T 0833/99 () of 17.4.2002

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2002:T083399.20020417
Date de la décision : 17 Avril 2002
Numéro de l'affaire : T 0833/99
Numéro de la demande : 92402447.4
Classe de la CIB : E01B 7/12
B21K 7/02
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Coeur de croisement perfectionné et procédé pour sa fabrication
Nom du demandeur : COGIFER COMPAGNIE GENERALE D'INSTALLATIONS FERROVIAIRES
Nom de l'opposant : BWG GmbH & Co. KG
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
-
Mot-clé : Nouveauté et activité inventive (reconnues)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0582/90
T 0472/92
T 0782/92
T 0378/94
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1540/19

Exposé des faits et conclusions

I. Le présent recours vise à faire annuler une décision prononcée le 29 avril 1999 et motivée 17 juin 1999 d'une Division d'opposition de l'Office européen des brevets qui a rejeté l'opposition formée contre le brevet européen EP-B-0 533 528. Ce brevet bénéficie de la date de priorité du 20 septembre 1991.

La revendication 1 de ce brevet a l'énoncé suivant :

"Procédé pour la fabrication d'un coeur de croisement en rail à gorge pour voie ferroviaire de tramway à partir d'une brame laminée unique de préférence approximativement parallélépipédique, caractérisé en ce qu' :

- on refend partiellement longitudinalement, axialement (100) la brame (10) dans ses deux zones d'extrémités (11) encadrant une partie centrale (12) pour y ménager quatre ailes (110) contiguës deux à deux,

- on écarte les ailes (110) contiguës en dépassant la limite élastique pour donner une déformation permanente à la brame (10) telle que sa dimension transversale est celle des extrémités du coeur de croisement à obtenir ;

- on usine la partie centrale (12), les ailes (110) et au besoin les bouts (40) de celles-ci pour y ménager notamment les gorges (30) et des surfaces de roulement (32, 33, 34) et s'il y a lieu des raccords."

II. Dans sa décision ci-dessus, la Division d'opposition a estimé que les objections d'absence de nouveauté ou d'activité inventive impliquée par le procédé selon la revendication 1 ci-dessus n'étaient pas fondées, car la divulgation au public d'un procédé identique qui aurait résultée d'usages antérieurs, à savoir de la vente de coeurs de croisement ferroviaire respectivement aux villes de Karlsruhe, Francfort, Augsbourg et Wurzbourg et de leurs installations dans ces villes au cours des années 1986 à 1989, n'avait pas été suffisamment prouvée pour être considérée comme état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE.

III. L'opposante - ci-après la requérante - a formé le recours le 25 août 1999 et payé la taxe de recours à la même date. Le mémoire de recours a été reçu le 26. octobre 1999.

Dans ce mémoire, la requérante cite les mêmes témoins que ceux mentionnés devant la première instance, laquelle avait estimé leur audition inutile ; en outre, la requérante fait référence aux deux documents suivants qui avaient été aussi considérés comme étant les plus pertinents durant la procédure devant la première instance :

A1 : Prospectus "Rillenweichen - Moderne Technologie für hohe Belastbarkeit", sous forme d'un triptyque, avec entre autres, sur les pages internes 2 et 3, des photos de coeurs de croisement qui auraient été installées à Karlsruhe (DE) et font donc l'objet du premier usage antérieur allégué.

D1 : FR-A-697 294.

IV. Dans une notification datée du 4 février 2002 et annexée à la convocation à une procédure orale, la Chambre de recours a fait valoir que les quatre appels d'offre et adjudications invoqués en tant qu'usages antérieurs semblent être des marchés publics allemands, auxquels devraient s'appliquer les règles de confidentialité imposées par le VOL, édition 1984 ("Verdingungsordnung für Leistungenungen- ausgenommen Bauleistungen- (VOL)", Bundesanzeiger 50/84). Suite à cette notification, la requérante a successivement déposé le 15 mars 2002 des attestations écrites de MM. H. Abele et G.Botzky et le 11. avril 2002 une attestation de M. D. Hassenpflug.

