T 0569/99 () of 26.6.2002

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2002:T056999.20020626
Date de la décision : 26 Juin 2002
Numéro de l'affaire : T 0569/99
Numéro de la demande : 92102313.1
Classe de la CIB : C08L 9/06
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition de caoutchouc et enveloppes de pneumatiques à base de ladite composition
Nom du demandeur : COMPAGNIE GENERALE DES ETABLISSEMENTS MICHELIN-MICHELIN & CIE
Nom de l'opposant : The Goodyear Tire & Rubber Company
Brigestone Corporation
Chambre : 3.3.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
-
Mot-clé : Exposé suffisant (non)
Extension de la protection (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0689/90
T 0552/91
T 0805/93
T 0676/94
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0520/06

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 92 102 313.1 déposée le 12. février 1992, pour laquelle a été revendiquée la priorité du 25 février 1991 fondée sur un dépôt antérieur en France (FR 9102433), a donné lieu le 6. décembre 1995 (Bulletin 95/49) à la délivrance du brevet européen n° 0 501 227 sur la base de 19 revendications, la revendication 1 s'énonçant comme suit :

"Composition de caoutchouc vulcanisable au soufre à base d'un copolymère dé diène conjugué et d'un composé vinyle aromatique comportant de la silice à titre de charge, caractérisée en ce qu'elle est obtenue par travail mécanique d'un copolymère de diène conjugué et d'un composé vinyle aromatique préparé par polymérisation en solution dans un solvant hydrocarboné, ayant une teneur globale en composé vinyle aromatique comprise entre 5 % et 50 % et une température de transition vitreuse (Tg) comprise entre O°C et -80°C avec 30 à 150 parties en poids pour 100 parties en poids d'élastomère d'une silice présentant une surface BET comprise entre 100 et 250 m2/g, une surface CTAB comprise entre 100 et 250 m2/g, une prise d'huile mesurée en DBP comprise entre 150 et 250 ml/100 g et une aire projetée moyenne des agregats supérieure à 8500 nm2 avant mise en oeuvre et comprise entre 7000 et 8400 nm2 après mélangeage thermomécanique ainsi que les additifs conventionnellement utilisés, à l'exception du système de vulcanisation, comportant au moins une étape thermique atteignant une température maximale comprise entre 130°C et 180°C pendant une durée appropriée qui est fonction de la température choisie pour le travail mécanique, de la nature et du volume des constituants soumis audit travail thermo-mécanique et qui est comprise entre 10 secondes et 20 minutes, suivie d'une étape de finition durant laquelle est ajouté le système de vulcanisation par travail mécanique à une température inférieure à la température de vulcanisation."

Les revendications 2 à 10 étaient des revendications dépendantes portant sur des compositions de caoutchouc préférées telles que définies dans la revendication 1.

La revendication indépendante 11 s'énonçait comme suit :

"Bande de roulement de pneumatique, caractérisée en ce qu'elle comporte une composition de caoutchouc obtenue par travail mécanique d'un copolymère de diène conjugué et d'un composé vinyle aromatique préparé par polymérisation en solution dans un solvant hydrocarboné ayant une teneur globale en composé vinyle aromatique comprise entre 5 % et 50 % en poids et une température de transition vitreuse (Tg) comprise entre O°C et -80°C avec 30 à 150 parties en poids pour 100 parties en poids d'élastomère d'une silice présentant une surface BET comprise entre 100 et 250 m2/g, une surface CTAB comprise entre 100 et 250 m2/g, une prise d'huile mesurée en DBP comprise entre 150 et 250 ml/100 g et une aire projetée moyenne des agregats supérieure à 8500 nm2 avant mise en oeuvre et comprise entre 7000 et 8400 nm2 dans la bande de roulement ainsi que les additifs conventionnellement utilisés, à l'exception du système de vulcanisation, comportant au moins une étape thermique atteignant une température maximale comprise entre 130°C et 180°C pendant une durée appropriée qui est fonction de la température choisie pour le travail mécanique, de la nature et du volume des constituants soumis audit travail thermo-mécanique et qui est comprise entre 10 secondes et 20 minutes suivie d'une étape de finition durant laquelle est ajouté le système de vulcanisation par travail mécanique à une température inférieure à la température de vulcanisation."

Les revendications 12 à 16 étaient dépendantes de la revendication 11.

La revendication indépendante 17 était libellée comme suit :

"Pneumatique caractérisé en ce qu'il possède une bande de roulement vulcanisée au soufre comportant une composition de caoutchouc obtenue par travail mécanique d'un copolymère de diène conjugué et d'un composé vinyle aromatique préparé par polymérisation en solution dans un solvant, hydrocarboné ayant une teneur globale en composé vinyle aromatique comprise entre 5 % et 50 % et une température de transition vitreuse (Tg) comprise entre O°C et -80°C avec 30 à 150 parties en poids pour 100 parties en poids d'élastomère d'une silice présentant une surface BET comprise entre 100 et 250 m2/g, une surface CTAB comprise entre 100 et 250 m2/g, une prise d'huile mesurée en DBP comprise entre 150 et 250 ml/100 g et une aire projetée moyenne des agregats supérieure à 8500 nm2 avant mise en oeuvre et comprise entre 7000 et 8400 nm2 dans le pneu ainsi que les additifs conventionnellement utilisés, à l'exception du système de vulcanisation, comportant au moins une étape thermique atteignant une température maximale comprise entre 130°C et 180°C pendant une durée appropriée qui est fonction de la température choisie pour le travail mécanique, de la nature et du volume des constituants soumis audit travail thermo-mécanique et qui est comprise entre 10 secondes et 20 minutes suivie d'une étape de finition durant laquelle est ajouté le système de vulcanisation par travail mécanique à une température inférieure à la température de vulcanisation."

