J 0008/82 (Désignation des inventeurs) of 8.11.1983

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1983:J000882.19831108
Date de la décision : 08 Novembre 1983
Numéro de l'affaire : J 0008/82
Numéro de la demande : 81302677.0
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Fujitsu
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.1.01
Sommaire : 1. La règle 19(1) de la CBE dispose que le consentement à une rectification de la désignation de l'inventeur doit être donné par la "personne désignée à tort". Une personne déjà désignée, dont le nom ne doit pas être rayé de la désignation, n'est pas une "personne désignée à tort" aus sens de la règle susmentionnée, et son consentement à l'adjonction du nom d'une autre personne n'est pas nécessaire.
2. Si une requête tendant à modifier la désignation des inventeurs est présentée au début de la période durant laquelle la Section de dépôt est encore compétente pour l'examen quant à la forme de la demande de brevet européen ainsi que pour la publication de cette dernière, la Section de dépôt est tenue de statuer sur cette requête et elle demeure compétente pour rendre sa décision même lorsque la demande a déjà été transmise à la Division d'examen pour la poursuite de la procédure.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 16
European Patent Convention 1973 Art 20
European Patent Convention 1973 Art 62
European Patent Convention 1973 Art 81
European Patent Convention 1973 R 19(1)
European Patent Convention 1973 R 42(1)
VCLT
Mot-clé : Désignation des inventeurs
Consentement à la rectification
Compétences de la Section de dépot en matière de rectification
Compétences de la Division juridique en matière de rectification
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
G 0002/12
G 0002/13
G 0001/18
G 0003/19
J 0005/01
J 0008/20
J 0009/20
R 0001/10

Exposé des faits et conclusions

I. Le 16 juin 1981, la requérante a déposé la demande de brevet européen n° 81 302 677.0, revendiquant la priorité d'une demande de brevet national déposée au Japon le 16 juin 1980. La désignation des inventeurs déposée avec la demande de brevet européen comportait huit noms. La demande de brevet national déposée au Japon désignait également un neuvième inventeur.

II. Le 28 septembre 1981, la requérante a déposé une copie certifiée conforme des documents de priorité, assortis d'une traduction anglaise et d'une désignation des inventeurs modifiée, dans laquelle elle avait ajouté le nom du neuvième inventeur. Elle a allégué que ce nom avait été omis par inadvertance dans la désignation des inventeurs initialement déposée.

III. Le 30 septembre 1981, la Section de dépôt a adressé aux mandataires de la requérante une lettre les informant que la règle 19 (1) de la CBE était applicable et que par conséquent la rectification de la désignation des inventeurs ne pouvait être effectuée sans le consentement de chacun des inventeurs désignés à l'origine.

IV. Le 9 octobre 1981, les mandataires de la requérante ont répondu à la lettre de la Section de dépôt en affirmant que la désignation des inventeurs déposée par eux était non pas erronée mais simplement incomplète, et que la seule disposition de la CBE et de son règlement d'exécution applicable en l'espèce prévoit que tous les inventeurs doivent être désignés dans un délai de seize mois à compter de la date de priorité.

V. Par lettre du 28 octobre 1981, la Section de dépôt a répliqué qu'une désignation est réputée erronée lorsque les inventeurs ne sont pas désignés dans leur totalité, et qu'une adjonction à une désignation incomplète constitue une rectification. En conséquence, la règle 19 (1) de la CBE est applicable et la désignation ne peut être rectifiée qu'après consentement écrit des inventeurs initialement désignés.

VI. La demande de brevet européen publiée le 23 décembre 1981 mentionne uniquement les huit inventeurs désignés à l'origine.

