European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2003:T054099.20030402 | ||||||||
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Date de la décision : | 02 Avril 2003 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0540/99 | ||||||||
Numéro de la demande : | 93401515.7 | ||||||||
Classe de la CIB : | A23L 1/325 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé de fabrication industrielle d'aliment | ||||||||
Nom du demandeur : | NEPTUNE Société Anonyme | ||||||||
Nom de l'opposant : | FLEURY-MICHON (S. A.) | ||||||||
Chambre : | 3.3.02 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Requête principale, | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le brevet européen n° 0 575 233 a été délivré le 28. août 1996 sur la base de la demande européenne n° 93 401 515 7.
Le brevet a été délivré avec 10 revendications.
Le libellé de la revendication indépendante 1 s'énonçait :
"1.Procédé de fabrication d'un aliment comportant une étape de mise en forme d'une mêlée (1) et une étape de cuisson, caractérisé en ce qu'il comporte les étapes consistant à :
mettre en forme une première couche ou bande (3) de mêlée (1) ;
cuire la première bande (3) mise en forme ;
déposer sur la première couche ou bande cuite (5,9) une nouvelle couche de mêlée crue (10) ;
mettre en forme la bande (8) comportant une superposition de mêlée cuite (9) et de mêlée crue (10) pour obtenir une pièce massive (16,18) ;
cuire la pièce mise en forme (18)."
II. L'intimée (opposante) a fait opposition à la délivrance de ce brevet européen, demandant sa révocation en application de l'article 100 a) de la CBE en invoquant l'absence de nouveauté et d'activité inventive et de l'article 100 b) en se référant à l'insuffisance de la divulgation.
Entre autres, les documents suivants ont été cités au cours des procédures d'opposition et de recours :
(1) J. C. Frentz, (1976) ; La Charcuterie cuite ; Soussana-Editeur, pages 89 à 122
(2) C. M. Lee,(1984) ; Surimi process technology, Food Technology, pages 69 à 80.
III. Par sa décision à l'issue de la procédure orale en date du 9 février 1999, la division d'opposition a révoqué le brevet européen n° O 575 233.
La division d'opposition était d'avis que les jeux de revendications de la requête principale et de la première requête auxiliaire présentés au cours de la procédure orale étaient anticipés par la divulgation du document (2) qui décrit un procédé de fabrication de bâtonnets de crabe, comprenant toutes les étapes de la revendication indépendante 1 de chacune de ces deux requêtes.
Après le retrait de la requête auxiliaire 2, la division d'opposition a considéré que la dernière requête auxiliaire déposée pendant la procédure orale, à savoir la requête auxiliaire 3, ne satisfaisait pas aux exigences d'activité inventive par rapport à l'enseignement du document (2).
Selon la division d'opposition, la seule différence par rapport à l'état de la technique le plus proche représenté par le document (2) résidait dans l'utilisation, comme produit de départ dans le procédé revendiqué, d'une mêlée ayant une teneur en eau inférieure à 80%.
Au vu de la divulgation dans le document (2) que la teneur en eau de la pâte utilisée devrait être de 78 à 80%, la division d'opposition a considéré que l'homme du métier aurait ainsi pu choisir une teneur en eau pour la mêlée inférieure à 80% en suivant tout simplement l'enseignement du document (2), c'est-à- dire sans faire preuve d'activité inventive.
IV. La requérante (titulaire du brevet) a introduit un recours contre cette décision.
V. Une procédure orale devant la Chambre de recours s'est tenue le 2 avril 2003. Au cours de la procédure orale, la requérante a produit un jeu de revendications principal et deux jeux de revendications auxiliaires.