La revendication indépendante 18 s'énonçait comme suit :

"Procédé de préparation d'une composition de caoutchouc vulcanisable au soufre à base d'un copolymère de diène conjugué et d'un composé vinyle aromatique comportant de la silice à titre de charge, caractérisé en ce que l'on mélange par travail mécanique sur outil un copolymère de diène conjugué et d'un composé vinyle aromatique préparé par polymérisation en solution dans un solvant hydrocarboné ayant une teneur en styrène comprise entre 5. % et 50 % et une température de transition vitreuse comprise entre O°C et -80°C, seul ou en association avec un autre élastomère diénique, avec 30 à 150 parties en poids d'élastomère d'ùne silice présentant une surface BET comprise entre 100 et 250 m2/g, une surface CTAB comprise entre 100 et 250 m2/g et une prise d'huile mesurée en DBP comprise entre 150 et 250 ml/100 g et une aire projetée moyenne des agrégats supérieure à 8500 nm2 avant mise en oeuvre et éventuellement une autre charge renforçante présente en quantité pondérale minoritaire par rapport à la silice ainsi que les additifs conventionnellement utilisés à l'exception du système de vulcanisation de manière à ce que le travail mécanique comporte au moins une étape thermique atteignant une température maximale comprise entre 130°C et 180°C pendant une durée appropriée qui est fonction de la température choisie pour le travail mécanique, de la nature et du volume des constituants soumis audit travail thermo-mécanique qui diminue l'aire projetée moyenne des agrégats de silice pour qu'elle soit comprise entre 7000 et 8400 nm2 après mélangeage thermomécanique, ladite durée étant comprise entre 10 secondes et vingt minutes et que l'on incorpore ensuite par travail mécanique de finition au mélange obtenu le système de vulcanisation à une température inférieure à la température de vulcanisation."

La revendication 19 était une revendication dépendante de la revendication 18.

II. Deux oppositions ont été formées à l'encontre du brevet européen précité, le 4 septembre 1996 par la société The Goodyear Tire & Rubber Company (opposante I), et le 6. septembre 1996 par la société Bridgestone Corporation (Opposante II), dans lesquelles la révocation du brevet était requise au titre des motifs énoncés aux Articles 100(a) (manque de nouveauté, manque d'activité inventive) et 100(b) (insuffisance de l'exposé de l'invention) CBE. Au cours de la procédure d'opposition les documents suivants ont été, entre autres, pris en considération :

D2: EP-A-0 217 701,

D6: EP-A-0 157 703,

D8: Norme ASTM D 3849-80,

D20: EP-A-0 170 579,

D31: US-A-5 403 570,

D31bis: FR-A-2 678 259,

D36: Déclaration de Mr. Leo Porter de la Société Goodyear Tire & Rubber Company, datée du 28. décembre 1998,

D37: Déclaration du Dr. John P. Bradley de la Société MVA Inc., datée du 30 décembre 1998.

D38: Seconde déclaration du Dr. John P. Bradley de la Société MVA Inc., datée du 30 décembre 1998,

D40: Troisième déclaration du Dr. John P. Bradley de la Société MVA Inc., datée du 30 décembre 1998,

E12: EP-A-0 520 862,

E13: Avis du Professeur Dr. Claus D. Eisenbach daté du 5. janvier 1999 et Annexe I à cet avis,

E14: Annexe II de l'avis du Professeur Dr. Claus D. Eisenbach daté du 5 janvier 1999, et

E17: Déclaration de Mr. Marc Delenne de la Société Rhodia datée du 26 février 1999.

III. Par décision annoncée à la procédure orale du 10. mars 1999 et signifiée le 5 mai 1999, la Division d'opposition a revoqué le brevet au motif qu'il n'exposait pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (Article 100 (b) CBE).

La décision de la Division d'Opposition était basée sur les revendications 1 à 16 telles que soumises avec la lettre du 26 février 1999 de la titulaire du brevet.

Les revendications indépendantes 1, 10, 15 et 16 de ce jeu de revendications se différencient respectivement des revendications indépendantes 1, 11, 17 et 18 telles que délivrées par l'incorporation de l'expression "et s'accompagne d'une maximisation du rapport module d'allongement à 300% /module d'allongement à 100%" entre les termes "20 minutes" et "suivie d'une étape de finition" dans le libellé des revendications 1, 10, et 15. et entre les termes "vingt minutes" et "et que l'on incorpore" dans celui de la revendication 16.

Les revendications dépendantes 2 à 9 et 11 à 14 correspondent respectivement aux revendications 3 à 10 et 12 à 16 telles que délivrées.

Dans la décision, il a été constaté que le brevet ne comportait pas une divulgation suffisamment claire et complète de la méthode de mesure de l'aire projetée moyenne des agrégats (en abrégé APA) pour permettre à l'homme du métier de déterminer l'APA de la silice de manière fiable et reproductible avant mise en oeuvre et après mélangeage thermomécanique. Il en résultait donc que le critère de'sélection des silices spécifiées dans les revendications du brevet qui se basait sur les mesures de l'APA n'était pas utilisable.

En particulier, le brevet ne contenait aucune indication relative aux seuils d'exclusion inférieur et supérieur à utiliser pour déterminer 11APA, dont la valeur, comme admis par la titulaire du brevet, dépendait des seuils d'exclusion sélectionnés.

Selon la décision, même si l'on avait admis qu'il était naturel d'avoir recours à la norme ASTM D 3849-80 pour déterminer 11APA, bien qu'elle n'eut pas été mentionnée dans le brevet en cause, il n'aurait pas été évident d'adopter les modifications de cette norme préconisées par la titulaire, en particulier le choix du seuil inférieur d'exclusion fixé à 1256 nm2, plutôt que celles divulguées dans les documents D2 ou D20 publiés antérieurement à la date de dépôt du brevet et qui se référaient à un seuil d'exclusion inférieur de 500 nm2.

La référence faite par la titulaire du brevet à la silice particulière obtenue selon le procédé décrit dans le document D6 ne permettait pas de surmonter l'insuffisance de description, puisque ce document décrivait des silices ayant des prises d'huiles DBP supérieures à celles des silices à utiliser selon le brevet contesté. Cette référence était donc soit erronée soit insuffisante.

De même, la référence à la silice zéosil 1165 MP commercialisée par la société Rhône Poulenc faite par la titulaire du brevet ne pouvait pas être pertinente puisque cette silice avait été produite selon le procédé décrit dans le document D31 publié après la date de dépôt du brevet et que ce procédé ne correspondait pas à celui de D6.

IV. Le 25 mai 1999, la Requérante (titulaire du brevet) a formé un recours à l'encontre de la décision de la Division d'opposition. La taxe de recours a été acquittée le même jour.