VII. Par lettre du 29 décembre 1981 adressée à la Section de dépôt, les mandataires de la requérante ont allégué que, même si la règle 19 (1) de la CBE était applicable en l'occurrence, il n'existait dans les procès-verbaux de la Conférence diplomatique de Munich aucun élément susceptible d'étayer le point de vue selon lequel cette règle exige que les inventeurs correctement désignés consentent à l'adjonction d'un autre inventeur. Les mandataires de la requérante ont donc requis "une décision en vertu de l'article 20" quant au "refus de la Section de dépôt d'inscrire au Registre le nom du neuvième inventeur".

VIII. Le 6 janvier 1982, la requérante a acquitté la taxe d'examen, régularisant ainsi la requête en examen déposée avec la demande de brevet européen.

IX. Le 22 février 1982, la Section de dépôt a rendu la décision entreprise. La requérante ayant demandé une décision concernant le refus d'inscrire un nom dans le Registre, cette requête a été assimilée à une requête en rectification de la désignation de l'inventeur. Selon la Section de dépôt, une telle décision relève de la compétence du service où la demande suit son cours. Il est obligatoire que la désignation de tous les inventeurs figure dans la demande de brevet européen, Conformément à la règle 42 (1) de la CBE, seules les irrégularités constatées par la Section de dépôt peuvent être rectifiées dans le délai de seize mois prévu à l'article 91 (5) de la CBE. La règle 19 (1) de la CBE s'applique en l'espèce. La rectification de la désignation de l'inventeur par adjonction d'un nom nécessite le consentement des inventeurs déjà nommés, puisque le droit qu'a chaque inventeur déjà nommé d'être désigné doit être partagé avec le nouveau venu. Aucun consentement écrit n'ayant été versé au dossier, il convient de rejeter la requête en rectification.

X. Le 1er avril 1982, la requérante a formé un recours par lequel elle demande que la décision soit rapportée ou infirmée et la taxe de recours remboursée. La taxe de recours a dûment été acquittée.

XI. Le 9 juin 1982, la requérante a déposé un mémoire exposant les motifs du recours, dans lequel elle allègue que:

a) la Section de dépôt n'aurait pas compétence pour rendre une décision concernant une inscription au Registre;

b) subsidiairement, la règle 19 (1) de la CBE exige uniquement qu'un consentement à la rectification d'une désignation de l'inventeur soit donné par la personne "désignée à tort". Or, les huit inventeurs initialement nommés étaient des personnes correctement désignées, même si la désignation était erronée dans son ensemble, puisqu'incomplète. Un inventeur n'a pas besoin du consentement d'autrui pour être désigné, car l'article 62 de la CBE dispose que l'inventeur a le droit, à l'égard du titulaire de la demande de brevet européen ou du brevet européen, d'être désigné en tant que tel. Si une autre personne est désignée, le droit de l'inventeur déjà mentionné ne s'en trouve nullement affecté.

La requérante soulève l'incompétence de la Section de dépôt et demande que la décision rendue soit rapportée. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de cette décision au motif qu'elle est erronée en droit. La requérante a réitéré sa requête en remboursement de la taxe de recours.

XII. Par lettre du 23 mars 1983, les représentants de la requérante ont demandé une procédure orale. Ils ont fait valoir que leur mandante avait confirmé que les huit inventeurs initialement désignés consentiraient, le cas échéant, à la désignation du neuvième inventeur.

XIII. La Chambre a invité la requérante à fournir, si possible, la preuve du consentement des huit inventeurs, sans préjudice de l'argument par elle invoqué et selon lequel aucun consentement ne serait requis. Une copie d'un document relatif au consentement des huit inventeurs et portant la seule signature du directeur du service des brevets de la société requérante a été déposée le 21 avril 1983 auprès du greffier des Chambres de recours.

XIV. Dans une communication antérieure à la procédure orale, la Chambre a fait savoir qu'elle considérerait probablement la Section de dépôt comme compétente pour rendre la décision entreprise et que, au vu des argumentations développées, la Chambre serait d'avis que la règle 19 (1) de la CBE s'applique dans le cas d'une désignation incomplète des inventeurs. En outre, le document signé uniquement par le directeur du service des brevets de la société requérante ne pourrait pas être considéré comme le "consentement de la personne désignée à tort" au sens de la règle 19 (1) de la CBE.

