du lissage obtenue par l'application de la composition C de D9 n'est pas objectivement établie par rapport à une composition selon D6, les compositions revendiquées n'atteignent pas l'amélioration du lissage invoquée, pas plus que d'autres propriétés cosmétiques, par rapport à D6.

4.8 En l'absence de résultats corroborés par les moyens de preuve apportés, seuls de nature à établir que le problème d'amélioration à la base de l'invention était objectivement résolu, et les compositions selon D6 offrant déjà une solution au problème évoqué dans le brevet litigieux (paragraphe [0003]) - des shampooings ayant un aspect esthétique satisfaisant tout en conférant des performances cosmétiques acceptables aux matières kératiniques, notamment cheveux et cuir chevelu-, le problème résolu par rapport à D6 doit être reformulé de manière moins ambitieuse, soit comme la mise au point d'autres compositions de lavages stables.

5. Caractère de la solution

5.1 Il reste à déterminer si l’homme de l'art partant de D6 pour mettre au point d'autres compositions de lavage stables serait arrivé de manière évidente à la composition faisant l’objet de la revendication 1 de la requête principale.

5.2 D6 requiert un terpolymère acrylique comportant, en sus des monomères communs à ceux du terpolymère selon le brevet en litige (revendication 1 de D6, définitions (C)(2) et (C)(3)), obligatoirement un monomère acrylique ou méthacrylique (revendication 1, définition (C)(1)), c'est-à-dire un terpolymère comportant des groupes -COOH, lesquels après neutralisation par une base sont salifiés, donc anionisés sous forme -COO-. D6 à lui seul ne suggère donc pas de terpolymères comportant des groupes contenant un atome d'azote, tels que amino ou amide, ou de soufre, tels que requis par la revendication 1 du brevet en litige, pas plus que d'autres compositions comportant des terpolymères avec des groupes amino/amide.

5.3 D3 divulgue une composition cosmétique épaissie comprenant :

un agent polymérique modifiant la rhéologie en une quantité apte à épaissir une composition cosmétique, l'agent étant préparé par polymérization de monomères choisis dans le groupe consistant en

environ 5 à environ 80% en poids d’un monomère acrylate (a) choisi dans le groupe consistant d'acrylate d’alkyle en C1-C6 et de méthacrylate d'alkyle en C1—C6,

environ 5 à environ 80% en poids d'un monomère (b) choisi dans le groupe constitué par un composé héterocyclique comportant un substituant vinylique et contenant au moins un atome d'azote ou de soufre, un (méth)acrylamide, un (méth)acrylate de mono- ou di-(C1-C4)alkylamino(C1-C4)alkyle et un mono ou di (C1-C4)alkylamino (C1-C4) alkyl(méth)acrylamide ; et

0 à environ 30% en poids d'un polymère associatif (c), les pourcentages étant basés sur le poids total de monomères constituant le po1ymère modifiant la rhéologie ; et

un agent cosmétiquement actif en proportion apte à impartir des propriétés cosmétiques à la composition (revendication 1).

5.3.1 Le polymère associatif (c) peut être choisi dans le groupe consistant en un uréthane produit par réaction entre un isocyanate insaturé monoéthylénique et un agent tensioactif non ionique englobant un copolymère séquencé d’oxyde de 1,2-butylène et d’oxyde d’éthylène à extrémité alcoxy en C1-4,

un monomère tensioactif insaturé éthylénique copolymérisable obtenu par condensation d'un tensioactif non-ionique avec un acide carboxylique insaturé a,ß-éthylénique on son anhydride,

un monomère tensioactif choisi parmi les produits de réaction de type urée d'un monoisocyanate insaturé monoéthylénique avec un tensioactif non ionique présentant une fonctionalité amine,

un éther d'allyle de formule CH2=CR'CH2OAmBnApR dans lequel R' est hydrogène ou méthyle, A est propylèneoxy ou butylèneoxy, B est éthylèneoxy, n est zéro ou un nombre entier, m et p sont zéro ou un nombre entier inférieur à n, et R est un groupe hydrophobe d’au moins 8 atomes de carbone, et

un monomère non-ionique de type uréthane produit par réaction d’un tensioactif non ionique monohydrique avec un isocyanate insaturé monoéthylénique (revendication 2).