Avec le mémoire de recours reçu le 10 Septembre 1999, la Requérante a soumis sept jeux de revendications subsidiaires. En particulier, la revendication 1 de la troisième requête subsidiaire (la seule maintenue à la procédure orale du 26 juin 2002 ; voir Chapitre VIII ci-après) s'énonce comme suit :

"Composition de caoutchouc vulcanisable au soufre à base d'un copolymère de diène conjugué et d'un composé vinyle aromatique comportant de la silice à titre de charge, caractérisée en ce qu'elle est obtenue par travail mécanique d'un copolymère de diène conjugué et d'un composé vinyle aromatique préparé par polymérisation en solution dans un solvant hydrocarboné, ayant une teneur globale en composé vinyle aromatique comprise entre 5 % et 50 % et une température de transition vitreuse (Tg) comprise entre O°C et -80°C avec 30 à 150 parties en poids pour 100 parties en poids d'élastomère d'une silice présentant une surface BET comprise entre 100 et 250 m2/g, une surface CTAB comprise entre 100 et 250 m2/g, une prise d'huile mesurée en DBP comprise entre 150 et 250 ml/100 g, obtenue par le procédé qui comprend les étapes suivantes :

a) formation d'un pied de cuve renfermant une partie du silicate total,

b) addition d'un acide jusqu'à apparition du gel,

c) observation d'un arrêt de l'ajout d'acide et mûrissement du gel,

d) addition d'acide,

e) post-traitement,

f) filtration, lavage et séchage de la suspension et récupération du produit obtenu,

- le pied de cuve à l'étape (a) renfermant de 60% à 100% en poids de silicate,

- le couple temps/température à l'étape (b) étant réglé de manière à provoquer la gélification entre 10 et 50 minutes,

- un arrêt à la gélification de 5 à 30 minutes étant observé,

- après arrêt, l'addition d'acide étant reprise jusqu'à obtenir un pH au plus égal à 9, suivie du post-traitement, consistant en l'addition simultanée des réactifs à une valeur de pH compris entre 7 et 9 ou en un traitement acide à pH décroissant,

- un électrolyte étant introduit dans au moins une des étapes (a), (b), (c), (d) et (e),

ainsi que les additifs conventionnellement utilisés, à l'exception du système de vulcanisation, comportant au moins une étape thermique atteignant une température maximale comprise entre 130°C et 180°C pendant une durée appropriée qui est fonction de la température choisie pour le travail mécanique, de la nature et du volume des constituants soumis audit travail thermo-mécanique, qui est comprise entre 10 secondes et 20 minutes, suivie d'une étape de finition durant laquelle est ajouté le système de vulcanisation par travail mécanique à une température inférieure à la température de vulcanisation, de manière à maximiser le rapport module d'allongement à 300%/module d'allongement à 100%."

Avec le mémoire de recours, la Requérante a également soumis les documents suivants:

E22: R. K. ILER "The Chemistry of Silica" John Wiley, 1979, page 464,

E23: EP-A-0 018 866,

E28: EP-A-0 396 450,

E29: Revue Générale du Caoutchouc et Plastiques, Volume 47, No. 11, 1970, pages 1307-1314,

E30: Déclaration du Professeur Jean Baptiste Donnet, datée du 2 septembre 1999,

E31: Déclaration de M. Jean Machurat, datée du ler septembre 1999,

E32: F. Bomo et al, "Quantitative Determination of the Morphology of Precipitated Silica. Relationship Between Morphology Specific Surface Area And Mechanical Properties Of Filled Elastomers" présenté à l' American Society, Cleveland, Ohio, ler-4 octobre 1985, pages 1 - 13,

E33: A. Voet et al "Reinforcement Of Elastomers By Silica", Rubber Chemistry and Technology, Volume 50, No.2, Mai-Juin 1977, pages 342-350,

E34: "Informations Chimie" No.243, Novembre 1983, pages 287-298, et

E35: Photographies de compositions de caoutchouc comprenant de la'silice zeosil 1165 MP, après travail thermomécanique.

V. Les Intimées I et II (Opposantes I et II) ont présenté leurs observations par l'ettres datées respectivement du 2. et du 5 juin 2000.'L'Intimée I a en outre cité, entre autres, les documents suivants :

Gl: Déclaration du Dr. John Bradley datée du 9. mars 2000,

G2: Deuxième déclaration du Dr. John Bradley datée du 9 mars 2000, et

G8: Déclaration du Dr. John Bradley datée du 10. mars 2000.

VI. Avec sa lettre du 28 mars 2002, la Requérante a répondu aux observations des Intimées I et II et a également soumis, parmi d'autres, le document suivant :

E37: "The Particle Atlas" Edition 2, Ann Arbor Science Publishers Inc., Ann Arbor Michigan, Volume I, 1973 ; pages 204-271,

VII. Faisant suite à la réponse datée du 29 mai 2002 de l'Intimée I, la Requérante présenté ses contre-arguments par lettre du 12 juin 2002. Avec sa lettre du 21. juin 2002, l'Intimée I a, quant à elle fourni une déclaration du Dr. Walter Mc.Crone, l'un des auteurs du document E37.

VIII. Au cours de la procédure orale qui s'est déroulée le 26. juin 2002, la,Requérante a retiré les requêtes subsidiaires 1, 2, 4, 5, 6, et 7.

Lors de cette procédure orale, la discussion s'est focalisée sur la divulgation de la méthode de détermination de l'APA par le brevet en cause en ce qui concerne la requête principale, et sur la substitution de la référence à l'APA avant et après travail thermomécanique des silices utilisées selon l'invention par leur procédé d'obtention, en ce qui concerne la troisième requête auxiliaire.

Les parties ont développé leurs arguments sur ces deux points en se basant essentiellement sur leurs soumissions faites durant la procédure écrite. L'ensemble des arguments des parties peut être résumé de la façon suivante :

(i) Concernant la requête principale :

(i.1) De la part de la Requérante :

(i.1.1) La Requérante a indiqué que la détermination de l'APA selon le brevet en cause ne devait pas être considérée comme une méthode scientifique mais comme un instrument statistique pour l'homme du métier.

(i.1.2) Dans le cas présent l'homme du métier était représenté par un groupe de personnes comprenant des fabricants de silice, des fabricants de compositions de caoutchouc et de pneus, des techniciens de la microscopie électronique et de la caractérisation des matériaux.

(i.1.3) La seule méthode existante à la date de dépôt du brevet en cause pour la détermination de l'aire projetée des agrégats pour une charge renforçante pour le caoutchouc, c'est à dire le noir de carbone, était la norme ASTM 3849-80. Celle ci était d'ailleurs utilisée dans les documents D2 et D20.

(i.1.4) Il était également évident (voir document E22) que la technologie des silices finement divisées était en évolution rapide pendant la période précédant l'invention faisant l'objet du brevet en cause. Il en découlait, comme indiqué dans la décision T 676/94 du 6. février 1996 (non publiée dans le JO OEB), que les fascicules de brevet et les publications scientifiques faisaient partie des connaissances générales de l'homme du métier.

(i.1.5) Par conséquent, bien que la norme ASTM-D 3849-80 n'eût pas été explicitement mentionnée dans la description du brevet en cause, elle faisait donc partie des connaissances générales de l'homme du métier (voir en particulier documents D2 et D20).

