T 0026/99 () of 16.2.2000

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2000:T002699.20000216
Date de la décision : 16 Fevrier 2000
Numéro de l'affaire : T 0026/99
Numéro de la demande : 92440100.3
Classe de la CIB : E01F 9/08
E01F 13/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Dispositif de balisage de déviation pour autoroute
Nom du demandeur : INOTEC et SODIREL
Nom de l'opposant : LACROIX TECHNOLOGIE S.A.
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours est dirigé contre la décision intermédiaire datée du 3 novembre 1998 d'une Division d'opposition de l'Office européen des brevets, qui a établi que, contrairement à l'opinion de l'opposante, l'objet des revendications du brevet européen EP-B1-0 537 095, tel que modifié au cours de la procédure d'opposition, était bien nouveau et impliquait une activité inventive vis-à-vis des antériorités suivantes fournies par l'opposante et considérées comme pertinentes :

D1 : FR-A-2 650 846

D4 : EP-A-0 083 984

D51 : Prospectus, charnière pour porte "liob 9 contre- coudé".

D52 : Dictionnaire général du bâtiment, DICOBAT 1991, page relative à la définition du terme "charnière".

D61 : Revue "LE MONITEUR", juillet 1991, appel d'offres restreint sur concours de la société de l'autoroute Estérel Côte d'Azur (ESTORA).

D62 : Copie du cahier des charges du concours, non daté.

D7 : Copie du cahier des charges d'un système automatique de signalisation temporaire, 21. mai 1991, de la société de l'Autoroute Estérel-Côte d'Azur.

D8 : SETRA, octobre 1985, Instructions sur les Conditions techniques d'aménagements des autoroutes de liaison, pages 17 à 19.

II. Dans la version modifiée des revendications qui avait été déposée le 28 avril 1997, les deux revendications indépendantes 1 et 4 du brevet en cause ont les libellés suivants :

"1. Dispositif de balisage de déviation destiné à une autoroute dont le terre-plein central (1) est équipé de glissières de sécurité (2), utilisable pour baliser la déviation d'une voie de circulation (B) vers une autre (A), et comprenant une série de bras de signalisation (3) sensiblement horizontaux, disposés à intervalles les uns des autres sur la portion d'autoroute concernée et possédant des longueurs respectives croissantes (L1, L2, L3, L4), chacun de ces bras de signalisation (3) étant monté pivotant autour d'un axe (4) sensiblement vertical de manière à pouvoir être soit escamoté sur un côté de la chaussée, soit déployé au-dessus de la voie de circulation (B) dont le trafic doit être dévié vers l'autre voie (A), les bras de signalisation (3) en position escamotée s'appliquant latéralement contre l'une des glissières de sécurité (2) du terre-plein central (1), caractérisé en ce que chaque bras de signalisation (3) est monté pivotant autour d'un pivot (14) situé entre les deux glissières de sécurité (2) du terre-plein central (1), et lié à son pivot (14) par un élément coudé supérieur (12) et par un élément coudé inférieur (13) qui passent, respectivement, au-dessus et au-dessous de la glissière de sécurité (2) contre laquelle ledit bras de signalisation (3) s'applique en position escamotée."

