European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1988:J002687.19880325 | ||||||||
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Date de la décision : | 25 Mars 1988 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | J 0026/87 | ||||||||
Numéro de la demande : | 85902938.1 | ||||||||
Classe de la CIB : | G11B 23/28 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | McWhirter Holdings | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.1.01 | ||||||||
Sommaire : | 1. Si, après avoir correctement interprété la requête en délivrance afférente à une demande internationale, le demandeur a désigné un Etat contracteur à la CBE pour lequel le PCT est en vigueur, l'OEB est tenu par les dispositions de l'article 153 CBE d'agir en qualité d'office désigné pour cet Etat, même si le Bureau international a publié cette demande sans désignation dudit Etat. 2. Si, après l'interprétation correcte d'une requête en délivrance afférente à une demande internationale, l'OEB constate qu'un des Etats contracteurs à la CBE a été désigné, la pièce en question ne comporte pas d'"erreur" et la règle 88 CBE n'est pas applicable, même si l'office récepteur ou le Bureau international a interprété différemment cette pièce. |
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Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Forme des décisions Interprétation de la requête en délivrance Demande PCT - intention de désigner l'Italie non prise en considération par l'office récepteur Demande publiée par le Bureau international sans désignation de l'Italie L'interprétation de l'office récepteur ou du Bureau international ne lie pas l'OEB |
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Exergue : |
- |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande euro-PCT n° 85 902 938.1 (PCT/AU85/00130), déposée le 14 juin 1985 auprès de l'Office australien des brevets agissant en qualité d'office récepteur, revendiquait la priorité d'une demande australienne en date du 16 juillet 1984. Pour déposer sa demande internationale en Australie, la requérante s'est servie d'un formulaire de requête en délivrance PCT/RO/101, édité en août 1984, époque à laquelle le PCT n'était pas encore entré en vigueur pour l'Italie ; apparemment, cette version du formulaire était encore utilisée en juin 1985. Le formulaire en question ne comportait donc pas de case à cocher permettant de désigner l'Italie. Pour chacun des autres Etats parties à la CBE, il y avait une case à cocher, soit dans la colonne "Brevet européen", soit dans la colonne "Brevet national".
Ce formulaire comportait également une case spéciale à cocher dans le cadre n° V, afin de désigner "tous les Etats parties au PCT pour lesquels il est possible de demander un brevet européen" ; une note en regard de cette case apportait la précision suivante : "Aucun des autres cadres de la colonne "Brevet européen" ne doit être utilisé lorsque ce cadre est coché".
En juin 1985, le PCT était déjà entré en vigueur pour l'Italie (en fait, depuis le 28 mars 1985). Conformément à l'article 7 de la loi italienne n° 890 du 21 décembre 1984, toute désignation de l'Italie dans une demande internationale est considérée comme l'indication que le déposant désire obtenir un brevet européen conformément à la CBE, et un brevet national italien ne peut pas être demandé par la voie d'une demande internationale (cf. JO OEB 1985, 91).
II. La requérante voulait désigner tous les Etats européens parties à la CBE (y compris l'Italie), à l'exception du Luxembourg. Aussi a-t-elle coché, dans la colonne "Brevet européen", la case située en regard de chacun des Etats parties à la CBE, sauf le Luxembourg. Elle n'a pas coché la case prévue en face de la mention "Tous les Etats contractants du PCT pour lesquels il est possible de demander un brevet européen", parce qu'elle ne voulait pas inclure le Luxembourg. Toutefois, en regard de cette case, figurait la déclaration suivante : "Les Etats en question sont ceux énumérés ci-dessus, et dont les noms sont précédés par les codes ..., ainsi que (indiquer le cas échéant le nom des autres Etats désignés) ..." ; dans l'espace laissé vacant, la requérante avait dactylographié "Italie".
Le 1er juillet 1985, l'Office australien des brevets a émis un récépissé ("Notification de la réception de l'exemplaire original"), dans lequel seuls huit des Etats parties à la CBE étaient indiqués comme Etats désignés, l'Italie ne faisant l'objet d'aucune désignation. Cette omission dans le récépissé n'a pas été détectée alors par le mandataire australien de la requérante, mais uniquement après que la demande fut entrée dans la phase européenne, en mars 1986.
Le 1er juillet 1985, le Bureau international a notifié à l'OEB qu'il avait reçu l'exemplaire original de la demande.
