T 0459/01 () of 6.11.2003

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2003:T045901.20031106
Date de la décision : 06 Novembre 2003
Numéro de l'affaire : T 0459/01
Numéro de la demande : 97901142.6
Classe de la CIB : B23Q 1/62
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Structure logique d'une machine-outil d'usinage à grande vitesse du type porte-broche
Nom du demandeur : COMAU SYSTEMES FRANCE S.A.
Nom de l'opposant : Hüller Hille GmbH
Gebr. Heller Maschinenfabrik GmbH
Ex-cell-O GmbH
Chambre : 3.2.06
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 64(3)
European Patent Convention 1973 Art 69
European Patent Convention 1973 Art 70(1)
European Patent Convention 1973 R 76(1)
European Patent Convention 1973 R 76(3)
Mot-clé : Acivité inventive (oui)
Consignation au procès-verbal de déclarations des parties en vue de litiges nationaux (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0056/87
T 0928/98
T 0966/99
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0263/05

Exposé des faits et conclusions

I. Par décision remise à la poste le 19 février 2001, la Division d'opposition a révoqué le brevet européen n° 0 876 240.

La Division d'opposition a considéré qu'au vu du document :

D2 : Prospectus Ingersoll High Velocity Module HVM 600

l'objet de la revendication 1 du brevet attaqué était dépourvu de nouveauté. Les caractéristiques de cette revendication étaient, selon elle, divulguées aussi dans le document :

D1 : EP-A-0 742 072, cité en relation avec l'article 54(3) CBE.

Dans la procédure d'opposition les documents :

D3 : EP-A-0 614 724,

D4 : US-A-4 752 160 et

D6 : WO-A-9 503 913

étaient aussi discutés.

Dans la décision elle a été d'avis que par contre l'objet de la revendication 2 indépendante était nouveau et impliquait une activité inventive par rapport à l'état de la technique présent dans le dossier.

II. Par fax reçu le 17 avril 2001, la requérante (propriétaire) a formé un recours contre cette décision et a réglé simultanément la taxe correspondante. Par fax reçu le 18. juin 2001 elle a fourni le mémoire dûment motivé.

III. Une procédure orale a eu lieu devant la chambre de recours le 6 novembre 2003, à laquelle étaient présentes la requérante et les intimées 01 et 03 (opposantes 01 et 03). Par lettre du 14. octobre 2003, reçue par fax le 15 octobre 2003, l'intimée 02 (opposante 02) avait indiqué qu'elle n'assisterait pas à la procédure orale.

IV. La requérante demande l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet selon sa requête principale et les pièces suivantes :

revendications 1 à 9,

description colonnes 1 à 10,

figures 1 à 4, remises lors de la procédure orale.

Elle requiert en outre qu'il lui soit donné acte dans la décision de son changement de dénomination sociale. Elle s'oppose non seulement à ce que la requête des intimées, en insertion d'une déclaration spécifique dans le procès- verbal soit acceptée, mais également à ce que cette requête soit annexée au procès-verbal.

Les intimées 01 et 03 sollicitent le rejet du recours. En outre elles requièrent que soit actée une déclaration spécifique dans le procès-verbal de la procédure orale. Dans ses conclusions écrites lors de la procédure de recours l'intimée 02 avait requis le rejet du recours.

V. Le libellé de la revendication 1 du brevet en cause selon la requête principale (ancienne revendication 2 indépendante du brevet délivré) est le suivant :

"Machine-outil d'usinage à grande vitesse du type porte- broche dont le poste d'entraînement (P1) utilise une structure logique autorisant les déplacements d'un coulant porte-broche (100) le long des trois axes X, Y et Z, du type de celle constituée d'un bâti fixe se composant d'un châssis-support (200) agencé dans un plan vertical P (x,y) d'une paire de rails horizontaux transversaux parallèles (210 et 200) autorisant entre eux, selon un mouvement horizontal transversal le long de l'axe X, un coulissement d'une table verticale (300) formant cadre-support, laquelle table verticale (300) est bordée latéralement d'une deuxième paire de rails verticaux latéraux parallèles (310 et 320) disposés perpendiculairement à la première paire de rails horizontaux transversaux (210 et 220) pour autoriser entre eux, selon un mouvement vertical porté par l'axe Y, le coulissement d'une poupée (400), ladite structure logique évoluant à l'intérieur d'une enceinte de protection thermique comportant des moyens pour apporter et extraire des quantités de chaleur de façon à garder une température constante à l'intérieur de celle-ci,