"4. Dispositif de balisation de déviation destiné à une autoroute dont le terre-plein central (1) est équipé d'un muret en béton double (33, 34), utilisable pour baliser la déviation d'une voie de circulation (B) vers une autre (A), et comprenant une série de bras de signalisation (3) sensiblement horizontaux, disposés à intervalles les uns des autres sur la portion d'autoroute concernée et possédant des longueurs respectives croissantes (L1, L2, L3, L4), chacun de ces bras de signalisation (3) étant monté pivotant autour d'un axe (4) sensiblement vertical de manière à pouvoir être soit escamoté sur un côté de la chaussée, soit déployé au-dessus de la voie de circulation (B) dont le trafic doit être dévié vers l'autre voie (A), les bras de signalisation (3) en position escamotée s'appliquant latéralement contre le muret en béton double (33, 34) du terre-plein central (1), caractérisé en ce que chaque bras de signalisation (3) est monté pivotant autour d'un pivot (14) placé dans l'intervalle central (35) entre les deux parties du muret (33, 34) et fixé à l'une des parties du muret (33) par l'intermédiaire de deux paliers-supports (36, 37) disposés l'un au-dessus de l'autre et dont l'un (36) est fixé à l'extrémité supérieure de la partie du muret (33), chaque bras de signalisation étant lié au pivot (14) par un élément coudé supérieur (12) passant au-dessus de la partie de muret (33) et par un élément coudé inférieur (13) qui traverse une ouverture horizontale (38) ménagée dans ladite partie de muret (33)."

III. La taxe de recours a été payée le 28 décembre 1998 et le recours effectivement formé à la date du 2 janvier 1999. Dans le mémoire de recours reçu le 2 mars 1999, la requérante (opposante) a contesté l'interprétation faite par la Division d'opposition des documents D6 et D7 et maintenu son objection d'une absence d'activité inventive impliquée par l'objet des revendications 1 à 8 du brevet attaqué.

Les intimées, titulaires du brevet, ont présenté des contre-arguments et fournit deux documents, à savoir :

Annexe A : Prospectus de la société SODIREL concernant une barrière de rabattement pour autoroute "B.R.A.BRENNUS".

Annexe B : Dessin de la même société d'une barrière selon l'enseignement du document D1.

IV. Suite à une communication de la Chambre de recours destinée à préparer la procédure orale requise par la requérante à titre de requête auxiliaire, celle-ci a adressé une note d'observations reçue le 11. février 2000, accompagnée des deux documents suivants :

D53 : Pages de figures destinées à montrer l'équivalence entre le document D51 et l'invention.

D11 : Manuel scolaire, Mécanique du solide, P. Agati et al., Edit. DUNOD, figure 21, page 176.

La procédure orale s'est tenue le 16 février 2000.

V. La requérante a exposé ce qui suit :

En juillet 1991, la partie adverse, à l'instar de la société opposante, toutes deux étant des sociétés d'équipement d'autoroutes, connaissait l'appel d'offres lancé par la société d'autoroutes ESCOTA, voir le document D61. Cet appel d'offres concernait l'étude et la réalisation d'un dispositif automatique de neutralisation de tronçons des deux voies rapides d'une autoroute et spécifiait que la signalisation nécessaire à cette neutralisation devait être mise en place en terre-plein central de l'autoroute. Un mois après, c'est-à-dire en août 1991, la partie adverse dépose la demande de brevet française, document prioritaire du brevet litigieux, en s'appropriant de fait le problème posé, voire imposé par la société ESCOTA.

Le dispositif connu de D1, qui est cité comme art antérieur le plus proche dans le brevet contesté, vise un déploiement manuel des bras de signalisation. Il n'y a donc pas de moteurs pour les bras. L'inconvénient reconnu de ce dispositif réside dans la présence des paliers des bras qui sont fixés sur les glissières de sécurité, côté circulation, et constituent des saillies dangereuses pour les véhicules. Partant de cet art antérieur, la partie adverse a décidé de déplacer les pivots des bras, ne faisant en cela que suivre l'exigence posée par l'appel d'offres.

