T 0831/99 () of 18.3.2004

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2004:T083199.20040318
Date de la décision : 18 Mars 2004
Numéro de l'affaire : T 0831/99
Numéro de la demande : 92401888.0
Classe de la CIB : A61K 7/06
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition pour le soin des cheveux à base d'une silicone à fonction hydroxyacylamino et de polymères substantifs
Nom du demandeur : L'OREAL
Nom de l'opposant : KPSS-Kao Professional Salon Services GmbH
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 100(a)
Mot-clé : Nouveau motif d'opposition (nouveauté): admis (non)
Activité inventive : oui
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0010/91
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La mention de la délivrance du brevet européen n° 526 279 basé sur la demande de brevet européen n° 92 401 888.0 déposée le 2 juillet 1992 a été publiée le 4 septembre 1996.

Le libellé de la revendication 1 du brevet s'énonce :

"Composition de lavage et/ou de conditionnement des matières kératiniques, caractérisée par le fait qu'elle contient dans un milieu aqueux approprié pour ces matières, au moins une silicone à fonction hydroxyacylamino, au moins un polymère substantif et au moins un agent tensio-actif détergent."

II. L'opposante a fait opposition à la délivrance de ce brevet, demandant la révocation du brevet dans son intégralité en application de l'article 100a) CBE pour manque d'activité inventive, en se basant sur les documents suivants :

D1 : EP-A-0 342 834

D2 : JP-A 56/072 095 sous la forme d'une traduction en anglais

D3 : EP-A-0 400 976

Par la décision rendue à l'issue de la procédure orale en date du 20 juillet 1999 et postée le 16 août 1999, la Division d'opposition a rejeté l'opposition.

III. Les motifs de la décision de la Division d'opposition peuvent se résumer comme suit :

a) L'invention selon le brevet contesté avait pour objectif de mettre au point une composition qui conduisait à une amélioration du démêlage et de la douceur des cheveux.

b) L'objet revendiqué se distinguait de la composition selon l'exemple 11 de D1 uniquement par le fait que le tensio-actif quaternaire était remplacé par un polymère substantif. Les données expérimentales fournies par la propriétaire avec les lettres du 7 janvier 1998 et du 18 juin 1999 démontraient une amélioration des propriétés de démêlage et de douceur liée à l'utilisation des compositions revendiquées.

Le problème objectif que se proposait de résoudre le brevet en opposition par rapport à D1 consistait donc en la préparation d'une composition pour le conditionnement des matières kératiniques, ayant des propriétés de démêlage et de douceur améliorées par rapport aux compositions de D1.

Ce problème était résolu en remplaçant le tensio-actif quaternaire de D1 par un polymère substantif.

Cette solution n'était pas évidente. Les propriétés de conditionnement des polymères substantifs étaient connues, mais il ne pouvait être déduit de l'état de la technique, que les effets sur les cheveux de la combinaison telle que revendiquée étaient supérieurs à ceux de la composition de l'état de la technique.

c) Les silicones selon D2 étaient structurellement plus éloignées des silicones du brevet contesté que les silicones selon D3. D2 ne pouvait ainsi être considéré comme le document reflétant l'état de la technique le plus proche.

d) D3 concernait des shampooings conditionnants contenant des détergents tensio-actifs, une silicone polyaminée, un polymère substantif et de l'eau. Les silicones selon D3 ne contenaient toutefois pas de fonction hydroxyacylamino, ce qui constituait la seule différence avec l'objet revendiqué.

Il ressortait des tests de la propriétaire que le remplacement de la silicone polyaminée par une silicone à fonction hydroxyacylamino conduisait à une amélioration des propriétés de démêlage et de douceur.

Le problème objectif que se proposait de résoudre le brevet en opposition par rapport à D3 consistait donc Bgalement en la préparation d'une composition pour le conditionnement des matières kératiniques, ayant des propriétés de démêlage et de douceur améliorées.

Il avait été clairement démontré qu'en l'absence d'un polymère substantif, les silicones à fonction hydroxyacylamino et les silicones aminées avaient des propriétés démêlantes comparables. Le fait que les silicones à fonction hydroxyacylamino étaient avantageuses en présence d'un polymère substantif n'était cependant pas prévisible pour l'homme du métier.

e) Par conséquent, l'objet revendiqué selon le brevet tel que délivré impliquait une activité inventive.