La taxe internationale, incluant une taxe globale de désignation pour l'Europe et des taxes de désignation pour les autres Etats désignés, a été acquittée dans les délais prescrits auprès de l'Office australien, conformément à la règle 15 PCT.
III. Après avoir examiné la demande conformément à l'article 10 PCT, l'Office australien des brevets en a transmis l'"exemplaire original" en bonne et due forme au Bureau international, comme le stipule l'article 12 PCT, sans faire à la requérante la moindre observation au sujet de son contenu, par exemple au titre de l'article 14 PCT. Cette demande n'a donné lieu à aucun "refus, déclaration ou constatation" au titre de l'article 25 PCT.
IV. Le 30 janvier 1986, le Bureau international a publié la demande conformément à l'article 21 PCT. Cette publication a été faite dans les formes prescrites à la règle 48 PCT, et tous les Etats parties à la CBE y étaient désignés, à l'exception de l'Italie et du Luxembourg. En outre, le Bureau international a dûment communiqué la demande à l'OEB, en application de l'article 20 et de la règle 47 PCT.
V. Le 27 février 1986, à la suite d'un entretien téléphonique avec l'Office australien des brevets, le mandataire australien de la requérante a envoyé à cet office une lettre contenant une copie de la demande publiée sous le n° WO 86/00745 ainsi qu'une copie de la page concernée du formulaire de requête en délivrance (formulaire PCT/R0/101), lettre dans laquelle il se plaint que "la Gazette n'indique pas que l'Italie a été désignée dans la demande européenne". L'Office australien des brevets a envoyé une copie de cette lettre ainsi qu'une copie de la demande publiée au Bureau international en mars 1987.
VI. Par un télex du 13 mars 1986, la requérante a demandé par l'intermédiaire de son mandataire au Royaume-Uni que sa demande entre dans la phase européenne. Par courrier du 24 mars 1986, le mandataire de la requérante au Royaume-Uni a déposé auprès de l'OEB le formulaire 1200, confirmant qu'il agissait en qualité de mandataire pour la demande européenne. Au paragraphe 11.1 de ce formulaire, il a énuméré les Etats désignés en cochant pour ce faire les cases figurant en regard du nom de tous les Etats européens cités, sauf pour le Luxembourg, et en dactylographiant "Italie" dans l'espace prévu. Les taxes de désignation et les autres taxes requises ont été dûment acquittées.
VII. Le 23 juillet 1986, la Section de dépôt de l'OEB a adressé au mandataire de la requérante au Royaume-Uni une notification par laquelle elle l'avisait que l'une des taxes de désignation devait être remboursée et, lorsque des précisions ont été demandées à ce sujet, elle a expliqué dans un télex en date du 6 août 1986 que, dans la demande internationale PCT/AU 85/00130, tous les Etats européens avaient été désignés, à l'exception du Luxembourg et de l'Italie. Un échange de correspondance a ensuite eu lieu entre la requérante et la Section de dépôt, qui a porté essentiellement sur la question de savoir s'il serait possible de rectifier la demande en y ajoutant la désignation de l'Italie. La requérante a soutenu que son intention de désigner l'Italie était évidente.
Dans une lettre du 17 février 1987, la requérante déclarait ce qui suit :
"Nous requérons par la présente une décision en application de la règle 69(2) CBE quant à la perte de la désignation de l'Italie, désignation qui ressort de la demande internationale".
En réponse, la Section de dépôt a émis une notification datée du 24 avril 1987, que la requérante a considéré comme une décision, et contre laquelle elle a formé un recours le 17 juin 1987...
Motifs de la décision
1. La question qui se pose est celle de savoir si la notification que la Section de dépôt a émise le 24 avril 1987 constitue une décision au sens de l'article 106(1) CBE.
1.1. Dans la décision J 08/81 (JO OEB 1982, 10), la Chambre de recours juridique a estimé qu'une notification de la Section de dépôt n'ayant pas la forme d'une décision et n'appelant pas l'attention sur les dispositions des articles 106 à 108, comme cela est stipulé à la règle 68(2), deuxième phrase de la CBE, constituait néanmoins une "décision" susceptible de recours, puisqu'elle avait à l'évidence pour objet le rejet de la requête de la requérante, et qu'elle était également motivée comme le prescrit la règle 68(2) CBE.