(i.1.6) Il en découlait, selon la Requérante, que le seuil d'exclusion inférieur pour la mesure de détermination de l'APA selon le brevet en cause devait être naturellement fixé par rapport aux plus petits agrégats présents dans le noir de carbone, c'est à dire correspondant à un diamètre de 40 nm et donc à une surface projetée de 1256 nm2.

(i.1.7) Cette valeur de 40 nm correspondait également, selon elle, à la taille maximale des particules élémentaires de silice renforçantes (voir documents E30, E31, E33, et E34), que l'on désirait donc exclure lors de la détermination de l'APA des agrégats. Ce choix était basé sur les connaissances de l'homme du métier selon lesquelles les objets renforçants étaient les agrégats et non les particules élémentaires (voir documents D2, D20, E23, E28, E29, E30, E31, et E32).

(i.1.8) Cette valeur de seuil inférieur éliminait aussi les pollutions et les artefacts liés aux conditions de mesure (défauts de contraste, défauts de la membrane et de préparation, par exemple).

(i.1.9) En outre, tout opérateur de microscopie électronique savait avant la date de priorité du brevet en cause que la borne supérieure des objets quantifiables en microscopie électronique par transmission était le micron (voir E37 ; page 259, figure 324). Il en découlait, selon la Requérante, que l'homme du métier aurait naturellement utilisé cette borne supérieure qui correspondait à une aire projetée des agrégats de 785 398 nm2.

(i.1.10) Le document D20 ne faisait pas référence aux seuils d'exclusion. Le document D2 faisait, certes, référence au seuil minimal d'exclusion mais, comme le document D20, il ne divulguait aucun des paramètres mentionnés dans l'annexe I de l'acte d'opposition de l'Opposante II. Il était donc évident que l'homme du métier pouvait sans effort excessif effectuer les mesures d'aire projetée sur la base des indications contenues dans la norme ASTM D 3849-80 et de ses connaissances générales.

(i.1.11) Le seuil de 150 à 161 nm2 avait été adopté par l'Opposante I pour avoir une représentation de l'APA de tous les agrégats de silice. Ceci ne tenait pas compte du but de la mesure de l'APA selon le brevet en cause qui était de discriminer les silices hautement dispersables et renforçantes de celles qui ne l'étaient pas.

(i.1.12) En tout état de cause, l'influence des objets ayant une APA inférieure à 1256 nm2 sur les propriétés du caoutchouc était négligeable, vu qu'ils représentaient moins de 5% en surface et moins de 1% en volume et masse (voir Annexe 3 du mémoire de recours, voir aussi E35).

(i.1.13) Le seuil de 500 nm2 choisi par l'Opposante II était certes mentionné dans D2, mais ce document divulguait des particules élémentaires de silice ayant un diamètre de 5 à 20 nm.

(i.1.14) En outre, le choix opéré par l'Opposante II reposait sur la mesure du diamètre des particules des deux seules silices zeosil 1165 MP et zeosil 175 MP visées dans le brevet en cause au lieu de considérer la valeur de 40. nm puisqu'il s'agissait, selon l'invention, de discriminer les silices hautement dispersables parmi toutes les silices comme enseigné dans E34.

(i.2) De la part des Intimées:

(i.2.1) Il était évident au vu de la comparaison entre les exemples C (silice classique) et les exemples S et I (silice selon l'invention) que le paramètre APA avant et après travail thermomécanique était la seule caractéristique qui permettait de.sélectionner les silices à utiliser parmi les silices connues. Il était donc impératif que la description de la méthode de détermination de ce paramètre soit complète afin de permettre une mesure fiable et reproductible et toute insuffisance dans la description de la méthode de mesure de l'APA résultait donc en insuffisance de description de la silice à employer pour reproduire l'invention.

(i.2.2) Le recours à la norme ASTM 3849-80 n'était nullement évident car la silice différait totalement du noir de carbone. Le fait que D2 et D20 eussent choisi d'adapter la méthode décrite dans D8 pour le noir de carbone, n'impliquait pas que la même démarche dût être faite dans le brevet en cause qui ne contenait aucune référence à cette norme. En outre, la présente invention était basée sur la distinction à faire entre agrégats de silice et particules élémentaires de silice, alors que les noirs de carbone renforçants contenaient uniquement des agrégats (voir E29)

(i.2.3) Même si l'on partait de la norme ASTM 3849-80, il manquerait encore l'indication de paramètres et de conditions à utiliser pour la détermination de l'APA.

(i.2.4) En fait, de nombreux paramètres essentiels pour la mesure n'étaient pas indiqués dans le brevet en cause. En particulier, la puissance ultrasonique appliquée pour la dispersion, le niveau de gris, et le champ de vision utilisés pour la détermination de l'APA lors de l'analyse d'image avaient une influence importante sur la valeur de l'APA (voir Tableaux 2 et 3 du document E14; Pages 6 et 7 de la lettre de l'Intimée I du 4. septembre 1996; document G8).

(i.2.5) De plus, le brevet ne contenait aucune indication concernant la fixation des seuils d'exclusion qui étaient essentiels pour la détermination de l'APA comme admis par toutes les parties.

(i.2.6) Bien que la norme ASTM ne divulguât aucune valeur pour les seuils inférieur et supérieur de manière explicite, il était cependant possible de déduire un seuil inférieur de 177 nm2 de la figure 4 de D8 (voir document Gl). La valeur de 1256 nm2 mentionnée par la Requérante n'était donc pas dérivable de cette norme.

(i.2.7) Dans l'annexe III du procès verbal de la procédure orale du 10 mars 1999 (Document E20), la Requérante avait expliqué que les objets comprenant plus d'une particule élémentaire étaient pertinents pour le renforcement. AU vu de la référence au noir de carbone N 234 qui avait une dimension de particule élémentaire de l'ordre de 20 nm, le seuil d'exclusion devait donc être fixé, selon la Requérante, à 2 X 20 = 40 nm soit un APA de 1256 nm2 . Dans son mémoire de recours, la Requérante argumentait, au contraire, que la valeur de 40 nm représentait la taille maximale des particules élémentaires de silice.

(i.2.8) Les documents E30 et E31 donnaient des dimensions de particules élémentaires de silice variant entre 10 ou 13 nm et 40 nm pour des silices précipitées. En outre, la valeur de 40 nm pour les particules élémentaires de silice était totalement arbitraire (voir par exemple document D20).

(i.2.9) Il était également admis par toutes les parties que seuls les agrégats avaient une action renforçante.