5.3.2 Le monomère (b) du polymère selon D3 est choisi dans le groupe constitué par le méthacrylate de N,N-diméthyl aminoéthyle, l’acrylate de N,N-diéthylaminoéthyle, le méthacrylate de N,N-diéthylaminoéthyle, l’acrylate de N-t-butylaminoéthyle, le méthacrylate de N-t-butylamino éthyle, le N,N-diméthylaminopropyl-acrylamide, le N,N-diméthylamino propyl méthacrylamide, le N,N-diéthylamino propyl-acrylamide et le N,N-diéthylamino propylmethacryl amide (revendication 3).

5.3.3 D3 illustre la manière de formuler les compositions cosmétiques, entre autres un shampooing (page 7 "Shampoos" ; Page 11, Formulation 4, shampooing conditionnant), contenant en tant qu'agent de modification de rhéologie un terpolymère (1B, table 1) comprenant les monomères suivants : éthyl acrylate (monomère a)), diméthylamino éthyl méthacrylate (monomère b)) et, en tant que monomère associatif (c), le ceteth-20 itaconate. Ce terpolymère est englobé par les termes de la revendication 1 du brevet litigieux, en fait c'est le terpolymère préféré pour les compositions du brevet en litige (paragraphe [0014]). Le shampooing selon la Formulation 4 de D3 comprend aussi des tensio-actifs détergents (entre autres, le lauryl sulfate de sodium et le lauryl éther sulfate de sodium) et une silicone du type diméthicone, qui n'est donc pas fonctionnalisée.

5.3.4 Il suit de ce qui précède que D3 illustre une composition cosmétique de lavage de matières kératiniques comprenant un terpolymère tel que défini dans la revendication 1 du brevet litigieux, un tensio-actif détergent et une silicone.

5.3.5 D3, déposé après D6, aborde les problèmes posés par les agents de modification de rhéologie conventionnels, entre autres les agents du type polyacrylate de sodium et les agents comportant des groupes acides (anioniques) dans leur chaîne principale (page 2, lignes 9 à 11) ainsi que les agents épaississant associatifs, entre autres ceux qui deviennent effectifs (se gonflent) à pH basique, qui n'épaississent donc pas à pH acide et, en outre, qui sont reconnus être incompatibles avec des agents cationiques (page 2, lignes 13 à 17). Ces agents conventionnels mentionnés par D3 englobent les polymères divulgués par D6 (Cf. point 3.2, supra).

5.3.6 Pour résoudre ces problèmes D3 propose des compositions de lavage comprenant des polymères d'acrylate tels qu'indiqués ci-dessus, qui permettent d'épaissir les compositions et/ou de suspendre particules et huiles dans un moyen aqueux, que le pH soit acide ou basique (page 2, lignes 5 à 7 et 23 à 25 ; Formulation 4).

5.3.7 Le terpolymère de D6 comporte dans sa chaîne des groupes acides -COOH, qui doivent être neutralisés avec une base, afin que le polymère devienne effectif (gonfle). En outre, la présence de groupes acides neutralisés (anionisés) peut produire les incompatibilités avec les ingrédients cationiques évoquées par D3, par exemple avec les agents cationiques de conditionnement habituellement présents dans les shampooings. Donc, l'emploi du terpolymère de D6 dans des compositions de lavage comporte encore tous les désavantages évoqués par D3. En plus, la préparation des compositions de D6 requiert une étape de neutralisation par une base avant l'étape d'acidification pour ramener la composition neutralisée au pH acide du shampooing.

5.3.8 La divulgation de D3 évoquant les désavantages du polymère de D6 et constituant objectivement une incitation à remplacer le polymère de D6 par celui de D3, l'homme du métier était tenté d'employer le terpolymère de D3 dans les compositions illustrées par D6, entre autres celles contenant les silicones fonctionnalisées, puisqu'il en escomptait la réduction des incompatibilités connues avec les agents cationiques et, le terpolymère de D3 devenant effectif à pH acide, aussi l'économie de l'étape de neutralisation par une base, donc une simplification du procédé de préparation, simplification qui était un des objectifs de D6. Ce faisant l'homme du métier serait arrivé à une composition selon la revendication 1 du brevet litigieux.