IV. Le 21 août 1999, l'opposante (requérante) a introduit un recours contre cette décision en acquittant le même jour la taxe correspondante. Dans le mémoire exposant les motifs du recours déposé le 12 novembre 1999, la requérante a fait référence au document suivant :

D4 : WO-A 92/08439

V. Suite à la communication de la chambre du 10 décembre 2003 en préparation de la procédure orale, l'intimée a déposé avec la lettre datée du 18 février 2004, trois jeux de revendications à titre de requêtes subsidiaires, une notice technique concernant le Carbopol ainsi que les résultats d'un essai visant à démontrer que le Carbopol entrant dans les compositions selon le document D4 n'était pas un polymère substantif.

VI. Une procédure orale s'est tenue devant la chambre le 18. mars 2004.

VII. L'argumentation de la requérante développée par écrit et lors de la procédure orale peut se résumer ainsi :

a) L'objet du brevet contesté n'était pas nouveau par rapport au document D4.

b) Par rapport à chacun des documents D1, D2 ou D3 le problème résolu par le brevet litigieux était de mettre à disposition des alternatives aux compositions pour le traitement des matières kératiniques connues. En outre, les trois documents pouvaient être combinés, puisqu'ils concernaient tous le même problème technique, notamment l'amélioration de la douceur et du démêlage des cheveux.

c) L'exemple 11 de D1, qui pouvait être considéré comme l'état de la technique le plus proche, décrivait des shampooings et des compositions de conditionnement de cheveux comprenant des agents tensio-actifs et une silicone à fonction hydroxyacylamino. L'utilisation de ces compositions était caractérisée par un effet positif sur la douceur et le démêlage des cheveux. L'homme du métier connaissait ainsi les effets avantageux des silicones à fonction hydroxyacylamino. Il était donc évident, dans le cadre du développement de produits de soins pour cheveux, d'introduire ces silicones dans des shampooings à base de polymères substantifs, tels que connus des documents D2 et D3, en remplacement des silicones déjà présentes dans ces shampooings. Dans ce contexte, l'obtention d'un effet inattendu ne pouvait être considérée que comme un effet supplémentaire qui ne saurait fonder une activité inventive.

d) L'intimée n'avait pas démontré l'existence d'une véritable synergie entre la silicone et le polymère substantif. En effet, une synergie ne pouvait être démontrée que sur la base d'essais impliquant individuellement chacune des substances ; or de tels essais n'avaient pas été réalisés. En outre, il était déjà connu du document D2 que la combinaison d'une silicone et d'un polymère cationique améliorait le démêlage des cheveux alors que chacun des composants pris isolément n'offrait pas cet avantage.

e) Les compositions revendiquées n'impliquaient donc pas d'activité inventive.

VIII. L'intimée (titulaire) a présenté les arguments suivants :

a) L'objection de nouveauté sur la base de D4 était un nouveau motif d'opposition qui ne pouvait être introduit dans la procédure sans son accord. Or, D4 qui n'était opposable qu'au titre de l'article 54(3) CBE n'était pas pertinent. Par conséquent, le nouveau motif d'opposition ne devait pas être introduit dans la procédure de recours.

b) Si D1 était considéré comme l'état de la technique le plus proche, l'invention résidait dans la mise en oeuvre en combinaison de polymères substantifs, de tensio-actifs détergents et de silicones à fonction hydroxyacylamino. Or, les essais comparatifs démontraient un effet de synergie entre le polymère substantif et la silicone à fonction hydroxyacylamino, effet qui n'existait pas lorsque la même silicone était associée à un tensio-actif cationique, ou lorsqu'on utilisait une silicone à groupement amine. Le problème technique était donc d'obtenir une composition de lavage et/ou de conditionnement des cheveux conférant des propriétés de démêlage et de douceur améliorées. Les documents D2 et D3 n'orientaient pas l'homme du métier à utiliser des polymères substantifs à la place des agents tensio-actifs cationiques pour résoudre ce problème technique.