(i.2.10) Le seuil de 150-161 nm2 utilisé par l'Intimée I était donc justifié car, pour mesurer la valeur moyenne d'APA, il était nécessaire de tenir compte de tous les agrégats présents. En outre, les documents D36, D37 et D38 montraient que ce seuil était une valeur raisonnable car il tenait compte des petits agrégats qui étaient importants pour l'action renforçante. Le choix effectué par l'Intimée II du seuil inférieur de 500 nm2 était, quant à lui, basé sur celui défini dans D2 qui était le seul document qui divulguait une méthode de mesure d'APA de silice. Ces deux démarches différentes étaient toutes les deux légitimes.

(i.2.11) En outre, la silice zeosil 1165 MP présentait des diamètres de particules élémentaires compris entre 10 et 2O nm, c'est à dire bien en dessous de la valeur de 40 nm fixée par la Requérante. Par conséquent, un grand nombre d'agrégats comprenant de 2 à 4 particules élémentaires et dont le rôle renforçant était primordial ne serait pas pris en compte.

(i.2.12) Le seuil de 1256 nm2 ne pouvait éviter la prise en compte de défauts ou de contaminations car leur APA (voir document G2) n'était pas limitée à cette valeur et pouvait être bien plus élevée.

(i.2.13) Comme montré par les documents D37 et D38 le choix d'un seuil de 1256 nm2 éliminait 35 à 58% des agrégats. L'argument de la Requérante selon lequel l'exclusion de 50% des objets en nombre représentait moins de 5% de la population en surface et moins de 1% en poids et que ceci n'avait aucune influence sur les propriétés macroscopiques du caoutchouc n'était pas pertinent puisque seul l'APA et non la surface ou le volume total était le critère de sélection des silices.

(i.2.14) La valeur de seuil supérieur de 785 398 nm2 utilisé par la Requérante, correspondant à un diamètre de 1 micron, ne représentait en aucune façon la dimension maximale des objets examinés en microscopie électronique par transmission qui pouvait en fait atteindre 10. microns (voir déclaration du Dr Walter C. McCrone soumise avec la lettre du 21. juin 2002 de l'Intimée I).

(ii) Concernant la troisième requête auxiliaire :

(ii.1) De la part de la Requérante :

(ii.1.1) Dans le brevet en cause il était fait référence à la silice selon le procédé décrit dans la demande de brevet européen EP-A-0 157 703 (page 4, lignes 5 à 6 du brevet en cause).

(ii.1.2) Le passage dans le tableau 1, lignes 30 à 31 qui se référait à une silice selon le brevet EP-A-157 703 était, selon elle, simplement un raccourci de cette expression. Il ne pouvait donc être conclu que le brevet en cause faisait référence aux silices exemplifiées dans D6.

(ii.1.3) Selon la Requérante, la question qui se posait était donc de savoir si le document D6 permettait à l'homme du métier de préparer une silice satisfaisant simultanément aux caractéristiques CTAB, BET et DBP spécifiées dans le brevet en cause.

(ii.1.4) En raison de la quasi-identité des procédés de précipitation décrits dans D6 et E12 et de la quasi-identité des procédés de traitement de la bouillie ou de la suspension de silice résultants des procédés de précipitation décrits dans D6 et E12, il était démontré, selon la Requérante, comment il était possible à partir du procédé de précipitation de D6 complété par la mise en oeuvre des connaissances de base de l'homme du métier d'ajuster les valeurs de DBP et d'obtenir à coup sûr la silice particulière utilisée dans les exemples du brevet en cause.

(ii.1.5) En outre, dans le document E17 il avait été attesté que les procédés décrits dans ces brevets permettaient d'obtenir des silices ayant une aire projetée moyenne des agrégats avant mise en oeuvre supérieure à 8500 nm2.

(ii.1.6) La Requérante a égalememt soumis que le procédé de D6 permettait en lui même par les opérations de séchage et d'atomisation auxquelles il faisait référence d'obtenir la silice à utiliser selon l'invention. Cela était évident au vu des documents D2 (voir page 3, lignes 1 à 10; page 6, lignes 1 à 34; exemple S2) et D20 (voir Exemple 9).

(ii.1.7) Selon la Requérante, la silice utilisée dans les exemples du brevet en cause était la silice S2 de D2 qui correspondait également à la silice de l'exemple 10 de D6, les valeurs de prise d'huile DBP indiquées dans D6 étant selon elle erronées.

(ii.1.8) La substitution de caractéristiques structurelles (APA) par des caractéristiques de procédé ("produit par procédé") était, selon la Requérante, en accord avec les principes définis dans la décision T 552/91 (JO OEB, 1995, 100).

(ii.1.9) Elle a en outre soumis que la caractéristiques APA des silices n'était pas essentielle pour l'invention. La valeur de l'APA après travail thermomécanique était uniquement la résultante de la maximisation du rapport MA300/MAlOO.

(ii.1.10) Les silices telles que définies dans la revendication 1 de la troisième requête subsidiaire étaient limitées à celles obtenues par le procédé décrit dans le document D6. Il ne pouvait donc en résulter, selon la Requérante, une extension de la protection conférée par rapport à la revendication 1 telle que délivrée.

(ii.1.12) Par conséquent, la Requérante a conclu que la revendication l de la troisième requête subsidiaire était conforme aux exigences des Articles 123(2) et 123 (3) CBE.

(ii.2) De la part des Intimées :

(ii.2.1) Il était évident que le procédé décrit dans D6 ne conduisait pas à des silices ayant la DBP requise par le brevet en cause. La réduction de la DBP exigeait des étapes supplémentaires comme le compactage, dont il n'était pas exclu qu'elles modifiassent les autres caractéristiques de la silice obtenues selon le procédé de D6 comme les surfaces BET, CTAB ainsi que l'APA.

(ii.2.2) L'APA des silices obtenues n'était absolument pas mentionné dans D6 et ce document n'était pas du tout concerné par cette caractéristique.

(ii.2.3) Il n'était pas établi que les silices obtenues par le procédé de D6 eussent inévitablement l'APA requis avant travail thermomécanique. Le procédé de D6 ne conduisait donc pas inévitablement aux silices telles que définies dans le brevet.en cause en termes de BET, CTAB, APA et DBP. La référence faite par la Requérante à la décision T 552/91 n'était donc pas pertinente.

(ii.2.4) La référence faite par la Requérante aux documents D2 et D20 n'était pas pertinente pour prouver que le procédé de D6 conduisait inévitablement aux silices selon l'invention. La silice S2 dans D2 présentée comme inventive avait en fait une DBP située entre 400 et 640 ml/g. En outre, le document E17 soumis par la Requérante montrait, en fait, que le procédé de D6 ne conduisait pas nécessairement à une silice ayant les valeurs APA requises par le brevet en cause.