La solution du brevet attaqué repose sur deux caractéristiques, à savoir la caractéristique e) qui place les pivots des bras entre les barrières ou murets de sécurité et la caractéristique f) qui concerne les éléments coudés reliant les pivots aux bras de signalisation :

La caractéristique e) est en fait la suite de l'exigence de l'appel d'offres lui-même, comme montré par les documents D6, D7 et D8. Les spécifications et schémas des deux cahiers de charges de la société ESCOTA, cf. D62 et D7, précisent et montrent que les installations de pré-signalisation et les axes de pivotements des bras de signalisation doivent être alignés entre eux le long de l'autoroute et être placés sur la bande médiane de l'autoroute, notamment parce qu'ils doivent être protégés au repos par les glissières ou murets de sécurité. Ceci est en plus confirmé par les instructions selon D8, qui indiquent que c'est la bande médiane qui supporte les dispositifs de sécurité et permet l'implantation des supports de signalisation. S'agissant par ailleurs d'un appareillage encombrant avec en particulier les moteurs de manoeuvre des bras, il est évident qu'une disposition sur les barrières elles-mêmes (ou murets) ne pouvait être envisagée, d'autant que cela aurait créé des saillies dangereuses. La caractéristique e) de la revendication 1 est donc dépourvue d'activité inventive.

Quant à la caractéristique f), elle s'impose d'elle-même pour l'homme de l'art concerné qui est un ingénieur dans le domaine de la mécanique. Il convient en effet de remarquer tout d'abord que les dispositions réglementaires imposent d'avoir les bras de signalisation en matière frangible, voir d'ailleurs le cahier de charges D62, page 3. L'homme de l'art concerné sait par conséquent que, pour chaque bras de signalisation dont la portée peut aller jusqu'à atteindre trois mètres, il doit maintenir la présence d'une barre supérieure et d'une barre inférieure pour assurer une certaine rigidité, ne serait-ce que pour supporter les panneaux de déviation et aussi éviter une prise au vent trop aisée. Un chevauchement de la barrière ou du muret de sécurité s'impose donc. De plus, l'homme de l'art réalise qu'avec, d'une part, le pivot de bras placé dans la partie médiane de l'autoroute et, d'autre part, la partie déployable du bras en alignement avec ce pivot, mais disposée de l'autre côté de la barrière, un problème de manoeuvre se pose pour la rotation du bras vers sa position de repos, notamment à cause de l'entretoise la plus proche du bras qui, en cours de rotation, bute sur la barrière. Il suffit alors que l'homme de l'art place le bras détaché de son axe dans sa position effective de repos, c'est-à-dire contre la barrière de sécurité, pour qu'il saisisse tout de suite le remède à ce problème de limitation du mouvement: Le système bien connu du renvoi d'angle, qui est appliqué par exemple pour les charnières de porte (cf. les documents D5) et qui est enseigné dans tous les traités de mécanique générale (D11), lui vient immédiatement à l'esprit en tant que mécanicien. La deuxième et dernière partie de la solution revendiquée est donc évidente. Ces raisons s'appliquent aussi mutatis mutandis à l'objet de la revendication 4.

VI. Les intimées ont défendu leur brevet comme suit :

Au minimum, quatre documents sont utilisés pour nier une activité inventive, ce qui constitue plutôt un indice en faveur d'un telle activité. Le terme "équipement" employé dans la phrase du document D7, page 4, mise en exergue par la requérante est en fait une dénomination englobant les moyens de présignalisation et le biseau en entier, comme le montre le reste du document. Par ailleurs, le document D8 indique que le terre-plein central inclut les deux bandes dérasées et la bande médiane, cette dernière comprenant elle-même les barrières de sécurité ou murets. De ce fait, l'expression "mettre en place en terre-plein central d'autoroute" est très vague et ne précise certainement pas la position des pivots des bras de signalisation. Quant aux documents D5 ou D11, qui concernent des domaines techniques différents, ils montrent des éléments coudés tels qu'une charnière ou une bride de serrage, dont les fonctions sont totalement différentes de celle des bras selon la présente invention. L'argumentation de la requérante au sujet de la caractéristique f) est de plus très artificielle, car basée sur une extrapolation et sur un raisonnement rétrospectif. Enfin, les annexes A et B et les documents D1 et D4 montrent que bien d'autres solutions étaient envisageables, tout en tenant compte des souhaits des cahiers des charges de la société ESCOTA.

VII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen n 537 095.