Le libellé de la revendication indépendante du jeu de revendications principal est le suivant :
"1. Procédé de fabrication d'un aliment comprenant une première une étape consistant à ;
(i)- Mettre en forme une première couche ou bande (3) d'une mêléé (1), suivi d'une seconde étape consistant à :
(ii)- Cuire la première bande (3) mise en forme ;
ce procédé étant caractérisé en ce qu'il comporte en outre les étapes consistant à :
(iii)- Déposer sur la première couche ou bande cuite (5,9) une nouvelle couche de mêlée crue (10) ;
(iv)- Mettre en forme la bande (8) comportant une superposition de mêlée cuite (5,9) et de mêlée crue (10) pour obtenir une pièce massive (16,18), cette étape comportant l'empilement d'alternances de couches de bandes cuites (5,9) et de nouvelles couches de mêlée crues (10) ;
(v)- Cuire la pièce mise en forme (18),
la mêlée (1) étant une mêlée de pulpe obtenue à partir de chair de poisson lavée hachée et raffinée, apte à la gélification.".
La revendication indépendante 1 du jeu de revendications auxiliaire 1 correspond à la revendication 1 du jeu principal dans laquelle la caractéristique suivante "et comprenant également l'emballage de l'empilement d'alternances de couches ou bandes cuites et de nouvelles couches de melée crues dans une couche ou bande de mêlée cuite (15)" a été rajoutée ä la fin de l'étape (iv).
La revendication indépendante 1 du jeu de revendications auxiliaire 2 correspond à la revendication 1 du jeu principal dans laquelle une étape supplémentaire a été rajoutée après l'étape (iv) à savoir "(v)- Emballer la piece mise en forme (18), dans un sac (17) sous vide, ce sac étant rétractable sous l'action de la chaleur" et dans laquelle l'étape (v) est devenu ainsi l'étape (vi) avec la caractéristique supplémentaire suivante "la cuisson étant réalisée à une pression supérieure à la pression atmosphérique".
VI. Au sujet des requêtes présentées au cours de la procédure orale, la requérante a considéré qu'elles remplissaient les conditions de l'article 123(2) et (3) de la CBE dans la mesure où elles résultaient de la restriction de la revendication principale telle que délivrée par l'incorporation de l'objet de diverses revendications dépendantes telles que délivrées.
La seule autre différence était d'ordre grammaticale puisqu'elle avait consisté à rajouter un "s" au mot "alternance" dans l'expression originale "empilement d'alternance de couches de bandes cuites et de nouvelles couches de mêlée crues" afin de respecter l'accord du pluriel qu'impliquait nécessairement le terme "empilement" dont "alternance" était le complément.
A son avis, cette modification ne pouvait soulever aucune objection au titre des articles 123(2) et (3) et 84. de la CBE puisqu'elle était d'ordre purement typographique.
Concernant la nouveauté, la requérante a estimé que la caractéristique d'"empilement d'alternances de couches de bandes cuites et de nouvelles couches de mêlée crues" introduite dans la revendication indépendante de toutes les requêtes établissait la nouveauté par rapport à l'état de la technique disponible.
Au sujet de l'activité inventive, la requérante a fait valoir, au vu des essais comparatifs produits avec sa lettre du 25 février 2003, que l'empilement en alternance de couches de mêlée crues et cuites selon le procédé du brevet était à l'origine d'avantages inattendus par rapport à l'état de la technique.
Selon elle, ces essais comparatifs établissaient en effet qu'outre les bonnes qualités organoleptiques et d'aspect du produit alimentaire ainsi fabriqué, ce dernier pouvait également être débité en tranches plus fines que les produits de l'art antérieur.
Elle a également soutenu que le document (1) n'était pas pertinent pour l'apréciation de l'activité inventive dans la mesure où il concernait essentiellement de la charcuterie à base de porc et non des produits élaborés à partir de chair de poisson. En outre, ce document ne traitait ni du problème de la découpe en tranches fine, ni du problème de la bonne qualité organoleptique des produits à préparer.
VII. L'intimée a réfuté l'argumentation de la requérante.
Elle a soutenu que l'introduction du pluriel dans le terme "alternance" n'était pas acceptable car il contrevenait aux exigences de l'article 123(2) puisqu'il n'était pas présent dans le texte d'origine.
A son avis, il contrevenait également aux exigences de l'article 123(3) dans la mesure où ce pluriel était également absent dans le jeu de revendications du brevet tel que délivré.