c) Les compositions revendiquées différaient de celles décrites dans le document D2 par la nature des silicones. D2 préconisait l'addition de silicones non-ioniques pour éviter la formation de complexes entre le polymère cationique et l'agent tensio-actif anionique. L'homme du métier n'était donc pas incité à remplacer les silicones non-ioniques par des silicones à fonction hydroxyacylamino puisqu'il pouvait s'attendre de part leur nature cationique, à augmenter encore les problèmes déjà connus de complexation entre les différentes espèces ioniques.

d) Le document D3 concernait le problème de la mise en suspension des silicones dans les shampooings conditionnants. Ce document mentionnait la possibilité d'utiliser des silicones aminées. Or, les différents essais de l'intimée démontraient que la combinaison des polymères substantifs et des silicones aminées ne présentait pas les avantages de la combinaison des mêmes polymères avec les silicones à fonction hydroxyacylamino selon le brevet litigieux.

e) L'objet revendiqué impliquait donc une activité inventive.

IX. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimée requiert à titre principal le rejet du recours et, à titre auxiliaire, le maintien du brevet sur la base de l'une des trois requêtes subsidiaires telles que déposées avec la lettre du 18 février 2004.

Motifs de la décision

1. Le recours est admissible.

2. La requérante a invoqué un défaut de nouveauté sur la base du document D4 qui représente un état de la technique en vertu de l'article 54(3) CBE. L'objection de manque de nouveauté constitue dans l'affaire en instance un nouveau motif d'opposition dans la mesure où ce motif n'a jamais été invoqué dans la procédure d'opposition. En outre, l'intimée n'a pas marqué son accord pour l'introduction de ce nouveau motif dans la procédure de recours. Par conséquent, conformément à l'avis G 10/91 de la Grande Chambre de Recours (JO OEB 1993, 420), l'objection de manque de nouveauté ne peut être prise en considération dans la présente procédure.

Requête principale

3. Activité inventive

3.1. État de la technique le plus proche.

Le brevet litigieux concerne des compositions de lavage et/ou de conditionnement des matières kératiniques destinées à améliorer le démêlage et la douceur des cheveux.

Le document D1 concerne le traitement de matières fibreuses en général, incluant en particulier le conditionnement de matières kératiniques telles que les cheveux (page 2, lignes 1 à 4). Bien que le but premier de l'invention décrite dans ce document est d'éviter le jaunissement des fibres traitées par des silicones aminées (page 2, lignes 23 à 25), l'exemple 11 concerne le conditionnement des cheveux humains et mentionne également les effets de ce traitement sur le démêlage et la souplesse des cheveux. En outre, parmi les documents versés au dossier, D1 est le seul document mentionnant les silicones à fonction hydroxyacylamino entrant dans les compositions selon le brevet litigieux. La Division d'opposition ainsi que les parties ont développé une analyse de l'activité inventive en considérant ce document, en particulier son exemple 11, comme reflétant l'état de la technique le plus proche. Dans ces circonstances, la Chambre ne voit pas de raisons de s'écarter de cette approche.

Le document D1 décrit une méthode de traitement de matière fibreuse, qui comprend l'application à cette matière d'une composition comprenant un polydiorganosiloxane ayant un groupe =NCO(CHR)nOH connecté à un atome de silicium d'une unité siloxane du polydiorganosiloxane, dans lequel R représente un atome d'hydrogène, un groupe hydroxyl, un groupe hydrocarboné ou un groupe hydrocarboné substitué par un groupe hydroxyl, et n a une valeur comprise dans l'intervalle 2 à 7 (revendication 1). Il n'a pas été contesté que ces polydiorganosiloxanes sont des silicones à fonction hydroxyacylamino tel que le requiert la revendication 1 du brevet litigieux.

L'exemple 11 a pour objet de démontrer les effets conditionnants sur des cheveux de l'application d'une microémulsion constituée d'un polysiloxane à fonction hydroxyacylamino de formule Me3SiO(Me2SiO)98(MeQ'SiO)2SiMe3 dans laquelle Q' représente le groupe CH2-CHMe-CH2-NH-(CH2)2NHCO(CH2)3OH (15 parts), d'un surfactant non-ionique à base de groupes ethoxy (9 parts), d'acide acétique glacial (0,25 part) et d'eau (75,7 parts) (exemple 11 en combinaison avec l'exemple 6, page 7, ligne 56 à page 8, ligne 1 et avec l'exemple 3). Les performances de cette microémulsion sont comparées avec celles d'une émulsion cationique aqueuse contenant en mélange avec des surfactants cationiques, 0,35% de polydiméthylsiloxanes avec des fonctions amine et hydroxy de formule générale moyenne HO(Me2SiO)x(OHR'SiO)ySiMe2OH, dans laquelle le rapport x/y est environ 100, et R' représente le groupe -(CH2)3NH(CH2)2NH2 (exemple 11, page 11, lignes 26 à 31).