Les intimées demandent le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Durant la procédure de recours, la nouveauté de l'objet des revendications du brevet en cause n'a plus été contestée et la Chambre la reconnaît aussi, si bien que l'objet de la présente décision concerne essentiellement la présence ou non d'une activité inventive (articles 52 et 56 CBE) impliquée par l'objet de chacune des deux revendications indépendantes 1 et 4.

Les objets des revendications 1 et 4 diffèrent entre eux, uniquement en ce que le dispositif selon la revendication 1 s'applique à une autoroute dont le terre-plein central est muni de barrières ou rails de sécurité, le plus souvent en métal, tandis que celui de la revendication 4 s'applique à une autoroute munie dans sa partie centrale de murets en béton.

3. La présente invention est concernée par un dispositif composé d'une série de bras de signalisation routières, qui sont déployables horizontalement, au-dessus de la voie de circulation gauche d'une autoroute, et sont disposées les uns après les autres avec des longueurs croissantes (d'où l'expression "biseau de déviation"), afin d'attirer l'attention des automobilistes et les amener à quitter cette voie. En position déployée, la partie signalisation de ces bras, c'est-à-dire celle qui s'étend en travers de la voie, doit être placée à une hauteur réglementée, qui correspond à celle de la plupart des pare-chocs de véhicules. Ces bras ont le plus souvent une utilisation temporaire et doivent donc aussi pouvoir être repliés ou "escamotés" en cas de non-usage, appelée aussi position de "repos".

Un tel dispositif est décrit dans le document D1 et constitue l'art antérieur le plus proche de l'invention sur lequel est basé le préambule des revendications 1 et 4. Dans cet art antérieur, les axes de pivotement des bras sont verticaux et fixés directement sur la face extérieure de la barrière de sécurité ou du muret en béton, le terme "extérieur" signifiant ici extérieur à la partie centrale de l'autoroute et concernant donc la face située du côté des voies de circulation de véhicules. Grâce à son pivot, chaque bras peut être escamoté contre la barrière ou le muret. Eventuellement, les pivotements des bras peuvent être télécommandés à partir d'un poste central, les bras étant dans ce cas munis de vérins de commande. Cet art antérieur prévoit, en outre, que chaque bras peut être divisé en deux parties articulées entre elles sur sa longueur traversant la voie de circulation, la partie externe étant soumise à l'action d'un ressort et pouvant donc s'effacer en cas de choc avec un véhicule pour reprendre ensuite sa position normale.

4. Ce dispositif connu présente l'inconvénient que les pièces servant de point de pivotement pour chaque bras, à savoir le palier, ses moyens de fixations sur la barrière ou sur le muret, et l'axe de pivotement lui-même, etc. forment des points saillants sur la face externe de la glissière ou du muret et constituent donc des dangers pour les passagers des véhicules, alors que le but des glissières ou murets devrait être au contraire d'assurer une certaine protection.

L'invention, objet du brevet attaqué, vise à éviter cet inconvénient. Pour ce faire, selon les termes de la partie caractérisante des deux revendications 1 et 4, le pivot de chaque bras est situé et fixé entre les deux glissières de sécurité ou dans l'intervalle central entre les deux parties du muret (caractéristique référencée e) ci-après) et, de plus, chaque bras est relié à son pivot par deux éléments coudés, l'un supérieur et l'autre inférieur, qui chevauchent pour ainsi dire les glissières ou le muret, au besoin en traversant ce dernier pour ce qui est de l'élément coudé inférieur (caractéristique référencée f) ci-après).

5. Selon la requérante, la caractéristique e) est divulguée ou se déduit immédiatement des documents D6 et D7 de l'appel d'offres de la société ESCOTA, l'enseignement de ces documents étant au besoin éclairé par le contenu du document D8, qui définit les différentes parties et fonctions du terre-plein central d'une autoroute, normalement connues de l'homme du métier qui s'occupe des équipements d'autoroute.