Enfin, elle a contesté la clarté de l'expression "empilement d'alternances" qui, selon lui, aurait dû se lire "empilement en alternance".
L'intimée a contesté la nouveauté de l'objet revendiqué dans la revendication 1 du jeu de revendications principal au regard des documents (1) et (2).
Concernant l'activité inventive, elle s'est opposée à l'admission dans la procédure des essais comparatifs produits par la requérante avec sa lettre du 25. février 2003 c'est à dire environ cinq semaines avant la procédure orale pour répondre à un grief déjà présent dans la décision de la division d'opposition.
A cet effet, elle a fait valoir que ces essais avaient été produits, sans aucune raison de fond, à un stade extrêmement tardif de la procédure et qu'elle n'aurait pas été en mesure, de ce fait, d'apporter des contre-essais avant la date prévue pour la procédure orale, et ce, d'autant plus que les essais de la requérante ne comportaient pas toutes les informations nécessaires à leur reproduction.
Elle a contesté l'activité inventive de toutes les requêtes présentées au vu du document (1) qui établissait que l'empilement en alternance de couches de mêlée crues et cuites pour l'élaboration de produits alimentaires était une chose triviale dans l'industrie alimentaire.
VIII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de la requête principale ou des requêtes auxiliaires 1 et 2, toutes remises au cours de la procédure orale.
L'intimée demande le rejet du recours.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Recevabilité de la requête principale et des requêtes auxiliaires 1 et 2
La Chambre note que ces requêtes correspondent respectivement à la requête principale et aux requêtes auxiliaires 3 et 4 déposées le 25 avril 2003 avec, comme seule modification, la suppression de deux revendications dépendantes dans ces requêtes d'origines.
La seule modification par rapport au jeu de revendications tel que délivré consiste, en outre, à avoir introduit l'objet des revendications dépendantes 2 et 3 tel que déposées dans la revendication indépendante 1. telle que délivrée pour ce qui est du jeu de revendications de la requête principale, à avoir introduit l'objet des revendications dépendantes 2, 3 et 5 tel que déposées dans la revendication indépendante 1 telle que délivrée pour ce qui est de jeu de revendications de la requête auxiliaire 1, et à avoir introduit l'objet des revendications dépendantes 2, 3, 6, 7 et 10 tel que déposées dans la revendication indépendante 1 telle que délivrée pour ce qui est du jeu de revendications de la requête auxiliaire 2.
De surcroît, la restriction dans toutes les requêtes présentées à un "empilement d'alternances de couches ou bandes cuites et de nouvelles couches de melée crues" a été apportée en réponse aux objections de nouveauté et d'activité inventive soulevées par l'intimée et retenues par la division d'opposition dans sa décision.
Dans ces circonstances, la Chambre conclut que cette requête présentée en procédure orale est admissible malgré le stade avancé de la procédure car l'intimée connaissait l'objet des revendications dépendantes depuis le dépôt du mémoire de recours et pouvait également prévoir la restriction de l'objet des revendications à des revendications dépendantes en réponse à ses objections concernant la nouveauté et l'activité inventive.
3. Admissibilité des essais comparatifs produits par la requérante
Il est bien établi dans la jurisprudence des Chambres de recours que pour l'appréciation de l'admissibilité de preuves produites tardivement il faut considérer, entre autres, d'une part, si celles-ci auraient pu être produites plus tôt et dans l'affirmative pourquoi elles ne l'ont pas été, et d'autre part, leur pertinence et en particulier si celle-ci est plus grande que les éléments déjà présents dans le dossier (La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, 4ème édition, 2001, pages 365 à 374).
Concernant la pertinence des essais produits, la Chambre n'a, a priori, aucune raison d'en douter. Cependant, il serait injuste d'admettre des essais expérimentaux de quelque partie que ce soit à un stade de la procédure si tardif que l'autre partie serait alors incapable de les reproduire ou d'y répondre. Les éléments qui ont conduit à la production de ces essais comparatifs de la part du requérant étaient les mêmes tout au long de la procédure de recours et si des expériences étaient nécessaires elles auraient dû être produites plus tôt.