XV. Lors de la procédure orale qui a eu lieu le 13 juillet 1983, le mandataire de la requérante a maintenu les arguments avancés. Il a en outre allégué que, conformément aux principes reconnus du droit international en matière d'interprétation des traités (et tels que reflétés dans la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969), un traité devait être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Le sens ordinaire qu'il conviendrait d'attribuer à l'expression "personne désignée à tort", telle qu'elle figure à la règle 19 (1) de la CBE, dans le contexte de l'article 62 de la CBE et à la lumière de l'objet de cette disposition, serait qu'elle se rapporte à une personne qui a été désignée comme inventeur, sans avoir le droit d'être désignée en tant que tel en vertu de l'article 62 de la CBE. La règle 19 (1) de la CBE viserait à empêcher qu'une personne désignée perde le bénéfice de sa désignation, sans y avoir préalablement consenti. Cette règle n'autoriserait pas une personne désignée à empêcher un tiers de l'être à son tour en déniant son consentement à la désignation de ce dernier. Par conséquent, aucun consentement ne serait requis en l'espèce.

XVI. A la suite de la procédure orale, le mandataire de la requérante a produit un mémoire additionnel dans lequel il allègue que le droit de l'inventeur à être désigné ne serait pas un droit de propriété, et que par conséquent, l'idée que la valeur du droit pourrait être diminuée par la désignation d'autres inventeurs serait fausse. Il a également attiré l'attention sur des points figurant dans les procès-verbaux de la Conférence diplomatique de Munich, et auxquels il n'avait pas été fait référence auparavant. Ces points montreraient que la désignation obligatoire des inventeurs a pour but essentiel de garantir que les inventeurs soient dûment avisés de ce que des demandes de brevet européen ont été déposées pour leurs inventions; d'autre part, rien dans les procès-verbaux ne suggèrerait qu'il faut donner à l'expression personne désignée à tort" un sens autre que le sens ordinaire de ces mots pris dans leur contexte. En outre, le fait de demander à un inventeur de consentir à la désignation d'un autre inventeur pourrait faire naître l'idée que le premier doit attester que le second a fourni une contribution inventive, ce qu'il pourrait ne pas être en mesure de faire s'il n'a pas personnellement connaissance des faits pertinents. Enfin, le mandataire a fait valoir que la question de la compétence de la Section de dépôt intéresse la requête en remboursement de la taxe de recours.

Motifs de la décision

1. Le recours satisfait aux conditions énoncées par les articles 106, 107 et 108 et la règle 64 de la CBE. Il est donc recevable.

2. La Chambre de recours juridique estime que la Section de dépôt avait compétence pour rendre la décision entreprise, du fait qu'à la date à laquelle la requête visant à modifier la désignation des inventeurs a été déposée, la Section de dépôt était encore compétente pour l'examen quant à la forme de la demande de brevet européen, ainsi que pour la publication de la demande, conformément à l'article 16 de la CBE. La Section de dépôt était tenue de décider si elle pouvait ou non recevoir la requête en rectification de la désignation des inventeurs qui lui avait été présentée et aucune disposition de la CBE n'oblige ou n'autorise en pareil cas la Section de dépôt à déférer la requête à la Division juridique.

3. La Chambre a examiné d'office (cf. article 114 (1) CBE) la question de savoir si, dès lors que la Section de dépôt n'avait pas statué sur la requête en rectification avant que la requête en examen n'eût pris effet, l'affaire aurait dû être transmise à la Division d'examen à cette date (cf. article 18 (1) CBE). La Chambre est d'avis que la Section de dépôt demeurait compétente pour rendre une décision, même après que la compétence pour la poursuite de l'examen de la demande de brevet européen fût passée à la Division d'examen. Toute interprétation des articles 16 et 18 de la CBE qui contraindrait la Division d'examen à examiner à nouveau la requête en rectification en des circonstances analogues à celles de la présente espèce occasionnerait une perte de temps et d'argent parfaitement injustifiée.

