T 0683/98 () of 2.3.2000

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2000:T068398.20000302
Date de la décision : 02 Mars 2000
Numéro de l'affaire : T 0683/98
Numéro de la demande : 91401892.4
Classe de la CIB : B21B 1/06
B21B 37/24
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Procédé de laminage réversible
Nom du demandeur : CLECIM
Nom de l'opposant : Siemens AG
Chambre : 3.2.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. L'intimée est titulaire du brevet européen n 0 466 570 (n de dépôt européen : 91 401 892.4).

La revendication 1 du brevet se lit comme suit :

"1. Procédé de laminage d'un produit plat (5) dans un laminoir réversible dans lequel un produit (5) ayant une épaisseur brute (e0) est soumis à une réduction d'épaisseur progressive par passes successives de laminage entre deux cylindres de travail (2, 2') à axes parallèles associés à un système (6) de réglage de l'écartement commandant, à chaque passe, un resserrement des cylindres correspondant à une réduction d'épaisseur déterminée, procédé dans lequel, au moins pour certaines passes, on commande d'abord l'engagement du produit entre les cylindres (2, 2') puis le resserrement de ces derniers jusqu'à l'écartement correspondant à la réduction d'épaisseur souhaitée,

caractérisé par le fait que le système de régulation (6) détermine, avant chaque passe, la réduction d'épaisseur optimale compatible avec la capacité du laminoir tout en évitant le refus d'engagement et que le resserrement correspondant des cylindres (2, 2') est effectué en deux étapes dès la première passe de laminage (P1), à partir de l'épaisseur brute (e0) et sur toutes les passes suivantes jusqu'à une passe (Pn) pour laquelle l'épaisseur atteinte (e2n) ne risque plus de déterminer un refus d'engagement, le système de régulation (6) déterminant, pour chacune desdites passes (Pn), d'abord un premier resserrement des cylindres (2, 2') jusqu'à un premier écartement (e2n-1) calculé à l'avance en fonction de l'épaisseur (e2n-2) et de l'état de l'extrémité du produit (5) venant de la passe précédente, de façon à déterminer, d'une part, un pincement suffisant pour l'entraînement du produit (5) et, d'autre part, un angle d'attaque (A) assez réduit pour éviter un refus d'engagement, puis un second écartement (e2n) correspondant à la réduction d'épaisseur maximale possible compatible avec la capacité du laminoir, en tenant compte de la variation d'épaisseur du produit lors de la passe considérée."

II. La requérante a fait opposition et requis la révocation complète du brevet européen.

Pour en contester la brevetabilité, elle a notamment opposé le document :

D1 : US-A-4 608 850.

III. Par décision remise à la poste le 7 mai 1998, la Division d'opposition a rejeté l'opposition et, par suite, maintenu le brevet européen tel que délivré.

IV. Par lettre reçue le 7 juillet 1998, la requérante (opposante) a formé un recours contre cette décision et réglé simultanément la taxe correspondante.

Le mémoire dûment motivé a été déposé le 11 août 1998.

V. Une audience s'est tenue devant la Chambre le 2 mars 2000.

La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation complète du brevet européen en cause.

L'intimée (titulaire du brevet) sollicite le rejet du recours et le maintien du brevet européen tel que délivré. Au surplus, elle demande une répartition différente des frais occasionnés par la procédure orale.

VI. Au soutien de son action, la requérante développe pour l'essentiel l'argumentation suivante :

Ainsi qu'il est exposé dans le document D1, il peut se produire, lors du laminage de certains métaux et en particulier de l'aluminium, un défaut appelé "alligator" qui se traduit par une fente médiane à la tête du produit laminé. Pour éviter ce défaut il est proposé d'effectuer certaines passes de laminage en deux étapes, une phase d'écartement des cylindres de travail, puis de resserrement de ces derniers jusqu'à l'écartement correspond à la réduction d'épaisseur souhaitée.