La seule tentative d'explication pour justifier la production de ces essais à ce stade de la procédure a été, au dire de la requérante, un changement de stratégie dans la défense du brevet en cause intervenu à ce moment là.
Cette explication ne justifie cependant pas la présentation d'essais expérimentaux appellés par les motifs de la décision de la division d'opposition (cf. décision de la division d'opposition page 9, point 6), c'est à dire il y de cela déjà quatre ans (mars 1999), cinq semaines avant la tenue de la procédure orale et plus de quatre mois après la notification de la chambre du 15 octobre 2002 signifiant aux parties que la procédure écrite était considérée close, alors qu'il était clairement de l'intérêt même de la requérante de les présenter le plus tôt possible afin de défendre son brevet puisque celui-ci avait été révoqué par la division d'opposition.
Pour ces raisons, la Chambre décide de ne pas admettre les essais expérimentaux produits par la requérante avec sa lettre du 25 février 2003.
4. Requête principale
4.1. Article 123(2) et (3) CBE
La seule objection soulevée par l'intimée au titre de l'article 123(2) de la CBE concerne la caractéristique "cette étape comportant l'empilement d'alternances de couches de bandes cuites (5,9) et de nouvelles couches de mêlée crues (10)" introduite dans la revendication indépendante 1.
A ce sujet, la Chambre note que la revendication dépendante 2 telle que déposée préconise que la revendication principale 1 puisse comporter une étape supplémentaire "comportant l'empilement d'alternance de couches de bandes cuites (5,9) et de nouvelles couches de mêlée crues (10)".
Le procédé selon la revendication principale consiste uniquement à déposer sur première couche ou bande cuite une nouvelle couche de mêlée crue.
Il s'ensuit que la revendication dépendante ne peut être comprise que comme impliquant la répétition de cette étape de la revendication principale 1 au moins une fois de façon à obenir au moins quatre couches présentant en alternance une couche ou bande cuite et une couche de mêlée crue.
Ce mode de réalisation est divulgué à la fois dans la description du brevet tel que déposé (page 3, ligne 35 - page 4, ligne 4 ; page 4, lignes 7 à 10) et illustré par la figure 1 montrant comment, grâce à l'utilisation d'un cylindre tournant, cet empilement en alternance de couches de bandes cuites (5,9) et de nouvelles couches de mêlée crues (10) est réalisé.
La Chambre conclut donc que l'adjonction d'un "s" au mot alternance permet tout simplement de rectifier un accord grammatical consistant à mettre au pluriel le complément du nom "empilement" ; ce terme impliquant une pluralité.
Les exigences de l'article 123(2) de la CBE sont de ce fait respectées.
Pour les raisons exposées ci-dessus, la Chambre ne peut accepter l'interprétation de l'intimée selon laquelle "l'empilement d'alternance de couches de bandes cuites (5,9) et de nouvelles couches de mêlée crues (10)" divulgué dans la revendication 2 telle que déposée consiste en une seule couche ou bande cuite recouverte d'une seule couche de mêlée crue.
Au sujet de l'article 123 (3) de la CBE, la Chambre fait remarquer que les objections de l'intimée se rapportant à l'introduction du terme "bande" et la suppression de l'indication du taux d'humidité dans la revendication 1 telle que maintenue par la division d'opposition ne sont pas pertinentes dans la mesure où cet article stipule que l'augmentation de l'étendue de la protection doit être appréciée par rapport au brevet tel que déposé.
Il en résulte que seul peut être retenu le point relatif à l'utilisation du pluriel pour le terme "alternance".
Au vu des paragraphes précédents, il ressort clairement que les revendications du brevet tel que délivré envisageaient à la fois la possibilité d'avoir soit un aliment constitué d'une couche ou bande cuite recouverte d'une couche de mêlée crue (revendication 1 telle que délivrée) soit d'avoir un empilement en alternance de couches ou bandes et de nouvelles couches de mêlée crues (revendication dépendante 2).
La restriction de la revendication 1 de la requête principale à la seconde possibilité uniquement ne saurait donc enfreindre les exigences de l'article 123(3) de la CBE.