(ii.2.5) La Requérante avait aussi admis que des étap es supplémentaires par rapport au procédé décrit dans D6 étaient nécessaires pour obtenir la silice à utiliser selon le brevet en cause. Comme ces étapes supplémentaires n'étaient pas divulguées dans le brevet en cause, la Requérante s'était référée en particulier au document E12, qui n'était même pas publié à la date de priorité du brevet en cause.

(ii.2.6)L'introduction du procédé de D6 dans la revendication 1 ne répondait pas aux critères exposés dans la décision T 689/90 pour une modification basée sur un document de référence cité dans la description de l'invention en particulier puisque D6 n'était pas du tout concerné par l'APA et que les modifications nécessaires pour obtenir une basse DBP auraient entraîné une modification de la morphologie spécifique des silices selon D6, contraire à l'enseignement de ce document (voir D6, page 6, lignes 30 à 33).

(ii.2.7) Il n'y avait aucune preuve que les valeurs de DBP obtenues dans les exemples de D6 fussent erronées. Au contraire, la valeur obtenue dans l'exemple 10 pour une CTAB de 165 était totalement en accord avec la fourchette de valeurs définies dans la revendication 1 de D6.

(ii.2.8) Il n'y avait pas non plus de correspondance exacte entre la maximisation du rapport MA300/MAlOO et la fourchette de valeurs de l'APA après travail thermomécanique telle que définie dans la revendication 1 telle que délivrée. Il s'agissait de deux caractéristiques différentes et la maximisation du rapport MA300/MAlOO ne pouvait se substituer à l'indication des,valeurs d'APA après travail thermomécanique. En outre, la maximisation de ce rapport était simplement une caractéristique préférée selon le brevet tel que délivré. Sur ce point, il convenait de noter que seul l'exemple 4 du brevet en cause faisait référence au rapport MA300/MA100, sans qu'il fût clair qu'une maximisation eût été obtenue puisque seulement deux valeurs de ce rapport avaient été divulguées dans cet exemple.

(ii.2.9) les Intimées ont donc conclu que la revendication 1 de la troisième requête auxiliaire contrevenait aux exigences des Articles 123(2) et 123(3) CBE.

IX. La Requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 16 de la requête datée du 26. février 1999, ou sur la base de la troisième requête auxiliaire soumise avec le mémoire de recours.

Les intimées ont demandé le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

Documents soumis tardivement

2. La Chambre a été confrontée à un grand nombre de documents soumis pour la première fois dans la phase de recours. A l'exception des déclarations faisant l'objet des documents E30 et E31, qui représentent, selon la Chambre, de nouveaux arguments et non des preuves et des faits nouveaux, il ne s'est pas avéré nécessaire de se référer aux autres documents tardifs dans les motifs de la présente décision. Il n'est donc pas nécessaire pour la Chambre de statuer sur leur admission dans la procédure.

Requête principale

3. Le jeu de revendications 1 à 16 de cette requête correspond à celui sur lequel la décision de la Division d'Opposition était basée. Ces revendications ont été jugées conformes aux dispositions des Articles 123(2) et 123(3) CBE par la Division d'Opposition et ceci n'a pas été contesté par les Opposantes (Intimées). La Chambre ne voit aucune raison de ne pas partager cette conclusion.

Article 100(b) CBE

4. La revendication 1 de la requête principale a traità une composition de caoutchouc vulcanisable comprenant en tant que charge de la silice, cette silice étant caractérisée en ce qu'elle présente :

(i) une surface BET comprise entre 100 et 250 m2/g,

(ii) une surface CTAB comprise entre 100 et 250 m2/g,

(iii) une prise dhuile mesurée en DBP comprise entre 150 et 250 ml/100g et,

(iv) une aire projetée moyenne des agrégats (APA) supérieure à 8500 nm2 avant mise en oeuvre et comprise entre 7000 et 8400 nm2 après mélangeage thermomécanique.

4.1. Comme indiqué dans la description du brevet en cause, la silice particulière utilisée dans les compositions selon l'invention est une silice connue en soi et sélectionnée sur la base des critères (i) à (iv) mentionnés ci dessus (voir page 2, lignes 39 à 44 ; page 3, lignes 50 à 58).

4.2. Il est évident au vu de l'exemple 1 du brevet en cause et de la comparaison faite avec les compositions comprenant une silice classique (silice RP 175 de la société Rhone Poulenc) que les valeurs APA sont des facteurs essentiels de sélection de la silice à utiliser pour l'obtention du compromis des propriétés recherché pour les pneumatiques obtenus à partir des compositions revendiquées, c'est à dire une faible résistance au roulement, une bonne adhérence tant sur sol sec que sur sol humide, une bonne résistance à l'usure, et un bruit de roulement réduit.

4.3. Il en résulte donc que la mise en oeuvre de l'invention présuppose que les valeurs de la caractéristique APA mentionnées dans la revendication 1 de la requête principale puissent être déterminées de manière fiable et reproductible afin de permettre la sélection de la silice à utiliser.

4.4. Ceci implique que l'homme du métier connaisse la méthode et les conditions opératoires essentielles à utiliser pour déterminer ce paramètre, sinon il serait laissé dans une incertitude considérable quant au choix de la silice appropriee pour mettre en oeuvre l'invention et également quant à l'intensité du travail thermomécanique à appliquer pour obtenir la composition désirée (voir aussi décision T 805/93 du 20 février 1993, non publiée dans le JO OEB).

4.5. S'il est exact que le brevet en cause décrit une méthode de détermination de l'APA de la silice ayant recours à la microscopie électronique par transmission, il est également vrai que la Requérante a admis que la description faite dans le brevet devait être complétée au vu des consignes données dans la norme ASTM D 3849-80, en ce qui concerne les conditions de l'agitation ultrasonique (méthode A de cette norme) et la technique de dépôt sur la grille, qu'il fallait s'en remettre à la compétence de l'opérateur en ce qui concerne le choix des champs de mesure et l'analyse d'image et qu'il fallait adopter un seuil d'exclusion inférieur de 1256 nm2 et un seuil d'exclusion supérieur de 785 398 nm2 (voir lettre du 16 juin 1998 de la Requérante, paragraphe II).

4.6. Il est également établi qu'il n'existait pas à la date de dépôt du brevet de procédure standard acceptée et reconnue pour la détermination de l'APA de la silice. Au contraire, il est évident au vu des seuls documents de la procédure publiés avant la date de dépôt du brevetet faisant référence à cette caractéristique de la silice, c'est à dire D2 et D20, que la détermination de cette caractéristique était effectuée selon une méthode propre à l'opérateur concerné et basée sur ses propres adaptations de la méthode de la norme ASTM 3849-80 établie pour le noir de carbone au caractère spécifiquede la silice.