Il est vrai que les passes en deux étapes s'effectuent uniquement dans le cas où, conformément à la figure 2 du document D1, le rapport entre l'épaisseur du produit et la réduction d'épaisseur tombe entre les courbes 1 et 2, c'est-à-dire dans une zone où le défaut d'alligator peut se produire. Mais l'homme du métier interprète l'enseignement de ce document à la lumière de ses connaissances. Or, un conducteur de laminoir sait que, dans le cas où il se produit un refus d'engagement, il convient d'écarter les deux cylindres de manière à supprimer ce refus d'engagement puis, une fois que le produit plat est engagé, à resserrer les deux cylindres de travail en question jusqu'à l'écartement correspondant à la réduction d'épaisseur souhaitée pour la passe.

La réalisation de passes de laminage en deux étapes n'est donc pas uniquement mise en oeuvre pour éviter le défaut d'alligator mais constitue au contraire une pratique courante dès lors qu'il se produit un refus d'engagement.

Le procédé revendiqué se distingue aussi de celui illustré par le document D1 en ce que la diminution d'épaisseur en deux étapes s'effectue dès la première passe de laminage et sur toutes les passes suivantes jusqu'à une passe pour laquelle l'épaisseur atteinte ne risque plus de provoquer un refus d'engagement.

L'homme du métier est, dans ce domaine, naturellement amené à rechercher à réduire le nombre de passes nécessaires et il sait aussi que ce but peut être atteint en effectuant pour chaque passe une réduction d'épaisseur aussi grande que possible. Au surplus, rien n'empêche ce dernier qui connaît bien la technique des passes de laminage en deux étapes, d'appliquer cette technique dès la première passe de laminage.

Il s'ensuit que le procédé revendiqué résulte à l'évidence de l'enseignement du document D1 et des connaissances normales et ordinaires de l'homme du métier dans le domaine du laminage.

VII. L'intimée (titulaire du brevet) a contesté l'argumentation de la requérante et exposé de façon détaillée pourquoi, selon elle l'objet de la revendication 1 du brevet européen ne découle nullement de manière évidente de cet état de la technique et encore moins des connaissances normales et ordinaires de l'homme du métier.

En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, la pratique courante est, dans le cas où il se produit un refus d'engagement, d'ouvrir les deux cylindres de travail pour permettre bien entendu l'engagement du produit plat et de les maintenir ensuite dans cet écartement pendant toute la durée de la passe.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Nouveauté

La nouveauté n'ayant pas été contestée pendant le recours, il n'y a pas lieu de s'y attarder.

3. Activité inventive

3.1. L'invention faisant l'objet du brevet européen en cause est relative à un procédé de laminage d'un produit plat dans un laminoir réversible, du genre énoncé dans le préambule de la revendication 1.

Ainsi qu'il est exposé dans le brevet européen en cause, le laminage d'une pièce brute ayant une épaisseur initiale importante s'effectue habituellement en plusieurs passes successives réalisant chacune une réduction d'épaisseur qui dépend de paramètres tels que la matière du métal, sa température ou son épaisseur.

On sait aussi qu'un certain pincement du produit est nécessaire pour permettre son avancement. Or, au moment de l'engagement du produit plat, les frottements nécessaires à l'entraînement ne s'exercent que sur les bords latéraux du produit venant en contact avec les cylindres de travail. Il peut donc se produire un "refus d'engagement" si l'angle d'attaque est trop important (voir colonne 2, troisième paragraphe du brevet européen en cause).

Par conséquent, on était jusqu'à présent obligé de limiter la réduction d'épaisseur produite à chaque passe de façon à éviter un refus d'engagement, cette réduction étant inférieure à celle que l'on aurait pu théoriquement escompter compte tenu de la puissance de laminage disponible.

En partant de ce procédé classique de laminage, le problème posé dans le brevet européen en cause est donc celui de remédier à l'inconvénient visé ci-dessus et, par suite, de mettre en oeuvre un procédé dans lequel, pour chaque passe de laminage, on puisse obtenir une réduction aussi grande que possible de l'épaisseur, compatible avec la puissance de laminage disponible et, en tout cas, sensiblement supérieure à la réduction d'épaisseur requise pour éviter un refus d'engagement, en réduisant ainsi le nombre de passes.