Par une lettre reçue le 15 avril 2002, la propriétaire du brevet incriminé - ci-après l'intimée - a fait valoir l'irrecevabilité de ces derniers documents et a déposé un jeu de revendications à titre subsidiaire.

La procédure orale a eu lieu le 17 avril 2002.

V. Au cours de cette procédure orale, la requérante a présenté les arguments suivants :

a) En ce qui concerne la recevabilité des dernières attestations déposées :

Les attestations de MM. Abele et Hassenpflug visent essentiellement à rendre plus crédible l'usage antérieur relatif à la ville de Karlsruhe, notamment parce qu'un témoin important cité auparavant ne peut plus témoigner pour cause de maladie. M. Abele, qui a participé à la construction de coeurs de croisement chez la requérante, confirme à la fois le procédé de fabrication des coeurs installés à Karlsruhe et la divulgation de ce procédé à des tierces personnes sans obligation de secret, et entre autres à M. Hassenpfluger. Ce dernier par son attestation recoupe les dires de M. Abele, puisqu'il assure qu'il a bien été informé des étapes du procédé employé. Il n'y a pas d'incohérences dans les périodes citées, mais simplement une distinction faite entre la période précédant la réalisation du contrat de vente à la ville et celle suivant cette réalisation. A cause de l'ancienneté des faits et de reports de délais survenus par suite de difficultés au cours de la fabrication des coeurs, il n'a pas été possible de fournir des dates précises, mais seulement des périodes. De plus, l'obligation de secret, qui résulte du VOL, ne s'applique qu'à la période précédant l'échéance du contrat avec la ville de Karlsruhe ; les attestations confirment que des divulgations ont eu lieu ensuite. alors que le secret ne s'appliquait plus puisque le contrat était terminé et que le procédé de fabrication était tombé dans le domaine public. Par conséquent, les dites attestations sont pertinentes dans la mesure où elles étayent l'usage antérieur de Karslruhe ("dépôt tardif de documents" additionnelles", voir Mitteilung, 1997, article de M. Koch, page 288, point 17, et la décision T 582/90, non publiée).

La troisième attestation, celle de M. Botzky, vise simplement à prouver ce qui allait de soi, à savoir la distribution du prospectus A1 avant la date de priorité du brevet en cause.

b) En ce qui concerne la nouveauté du procédé revendiqué :

Les pages intérieures du prospectus A1 se réfèrent à l'installation de coeurs de croisement, qui a été effectuée à un carrefour de la ville de Karlsruhe. Les deux photos supérieures des pages 2 et 3 de A1 montrent deux coeurs, l'un à ailes multiples visible sur la page 2 et réalisé à partir d'une brame laminée, tandis que l'autre en page 3 est un coeur simple et est issu d'un profil spécial. Ces deux variantes du bloc homogène de départ utilisé pour la fabrication des coeurs sont aussi celles prévues par le brevet incriminé. L'homme du métier reconnaît une brame sur la photo en page 2 à cause de la présence des deux bords longitudinaux épais, alors que, sur la photo de la page 3, ce sont les surfaces ou portées prévues pour les éclisses de liaison sur les extrémités des ailes du coeur qui révèlent l'usage d'un profil spécial. Dans le texte jouxtant les photos, le document A1 indique que le bloc central du coeur avec ses ailes est fabriqué à partir d'un bloc d'acier homogène par un procédé particulier, qui aboutit à l'absence de soudure à l'intérieur du coeur. La photo de la page 3 montre bien les ailes provenant de la pièce centrale du coeur et aussi les surfaces lisses verticales intérieures de ces ailes qui ne peuvent que résulter que d'une découpe nette du bloc d'acier. L'argument avancé par la partie adverse d'un découpage éventuel par chalumeau ne tient pas pour deux raisons : avec un chalumeau on n'obtiendrait pas les arêtes des bords longitudinaux qui sont visibles sur les photos et, de plus, il serait illogique de découper les parties vides finales en forme de coin à la jonction des ailes à chaque extrémité du coeur pour ensuite combler ces vides par les pièces additionnelles en coin, qui sont visibles sur les photos. A ceci s'ajoute le fait que des brames en acier pour rail de dimensions 2m × 1m à 2m x 4 à 5m n'existaient pas à l'époque correspondant à l'usage antérieur de Karlsruhe ou du prospectus. Or, comme l'a reconnu l'intimée, c'est seulement avec de telles brames, ayant notamment cette largeur importante, qu'il serait possible d'obtenir le coeur de croisement multiple montré sur la photo, page 2 de A1, par découpage d'un bloc unique.