4.7. C'est ainsi que le document D2 donne une description détaillée de la méthode à utiliser et fixe notamment le seuil d'exclusion inférieur à 500 nm2, le nombre d'objets par maille analysée (100) et le champ d'observation à 630 000 pixels, chaque pixel représentant une surface de 10,24 nm2 (voir D2, page 8, ligne 20 à page 9, ligne 22).

4.8. Il a été par ailleurs admis par toutes les parties que la valeur déterminée de l'APA est dépendante des valeurs de seuils d'exclusion inférieur et supérieur utilisés lors de la mesure par microscopie électronique par transmission. A ce sujet, la Requérante a clairement indiqué dans sa lettre datée du 16 juin 1998 (voir page 10, lignes 22 à 23), que le passage de la valeur de seuil de 1255 nm2 à 500 nm2 change totalement les résultats. De même, les documents D40 (voir "Exhibit B") et E14 (voir tableau 3) montrent également que l'utilisation de valeurs de seuil différentes modifient de manière très importante les valeurs d'APA obtenues. Il en résulte donc que la connaissance de chacune de ces valeurs de seuil est essentielle pour la signification de la valeur de l'APA obtenue, et par voie de conséquence, pour le critère du choix de la silice appropriée et la fixation de l'intensité du travail thermomécanique à appliquer pour obtenir la composition selon le brevet en cause.

4.9. Il est patent que ces valeurs de seuil d'exclusion nesont pas divulguées de manière explicite dans le brevet en cause. Il est donc nécessaire d'examiner si lesvaleurs spécifiées par la Requérante durant la procédure d'opposition, c'est à dire 1256 nm2 pour le seuil d'exclusion inférieur et de 785 398 nm2 pour le seuil d'exclusion supérieur peuvent être déduites implicitement de manière inévitable du contenu de ladivulgation originale, compte tenu des connaissances générales de l'homme du métier.

4.10. Dans le cas présent, l'homme du métier est, selon la Chambre, représenté par une équipe comprenant un spécialiste des formulations de caoutchouc pour pneumatiques connaiss'ant donc les charges renforçantes utilisées dans ce domaine, assisté par un spécialiste de la microscopie électronique par transmission.

4.11. La Requérante a argumenté que le seuil d'exclusioninférieur de 1256 nm2 dérivait naturellement des connaissances de l'homme du métier, au vu de la taille minimale des particules des noirs de carbone fins (20 nm) utilisés dans le renforcement du caoutchouc et donc de la dimension minimale des objets renforçants ayant la taille de deux particules élémentaires soit 40 nm et donc une aire projetée de 1256 nm2. Durant la procédure de recours, la Requérante a en outre ajouté que cette dimension de 40. nm correspondait également, selon elle (voir en particulier documents E30 et E31), à la taille maximale des particules élémentaires de silice renforçante et que la fixation de ce seuil inférieur découlait naturellement de l'intention évidente de l'homme du métier de ne tenir compte que des éléments renforçants, c'est à dire des agrégats, et donc d'éliminer de la mesure les particules élémentaires.

4.12. Ces arguments ne sont pas, de l'avis de la Chambre, convaincants pour les raisons suivantes :

4.12.1. Tout d'abord, aucun lien logique n'apparaît entre la référence à un seuil inférieur basé sur la taille minimale de particules de noir de carbone renforçants et la fixation d'un seuil inférieur basé, au contraire, sur la taille maximale des particules élémentaires de silice et ces deux éléments de la justification du choix de la valeur de seuil doivent donc être examinés séparément.

4.12.2. D'une part, même s'il peut être admis que l'homme du métier ait développé -la méthode de détermination de l'APA de la silice pour le brevet en cause par référence à la méthode décrite dans la norme ASTM 3849-80 pour les noirs de carbone utilisant la microscopie électronique par transmission (cf. T 676/94, exergue), bien que cette norme ne soit pas mentionnée dans le brevet en cause, cette norme ne fixe aucun seuil inférieur d'exclusion pour la mesure de l'APA des noirs de carbone et notamment des noirs de carbone fins. Il est aussi évident au vu du document D2, dont l'objet est précisément de mettre à disposition des silices renforçantes pour le caoutchouc pouvant se substituer aux noirs de carbone, que la référence aux noirs de carbone renforçants n'implique pas de facto la fixation d'un seuil inférieur de 1256 nm2 pour la détermination de l'APA de la silice, puisque D2 fixe au contraire ce seuil à 500 nm2. Il résulte de ces considérations que le premier élément de justification du choix de la valeur de seuil inférieur utilisé par la Requérante ne découle pas de manière inévitable des connaissances générales de l'homme du métier.

4.12.3. Par ailleurs, les documents E30 et E31 soumis par la Requérante indiquent également que le diamètre des particules élémentaires de silice renforçante peut varier entre respectivement 10 ou 13 nm et 40 nm. De même, il est aussi établi que la silice Zeosil 1165 MP qui serait, selon la Requérante, la silice utilisée dans les exemples du brevet en cause présente des diamètres de particules élémentaires variant entre 10 et 25 nm (voir document D38). En outre, le document D20, fait pour sa part référence à des diamètres moyens de particules élémentaires de silice variant entre 10 et 100 nm (voir D20, page 4, lignes 36 à 37). Il en découle donc que le choix de la valeur 1256 nm2, correspondant à un diamètre de 40. nm,comme seuil d'exclusion inférieur, conduirait à éliminer des agrégats comprenant de deux à quatre particules de silice et donc des objets ayant une action renforçante. Il en résulte donc que le deuxième élément de justification du choix effectué par la Requérante ne se déduit pas d'une manière inévitable des connaissances générales de l'homme du métier.

4.12.4. Il s'en suit que la valeur de seuil inférieur fixée par la Requérante représente uniquement une valeur de seuil inférieur certes concevable, mais pas inéluctable au vu des connaissances générales de l'homme du métier.

4.12.5. Selon la Chambre, la valeur de seuil inférieur préconisée par l'Intimée I (150-161 nm2) dans sa volonté de tenir compte de tous les agrégats, et celle utilisée par l'Intimée II (500 nm2) par référence à la valeur définie dans le seul document fixant une valeur de seuil inférieur, c'est à dire D2, représentent également des valeurs concevables de fixation de-ce seuil au même titre que celle définie par la Requérante.