Aucune autre objection au titre de l'article 123(2) et (3) de la CBE n'a été soulevée et la Chambre ne voit pas de raison d'en soulever.
4.2. Article 84 de la CBE
La Chambre rappelle que, dans le cadre du recours, cet article ne s'applique qu'aux amendements apportés aux revendications. Par conséquent, les objections de la part de l'intimée qui concernent des termes présents dans les revendications depuis le dépôt de la demande ne sauraient être débattues à ce stade.
Par conséquent, le seul élément contesté par l'intimée reste l'introduction du pluriel pour le terme "alternance" dans l'expression "empilement d'alternance".
A ce sujet, la Chambre conclut que, bien que cette tournure ne soit pas très heureuse et que l'expression suggérée par l'intimée "empilement en alternance" aurait été préférable, le mode de réalisation technique particulier que cette expression est sensée désigner ne fait aucun doute comme cela à été exposé au point 4.1 ci-dessus.
En effet, pour l'homme du métier le mode de réalisation selon la revendication principale implique la fabrication d'un aliment ayant au moins quatre couches présentant en alternance une couche ou bande cuite et une couche de mêlée crue.
Il n'y a donc pas lieu de considérer un manque de clarté au sens de l'article 84 de la CBE.
4.3. Nouveauté
Le document (1) concerne un procédé de fabrication d'un aliment décrivant les étapes pour :
(i)- Mettre en forme une première couche d'une mêléé
(ii)- Cuire la première couche mise en forme ;
(iii)- Déposer sur la première couche cuite une nouvelle couche de mêlée crue ;
(iv)- Mettre en forme la superposition de couche de mêlée cuite et de couche de mêlée crue pour obtenir une pièce massive, cette étape comportant l'empilement en alternance de couches cuites et de nouvelles couches de mêlée crues ;
(v)- Cuire la pièce mise en forme (pages 118 à 122 et notamment page 119, point d), paragraphe 2 et page 122, paragraphe 3).
Contrairement aux termes de la revendication 1 du jeu de revendications de la requête principale qui prescrit que la mêlée soit une mêlée de pulpe obtenue à partir de chair de poisson lavée hachée et raffinée, apte à la gélification, l'aliment préparé dans le document (1) est un aliment à base de protéine de viande de porc et de blanc d'oeuf exclusivement (page 120, paragraphe b).
Par conséquent, ce document ne saurait anticiper l'objet du jeu de revendications de la requête principale.
Il est certes juste, comme le soutien l'intimée, que l'homme du métier est, en l'occurence, un traiteur industriel et qu'à ce titre il connait parfaitement les produits à base de poisson et les produits à base de viande de porc ou de boeuf et qu'il s'emploie à leur préparation.
Contrairement à l'avis de l'intimée, cette connaissance et cette activité de l'homme du métier ne sont cependant pas des éléments intervenant dans l'appréciation de la nouveauté quant il s'agit de considérer la pertinence du document (1).
En outre, au vu du développement ci-dessus au point 4.2, l'objection de nouveauté soulevée par rapport au document (2) par l'intimée pour le cas où la Chambre aurait conclu que la revendication 1 couvre un aliment constitué d'une couche ou bande cuite unique couverte d'une couche de mêlée crue unique, n'a donc pas de pertinence et la Chambre ne voit pas la nécessité de développer plus ce point.
Par conséquent, la Chambre conclut que l'objet du jeu de revendications de la requête principale est nouveau au vu de l'état de la technique disponible conformément aux exigences de l'article 54 de la CBE.
4.4. Activité inventive
4.4.1. Le brevet en cause concerne un procédé de fabrication industriel d'un aliment à base de poisson haché consistant à
(i)- Mettre en forme une première couche d'une mêléé
(ii)- Cuire la première couche mise en forme ;
(iii)- Déposer sur la première couche cuite une nouvelle couche de mêlée crue ;
(iv)- Mettre en forme la superposition de couche de mêlée cuite et de couche de mêlée crue pour obtenir une pièce massive, cette étape comportant l'empilement d'alternances de couches cuites et de nouvelles couches de mêlée crues ;
(v)- Cuire la pièce mise en forme (page 2, colonne 1, ligne 51 - page 1, colonne 1, ligne 12 ; page 2, colonne 2, lignes 13 à 16).