L'homme du métier à la fois au vu de ces photos, du texte de A1 et de ses connaissances à cette époque élimine donc un procédé par usinage ou similaire, tel que celui allégué par l'intimée. Par conséquent, intellectuellement, il ne peut qu'aboutir au procédé tel que revendiqué par le brevet en cause, étant notamment mis sur la voie par les surfaces lisses internes des ailes, témoins d'une découpe nette, avec la seule conséquence logique qui s'ensuit d'un écartement forcé des ailes. Pour cette raison, le document A1 détruit la nouveauté du procédé revendiqué. Au besoin, le lecteur de ce document A1 pouvait s'adresser à la société requérante pour obtenir des compléments d'information sur le procédé.

c) En ce qui concerne l'activité inventive impliquée :

Supposant que l'homme du métier ne serait pas arrivé à déduire le procédé selon ce qui précède, il aurait, sur la base de ce que A1 lui enseigne, recherché dans l'art antérieur un procédé qui lui permette de fabriquer un coeur sans soudure. Or, D1 justement vise à éviter un assemblage par soudure de pièces d'un coeur de croisement, et ce pour les mêmes raisons que celles avancées dans le brevet incriminé. La solution décrite par cet art antérieur dans ces premières étapes, à savoir l'incision du bloc puis l'écartement des ailes, correspond exactement à celle telle que revendiquée en partant d'un bloc unique spécialement profilé. La dernière étape, celle de l'usinage des rails, est déjà connue en soi de A1 et permet à l'homme du métier d'éviter le problème posé par les rails Vignole de D1, puisque dans les coeurs selon A1 ce sont des rails à gorge qui sont utilisés et que leur profil est usinés en fin de procédé. Certes, D1 n'enseigne une application de son procédé qu'en relation avec une pointe d'un coeur de croisement, mais ce même document dans son dernier paragraphe suggère une application à d'autres pièces et l'homme du métier sait de A1 que c'est l'ensemble d'un coeur avec les ailes correspondantes, qui est concerné. La combinaison de A1 avec D1 mène donc à l'invention, telle que revendiquée.

VI. Les arguments en réplique de l'intimée peuvent être résumés comme suit :

Les attestations de MM. Abele et Hassenpflug, reçues peu de temps avant la procédure orale, ne sont pas éminemment pertinentes comme l'exige la jurisprudence des chambres de recours, car elles ne précisent ni les dates, ni les circonstances exactes, ni le contenu des prétendues divulgations, et qu'en outre des incohérences entre ces deux attestations apparaissent. Par conséquent, elles ne doivent être admises dans la procédure.

Déduire les étapes d'un procédé de fabrication à partir de deux photos de 5cm sur 5cm du prospectus A1 relève plus du domaine de l'interprétation subjective que de celui de la divulgation objective de ce document. Le terme "coeur" à l'époque de ce document pouvait aussi bien signifier la partie centrale d'un coeur que le coeur tout entier avec ses ailes, si bien que l'homme du métier à la lecture de A1 pouvait supposer que, seule, la partie centrale des coeurs de croisement montrés était usinée à partir d'un bloc d'acier selon une méthode antérieure, qui était connue pour éviter toute soudure dans cette partie centrale. Ceci est confirmé par d'autres photos de A1. De plus, à cette époque, des brames de grandes dimensions existaient, car elles étaient notamment utilisées pour le fond des réacteurs nucléaires. Par suite, rien n'exclut que cette méthode antérieure connue n'ait pas été utilisée pour la fabrication de coeurs plus larges. Enfin et surtout, la requérante cherche à prouver le défaut de nouveauté en montrant uniquement que certains procédés connus ne pouvaient être mis en oeuvre pour la fabrication des coeurs montrés sur les photos. Ceci ne constitue pas une divulgation en soi des étapes du procédé revendiqué.