4. La requérante a elle-même demandé que la question de la rectification soit tranchée par la Division juridique, en vertu des dispositions de l'article 20 de la CBE, au moyen de la correction d'une mention portée dans le Registre européen des brevets. L'application conjointe de l'article 127 et de la règle 92 (1) g) de la CBE a pour effet que les indications concernant les inventeurs désignés doivent être mentionnées dans le Registre, uniquement après que la demande de brevet a été publiée. Etant donné toutefois que la Section de dépôt est compétente pour examiner la demande quant à certaines irrégularités, ainsi que pour la publier (article 16 CBE), il lui incombe également de résoudre - comme en l'espèce - les questions relatives à la désignation des inventeurs qui se posent avant la publication. La Section de dépôt a donc à bon droit considéré la lettre des mandataires de la requérante en date du 29 décembre 1981 comme une requête en rectification de la désignation de l'inventeur conformément à la règle 19 (1) de la CBE. Il n'y a pas lieu d'apprécier ici d'une manière générale s'il existe des situations dans lesquelles la Division juridique a, en vertu de l'article 20 de la CBE, une compétence exclusive ou non exclusive lorsqu'une demande de brevet européen ou un brevet européen délivré fait l'objet d'une procédure en cours devant une autre instance de l'Office européen des brevets.

5. Les points essentiels du litige portent sur l'applicabilité et l'interprétation de la règle 19 (1) de la CBE. En ce qui concerne la question générale de l'applicabilité de la règle 19 (1) de la CBE à la présente espèce, la Chambre n'hésite pas à faire sien le point de vue de la Section de dépôt selon lequel cette règle est applicable. L'idée qu'il existerait un principe général, en vertu duquel tous les inventeurs devraient être désignés dans un délai de seize mois à compter de la date de priorité, ne s'accorde pas avec les dispositions de la CBE et de son règlement d'exécution.

6. En conformité de l'article 81 de la CBE, la demande de brevet européen doit comprendre la désignation de l'inventeur. La règle 17 (1) de la CBE dispose que la désignation de l'inventeur doit être effectuée dans la requête en délivrance ou, si le demandeur n'est pas l'inventeur ou l'unique inventeur, dans un document séparé mais accompagnant nécessairement ladite requête. L'Office européen des brevets ne contrôle pas l'exactitude de la désignation (règle 17 (2) CBE), mais, selon les dispositions de l'article 91 (1) f) de la CBE, la Section de dépôt doit examiner si la désignation de l'inventeur a été faite conformément à l'article 81 de la CBE. Lorsque la Section de dépôt constate l'existence d'irrégularités auxquelles il peut être remédié, elle est tenue de donner au demandeur la faculté de remédier à ces irrégularités, conformément à la règle 42 de la CBE (cf. article 91 (2), (5) CBE). Le délai de seize mois prévu pour la correction n'est applicable que dans un tel cas (cf. article 91 (5), règle 42 (1) CBE).

7. En outre, aux termes mêmes de la règle 19 de la CBE, cette disposition s'applique à tous les cas dans lesquels une rectification de la désignation de l'inventeur est requise. Une requête présentée par le demandeur ou le titulaire du brevet ou accompagnée de son consentement est toujours nécessaire.

8. La règle 19 (1) de la CBE dispose qu'une désignation erronée de l'inventeur ne peut être rectifiée que sur requête "accompagnée du consentement de la personne désignée à tort". En admettant que le neuvième inventeur eût dû être mentionné, la désignation constituait manifestement "une désignation erronée de l'inventeur" au sens de la règle 19 (1) de la CBE. Le problème, dans le présent cas, consiste à déterminer le sens véritable de l'expression "personne désignée à tort" dans cette règle, qui fait partie d'un traité international.