Du fait que les documents D6 et D7 font partie du même dossier d'appel d'offres de juillet 1991, on peut considérer qu'ils forment un document unique. Leur examen révèle ce qui suit :

- Du document D61, l'homme du métier peut uniquement retenir que le dispositif de neutralisation d'une voie rapide, objet de l'appel d'offres, est destiné à mettre en place sans intervention humaine en terre-plein central (TPC) de l'autoroute la signalisation nécessaire à cette neutralisation.

- Du document D62, il apprend que le dispositif, qui s'étale sur 500 mètres, doit comprendre une présignalisation (trois panneaux successifs de limitation progressive de vitesse accompagnés de feux flash), puis le dispositif biseau proprement dit formé d'une succession de bras de signalisation déployables en travers de la voie à dévier. L'homme du métier est aussi avisé que les matériels utilisés sur la voie (les trois bras formant biseau) doivent être frangibles. Un schéma annexé est mentionné. Bien qu'il n'ait pas été fourni à la Chambre de recours, il s'est avéré au cours de la procédure orale que ce schéma correspondait sensiblement à celui du document D7.

- Le document D7 confirme la présence d'un "biseau automatique précédé d'un gros flash implanté en TPC" et précise qu' "au repos, les équipements devront être protégés par les équipements de sécurité existants (GBA ou glissières)". L'abréviation "GBA" signifie "glissière en béton adhérent", autrement dit un type de muret. Le schéma annexé à ce document est très succinct et montre, le long d'une vue de dessus d'une autoroute à trois voies, les panneaux de présignalisation suivis des trois bras déployables de signalisation, les distances entre ces différents éléments étant données. Tous ces éléments sont montrés, disposés sur le côté, sur la partie centrale de la chaussée de l'autoroute. La limite entre cette partie centrale et la chaussée est indiquée uniquement par un trait unique. Aucun commentaire n'accompagne le schéma.

La Chambre, au vu des ces documents, ne discerne pas ce qui conduit immanquablement l'homme du métier à placer les pivots des bras de signalisation entre les glissières ou murets. C'est uniquement le terme "terre-plein central" qui apparaît dans ces documents, et comme le précise le document D8, ce terme englobe les bandes dérasées de gauche (vu dans chaque sens de circulation), qui bordent les chaussées, et la bande médiane de l'autoroute, qui est délimitée par les barrières de sécurité ou murets. La bande médiane n'est même pas spécifiée dans ces documents D6 et D7, ce qui montre bien que leurs auteurs ne cherchaient guère à restreindre le lieu d'implantation des dispositifs à cette bande. Quant à l'exigence de protection des équipements au repos, imposée par le document D7, elle ne mentionne pas les axes de pivotement des bras de signalisation et ces axes peuvent être aussi bien protégés en étant placés sur le dessus des barrières de sécurité, voire sur leurs supports, qu'entre ces barrières. L'objection de la requérante selon laquelle il ne serait pas possible de placer des moteurs encombrants sur le dessus des barrières n'est pas pertinente, car ce sont uniquement les axes de pivotement des bras qui sont concernés par la caractéristique e) et non les moteurs. En conclusion, il ne peut être affirmé que les documents de l'appel d'offres D6 et D7 conduisaient à retenir une implantation entre les glissières ou murets de sécurité. Ils laissaient, en fait, le choix ouvert entre des emplacements sur ou entre les glissières ou murets.

6. La requérante s'est aussi appuyée sur le document D8. Dans ce document sont publiés les instructions de la direction des routes du ministère français des transports et il est spécifié à la page 18 que la bande médiane, qui est la partie centrale du terre-plein central d'une autoroute, "supporte les dispositifs de sécurité et permet l'implantation ... des supports de signalisation". Comme les barrières ou murets de sécurité délimitent et, donc, font partie de la bande médiane, cette fonction indiquée de la bande médiane laisse, elle-aussi, le même choix ouvert que ci-dessus.