En partant de A1, l'homme du métier n'a aucune raison de prendre en compte l'antériorité très ancienne D1, puisqu'en fait celle-ci enseigne de fabriquer un coeur à partie de pièces assemblées par boulonnage, ce que justement le brevet incriminé veut éviter. A ceci s'ajoute le fait que ce sont des rails Vignole, donc à bandages larges, qui sont décrits dans ce document, rendant techniquement impossible la transposition de ce qui est décrit dans D1 uniquement pour une première extrémité du coeur à l'extrémité opposée de ce coeur, car les bandages doivent s'y situer sur le côté opposé des rails par rapport à ceux de la première extrémité. Déjà pour ces deux raisons, l'homme du métier aurait rejeté ce document. De plus, la requérante, pour démontrer l'évidence de la solution, sélectionne certaines étapes de D1 pour les transposer aux coeurs de croisement selon A1, ignorant d'autres étapes du procédé selon D1, comme par exemple l'usinage de la pointe. Ceci montre bien que la solution revendiquée n'est pas évidente.

VII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen n 0 533 528.

L'intimée demande le rejet du recours, auxiliairement que le brevet soit maintenu sur la base des revendications 1 à 3 déposées le 15 avril 2002.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Prise en compte des attestations déposées les 15 mars et 11. avril 2002.

2.1. M. Abele dans son attestation datée du 14 mars 2002 indique qu'il a travaillé d'avril 1984 jusqu'à mai 1986 chez la requérante en tant que constructeur et projeteur de coeurs de croisement. Il a notamment participé au projet d'installation d'un coeur pour la ville de Karlsruhe et il décrit le procédé de fabrication de ce coeur. Puis il expose qu'au cours de ses activités chez la requérante il a décrit ce procédé à un bon nombre de personnes intéressées sans mentionner une quelconque obligation de secret. Il cite en particulier M. D. Hassenpflug de la société de tramways de Stuttgart et M. H. Brackmann, employé d'une société située à Dortmund et agissant dans ce même domaine technique.

M. D. Hassenpflug dans son attestation, qui a été établie à Stuttgart le 9 avril 2002, indique qu'en 1987 la requérante a offert, puis livré un ensemble ferroviaire pour tramway comportant un coeur de croisement destiné à une rue déterminée de la ville de Stuttgart. Au cours des pourparlers, un coeur construit à partir d'un seul bloc d'acier selon un procédé qu'il décrit a été proposé et accepté. Le contrat a été conclu le 13 août 1987, puis exécuté, et c'est après cette commande - soit vers l'automne 1987 - que le procédé lui-même lui a été expliqué sans obligation de secret par un sieur Bachmann et une autre personne du service construction de la requérante.

2.2. Déjà au niveau des périodes concernées, ces deux attestations ne concordent pas entre elles : selon les dires de M. Abele, le procédé aurait été expliqué par lui-même à M. Hassenpflug avant mai 1986, tandis que M. Hassenpflug mentionne l'année 1987 et ne cite pas le nom de M. Abele. Les deux attestations ne se soutiennent donc pas mutuellement. En outre, M. Hassenpflug se réfère à un usage antérieur, qui concerne la ville de Dortmund et qui jusqu'ici n'avait guère été évoqué, aussi bien devant la première instance qu'au cours du recours, si bien qu'il est impossible à la Chambre, notamment en l'absence de toute autre preuve, de déterminer les circonstances exactes de cet usage antérieur et le cadre exact des prétendues divulgations orales.

2.3. De plus, contrairement à l'opinion de la requérante, il n'y a pas avec ces attestations de nouveaux moyens de preuve qui complètent ou étayent directement l'usage antérieur de Karlsruhe, mais en fait une allégation de nouvelles divulgations orales et d'une nouvelle livraison d'une installation ferroviaire, autrement dit une citation d'un nouvel usage antérieur. Le critère de moyens complémentaires de preuve soutenant un usage antérieur précédemment cité, critère qui est évoqué par l'article de M. Koch et par la décision T 528/90, n'est donc pas rempli.

2.4. Dans ces conditions, faisant usage de l'article 114(2) CBE, la Chambre ne tient pas compte de ces attestations de MM. Abele et Hassenpflug.