9. Selon l'argumentation développée par la requérante, les huit inventeurs initialement désignés ne seraient pas des "personnes désignées à tort". On ne peut qualifier ainsi que des personnes qui n'ont pas le droit d'être désignées conformément à l'article 62 de la CBE, et leur consentement à la rectification serait requis uniquement dans le cas où la requête présentée tend à l'annulation de leur désignation. Tel serait, selon la requérante, le sens évident qu'il convient d'attribuer à la formulation de la règle 19 (1) et rien dans le contexte de la CBE ou à la lumière de son objet et de son but n'obligerait à interpréter l'expression "désignée à tort" comme impliquant que les inventeurs correctement désignés doivent consentir à l'adjonction du nom d'une autre personne.

10. La Convention de Vienne sur le droit des traités s'appliquant uniquement aux traités conclus après son entrée en vigueur, elle n'est pas applicable à l'interprétation de la Convention sur le brevet européen. Il est toutefois généralement admis que les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne, relatifs à l'interprétation des traités, ne font que codifier un corps de droit international public déjà existant (cf. par exemple l'exposé de Lord Diplock dans l'affaire Fothergill C/Monarch Airlines (1981) A.C. 251, ainsi que la communication du juge Bruchhausen, "Méthodologie de l'interprétation et de l'application du droit européen et des droits nationaux harmonisés en matière de brevets", présentée au Colloque européen des juges de brevets qui s'est tenu à l'OEB à Munich, du 20 au 22 octobre 1982: cf. GRUR Int. 1983, 205 en allemand).

11. En ce qui concerne l'interprétation des traités, l'un des principes fondamentaux inscrits dans l'article 31 de la Convention de Vienne consiste à attribuer leur sens ordinaire aux termes d'un traité pris dans leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité. La requérante s'appuie donc sur le sens ordinaire de l'expression "désignée à tort", qui figure à la règle 19 (1) de la CBE. Elle en a le droit si rien n'indique que les Etats contractants entendaient donner un sens particulier à l'expression "désignée à tort". La requérante et la Chambre ont soigneusement analysé les procès-verbaux de la Conférence diplomatique de Munich et les autres documents relatant les travaux préparatoires à la CBE, mais elles n'ont pu y relever aucun élément attestant que les Etats contractants entendaient donner un sens particulier à l'expression "désignée à tort". Il ressort des procès-verbaux (points 2047 à 2064, 278 à 280 et 323 à 325) que la Conférence diplomatique a envisagé d'offrir au demandeur la possibilité de compléter les désignations en procédant à une rectification en vertu de la règle 19 (1) (cf. notamment les points 2059 à 2062), mais rien ne permet de penser qu'il entrât dans les intentions de la Conférence de rendre obligatoire en pareil cas le consentement des inventeurs déjà désignés.

12. Le contexte de la règle 19 (1) de la CBE englobe les articles 62 et 81 de la CBE et les règles 17 et 18 de la CBE. Considérées conjointement, ces dispositions confèrent à l'inventeur les droits suivants: l'inventeur a le droit, à l'égard du titulaire de la demande de brevet européen ou du brevet européen, d'être désigné en tant que tel auprès de l'Office européen des brevets; il a le droit d'être désigné dans la demande de brevet européen et d'être avisé de cette désignation; il a le droit d'être désigné comme inventeur dans la publication de la demande de brevet européen et le fascicule du brevet européen; en cas de litige avec le demandeur ou le titulaire du brevet européen, il a le droit d'être désigné même contre le gré dudit demandeur ou titulaire, s'il peut se prévaloir d'une décision passée en force de chose jugée, qui a été rendue par une juridiction nationale et en vertu de laquelle le demandeur ou le titulaire est tenu de le désigner en tant qu'inventeur. Etant donné qu'il s'agit de droits importants, il ne devrait pas être possible à des tiers d'en entraver facilement l'exercice. Il y a lieu d'observer que les dispositions susmentionnées donnent à l'inventeur des droits à l'égard du demandeur ou du titulaire, mais pas à l'égard d'un co-inventeur désigné. Par conséquent, le contexte justifie l'interprétation donnée par la requérante à l'adverbe "à tort" dans l'expression "désignée à tort", qui figure à la règle 19 (1) de la CBE.