1.2. Dans la présente espèce également, il n'est pas précisé que le document en cause constitue une décision ; il ne satisfait pas non plus aux conditions énoncées à la deuxième phrase de la règle 68(2) CBE, mais il est un rejet clair et motivé de toutes les conclusions présentées par la requérante.
Il est vrai que, au dernier paragraphe dudit document, la requérante est, conformément à l'article 113 CBE, "invitée à présenter ses observations" dans un délai de deux mois à compter de la signification de "la présente notification". Si l'on fait abstraction de ce paragraphe, il n'est guère douteux que la "notification" en question constitue une décision. En effet, elle a été envoyée par la Section de dépôt à la suite d'une requête expresse "en décision", très clairement formulée par écrit par le mandataire de la requérante, et celle-ci, tout comme la Section de dépôt, ont ensuite traité ce document comme s'il s'agissait d'une décision en bonne et due forme. Aussi la requérante a t-elle dûment déposé "un acte de recours contre la décision en date du 24 avril 1987", et la Section de dépôt a examiné l'affaire comme prévu à l'article 109 CBE, avant de la transmettre à la Chambre de recours. De plus, la Section de dépôt a écrit à l'Office australien des brevets qu'elle avait rendu une "décision" le 24 avril 1987 et qu'il serait "informé de l'issue du recours".
1.3. Dans toutes les circonstances de la présente espèce, la Chambre est certaine que la requérante a eu pleinement raison de considérer que le document en cause représentait une décision susceptible de recours et que, aux fins des articles 106 et 107 CBE, elle devait le considérer comme une décision.
Ce recours est à tous autres égards conforme aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE. Il est donc recevable.
2. Dans le présent recours, le problème de fond relève de l'article 153 CBE, dont le libellé est le suivant :
"Au sens de l'article 2(xiii) PCT, l'Office européen des brevets est l'Office désigné pour les Etats qui, parties à la présente Convention et pour lesquels le PCT est entré en vigueur, sont désignés dans la demande internationale, si le demandeur indique à l'Office récepteur, dans cette demande, qu'il entend obtenir pour ces Etats un brevet européen".
Etant donné que, à la date où la demande internationale a été déposée, le PCT était entré en vigueur pour l'Italie, la question qui se pose est de savoir si l'Italie était ou non désignée dans la demande internationale, c-à-d. si, dans la demande internationale, la requérante a informé l'Office récepteur (l'Office australien des brevets) qu'elle désirait obtenir un brevet européen valable (entre autres) en Italie. La réponse à cette question dépend entièrement de l'interprétation correcte de la "requête en délivrance" (formulaire PCT/RO/101). Comme exposé au point VIII, la Section de dépôt a considéré que l'Italie n'était pas mentionnée en tant qu'Etat désigné dans ce formulaire.
2.1. Le raisonnement de la Chambre est le suivant :
a) Les demandes internationales doivent être conformes, entre autres, aux articles 3 et 4 PCT. L'article 4 et la règle 3.1 PCT disposent notamment que la requête en délivrance doit comporter "la désignation des Etats contractants où la protection de l'invention est demandée sur la base de la demande internationale", et qu'elle "doit être établie sur un formulaire imprimé". La règle 4.9 PCT dispose en outre que "les Etats contractants doivent être désignés, dans la requête, par leurs noms".
b) Dans la présente espèce, il est clair que la requérante a satisfait à toutes les exigences posées en la matière par le PCT. De plus, dans sa "requête" déposée auprès de l'Office australien des brevets agissant en qualité d'office récepteur, la requérante avait vraiment exprimé très clairement son intention de désigner l'Italie ainsi que les autres Etats parties à la CBE, à l'exception du Luxembourg. Le fait de dactylographier le mot "Italie" dans l'espace vacant du cadre n° V de ce formulaire ne pouvait raisonnablement pas répondre à un autre objectif. Dans le même ordre d'idées :
(i) La seule autre interprétation possible serait que, en dactylographiant le mot "Italie", la requérante ait voulu obtenir un brevet national italien sans passer par la voie de la CBE. Or, il ressort clairement du point II ci-dessus que le mot "Italie" a été dactylographié dans un espace prévu pour l'inscription d'autres Etats parties à la CBE. En outre, la loi italienne telle qu'exposée ci-dessus au point I ne permet pas le dépôt de demandes de brevet italien, par une voie autre que la voie européenne.