4.12.6. Au vu de l'information divulguée par le brevet en cause, rien ne permet cependant de conclure que l'homme du métier aurait inévitablement choisi la valeur de seuil inférieur de 1256 nm2 pour effectuer la mesure de l'APA, plutôt que celles préconisées par les Intimées.

4.13. Selon l'opinion de la Chambre, dans le cas d'une invention reposant en particulier sur les valeurs d'un paramètre, pour lequel il n'existe pas dans le domaine technique concerné de méthodologie de détermination reconnue et acceptée comme standard, ces valeurs étant essentielles à la solution du problème technique que se propose de résoudre l'invention, le déposant ou breveté a l'obligation de divulguer toute l'information nécessaire pour que l'homme du métier puisse, sans difficulté excessive,'déterminer les valeurs requises de ce paramètre d'une manière fiable et reproductible afin de pouvoir mettre en oeuvre l'invention.

4.14. Dans le cas présent le manque d'information dans la description du brevet en cause concernant la valeur de seuil d'exclusion inférieur à fixer pour mesurer l'APA des silices à utiliser place l'homme du métier dans l'incapacité de sélectionner de manière fiable les silices adéquates pour mettre en oeuvre l'invention, c'est à dire celles ayant la dispersibilité requise. La revendication 1 non seulement requiert que la silice ait une valeur spécifique d'APA avant incorporation mais également qu'elle présente une valeur particulière plus basse après travail thermomécanique. Comme la méthode décrite dans le brevet en cause pour mesurer l'APA dans le brevet en cause ne permet pas, pour les raisons données ci-dessus, de sélectionner de manière fiable les silices dispersibles à utiliser, elle ne permet pas à l'homme du métier de préparer une composition selon la revendication 1 du brevet en cause sans difficulté excessive si bien que les exigences de l'Article 83 CBE sont pas satisfaites.

4.15. L'argument de la Requérante selon lequel le choix du seuil de 1256 nm2 au lieu de ceux préconisés par les Intimées, bien qu'éliminant près de 50% en nombre des agrégats, ne modifie que très peu la surface et le volume totaux de la silice et par voie de conséquence de façon négligeable les propriétés macroscopiques de la composition de caoutchouc obtenue, n'est pas pertinent en l'espèce puisque c'est uniquement l'APA des silices et non leur surface et volume totaux qui sert de critère de sélection des silices selon la revendication 1 du brevet en cause.

4.16. Comme l'absence d'indication du seuil inférieur d'exclusion suffit à elle seule pour conduire à l'insuffisance de description de la requête principale, il n'est donc pas nécessaire pour la Chambre d'examiner en détail les autres conditions opératoires pour la mesure de l'APA non divulguées dans le brevet en cause, telles que la puissance de sonification, le champ d'observation ou le niveau de gris, qui selon les Intimées auraient aussi une influence déterminante sur les valeurs d'APA obtenues.

4.17. Par conséquent, pour les raisons mentionnées ci-dessus, la Chambre conclut que la requête principale doit être rejetée (Article 100(b) CBE).

Requête subsidiaire

Libellé de la revendication 1

5. La revendication 1 de la requête subsidiaire se différencie notamment de la revendication 1 telle que délivrée par (i) la suppression de toute référence à l'APA avant et après travail thermomécanique de la silice et (ii) par l'incorporation de caractéristiques de procédé pour définir la silice utilisée dans les compositions revendiquées.

5.1. Selon la revendication 1 telle que délivrée la silice à utiliser devait présenter une valeur APA avant travail thermomécanique supérieure à 8500 nm2.

5.2. L'admissibilté selon les conditions définies à l'Article 123(3) CBE de la suppression de cette caractéristique de la silice et de son remplacement par la référence à un procédé pour la fabrication de la silice présuppose donc tout d'abord que le procédé de fabrication tel que défini dans la revendcation 1 de la requête subsidiaire conduise inévitablement à une silice ayant une valeur d'APA supérieure à 8500 nm2.

5.3. Il est exact que la description du brevet en cause indique (voir page 4, lignes 5 à 6) que ,la silice obtenue selon le procédé décrit dans la demande de brevet européen 157 703" convient comme silice particuliére utilisable selon l'invention.

5.4. Il est aussi vrai que les caractéristiques de procédé incorporé dans la revendication 1 correspondent à celles du procédé selon la revendication 3 de la demande de brevet européen 157 703 (document D6).

5.5. Bien qu'il ne soit pas clair au vu des autres expressions utilisées dans le brevet en cause qui font également référence au document D6 (Cf. Tableau I, "silice selon le brevet EP 157 703"; cf. page 6, lignes 1 à 2, "parmi les silices décrites selon la demande de brevet européen 157 703"), si le brevet en cause fait référence aux silices pouvant être obtenues par le procédé de D6 ou à une silice particulière exemplifiée dans D6, il est néanmoins évident que le document D6, qui n'indique aucune valeur d'APA des silices produites que ce soit dans ses revendications, sa description ou ses exemples, n'est nullement concerné par l'obtention de silices présentant des valeurs spécifiques d'APA telles que définies dans la revendication 1 telle que délivrée du brevet en cause. En fait, le procédé de D6 a uniquement trait à la mise à disposition de silices utilisables comme charges renforçantes et présentant un couple surface spécifique CTAB-prise d'huile DBP amélioré, caractérisées par un rapport DBP/CTAB compris, en particulier, entre 4 et 2,5 pour une CTAB entre 100 et 200 m2/g et entre 2,5 et 2 pour une CTAB entre 200 et 250 M2/g (voir D6, page 3, lignes 15 à 32). Par conséquent, il ne peut pas être conclu que le procédé de D6 conduit inévitablement à des silices ayant un APA supérieur a 8500 nm2.

5.6. On aboutit à la même conclusion au vu de la déclaration de la société Rhodia (voir E17), puisque celle-ci indique simplement que le procédé de D6 permet (c'est à dire rend possible mais pas forcément inévitable) l'obtention de silices ayant un APA supérieur à 8500 nm2.

5.7. Il s'en suit que la suppression de la référence à lavaleur de l'APA avant travail thermomécanique (c'est à dire supérieure à 8500 nm2) dans la revendication 1 de la requête subsidiaire contrevient aux exigences de l'Article 123(3) CBE.

5.8. Il n'est donc pas nécessaire pour la Chambre d'examiner les autres motifs d'objection au titre des Articles 123(2) et 123(3) soulevés par les Intimées, notamment en ce qui concerne la valeur de la prise d'huile des silices obtenues selon le procedé de D6, ou la valeur de l'APA après travail thermomécanique.

5.9. Au vu des raisons exposées ci dessus, la requête subsidiaire doit donc être rejetée (Article 100(c) CBE).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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