caractérisée par le fait que

la susdite poupée est bordée latéralement d'une troisième paire de rails horizontaux longitudinaux (410 et 420) disposés de part et d'autre du plan vertical P (x,y) perpendiculairement à la première paire de rails horizontaux transversaux (210 et 220) et à la deuxième paire de rails verticaux latéraux parallèles (310 et 320) pour autoriser, entre eux et selon un mouvement horizontal porté par l'axe Z, le coulissement du susdit coulant porte-broche (100) de part et d'autre du plan P (x,y)

et par le fait que

le susdit coulant (100) est actionné le long des deux rails horizontaux longitudinaux (410 et 420) de la poupée (400) au moyen de deux moteurs linéaires (500) disposés diamétralement opposés et au-dessous desdits rails de guidage longitudinaux (410 et 420) auxquels ledit coulant est maintenu suspendu".

VI. Au soutien de son recours, la requérante a développé pour l'essentiel l'argumentation suivante :

La nouveauté de l'objet de la revendication 1 n'est pas en jeu, aucun des documents présentés dans ce dossier ne divulguant toutes ses caractéristiques. En particulier, la machine-outil selon D1 ou D2 ne comporte ni la poupée bordée latéralement d'une troisième paire de rails horizontaux longitudinaux, ni les moteurs linéaires disposés au-dessous desdits rails et le coulant étant maintenu suspendu à ces rails, ni une enceinte de protection thermique.

L'activité inventive de cet objet n'est pas à remettre en question, parce qu'il n'existe aucune indication dans l'art antérieur de poupée bordée latéralement des rails, de coulant suspendu à, et de moteurs linéaires disposés au-dessous de, ces rails. Cet arrangement est plus favorable à un travail avec la broche en porte-à-faux, parce que les forces agissant sur la broche et le coulant sont mieux distribuées dans le bâti de la machine.

Les moteurs linéaires pour le mouvement horizontal en direction de l'axe Z divulgués dans D3 n'autorisent pas le coulissement d'un coulant porte-broche, mais d'un poste d'usinage. Dans une telle machine-outil l'action et l'effet des forces au coulant porte-broche sont distribuées différemment, le porte-broche ne devant pas faire de mouvements en porte-à-faux, dans la direction Z. Il n'est pas justifié d'isoler cet arrangement de la machine-outil de D3 de son contexte et d'en faire un enseignement abstrait, applicable pour l'homme du métier à un autre type de machine-outil. Cet argument s'applique aussi au document D4 divulguant un coulant suspendu, mais avec un moteur électrique ou pneumatique actionnant une broche à vis.

La requérante s'oppose ce que mention soit faite au procès-verbal de la procédure orale d'une déclaration spécifique des intimés ainsi qu'à sa jonction en annexe au procès-verbal, cette déclaration n'ayant aucune pertinence pour le présent recours.

VII. Les intimées ont contesté l'argumentation de la requérante. L'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau par rapport à la machine-outil divulguée dans D1, parce que les caractéristiques prétendument distinctes ne le sont pas pour les raisons suivantes :

- les rails 120e et 122e devraient aussi être considérés comme "bordant latéralement la poupée", parce qu'ils sont au-dessous des côtés latéraux de la poupée ;

- si le porte-broche est dans une position de porte-à-faux, le coulant devrait être considéré comme étant "suspendu" aux rails (de plus, la traduction en langue allemande de cette revendication donnait lieu à cette interprétation, parlant de "getragen wird") ;

- le moteur linéaire 112e est au moins partiellement au-dessous du niveau des rails ;

- dans une machine-outil comme celle du D1, travaillant avec une précision dans la gamme des micromètres, cette précision ne pouvait pas être obtenue sans enceinte de protection thermique.

L'incorporation de ces caractéristiques dans une machine- outil selon D2, si la chambre les considère comme des caractéristiques distinctes, n'implique pas d'activité inventive pour les raisons suivantes :

- le choix de l'emplacement des rails de guidage relevait du libre choix de l'homme du métier, aucun des ces emplacements n'ayant un avantage particulier, l'invention consiste de ce fait en une simple alternative, connue du D3 ;

- le même argument s'applique en ce qui concerne l'endroit où sont placés les moteurs linéaires ;

- l'enceinte de protection a trait à la solution d'un problème partiel, différent du problème résolu par les caractéristiques précédentes. L'homme du métier trouverait cette solution dans D6.