(ii) Vu le formulaire utilisé, la Chambre considère qu'il n'y avait pas de meilleure façon de désigner l'Italie comme Etat partie à la CBE, tout en excluant le Luxembourg. En effet, si la case marquée "EP" avait été cochée, le Luxembourg n'aurait pas été exclu. Inscrire le mot "Italie" dans l'"espace réservé pour désigner les Etats qui sont devenus parties au PCT après la publication de la présente feuille (10 août 1984)" aurait été inadéquat puisque cet espace est réservé aux Etats qui ne sont pas parties à la CBE.
c) Il s'ensuit que, aux fins de l'article 153 CBE, l'Italie a bien été désignée dans la demande internationale, et que la requérante en a avisé l'Office récepteur dans la demande. Aux termes de l'article 153 CBE, l'OEB est donc Office désigné pour l'Italie. En d'autres termes, la demande euro-PCT inclut l'Italie comme Etat désigné.
2.2. A cet égard, la Chambre émet les observations suivantes :
a) On ne saurait s'attendre à ce que chaque changement intervenant au niveau international donne lieu à l'édition d'une version actualisée de chaque formulaire officiel, et que ces nouvelles versions soient mises à la disposition de tous les déposants du monde entier au moment où ils en ont besoin. Dans la présente espèce, le formulaire dont disposait la requérante n'était pas la dernière édition mise à jour pour tenir compte de l'entrée en vigueur du PCT à l'égard de l'Italie. Ce formulaire ne convenait donc pas à la désignation de tous les Etats souhaités.
Dans de telles circonstances, le demandeur est tenu de préciser le plus clairement possible ses intentions, compte tenu de l'édition du formulaire dont il dispose. En l'espèce, la requérante s'est conformée à cette obligation. Elle n'a donc pas commis d'erreur en remplissant la formulaire de "requête en délivrance".
b) Vu les considérations exposées ci-dessus aux points 2.1b) et 2.2a), la Chambre estime que le fait que le mandataire de la requérante ne se soit pas aperçu que le récepissé émis le 1er juillet 1985 par l'Office européen des brevets ne comportait aucune mention quant à la désignation de l'Italie, ne doit pas être considéré comme une erreur commise par la requérante. L'Office australien des brevets a reconnu qu'il aurait dû signaler à la requérante l'existence d'une ambiguïté concernant la désignation de l'Italie, avant de transmettre l'exemplaire original au Bureau international, et il a écrit en ce sens au Bureau international et à l'OEB pour soutenir la requérante.
c) Etant donné que le formulaire de requête en délivrance soumis à l'Office australien ne comportait pas d'"erreur", la règle 88 CBE n'est pas pertinente et ne s'applique donc pas. De même, la jurisprudence antérieure des Chambres de recours concernant la règle 88 CBE n'est pas directement applicable aux faits de la cause, vu qu'il n'a pas été commis d'erreur "dans une pièce soumise à l'OEB".
d) La Chambre a certes pris note du fait que le Bureau international a publié officiellement la demande internationale le 30 janvier 1986 sans faire référence à l'Italie comme Etat contractant désigné de la CBE. Toutefois, s'appuyant sur ses conclusions exposées ci-dessus au point 2.1b), la Chambre considère que cette publication officielle ne reflète pas la véritable intention de la requérante exprimée dans le formulaire de requête en délivrance. Vu les conclusions de la Chambre, l'OEB est en tout état de cause lié par les dispositions de l'article 153 CBE. La question des documents publiés par le Bureau international concerne uniquement ce Bureau, et non pas l'OEB.
e) Ni la Chambre de recours, ni l'OEB, ne sont compétents pour rectifier la version publiée de la demande internationale.
f) La Chambre est consciente qu'il y a un risque qu'un tiers, ayant lu la demande internationale dans la version publiée par le Bureau international, et se fiant à la publication officielle, ait commencé à exploiter l'invention objet de la demande en Italie.
Comme exposé dans la décision J 12/80, JO OEB 1981, 143, point 9, ainsi que dans la décision J 10/87 en date du 11 février 1988, la résolution de tels problèmes liés aux droits de tiers n'est pas du ressort de l'OEB, mais relève des tribunaux nationaux compétents.
(...)
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée de la Section de dépôt, en date du 24 avril 1987, est annulée.
2. La demande euro-PCT n° 85 902 938.1 (PCT/AU 85/00130) inclut l'Italie en tant qu'Etat contractant désigné de la CBE.