3.2. Ce problème est résolu par la conjugaison des trois éléments caractéristiques suivants, énoncés dans la partie caractérisante de la revendication 1 :

i) le système de régulation détermine, avant chaque passe la réduction d'épaisseur optimale compatible avec la capacité du laminoir et le resserrement correspondant des cylindres de travail est effectué en deux étapes dès la première passe de laminage, à partir de l'épaisseur brute et sur toutes les passes suivantes jusqu'à une passe pour laquelle l'épaisseur atteinte ne risque plus de provoquer un refus d'engagement ;

ii) le système de régulation détermine aussi, pour chacune des passes, d'abord un premier resserrement des cylindres de travail jusqu'à un premier écartement calculé à l'avance en fonction de l'épaisseur et de l'état de l'extrémité du produit venant de la passe précédente de façon à déterminer, d'une part, un pincement suffisant pour l'entraînement du produit et, d'autre part, un angle d'attaque assez réduit pour éviter un refus d'engagement, puis,

iii) un second resserrement des cylindres de travail jusqu'à un second écartement correspondant à la réduction d'épaisseur maximale possible compatible avec la capacité du laminoir, en tenant compte de la variation d'épaisseur du produit lors de la passe considérée.

3.3. Sur la question de savoir si l'invention revendiquée découle de manière évidente de l'enseignement du document D1 et des connaissances normales et ordinaires de l'homme du métier, il y a lieu d'observer ce qui suit :

L'invention revendiquée est fondée sur l'idée de réaliser pour chacune des passes de laminage une réduction optimale de l'épaisseur, c'est-à-dire une réduction aussi grande que possible tout en restant compatible avec la puissance et la force maximale du laminoir et qui soit, par conséquent, supérieure à la réduction d'épaisseur autorisée par l'angle d'attaque, lequel, s'il est trop important, produit un refus d'engagement.

Dans le document D1, il est également prévu un procédé de laminage dans lequel, pour certaines passes, la réduction d'épaisseur peut être faite en deux étapes. Mais les passes en deux étapes s'effectuent uniquement dans le cas où, conformément à la figure 2, le rapport entre l'épaisseur du produit et la réduction d'épaisseur recherchée pour la passe tombe entre les deux courbes 1 et 2 de la figure 2, c'est-à-dire dans une zone susceptible de produire un défaut d'alligator. Ainsi, dans l'exemple donné (segment de droite 4 sur la figure 2), on prévoit de réduire l'épaisseur d'un produit plat de 15 à 3 pouces en 12 passes de 1 pouce. C'est uniquement dans la zone de danger comprise entre les deux courbes 1 et 2 pour les passes 7 à 10 que l'on prévoit des passes de laminage en deux étapes. Ainsi, pour la 7ème étape, on va pouvoir augmenter l'écartement des cylindres de travail et diminuer ainsi la réduction d'épaisseur de façon à ce que le rapport soit situé en dehors de la zone de danger.

Il n'est nullement question dans ce document d'effectuer pour chacune des passes une réduction d'épaisseur qui soit aussi grande que possible compatible avec la puissance de laminage disponible. A cet égard, la requérante a tenté de faire valoir que le problème résolu par le brevet européen en cause est la réduction du nombre de passes nécessaires, ce qui a pour corollaire la recherche pour chacune des passes d'une réduction d'épaisseur aussi grande que possible.

Il y a lieu d'observer que la recherche d'une réduction optimale de l'épaisseur pour chacune des passes est tout à fait étrangère aux préoccupations du rédacteur du document D1. En effet, il est simplement envisagé d'effectuer des passes de laminage ayant un taux de réduction constant, par exemple de 1 pouce par passe.

Au surplus, le problème résolu par le brevet - la réduction du nombre de passes - n'est nullement posé dans le document D1 : pour éviter le défaut d'alligator, il est envisagé d'effectuer certaines passes de laminage en deux étapes et selon une double alternative. Dans une première alternative, les deux cylindres travail sont ouverts puis aussitôt refermés et, dans une seconde alternative les deux cylindres de travail sont refermés puis aussitôt réouverts ou écartés. Il est clair qu'une réduction optimale d'épaisseur n'est aucunement recherchée dans cette seconde alternative puisqu'une fois que le produit plat est engagé entre les deux cylindres de travail, ces derniers sont écartés l'un de l'autre.