Selon la description du brevet attaqué, le produit alimentaire ainsi obtenu a une consistance permettant de le découper en tranches fines, une texture permettant de bonnes propriétés organoleptiques, une belle présentation et le procédé de fabrication est facilement industrialisable et automatisable (page 2, colonne 1, lignes 33 à 50).
L'art antérieur répertorié dans la description du brevet en cause décrit un procédé de préparation d'un produit à base de poisson haché (kamaboko) dans lequel des morceaux de kamaboko cuits sont incorporés dans de la mêlée crue de kamaboko (colonne 1, lignes 27 à 33).
La Chambre considère donc que ce passage qui décrit la préparation d'un produit alimentaire similaire à celui du présent brevet constitue l'état de la technique le plus proche.
4.4.2. Rien dans le brevet en cause et rien dans les pièces du dossier produites avant le 25 février 2003 (cf. les observations au point 3 ci-dessus) ne donne à penser que le produit alimentaire de l'état de la technique n'ait pas une consistance permettant de le découper en tranches fines, une texture permettant de bonnes propriétés organoleptiques, une belle présentation et que le procédé de fabrication ne soit pas facilement industrialisable et automatisable.
En conséquence, le problème à résoudre par rapport à cet état de la technique ne peut être défini qu'en termes d'alternative et consistait donc à trouver une alternative au procédé connu en vue de la réalisation d'un produit ayant des propriétés et des qualités équivalentes.
Au vu de l'exemple dans la description du brevet en cause décrivant un mode de réalisation du produit alimentaire et des figures, le problème a bien été résolu par l'objet de la revendication 1.
4.4.3. La question qui se pose à présent est donc de savoir si cette solution, qui consiste principalement à empiler en alternance des couches de mêlée cuites et des couches de mêlée crues et à cuire la pièce ainsi mise en forme, découlait à l'évidence de l'état de la technique disponible pour l'homme du métier.
L'état de la technique selon le document (1), un ouvrage de base de l'industrie alimentaire, intitulé "la charcuterie Cuite, Généralités et techniques actuelles décrit précisément un mode de préparation d'un produit alimentaire répondant à ces caractéristiques et enseigne notamment le rôle de colle joué par la couche crue afin d'assurer une bonne cohésion à l'ensemble (voir point 4.3 ci-dessus et en particulier, page 119, paragraphe 2, 2ème phrase).
La seule différence réside essentiellement dans la nature du produit alimentaire à préparer puisqu'il s'agit d'aliment à base de porc dans ce document et non de poisson.
En l'absence d'éléments établissant qu'il aurait existé un préjugé technique ou tout au moins des difficultés particulières à la transposition de ce procédé décrit pour les viandes de porc à l'élaboration de produits à base de poisson, la Chambre ne peut que conclure que le procédé revendiqué dans le brevet attaqué représente pour l'homme du métier une alternative évidente au procédé de l'état de la technique décrit dans le brevet.
Les exigences de l'article 56 de la CBE ne sont ainsi pas satisfaites par l'objet de la revendication 1 de la requête principale.
4.4.4. La requérante a principalement fait remarquer que le document (1) est tout à fait silencieux au sujet de produits à base de poisson, qu'il concerne des produits n'ayant pas une grande qualité organoleptique et qu'il ne traite pas du tout du problème du découpage en tranches fines.
Pour toutes ces raisons, elle a fait valoir que l'homme du métier n'aurait pas pris le document (1) en considération.
La Chambre ne partage cependant pas ce point de vu. En effet, comme cela a été défini au point 4.3 ci-dessus, l'homme du métier en l'espèce est un traiteur industriel qui est tout autant concerné par les produits à base de poisson que par les produits à base de viande de porc ou de boeuf qu'il souhaite commercialiser.
Aussi, le document (1) fait-il partie de ses connaissances générales sans aucun doute.