Comme la traduction en langue allemande de cette revendication venait au soutien de l'interprétation défendue par les intimées, il fallait consigner au procès-verbal cet argument exposé pour la première fois par les intimées 01 et 03 lors de la procédure orale, ou au moins y annexer la requête faite de cette mention. Il était important que cette argumentation soit mise en évidence dans cette affaire, puisque, s'agissant de déterminer l'étendue de la protection conférée par le brevet, le juge allemand de contrefaçon pourrait se fonder sur une telle traduction.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Modifications (articles 84 et 123 CBE)

La revendication 1 est identique à la revendication 2 indépendante délivrée. Les modifications de la description visent à la mettre en accord avec l'élimination, du brevet, de la revendication 1 indépendante, en vertu de l'article 84 CBE, et ne donnent pas lieu à des objections sous l'article 123 CBE.

3. Nouveauté (article 54 CBE)

Aucun des documents de l'art antérieur présents dans le dossier ne divulgue une machine-outil avec une poupée bordée latéralement d'une troisième paire de rails horizontaux longitudinaux, avec des moteurs linéaires disposés au-dessous desdits rails, le coulant étant maintenu suspendu à ces rails. L'objet de la revendication 1 est de ce fait nouveau.

Contrairement à ce que font valoir les intimées les rails de guidage 120e et 122e de la poupée de la machine- outil du D1 ne se trouvent pas disposés latéralement aux bords de cette poupée, mais au-dessous d'elle. Le coulant n'est de ce fait pas maintenu suspendu aux rails (même pas en position de porte-à-faux), mais soutenu par ces rails. Les moteurs linéaires s'y trouvent au-dessous et au-dessus de la poupée, non au-dessous des rails de guidage.

4. Activité inventive (article 56 CBE)

4.1. La chambre estime que D2 constitue l'art antérieur le plus proche pour apprécier l'activité inventive de l'objet de la revendication 1. La différence entre l'objet de la revendication 1 et la divulgation D2 est constituée principalement par les caractéristiques suivantes :

- la poupée bordée latéralement d'une troisième paire de rails horizontaux longitudinaux,

- les moteurs linéaires disposés au-dessous desdits rails,

- le coulant étant maintenu suspendu à ces rails.

L'objet du brevet attaqué est donc de fournir un arrangement de la poupée, du coulant, des rails de guidage et des moteurs déplaçant le coulant de sorte que les forces soient mieux distribuées parce que concentrées sur le niveau de l'axe Z sur lequel se trouvent alignés le centre de gravité, la résultante de la poussée moteur et la poussée de l'outil rotatif en bout du coulant (voir le paragraphe [0033] du brevet attaqué).

4.2. Cette solution n'est pas mise en évidence par l'art antérieur disponible dans ce dossier.

Contrairement à l'argumentation des intimées il ne s'agit pas d'une simple alternative pour l'arrangement connu du D2, dans lequel les rails de guidage sont disposés au-dessous du coulant. Disposer les rails latéralement à la poupée donne la possibilité de concentrer les forces résultantes plus près du ou même dans le plan horizontal contenant aussi l'axe Z de l'outil rotatif, ce qui n'est pas obtenu dans la machine- outil du D2. Ceci donne l'avantage supplémentaire de pouvoir disposer les moteurs linéaires au-dessous des rails de guidage, ce qui n'est pas possible avec l'arrangement connu du D2. Cet arrangement dans la machine-outil de la revendication 1 est alors plus favorable pour la distribution des forces dans la machine.

4.3. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours (voir T 56/87, JO OEB 1990, 188, point 3.1 des motifs), ce qui est divulgué dans un document antérieur doit être considéré dans son intégralité, comme le ferait l'homme du métier. Il n'est pas justifié d'isoler arbitrairement de leur contexte des parties d'un tel document en vue d'en déduire une information technique qui différerait, voire irait à l'encontre de l'enseignement global de ce document.

L'enseignement global du D3 est de concentrer d'un côté le centre de gravité de la poupée, etc. dans le plan contenant les axes X et Y, comme le fait l'objet de la revendication 1. De l'autre côté et contrairement à l'invention, le mouvement Z n'est pas fait par la poupée et le porte-broche, mais par le poste d'usinage maintenant la pièce à usiner.

Le problème que propose de résoudre la machine-outil selon la revendication 1 est de ce fait résolu par la machine-outil du D3 d'une manière totalement différente.

En appliquant cet enseignement global du D3 l'homme du métier n'obtiendrait de ce fait pas la machine-outil de la revendication 1.