3. Nouveauté du procédé de fabrication selon la revendication 1 du brevet incriminé, tel que délivré.

3.1. Les arguments de la requérante pour dénier cette nouveauté s'appuient essentiellement sur les deux photos supérieures des pages internes 2 et 3 du prospectus A1. Le titre de ces deux pages et certains autres renseignements de ce document, tels que le poids total des pièces d'acier ou encore le plan d'ensemble de l'installation sur la page interne 1, confirment qu'il s'agit bien de l'usage antérieur de Karlsruhe invoqué à l'origine par la requérante devant la première instance. Les deux photos font 6cm sur 6cm et sont des vues obliques, prises plus ou moins légèrement de dessus, de deux types de croisement avec voies à gorge installées sur place, mais dégagés de leur environnement habituel, c'est-à-dire sans la chaussée.

Sur la page 2, un croisement multiple est visible avec trois rails(ou ailes), qui s'écartent progressivement les uns des autres à chacune des deux extrémités du coeur. Les côtés longitudinaux du coeur, qui sont respectivement de longueurs assez différentes du fait d'une divergence des rails plus importante sur un côté du coeur que sur l'autre, sont formés par des bords épais avec des arêtes droites parallèles entre elles, donnant donc l'impression d'un bloc parallélipépidique d'origine qui aurait été utilisé pour la constitution du coeur. Ceci est confirmé par le texte de la page 2 qui indique que des blocs rectangulaires en acier pour rail ont été utilisés pour tous les coeurs de croisement de l'installation. Sur la surface latérale visible d'un des rails de l'extrémité du coeur qui est la plus proche de l'observateur de la photo, on peut voir une éclisse de raccordement de rails, qui est disposée à une certaine distance du point d'écartement des rails. En outre, à chaque point d'écartement de deux rails une plaque en coin destinée à faciliter le raccordement avec la chaussée remplit le vide triangulaire initial formé entre ces deux rails. Enfin, sur une majeure partie de la surface supérieure du coeur, une couleur blanche se voit, signe selon les deux parties de la procédure de l'usage d'une poudre blanche.

Sur la photo de la page 3, le coeur est plus éloigné, donc moins distinct, et il s'agit d'un coeur simple. On peut y voir néanmoins les deux bords longitudinaux du coeur et les pièces additionnelles en coin assez semblables à celles de la photo 2, la seule différence concernant les bords longitudinaux qui semblent être profilés.

Dans le texte accompagnant les sept photos de ces pages 2 et 3, il est indiqué que le bloc central du coeur et les ailes (Schenkel) correspondantes sont préparés par un procédé particulier à partie d'un bloc homogène d'acier, de telle façon qu'aucune soudure ne se trouve sur le coeur, et que les gorges, en partie avec les rampes inclinées, sont formées dans le coeur par des machines fraiseuses programmées.

3.2. L'exposé ci-dessus de ce qu'enseigne A1 montre qu'il n'est jamais question d'une divulgation explicite de deux étapes précises du procédé revendiqué, à savoir l'étape de sciage dans les zones d'extrémité du coeur et celle d'écartements des ailes ainsi formées. La requérante a cherché à démontrer que ces deux étapes y étaient néanmoins divulguées de façon implicite, du fait que les coeurs visibles sur les deux photos de A1 ne pouvaient être fabriqués par les procédés classiques connus à la date de priorité du brevet incriminé. Mais une élimination de procédés connus de fabrication ne peut implicitement aboutir qu'au choix d'un autre procédé de fabrication déjà connu éventuellement non encore éliminé, mais certainement pas à l'enseignement d'un nouveau procédé. Si l'ensemble des procédés connus ont été éliminés, l'homme du métier se trouve alors confronté à une énigme, c'est-à-dire à quelque chose difficile à comprendre et à résoudre. Ceci ne correspond pas au critère de la divulgation directe, sans ambiguïté, exigée par la jurisprudence des chambres de recours pour détruire la nouveauté (cf. la décision T 378/94, non publiée).