Des échantillons de cheveux sont trempés dans des compositions préparées à partir de la microémulsion ou de l'émulsion cationique contenant 0,75% de polysiloxanes. L'évaluation par peignage des cheveux mouillés ou secs et par la mesure de l'électricité statique dans les cheveux, montre que les effets de la microémulsion avec le polysiloxane à fonction hydroxyacylamino sont comparables à ceux de l'émulsion cationique comprenant un polysiloxane à fonctions amine et hydroxy, les deux compositions conférant de bonnes propriétés de peignage et des cheveux doux et pleins de vigueur (exemple 11, page 11, lignes 32 à 36).

Des résultats similaires sont observés lorsque les polysiloxanes sont incorporés dans des shampooings comprenant 0,75 parts de polysiloxane, 20 parts de lauryl sulphate de sodium, 3,5 parts de diethanol amide d'acide linoléique et 5,5 parts d'un agent perlant, et également, lorsque les polysiloxanes sont incorporés dans un agent de conditionnement qui comprend 0,75 part de polysiloxane et des alcools gras. Enfin, on observe pour les cheveux traités avec un shampooing ou un agent de conditionnement contenant le polysiloxane à fonction hydroxyacylamino et un sel d'ammonium quaternaire, tel que le Dehyquart CDB, une réduction de l'électricité statique (exemple 11, page 11, lignes 36 à 42).

Le document D1 décrit donc des compositions qui contiennent une silicone à fonction hydroxyacylamino mais dans lesquelles il n'y a pas de polymère substantif.

3.2. Problème technique et solution

3.2.1. Dans les essais comparatifs dont les résultats ont été déposés par l'intimée lors de la procédure devant la première instance avec la lettre datée du 18 juin 1999, les compositions C et D comprenant la silicone à fonction hydroxyacylamino Q2-8413 ont été appliquées sur des mèches de cheveux préalablement lavées avec un shampooing. Cette silicone, dont la formule est mentionnée dans la déclaration de D. Cauwet déposée le 8 janvier 1998, est de même nature que la silicone à fonction hydroxyacylamino de l'exemple 11 de D1. Les deux compositions comprennent les mêmes ingrédients à l'exception de la gomme d'hydroxypropyl guar quaternisée (Jaguar C13S), qui est un polymère substantif selon le brevet litigieux, et qui n'est présente que dans la composition C, et le chlorure de stéaryldiméthyl benzyl ammonium, qui est en fait le Dehyquart CDB décrit à l'exemple 11 de D1, et qui n'est présent que dans la composition D. Dix personnes ont évalué le démêlage et la douceur des cheveux ainsi traités. Selon les résultats de l'évaluation, les dix testeurs ont constaté que la composition C, conforme à la revendication 1 du brevet litigieux, donne un effet de démêlage et de douceur supérieur à celui observé pour l'association de la même silicone avec le chlorure de stéaryldiméthyl benzyl ammonium décrite dans le document D1.

Sur la base de ces essais, il apparaît que les compositions revendiquées offrent par rapport aux compositions selon le document D1 une amélioration des effets de démêlage et de douceur des cheveux.

La requérante n'a pas produit de résultats d'essais qui pourraient remettre en question les avantages démontrés par les essais de l'intimée. Ainsi, la requérante n'a pas démontré que les compositions selon le brevet litigieux n'étaient que des alternatives aux compositions de l'état de la technique.

3.2.2. Par conséquent, le problème technique résolu par l'invention objet du brevet litigieux vis-à-vis D1 était d'améliorer les propriétés des compositions pour le soin des matières kératiniques au niveau du démêlage et de la douceur des cheveux.