La requérante a d'ailleurs reconnu que les documents D6 et D7, mis à part leur application particulière à un dispositif de neutralisation de voie, n'apportaient pas d'enseignement supplémentaire à celui de D8. Or les instructions de D8 ont été publiées en 1985, c'est-à-dire quatre ans avant le dépôt du document français D1 qui appartient à l'une des intimées, laquelle en tant que société équipementière d'autoroutes devait nécessairement connaître les obligations requises par D8. Or son brevet D1, comme vu ci-dessus, prévoit les axes des bras fixés aux glissières. Ceci confirme le point de vue de la Chambre, selon lequel rien dans les documents D6, D7 et D8, ne conduisait nécessairement l'homme du métier à prévoir les pivots des bras entre les glissières ou murets de sécurité et qu'en conséquence, l'art antérieur laissait l'option ouverte entre une disposition sur ou entre ces moyens de sécurité.

7. La Chambre remarque, de plus, que les documents D6 et D7 ne disent rien sur la position des bras de signalisation du dispositif en position escamotée ou "de repos". L'homme du métier, prenant note de l'exigence selon D7 d'une protection des dispositifs au repos par le biais des glissières ou des murets, aurait pu en tirer la conclusion que les bras, eux aussi, devaient être protégés. Il aurait pu alors être tenté de diriger ses recherches vers des systèmes permettant un franchissement des gouttières ou murets par les bras de signalisation. Certes, l'art antérieur le plus proche D1 enseignait de plaquer au repos les bras de signalisation contre les glissières, côté voies de circulation, mais néanmoins il convient de s'interroger si un pas inventif n'existe pas dans le concept même de prévoir des pivots des bras d'un côté des barrières, tout en maintenant leur plaquage contre l'autre côté en position de repos. Dans un tel cas, les barrières ou murets de sécurité s'élèvent comme des obstacles entre le pivot et la partie signalisation de chaque bras. Rien dans l'art antérieur fourni ne suggère de combiner ces deux exigences techniques, qui à première vue semblent être contradictoires entre elles.

Selon la requérante, il était évident de conserver cette position - en soi connue de D1 - d'escamotage des bras contre les glissières ou murets, car la législation, comme le confirme le document D62, imposait de réaliser la partie signalisation des bras en un matériau frangible pour ne pas constituer un danger pour les passagers des véhicules. La Chambre ne peut suivre cet argument, qui est effectué a posteriori, car la partie identique des bras selon D1 n'a aucun caractère frangible, si bien qu'avoir penser à tirer parti de l'aspect frangible des bras fait partie du concept de la présente invention.

8. La caractéristique f) de la solution selon la revendication 1 du brevet contesté, révèle deux aspects supplémentaires de la solution revendiquée. D'une part, la liaison entre le pivot du bras et sa partie de signalisation s'effectue par un système à élément coudé, et d'autre part, deux éléments coudés sont prévus, l'un supérieur et l'autre inférieur, si bien que la barrière ou muret de sécurité est en quelque sorte chevauché par le bras.

Pour prouver l'évidence de cette caractéristique f), la requérante a développé une argumentation relativement complexe: L'homme du métier, voyant qu'avec un pivot placé entre les barrières ou murets un pivotement du bras était en partie bloqué par une barrière ou muret, aurait alors appliqué un modèle de bras, détaché de son axe, contre la barrière dans la position de repos connue de D1, aurait ensuite compris immédiatement qu'un coude suffisait pour assurer la liaison avec le pivot, et aurait enfin appliqué un tel moyen aux parties supérieure et inférieure du bras, qui nécessairement se devaient d'exister afin d'assurer une rigidité suffisante du bras. Déjà, de l'avis de la Chambre, une telle argumentation paraît être la conséquence d'une analyse a posteriori de la solution revendiquée. Dans cette analyse, en effet, la requérante est notamment partie de l'hypothèse suggérée par une observation des figures du brevet et selon laquelle la hauteur de la partie signalisation du bras, donc celle qui traverse la voie, devait avoir la même hauteur que la partie pleine de barrières de sécurité. Rien ne justifie cette hypothèse, qui a été utilisée pour les besoins de la cause. Les documents D1 et D4, par exemple, ne montrent pas des parties de signalisation de bras qui aient la même hauteur que la face de glissement des glissières ou murets de sécurité. Une telle hauteur pré-choisie des bras est un élément de l'invention.