3.3. La requérante a fait valoir que l'aspect lisse des flancs des rails, visible sur la photo de la page 2, aurait suggéré à l'homme du métier un sciage des blocs. Sur ladite photo, il semble déjà difficile déjà de déterminer si ces flancs, qui sont peu éclairés et présentent donc une surface assombrie, sont effectivement lisses ou non. De plus, un aspect lisse d'une surface pourrait être le résultat d'un travail d'usinage ou même d'un travail d'apprêt final, comme un polissage. Parler d'emblée d'un sciage est une interprétation a posteriori, qui est inacceptable.

3.4. Le fait aussi que, selon un argument de la requérante, un usinage direct d'un bloc d'acier soit nécessairement exclu pour la fabrication des coeurs, qui sont montrés sur les deux photos indiqués, parait être douteux ou tout au moins être le résultat d'une conclusion faite a posteriori :

En effet, à la date de priorité du brevet en cause, il était déjà connu d'obtenir des coeurs de croisement monoblocs en partant de blocs homogènes d'acier, au besoin profilés, en acier forgé ou laminé avec une étape d' usinage, par exemple par fraisage, des surfaces de roulement et des gorges de guidage dans le bloc (BE-899 679 et FR-1 100 279). A la différence de la présente invention, ces "coeurs de croisement" ne comportaient pas d'ailes prolongées formant déjà une partie des rails de roulement ou rails de pointe aux deux extrémités du coeur. A ces extrémités, il était juste prévu des amorces courtes de rails pour pouvoir y fixer les rails proprement dit par boulonnage ou par soudure. Autrement dit, à cette époque, sous le terme "coeur de croisement" on pouvait comprendre la partie centrale du coeur - avec une ou deux pointes selon le type de coeur - et, juste en plus, les amorces de rail aux extrémités.

Lorsqu'on observe les deux photos indiquées de A1 en liaison avec le passage de texte de ce document sur lequel la requérante a attiré l'attention, on peut conclure que les coeurs de croisement selon cet art antérieur correspondent en géométrie à ceux de la présente invention, c'est-à-dire qu'ils comprennent non seulement la partie centrale, mais en plus, aux extrémités du coeur, des rails de pointe et de roulement formés par les ailes usinées. Ceci est notamment confirmé par la présence d'une éclisse de raccordement visible sur le flanc d'un de ces rails et située à une certaine distance du point de divergence des rails. De tels coeurs imposent pour leur fabrication des blocs d'acier de dimensions supérieures à ceux des blocs appropriés pour les coeurs de croisement selon les deux brevets de l'art antérieur ci-dessus cités, notamment de dimension sensiblement plus large lorsque le coeur est à ailes multiples, les angles de divergence des rails étant importants pour les voies de tramway.

De A1, l'homme du métier pouvait donc savoir que des coeurs de croisement munis à leurs extrémités de portions de rails auraient été fabriqués sans soudure à partir de blocs d'acier de dimensions supérieures à ceux habituellement utilisés auparavant, notamment pour les coeurs selon les deux documents de l'art antérieur ci-dessus cités. Ces informations cependant n'excluaient pas en soi une fabrication par usinage selon les techniques connues antérieures, même en tenant compte des arguments suivants de la requérante :

L'argument selon lequel des blocs d'acier de dimensions appropriées n'existaient pas à l'époque des usages antérieurs invoquées ou de la distribution du prospectus A1, a été contredit par l'intimée et n'a pas été soutenu par la requérante au moyen de preuves. Dans le document A1, l'expression "procédé particulier" peut être compris comme comprenant la formation du bloc d'acier homogène lui-même. Quant à l'argument relatif à la présence de coins aux points de divergence des rails sur les photos de A1, il n'apparaît pas convaincant, car d'une part de tels coins ne sont pas toujours nécessaires (sinon, il n'y aurait pas besoin de préciser sur les clauses de marché que les coeurs doivent être livrés "avec de tels coins" ou encore qu'ils doivent être faits en tôle ; de nombreux coeurs de croisement sont installés sans ces coins, cf. la ville de Munich) et d'autre part rien ne prouve que le découpage de tels coins dans un bloc épais d'acier soit plus simple et plus économique que la fabrication usuelle de chaque coin en une plaque séparée peu épaisse, comme celles visibles sur les photos. Enfin, les photos sont trop imprécises pour pouvoir affirmer que les arêtes des côtés longitudinales des coeurs visibles sur ces photos sont telles qu'elles n'auraient pas pu être le résultat d'un découpage au chalumeau ou de tout autre type d'usinage.