13. En ce qui concerne l'objet et le but de la Convention, l'intention de la Conférence diplomatique de Munich à l'égard des inventeurs était de donner à ceux-ci un statut légal nettement défini et solide. Si le droit d'un inventeur à être reconnu du public pouvait être mis en échec par l'action ou l'inaction d'un autre inventeur déjà désigné, il pourrait en résulter une grave injustice envers un inventeur non désigné - alors même que le demandeur ou le titulaire du brevet européen aurait consenti à ce qu'il soit désigné - lorsque par exemple un inventeur déjà désigné serait décédé ou ne pourrait être retrouvé, lorsqu'il refuserait arbitrairement son consentement ou négligerait tout simplement de répondre à une demande de consentement écrit. La Chambre reconnaît une certaine valeur à l'argument de la requérante selon lequel l'un des inventeurs peut tout simplement ne pas connaître tous les co-inventeurs éventuels.

14. L'analyse des législations nationales des Etats contractants telles que modifiées à la suite de la signature de la Convention sur le brevet européen montre qu'elles ne sont pas harmonisées en ce qui concerne l'exigence de désignation des inventeurs et, notamment, le consentement des inventeurs déjà désignés à la mention d'autres inventeurs. Un Etat contractant au moins prévoit l'examen par l'Office national des brevets de requêtes en désignation d'autres inventeurs: cf. Loi de 1977 sur les brevets du Royaume-Uni, section 13, Règlement de 1978 sur les brevets, règle 14. D'autres Etats exigent expressément le consentement des co-inventeurs déjà désignés: cf. Loi autrichienne de 1970 sur les brevets, article 20 (4); loi italienne sur les brevets (Décret royal n° 1127 du 29 juin 1939, tel que modifié par le décret n° 338 du 22 juin 1979), article 39. Toutefois, certains Etats exigent le consentement de la personne désignée à tort (cf. décret français sur les brevets du 19 septembre 1979, article 62; ordonnance suisse relative aux brevets d'invention du 19 octobre 1977 (Ordonnance sur les brevets, article 37). Par conséquent, il n'est pas possible, en se fondant sur les modifications ultérieurement apportées par les Etats contractants à leurs législations nationales respectives, de tirer une conclusion pertinente quant à leur intention. En outre, en l'absence d'une approche uniforme, la Chambre n'a aucun moyen d'harmoniser le droit issu de la CBE avec les droits nationaux des Etats contractants.

15. Il suit de ce qui précède qu'il convient de rejeter l'interprétation de la règle 19 (1) de la CBE donnée par la Section de dépôt, et d'annuler la décision entreprise. Dans ces conditions, il se révèle superflu d'examiner l'effet juridique du document relatif au consentement produit le 21 avril 1983 (cf. point XIII).

16. Pour les raisons exposées aux points 2, 3 et 4, aucun vice substantiel de procédure ne saurait être imputé à la Section de dépôt; il convient donc, conformément à la règle 67 de la CBE, de rejeter la requête en remboursement de la taxe de recours.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

1. La décision de la Section de dépôt de l'Office européen des brevets en date du 22 février 1982 est annulée.

2. La désignation des inventeurs déposée au titre de la demande de brevet européen n° 81 302 677.0 sera modifiée conformément à la requête présentée par la requérante le 28 septembre 1981.

3. La requérante est déboutée de sa demande en remboursement de la taxe de recours.

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