3.3. Activité inventive

3.3.1. Les compositions selon la revendication 1 du brevet litigieux se distinguent des compositions connues du document D1 par la présence d'un polymère substantif. Pour l'évaluation de l'activité inventive, la question qui se pose est donc de savoir s'il était évident pour l'homme du métier à la lumière de l'état de la technique d'associer un polymère substantif à une silicone à fonction hydroxyacylamino pour améliorer les propriétés de démêlage et de douceur des cheveux.

3.3.2. Le document D1 traite du problème du jaunissement des fibres traitées par des silicones à fonction amino et propose comme solution la modification structurelle des silicones à fonction amino par réaction de ces dernières avec une lactone. Les silicones ainsi obtenues ont une fonction hydroxyacylamino de formule =NCO(CHRn)OH (page 2, lignes 8 à 14, 23 à 32). L'effet conditionnant des silicones sur les cheveux n'est abordé que dans l'exemple 11, qui démontre que la modification de structure des silicones n'a aucun effet remarquable sur le démêlage et sur la douceur des cheveux, et que par conséquent, les silicones à fonction amino ont les mêmes propriétés conditionnantes que les silicones à fonction hydroxyacylamino (page 11, lignes 33 à 36). Comme le document D1 ne mentionne pas la possibilité d'introduire dans les compositions un polymère substantif, aucun enseignement sur les effets positifs de l'association de ce type de polymère avec une silicone à fonction hydroxyacylamino ne peut être déduit de ce document.

3.3.3. Le document D2 décrit des shampooings contenant 5 à 30 % en poids d'un agent tensio-actif anionique, 0,1 à 5% en poids d'un polymère cationique et 0,01 à 10% en poids d'une silicone (page 1, revendication 1). Il n'a pas été contesté que les agents tensio-actifs anioniques et les polymères cationiques envisagés par le document D2 correspondent respectivement aux tensio-actifs détergents et aux polymères substantifs selon le brevet litigieux. Les silicones sont choisies parmi les diméthylpolysiloxanes, les methylphénylpolysiloxanes, les huiles de silicones modifiées par des groupes polyether, epoxy, fluoro, alcool ou alkyl, les silicones préférées étant les huiles de silicones à groupes polyether, les dimethylpolysiloxanes et les methylphenylpolysiloxanes (page 13, ligne 8 à page 15, ligne 9). Ces silicones ne comportent donc pas la fonction hydroxyacylamino requise pour les silicones selon la revendication 1 du brevet en opposition.

La requérante a fait valoir que le document D2 montrait que les effets bénéfiques sur le démêlage des cheveux n'étaient observés que lorsque les silicones étaient utilisées en combinaison avec des polymères substantifs, chacun de ces composants ne produisant pas individuellement, d'amélioration au niveau du démêlage des cheveux. Il était ainsi évident pour l'homme du métier, à la lumière de cet enseignement, d'introduire dans les compositions selon le document D1 un polymère substantif dans le but d'améliorer les propriétés conditionnantes.

La chambre ne peut partager ce point de vue pour les raisons suivantes :

L'invention décrite dans le document D2 a pour but de résoudre les problèmes que pose la présence simultanée dans les shampooings de l'art antérieur d'un agent détergent tensio-actif amphotérique ou anionique et un polymère substantif cationique. En effet, ces composants forment des complexes qui n'ont pas les propriétés conditionnantes souhaitées (page 2, dernier paragraphe à page 4, ligne 1). A la lumière de cet enseignement, l'homme du métier n'est donc pas incité à ajouter un polymère cationique aux compositions connues de D1, puisqu'elles contiennent un tensio-actif susceptible de former un complexe avec le polymère, et ainsi détériorer les propriétés conditionnantes. Il est vrai que selon le document D2, la présence de certaines silicones permet de palier à ce problème (page 4, deuxième paragraphe). Toutefois, les silicones préconisées par D2 sont des silicones ne comportant donc pas de groupe cationique, contrairement aux silicones à fonction hydroxyacylamino présentes dans les shampooings selon D1. Comme l'a fait valoir l'intimée, la présence d'un groupe cationique sur les silicones peut engendrer des problèmes supplémentaires de complexation avec les tensio-actifs anioniques des shampooings. L'homme du métier ne pouvait donc déduire de l'enseignement du document D2, qu'en présence de silicones à fonction hydroxyacylamino, donc structurellement éloignées des silicones préconisées dans D2, l'addition d'un polymère cationique à une composition renfermant un tensio-actif pouvait améliorer les effets de conditionnement de la composition.