3.5. L'utilisation dans le document A1 de l'expression "procédé particulier" est pour le moins intrigante. La requérante a indiqué que cette expression était destinée à attirer l'attention du lecteur. Mais, si comme le fait valoir la requérante, le procédé pour un homme du métier était en soi divulgué par les photos mentionnées du même document, on ne voit pas pourquoi l'auteur du prospectus, qui indique avec précision la méthode d'usinage, n'a pas clairement décrit ce procédé de refente du bloc et d'écartement des ailes au lieu d'employer l'expression vague "procédé particulier", qui semble plutôt suggérer que le procédé ne devait pas être dévoilé.

3.6. Pour toutes ces raisons, l'objection d'absence de nouveauté de la requérante basée sur le prospectus A1 n'est pas fondée. Ces mêmes raisons s'appliquent à une divulgation directe du procédé par simple observation des coeurs de croisement éventuellement installés selon les prétendus usages antérieurs cités des villes de Karlsruhe, Francfort, Augsbourg et Wurzbourg, d'autant que ces coeurs installés sont moins visibles que sur les photos de A1, étant en partie enfouis dans la chaussée. Contrairement à l'avis de la requérante, ce ne sont pas les conditions évoquées au premier paragraphe de la section 3.1.3.1., Chapitre V, partie D des Directives relatives à l'examen pratique à l'O.E.B., qui s'appliquent, mais ceux du dernier paragraphe, dernière phrase.

3.7. Selon le document VOL, dans le cadre d'appels d'offre, les employés de ces villes étaient tenus à une obligation de confidentialité, si bien que même s'ils avaient informés par des membres de la société requérante des étapes du procédé des coeurs livrés -comme la requérante a cherché à le prouver à l'aide d'attestations écrites, ils n'avaient pas le droit de communiquer ces informations à des tierces personnes. En outre, les dessins d'atelier, qui selon la requérante leur auraient été fournis et montraient ces étapes, comportaient la mention de l'article 18 de la loi allemande sur la concurrence déloyale. Des manquements possibles à l'obligation de confidentialité, par exemple la communication des étapes du procédé à des réparateurs, ont aussi été mentionnés par la requérante, mais ils n'ont pas été corroborés par des faits précis, tels que les dates, les circonstances, etc. ou par des moyens de preuve. Une telle supposition ne peut donc être prise en compte, car elle ne constitue pas une preuve et il appartenait à la requérante de produire le bien-fondé des allégations (T 782/92 ; T 472/92, JO OEB 1998, 161).

3.8. Quant au moyen soulevé par la requérante selon lequel l'installation de coeurs de voies ferroviaires conformes à l'invention sur la voie publique antérieurement à la date de priorité l'aurait de ce fait rendu accessible au public, il faut et il suffit qu'en l'état la Chambre constate que la divulgation d'un produit ne saurait faire présumer celle du procédé permettant sa fabrication, alors et surtout comme en l'espèce que le produit en soi n'est point nouveau et qu'il peut être fabriqué selon d'autres procédés.

3.9. Quant à l'autre moyen selon lequel le VOL ne s'applique plus un fois la procédure d'appel d'offre terminée et qu'ainsi ce qui jusqu'à le terme était tenu secret cesserait de l'être et deviendrait accessible au public, il convient pour la Chambre d'y répondre en constatant d'une part que les plans annexés à l'offre étaient expressément confidentiels et le sont demeurés après la clôture de l'appel d'offre, et d'autre part que l'allégation selon laquelle la confidentialité qui s'attache par principe à la procédure d'appel d'offre cesserait avec celle-ci n'est nullement démontrée en droit, alors et surtout qu'en l'espèce l'appel d'offre portait sur une fourniture de produit et non point de procédé et qu'ainsi à l'issue de ladite procédure seul un produit est devenu accessible au public.