En vérité, supposant que l'homme du métier ait préalablement décidé non seulement de placer les pivots entre les barrières ou murets, mais encore de les placer verticalement et d'avoir en position de repos la partie signalisation des bras plaquée contre l'autre face de la barrière ou muret, cet homme du métier se trouvait confronté au double problème d'établir une liaison entre le pivot et la partie signalisation de chaque bras et d'assurer que la partie signalisation du bras ou tout au moins son axe médian horizontal demeure à une hauteur prédéterminée vis-à-vis de la chaussée, cette hauteur correspondant sensiblement à la mi-hauteur des barrières ou murets. Il devait donc prévoir pour le moins un trajet en U d'une liaison. L'homme du métier n'avait donc pas de raison particulière de considérer le principe mécanique connu de l'axe déporté au moyen d'une pièce coudé, tel que montré par les documents D5 et D11, car ce principe ne constitue pas une solution au double problème mentionné ci-dessus. Or, il est de jurisprudence constante des chambres de recours que l'homme du métier peut rechercher une solution dans un domaine voisin ou dans un domaine plus général à condition qu'il y ait une identité des problèmes posés. En outre, comme l'ont souligné les intimées, les problèmes, cette fois particuliers, abordés par les documents D5 et D11 n'ont pas de rapport avec ceux posés par la présente invention: Le but de la charnière coudée de D51 est de permettre une ouverture de portes jusqu'à 180 , tandis que celui de la bride de serrage selon D11 est de répartir en trois points différents une force de serrage.

Enfin, aucun de ces documents, ni même le principe général de l'axe déporté au moyen d'une pièce coudée, ne suggère la deuxième partie de la caractéristique f), à savoir le chevauchement de la barrière ou muret de sécurité par deux éléments coudés. L'argument d'une nécessaire rigidité du bras de signalisation, avancé par la requérante, n'est pas convaincant. Il y a d'autres moyens d'assurer cette rigidité (renforcement central selon la figure 2 de D1, renforcements croisés. etc..) et d'autres solutions sont imaginables, par exemple un pivotement horizontal autour de la partie supérieure du bras (cf. fig. 1 de D4) bloqué en position déployé, etc.... En plus, dans le cas particulier des murets de sécurité (cf. la revendication 4 du brevet en cause), un chevauchement de ce muret est d'autant moins évident qu'il impose un percement de ce muret.

9. Il ressort de tout ce qui précède que plusieurs lacunes ou moyens de preuve font défaut dans le raisonnement de la requérante, si bien que son argumentation ne peut être considérée comme crédible. D'ailleurs, la voie à sens unique que suppose cette argumentation est contredite par les divers dispositifs décrits dans les annexes A et B : l'annexe A montre un bras de signalisation pivotant autour d'une double articulation placée sur le dessus de la barrière de sécurité, Quant à l'annexe B, qui est un développement de D1, elle décrit un coffrage enveloppant l'axe et les parties actives du bras et disposé sur la face de la glissière, côté circulation. Ces dispositifs peuvent être considérés comme répondant aux souhaits très généraux, vus ci-dessus, des documents D6 et D7.

10. Par suite, à défaut de preuves convaincantes, les objets des revendications indépendantes 1 et 4 du brevet en cause impliquent une activité inventive. Les objets des revendications dépendantes 2, 3, 5 à 8, qui ajoutent des caractéristiques particulières, font donc de même (articles 52 et 56 CBE).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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