Par conséquent, la combinaison des enseignements des documents D1 et D2 ne conduit pas de façon évidente aux compositions revendiquées.

3.3.4. Le document D3 décrit des compositions de shampooings aqueuses comprenant en addition avec de l'eau, de 2 à 40% en poids d'un surfactant anionique, non ionique ou amphotérique ou des mélanges de ces surfactants, de 0,01 à 10% en poids d'une silicone insoluble et non volatile et, de 0,5 à 5% en poids d'un agent de suspension choisi parmi les mono- ou diesters d'acide gras C16-22 d'un polyéthylène glycol avec 2 à 7. groupes éthylène oxyde (revendication 1). Ces shampooings peuvent également comporter de 0,1 à 5% en poids d'un agent de conditionnement cationique, choisi parmi les dérivés cationiques de cellulose et de gomme de guar (page 4, lignes 24 à 49, revendications 8 à 11). Les silicones sont choisies parmi les polyalkylsiloxanes, les polyalkylarylsiloxanes ou leurs mélanges, et les silicones à fonction polyamino (page 3, lignes 15 à 45). Les silicones à fonction hydroxyacylamino ne sont toutefois pas envisagées dans les shampooings selon le document D3, ce qui les distingue des compositions objet du brevet litigieux.

Bien que D3 mentionne les effets conditionnants des silicones d'une part et des agents conditionnants cationiques d'autre part, ce document concerne le problème de la mise en suspension des silicones dans les shampooings et préconise dans ce but l'utilisation d'un agent particulier de mise en suspension (page 2, lignes 13 à 19 et 26 à 27). L'homme du métier ne peut en déduire un enseignement qui le conduirait à combiner un agent conditionnant cationique et une silicone à fonction hydroxyacylamino afin d'améliorer les propriétés conditionnantes des shampooings selon le document D1.

Par conséquent, une combinaison des enseignements des documents D1 et D3 ne peut conduire l'homme du métier de façon évidente aux compositions objet du brevet litigieux.

3.3.5. La requérante a fait valoir, que les effets positifs observés sur le conditionnement des cheveux lors de l'utilisation des compositions revendiquées, ne pouvaient être considérés que comme un effet supplémentaire ou "bonus" qui, selon la jurisprudence constante des chambres de recours, ne devrait pas fonder une activité inventive.

Toutefois, dans la présente affaire l'état de la technique n'incite pas l'homme du métier à combiner les différents ingrédients des compositions revendiquées dans le brevet litigieux (paragraphes 3.4 à 3.5). Ces compositions ne sont donc pas, comme le sous-entend la requérante, le résultat d'une situation "à sens unique" pour laquelle l'obtention d'un effet supplémentaire n'est pas nécessairement un indice d'activité inventive (La Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, 4ème Édition 2001, I.D.7.7.1).

3.3.6. Lors de la procédure orale la requérante a présenté pour la première fois une argumentation partant des documents D2 ou D3 comme représentant l'état de la technique le plus proche, et en considérant les compositions revendiquées comme des alternatives aux compositions divulguées dans ces documents. Cette nouvelle ligne d'argumentation remet en cause la reconnaissance d'une amélioration des propriétés conditionnantes des compositions selon le brevet litigieux par rapport à l'état de la technique. La requérante n'a toutefois pas présenté de preuves à l'appui de cette argumentation. En outre, par la présentation tardive de cette argumentation, l'intimée n'a pas eu l'occasion d'effectuer des essais qui auraient pu démontrer un effet avantageux des compositions revendiquées par rapport aux compositions divulguées dans ces documents. D'autre part, les silicones selon les documents D2 et D3 ne comportent pas la fonction hydroxyacylamino requise par le brevet litigieux, contrairement aux silicones envisagées par le document D1. Il apparaît donc que les documents D2 et D3 représentent un état de la technique plus éloigné de l'objet du brevet litigieux que le document D1. Pour ces raisons la chambre ne juge ni nécessaire, ni opportun, de développer l'analyse de l'activité inventive en partant de ces documents.

3.3.7. Les compositions selon la revendication 1 du brevet tel que délivré impliquent donc une activité inventive.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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