3.10. Par suite, le procédé selon la revendication 1 du brevet attaqué est nouveau (articles 52 et 54 CBE)

4. Activité inventive impliquée par ce procédé

Partant de A1, la requérante s'est essentiellement appuyée sur le document D1 pour denier la présence d'une activité inventive.

4.1. L'homme du métier, sur la seule base des informations de A1, n'avait pas de raison de chercher un nouveau procédé permettant de réaliser sans soudure un coeur muni de portions de rails à partir d'un bloc d'acier, puisque, comme vu ci-dessus, rien ne l'empêchait d'imaginer que le procédé connu de BE-A-899 679 ou de FR-A-1 100 279 pouvait être utilisé pour fabriquer les coeurs montrés dans le prospectus A1.

4.2. De plus, supposant qu'il aurait pris connaissance du document D1, il ne l'aurait pas retenu du fait que le coeur d'aiguille décrit dans cet art antérieur est construit à partir d'un ensemble de différentes pièces qui sont assemblées par boulonnage ou soudure, ce qui va à l'encontre du problème que cherche à résoudre le brevet incriminé qui souligne les inconvénients d'un tel assemblage.

4.3. En ce qui concerne la solution, il est certes enseigné dans ce document de fabriquer en plusieurs étapes un élément du coeur d'aiguille à partir d'un profilé qui, vu de haut est de forme rectangulaire. La première étape consiste à fendre d'abord ce profilé sur une certaine longueur, puis ensuite les deux ailes ainsi formées sont écartées et finalement on élimine par usinage la partie superflue du profilé opposée aux ailes pour obtenir la forme en pointe. Dans cet art antérieur, le point de départ est cependant un profilé qui est déjà conformé selon le type de rail désiré, si bien qu'un usinage postérieur par fraisage pour obtenir le profil des rails comme enseigné dans le prospectus A1 n'est pas nécessaire. L'homme du métier n'est donc pas incité à associer cet enseignement avec celui de A1, qui d'une part parle uniquement d'un bloc d'acier brut comme point de départ, et non d'un profilé, et qui par conséquent prévoit la formation des profils de rail dan l'étape finale. De plus, la pointe elle-même de D1 est formée par élimination d'une partie non négligeable du profilé, donc par élimination de matière, ce que la présente invention veut justement éviter.

4.4. Enfin, dans ce document D1, le procédé est appliqué à une pointe d'aiguille uniquement, donc à une pièce de dimensions nettement inférieures à celles d'un coeur de croisement muni de portions de rail, même si cette pointe de coeur d'aiguille est elle aussi munie de portions de rails à une seule extrémité. Le rapport de dimensions est d'au moins 1 sur 7 et rien ne suggère - que ce soit dans D1 ou dans A1 - que ce genre de procédé puisse s'appliquer à l'ensemble d'un coeur muni de portions de rails à gorge à ses deux extrémités. Le type même de rails employé dans l'art antérieur D1 écarte l'homme du métier de cette idée, car il s'agit de rails de type à bandages larges, qui n'imposent pas comme les rails à gorge une inversion de côté des surfaces de roulement sur les rails entre les deux extrémités du coeur. Si le procédé selon D1 était appliqué à un coeur complet avec rails à gorge, il faudrait prévoir une autre étape pour compléter à une des deux extrémités du coeur la forme des rails par apport de matière ou de pièces.

4.5. A ceci s'ajoute le fait que ce document D1, datant de l'année 1930, est vieux de 60 ans et que depuis jusqu'à la présente invention, aucun homme du métier n'a eu l'idée d'appliquer le procédé décrit dans ce document à un coeur de croisement entier malgré la suggestion de ce document. C'est un indice sérieux de non-évidence, qui ne peut être ignoré.

4.6. La combinaison du prospectus A 1 avec D1 ne conduit donc pas à l'objet de la revendication 1, qui par suite implique une activité inventive (articles 52 et 56 CBE).

5. Dans ces conditions, il est inutile d'examiner la requête auxiliaire de l'intimée.

DISPOSITIF

POUR CES MOTIFS, IL EST STATUÉ COMME SUIT :

Le recours est rejeté.

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