Il est indéniable que le document D1 n'enseigne pas d'effectuer des passes de laminage en deux étapes dès la première étape de laminage et pour toutes les étapes suivantes jusqu'à une passe pour laquelle l'épaisseur atteinte ne risque plus de provoquer de refus d'engagement. A cet effet, la requérante a tenté de faire valoir que la réalisation de passes en deux étapes n'est pas uniquement employée pour éviter le défaut d'alligator mais constitue au contraire une pratique courante dès lors qu'il se produit un refus d'engagement. Dans ce cas, l'homme du métier sait qu'il y a lieu d'écarter les deux cylindres de travail puis de les resserrer jusqu'à l'écartement correspondant à la réduction d'épaisseur souhaitée.

Ceci étant exposé, la requérante n'a pas été en mesure d'apporter des moyens de preuve ou justificatifs montrant que c'était effectivement la pratique courante. Au surplus, l'intimée a contesté cet argument et exposé que la pratique courante dans un pareil cas était au contraire d'ouvrir les deux cylindres de travail puis de les maintenir dans cet écartement pendant toute la passe de laminage.

Ainsi que l'a vainement soutenu la requérante, rien n'empêchait certes l'homme du métier d'exécuter chacune des passes de laminage en deux étapes jusqu'à une passe pour laquelle l'épaisseur atteinte ne risquait plus de produire un refus d'engagement. Mais, dans l'appréciation de l'activité inventive, la question n'est pas de savoir si l'homme du métier aurait pu réaliser chaque passe en deux étapes mais bien de savoir s'il l'aurait fait dans le but de résoudre le problème posé et parce que l'état de la technique le lui suggérait. Ainsi qu'il a été montré plus haut, le document D1 ne suggère en rien de réaliser toutes les passes en deux étapes, jusqu'à une passe pour laquelle l'épaisseur atteinte ne risque plus de provoquer un refus d'engagement.

Ainsi qu'il ressort des considérations ci-dessus, l'idée sur laquelle se fonde la solution revendiquée, à savoir une réduction aussi grande que possible de l'épaisseur pour chacune des passes est tout à fait étrangère aux préoccupations du rédacteur du document D1 ; et la solution revendiquée n'y est ni décrite, ni suggérée.

3.4. Pour les motifs ci-dessus exposés, l'objet de la revendication 1 telle que délivrée présente l'activité inventive requise (article 56 CBE).

Cette conclusion s'étend également à la revendication 2 dépendante qui concerne un mode particulier de mise en oeuvre du procédé selon la revendication 1.

Force est donc de constater que le motif d'opposition invoqué ne s'oppose pas au maintien du brevet européen tel que délivré.

4. Sur la requête en répartition des frais

L'intimée sollicite une répartition différente des frais occasionnés par la procédure orale qui a été demandée, à titre subsidiaire, par la requérante.

L'article 104(1) pose le principe selon lequel chaque partie conserve à sa charge ses propres frais. Cependant, ce principe comporte une exception énoncée également à l'article 104(1) : une répartition des frais peut être ordonnée "dans la mesure où l'équité l'exige".

Selon la jurisprudence des chambres de recours, l'exigence de l'équité s'apprécie en tenant compte des abus possibles commis dans la poursuite de la procédure. Un tel abus ne saurait être cependant commis lorsque l'une des parties demande, à titre subsidiaire, la tenue d'une procédure orale. En effet, l'article 116(1) garantit à toute partie le droit de demander une procédure orale, c'est-à-dire le droit de pouvoir plaider sa cause oralement devant l'instance concernée. Par conséquent, le seul fait de demander une procédure orale ne saurait être interprété comme constituant un abus de droit.

Il y a lieu d'ajouter qu'un tel débat oral présente l'avantage, par rapport à la procédure écrite sollicitée par la titulaire du brevet, de permettre à la Chambre d'avoir une meilleure connaissance de l'affaire, chacune des deux parties ayant en effet la possibilité de mieux faire comprendre son point de vue que par écrit.

Il n'y a donc pas lieu de prévoir, pour des raisons d'équité, une répartition différente des frais.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. Le recours est rejeté.

2. La requête en répartition des frais est rejetée.

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