5.3.9 Au vu de la description dans D3 des problèmes posés par les polymères de D6, l'argument de l'intimée (réponse au mémoire de recours, page 5/7, quatrième paragraphe), que le remplacement d'une entité anionique par une entité cationique au sein d'une composition jouerait sur les propriétés du milieu telles que par exemple les interactions ioniques, et donc qu'il n'y aurait aucune motivation pour l'homme du métier à modifier encore l'ionicité du copolymère d'acrylate, n'est pas convaincant. Dans le présent cas, D3 décrit que le polymère anionique de D6, qui devient effectif après neutralisation par une base, peut produire des interactions ioniques qui nuisent aux agents de conditionnement cationiques présents dans le milieu acide du shampooing, un problème résolu en utilisant le terpolymère selon D3.

6. La composition telle que définie dans la revendication 1 de la requête principale étant évidente, elle ne peut impliquer une activité inventive (article 56 CBE).

7. La requête principale ne satisfait pas aux exigences de la CBE.

Requête subsidiaire 4

8. La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 se fonde sur les revendications 1 et 24 telles que délivrées.

8.1 L'ajout de la caractéristique "et au moins un adjuvant cosmétiquement acceptable choisi parmi les huiles minérales, animales ou de synthèse, les céramides" ne change ni l'état de la technique le plus proche, encore décrit par D6, ni la formulation du problème à résoudre, qui reste la mise au point d'autres compositions de lavages stables par rapport à D6.

8.2 Comme les silicones non fonctionnalisée du type diméthicone sont des huiles de synthèse, et comme la formulation illustrée par l'exemple 20 de D6 contient une silicone fonctionnalisée (triméthylsilyl amodiméthicone) et du diméthicone, la composition selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 demeurait à la portée de l'homme du métier au vu de D6 et D3, pour les raisons données en relation avec la requête principale.

Modification de requêtes en instance - Questions de procédure

9. Après discussion de la requête subsidiaire 4, la titulaire du brevet a émis le souhait de déposer une requête subsidiaire 4a venant s'ajouter aux autres requêtes subsidiaires pendantes 5 à 11, correspondant à la requête subsidiaire 4 mais limitée aux céramides en tant qu'agents adjuvants.

9.1 La requérante a soulevé l'irrecevabilité d'une telle requête si elle était déposée, soulignant l'extrême tardiveté vu la durée de la procédure et l'apport nul de cette requête en ce qui concerne l'activité inventive.

9.2 L'opposant partie de droit a fait valoir pour sa part qu'une telle requête serait irrecevable sur le fondement de l'article 123(2) CBE.

9.3 La chambre après en avoir délibéré a annoncé qu'une telle requête, qui restait à formaliser sur papier, était en tout état de cause irrecevable en application de l'article 13 du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR) et de la jurisprudence établie.

9.4 En effet à ce stade de la procédure, pour être recevable une requête doit être de nature à laisser penser qu'elle a des chances sérieuses de surmonter les objections subsistantes à la brevetabilité. Ce qui n'était manifestement pas le cas. Le seul fait de limiter la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 aux céramides, pour en faire une requête subsidiaire 4a ne suffit pas à tenir en échec les raisons retenues à l'encontre de la revendication 1 des requêtes principale et subsidiaire 4.

9.5 Cela repose en fait, d'une part, sur la considération que la limitation aux céramides elle-même porte sur des adjuvants habituellement utilisés dans les compositions en instance, comme reconnu dans le brevet litigieux lui-même (paragraphe [0044], première phrase), et, d'autre part, sur le fait que les documents D6 (colonne 9, lignes 9 à 12) et D3 (page 4, lignes 23 à 32) mentionnent ou n'excluent pas d'actifs habituels.

9.6 Par ailleurs, aucun effet particulier allant au delà de la fonction habituelle des céramides n'a jamais été invoqué, pas plus que dans le brevet litigieux. Si un tel effet était invoqué sur la base de la limitation aux céramides, sans qu'il soit possible de discerner que l'effet était implicitement contenu dans le problème formulé initialement ou avait un rapport avec celui-ci, la reformulation du problème sur la base de cet effet serait inacceptable (jurisprudence, supra, I.D.4.4). Donc, la limitation à la fonction habituelle des céramides ne saurait contribuer à la solution du problème technique.