4.4. L'argumentation susmentionnée est aussi applicable en ce qui concerne le document D4, qui divulgue une poupée bordée latéralement par des rails de guidage, le coulant étant maintenu suspendu de ces rails. Le mouvement du coulant dans cette machine-outil est garanti par un seul moteur rotatif électrique ou pneumatique tournant une broche à vis arrangée au niveau des et entre les rails de guidage, mais pas par deux moteurs linéaires disposés au-dessous des rails de guidage. En appliquant cet enseignement global l'homme du métier n'arriverait pas non plus à l'objet de la revendication 1.

4.5. Pour les raisons susmentionnées l'objet de la revendication 1 est inventif (article 56 CBE). Les objets des revendications 2 à 9 concernant des modes de réalisation préférés de cet objet (règle 29(3) CBE) remplissent de ce fait aussi cette condition.

5. Requête de la requérante de donner acte dans la décision de son changement de dénomination sociale.

Sur la requête de changement de dénomination sociale, reçue en facsimile par l'OEB le 5 novembre 2003, l'OEB a adressé une notification à la requérante le 13. novembre 2003, l'informant de ce que l'inscription de la mention relative au titulaire de brevet avait pris effet le 5 novembre 2003. Un donné acte dans la présente décision relatif à ce changement est de ce fait superflu.

6. Requête des intimées 01 et 03 concernant le procès-verbal de la procédure orale.

6.1. La traduction en langue allemande des revendications délivrées n'est pas le texte de référence du brevet européen qui fait foi en l'espèce, en application de l'article 70(1) CBE, mais celui en langue française. De ce fait le texte en langue allemande des revendications délivrées ne joue aucun rôle, s'agissant pour la chambre de déterminer l'objet de la revendication indépendante lors de l'examen du recours.

La Chambre considère par conséquent que l'opinion des intimées sur la portée de la revendication 1, fondée sur cette traduction, ne peut pas constituer un point essentiel de la procédure orale ni une déclaration pertinente des parties à faire figurer au procès-verbal dans le sens dans lequel la règle 76(1) CBE l'exige. Il s'agit d'un avis subjectif, d'un argument parmi d'autres arguments.

6.2. De plus, aussi bien la requête visant la mention au procès- verbal, que l'objet même de la mention requise (traduction dans une autre langue que celle de la procédure d'une revendication, qui apparaîtrait plus conforme) se préoccupent en réalité, au-delà du recours devant la présente Chambre, de la détermination à venir, par le juge national, de l'étendue de la protection conférée par le brevet contesté en application de l'article 69 CBE et de son protocole interprétatif. Or la Chambre considère qu'il n'est pas opportun d'inclure, dans le procès-verbal (qui est rédigé sous la responsabilité de la Chambre selon la règle 76(3) CBE) des déclarations des parties tendant à fournir des munitions pour des futurs litiges devant les tribunaux nationaux (voir aussi T 966/99 et T 928/98, non-publiées).

Décider de l'étendue de la protection conférée par le brevet relève de la seule compétence des tribunaux nationaux en vertu de l'article 64(3) CBE. Cette compétence exclusive ne doit pas être altérée par des pratiques procédurales qui, sans être contraires à la CBE, ne répondent à aucune finalité de la procédure de recours devant les Chambres de recours.

La requête des intimées 01 et 03 à la fin d'inclure dans le procès-verbal une déclaration spécifique de leur part est à rejeter.

6.3. Mais en revanche, s'agissant d'une requête régulièrement présentée dans une forme écrite et maintenue, la Chambre est tenue d'y répondre après l'avoir annexée au procès-verbal de la procédure orale.

C'est en effet la pratique constante des Chambres de Recours d'annexer les requêtes faites et maintenues par les parties pendant une procédure orale au procès- verbal. Les parties sont ainsi informées, notamment celles qui n'étaient pas présentes à la procédure orale, des requêtes et des pièces finales formant la base de la (les) décision(s) prise(s). La Chambre ne voit aucune raison pour ne pas appliquer cette pratique à cette procédure de recours.

La requête de la requérante tendant à ce que cette requête ne soit pas annexée est de ce fait à rejeter.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision contestée est annulée.

2. La requête présentée lors de la procédure orale par les intimées 01 et 03 à la fin de voir consigner au procès-verbal une déclaration spécifique de leur part est rejetée.

3. La requête de la requérante tendant à ce que cette requête ne soit pas annexée est rejetée.

4. L'affaire est renvoyée devant l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet dans une forme modifiée sur le fondement des revendications 1 à 9, des colonnes 1 à 10 de la description et des figures 1 à 4, remises lors de la procédure orale.

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