Pour ce qui est des propriétés organoleptiques du produit obtenu, cet argument ne saurait également pas être retenu dans la mesure où il dépend en premier lieu de la qualité et de la nature des produits employés et que l'homme du métier sait donc par avance qu'elles seront différentes meilleures dans le cas d'un produit à base de poisson de bonne qualité.
Enfin, le problème de la découpe en tranches plus fines que les tranches de l'état de la technique n'ayant pas pu être retenu dans la définition du problème (voir point 4.4.2 ci-dessus), l'homme du métier reste donc libre de considérer a priori tous les procédés connus pour résoudre un problème défini en termes d'alternative.
Pour ce qui est de l'absence de gélatine et de barde dans le procédé selon le brevet en cause par rapport au produit décrit dans le document (1), la Chambre ne saurait reconnaître une activité inventive à ce sujet, d'une part, car cela tient à la nature même des choses lorsque l'on se propose de fabriquer un produit à base de poisson exclusivement de ne pas y introduire des couches constituées de viande de porc et, d'autre part, puisque selon les termes de la revendication 1 du brevet en cause le procédé n'exclut pas l'addition de gélatine.
L'objet de la revendication 1 du jeu de revendications de la requête principale ne satisfait donc pas aux exigences de l'article 56 de la CBE.
5. Requête auxiliaire 1
5.1. Articles 123 (2) et (3) et 84 de la CBE
La seule différence par rapport au jeu de revendications de la requête principale consiste à avoir introduit l'objet de la revendication dépendante 5 telle que déposée dans la revendication indépendante 1. Aussi, tout ce qui a été dit au sujet de la requête principale s'applique mutatis mutandis à cette requête également.
5.2. Nouveauté
La nouveauté de cette requête n'a pas été contestée par l'intimée et la Chambre n'a pas de raison de soulever d'objection à ce titre.
5.3. Activité inventive
Interrogée par la Chambre au sujet de l'importance, pour l'appréciation de l'activité inventive, de l'adjonction de la caractéristique introduite dans la revendication 1 selon laquelle l'empilement en alternance de couches ou bandes cuites et de nouvelles couches de mêlée crues doit maintenant être emballée dans une couche ou mêlée cuite, la requérante a répondu que cette étape permettait essentiellement de se démarquer plus clairement de l'état de la technique.
La Chambre note que le brevet ne fait état d'aucun effet particulier lié à cette mesure.
En l'absence de tout autre élément à ce sujet, les conclusions négatives du point 4.4 ci-dessus restent valables pour l'objet de la revendication 1 du jeu de revendications de la requête auxiliaire 1 également.
6. Requête auxiliaire 2
6.1. Articles 123(2) et (3) et 84 de la CBE
La seule différence par rapport au jeu de revendications de la requête principale consiste à avoir introduit l'objet des revendications dépendantes 6, 7 et 10 tel que déposées dans la revendication indépendante 1, aussi, tout ce qui a été dit au sujet de la requête principale s'applique mutatis mutandis à cette requête également.
6.2. Nouveauté
La nouveauté de cette requête n'a pas été contestée par l'intimée et la Chambre n'a pas de raison de soulever d'objection à ce titre.
6.3. Activité inventive
Interrogée par la Chambre au sujet de l'importance, pour l'appréciation de l'activité inventive, de l'adjonction des caractéristiques introduites dans la revendication 1 selon lesquelles la pièce mise en forme est emballée dans un sac sous vide, ce sac étant rétractable sous l'action de la chaleur et cuite à une pression supérieure à la pression atmosphérique, la requérante a répondu que ces étapes permettaient essentiellement une optimisation de l'industrialisation de l'automatisation du procédé.
A ce sujet, la Chambre fait observer que les mesures concernant l'optimisation d'un procédé évident par ailleurs font partie, en l'absence de circonstances particulières, des compétences de l'homme du métier.
La requérante n'ayant pas apporté d'autres éléments, les conclusions négatives du point 4.4 ci-dessus restent valables pour l'objet de la revendication 1 du jeu de revendications de la requête auxiliaire 2 également.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
Le recours est rejeté.