9.7 En conséquence, la chambre a refusé de retarder le cours de la procédure orale pour que soit formalisée par écrit une requête subsidiaire 4a dans les termes ci-dessus analysés.

Requêtes subsidiaires 5 à 11

10. L'intimée, durant la procédure orale, a déclaré que les modifications ultérieures dans les requêtes subsidiaires 5 à 11 n'ajoutaient aucune différence par rapport à D6 et D3, donc qu'elle n'avait pas de commentaires à faire. Durant la procédure écrite (lettre du 2 mai 2006, pages 6/7 et 7/7; lettre du 6 octobre 2009), elle n'a pas précisé davantage en quoi ces nouvelles requêtes seraient à même de changer l'état de la technique le plus proche ou le problème technique. Il s'ensuit qu'en l'absence d'arguments et de justifications apportées par l'intimée au soutien de ces requêtes, il n'y a pas lieu pour la Chambre de développer une argumentation détaillée pour en justifier le rejet.

11. Il suffit donc, dans le présent cas, de se limiter à reconnaitre qu'aucune des modifications apportées aux revendications des requêtes subsidiaires 5 à 11 n'est à même de surmonter les objections à l'encontre de la brevetabilité, telles que données en relation avec la requête principale et la requête subsidiaire 4.

11.1 En particulier, la chambre considère que :

11.1.1 La modification "ladite composition présentant un pH de 3 à 8" est connue de D6, qui divulgue des compositions ayant préférablement un pH allant de 4 à 6 (colonne 8, lignes 59-60; Colonne 10, lignes 1 à 4). Il en va de même pour le shampooing selon la formulation 4 de D3.

11.1.2 La modification "et au moins un polyorganosiloxane différent de la silicone fonctionnalisée" est elle-aussi connue, car la formulation illustrée par l'exemple 20 de D6 contient une silicone fonctionnalisée (triméthylsilylamodiméthicone) et un polyorganosiloxane différent de la silicone fonctionnalisée (diméthicone), les silicones non fonctionnalisées du type diméthicone étant des huiles de synthèse.

11.1.3 Les nouvelles définitions du monomère (b), à savoir "choisi parmi le méthacrylate de N,N-diméthylaminoéthyle, l'acrylate de N,N-diétylaminoéthyle, le méthacrylate de N,N-diéthylaminoéthyle, l'acrylate de N-t-butylaminoéthyle, le méthyacrylate de N-t-butylaminoéthyle, le N,N-diméthylaminopropyl-acrylamide, le N,N-diméthylaminopropyl-méthacrylamide, le N,N-diéthylaminopropyl-acrylamide et le N,N-diéthylaminopropyl-méthacrylamide" et "choisi parmi un (méth)acrylate de mono- ou di-(C1-C4)alkylamino(C1-C4)alkyle et un mono on di (C1 -C4)alkylamino (C1 -C4) alkyl(méth)acrylamide", correspondent de manière identique à celle du monomère (b) du terpolymère décrit par D3 (page 3, lignes 15-18 ; revendication 3).

11.1.4 La nouvelle définition du monomère (c) "choisi parmi : un monomère tensioactif insaturé éthylènique copolymérisable obtenu par condensation d'un tensio-actif non-ionique avec un acide carboxylique insaturé a,ß-éthylènique ou son anhydride" correspond elle aussi de manière identique à celle du monomère (c) du terpolymère décrit par D3 (page 3, lignes 32-37).

11.2 Ces modifications ne changent donc ni le problème technique au vu de D6 ni l'importance de D3. La composition selon l'une quelconque des revendications 1 des requêtes subsidiaires 5 à 11 était donc évidente au vu de D6 et D3.

Conclusions

12. La requête principale et les requêtes subsidiaires 4 à 11 ne satisfaisant pas aux exigences de la CBE, un motif d'opposition au titre de l'article 100 CBE s'oppose donc au maintien du brevet litigieux.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit:

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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