T 0628/98 () of 23.3.2000

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2000:T062898.20000323
Date de la décision : 23 Mars 2000
Numéro de l'affaire : T 0628/98
Numéro de la demande : 92402246.0
Classe de la CIB : F25J 3/04
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 40 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : Procédé et installation de distillation d'air, et application à l'alimentation en gaz d'une aciérie
Nom du demandeur : L'AIR LIQUIDE, SOCIETE ANONYME / GEORGES CLAUDE
Nom de l'opposant : (I) The BOC Group plc
(II) LINDE AKTIENGESELLSCHAFT
Chambre : 3.2.03
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 84
Mot-clé : Activité inventive (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le recours vise à contester la décision datée du 6. mai 1998 d'une division d'opposition de l'OEB, qui a révoqué le brevet européen EP-B1-0 531 182 au motif que l'objet des revendications indépendantes, qui ont été en partie modifiées par le titulaire dans ses requêtes présentées au cours de la procédure d'opposition, n'impliquait pas d'activité inventive au regard du document D1 (D1 : FR-A-2 169 561, cf. aussi son équivalent E1 : US-A-4 022 030).

II. Parmi les requêtes présentées, la requête principale reprenait la version délivrée des revendications 1 et 10. La revendication 1 du brevet dans sa version délivrée a le libellé suivant :

"Procédé de distillation d'air au moyen d'une double colonne de distillation (2) couplée à une colonne de mélange (6), dans lequel on alimente la colonne de mélange en cuve par un gaz auxiliaire constitué d'un mélange de gaz de l'air, et en tête par un liquide plus riche en oxygène que le gaz auxiliaire, prélevé dans la partie inférieure de la colonne basse pression (4), et on soutire en tête de la colonne de mélange (6) de l'oxygène impur constituant un gaz de production, caractérisé en ce que le gaz auxiliaire et le liquide alimentant la colonne de mélange (6) sont comprimés sensiblement à une même première pression (P1) supérieure à celle de la colonne moyenne pression (3)."

La revendication indépendante d'installation 10, telle que délivrée, s'énonce comme suit :

"Installation de distillation d'air, du type comprenant une double colonne de distillation (2), une colonne de mélange (6), une ligne d'échange thermique (1), une source d'un gaz auxiliaire constitué d'un mélange de gaz de l'air, des moyens pour introduire le gaz auxiliaire à la base de la colonne de mélange (6), des moyens pour soutirer un liquide plus riche en oxygène que le gaz auxiliaire dans la partie inférieure de la colonne basse pression (4), des moyens (13) pour pomper ce liquide et pour l'introduire au sommet de la colonne de mélange, et des moyens pour soutirer de l'oxygène impur en tête de la colonne de mélange en tant que gaz de production de l'installation, des moyens (14) pour comprimer le gaz auxiliaire à une pression déterminée (P1) différente de celle de la colonne moyenne pression (3), les moyens (13) de pompage portant le liquide à ladite pression déterminée (P1), caractérisée en ce que des passages pour ce gaz auxiliaire comprimé sont prévus dans la ligne d'échange thermique (1) et en ce que ladite pression déterminée (P1) est supérieure à celle de la colonne moyenne pression."

Selon la décision contestée, lorsque l'on part du procédé connu de D1 et que l'on veut produire de l'oxygène impur à une pression plus élevée que celle de la colonne moyenne pression (ci-après "colonne MP"), il était évident d'aboutir à la solution, telle que spécifiée par la partie caractérisante de la revendication 1. Pour l'homme du métier, en effet, deux méthodes étaient bien connues pour élever la pression de l'oxygène et consistaient soit à élever la pression à la sortie de la colonne de production, soit à "produire directement de l'oxygène impur sous la pression demandée dans la colonne elle-même avec un surpresseur indépendant, nécessitant la compression additionnelle du gaz auxiliaire et du liquide alimentant la colonne de mélange". Comme un surpresseur d'air est plus économique et plus facile à opérer qu'un compresseur d'oxygène, la deuxième solution s'imposait logiquement.

III. La requérante - titulaire du brevet - a formé recours et payé la taxe afférente le 23 juin 1998. Avec son mémoire de recours reçu le 25 août 1998, elle a déposé six jeux de revendications.

Les intimées (opposantes I et II) ont pris position sur ces requêtes par écrits respectivement reçus le 5. janvier 1999 et le 12 mars 1999. Elles ont essentiellement constesté l'activité inventive impliquée par l'objet des différentes requêtes.

IV. En réponse à une notification de la chambre destinée à préparer la procédure orale, l'intimée II a déposé le 2. février 2000 les documents suivants de l'art antérieur :

E8 : EP-A1-0 422 974;

E9 : DE-C-3 307 181;

E10 : US-A-4 817 393.

Juste un mois avant la date de la procédure orale, la requérante a déposé de nouveaux jeux de revendications en faisant état de droits nationaux antérieurs pour l'Allemagne, la Belgique et la France (demandes de brevet DE-A1-42 19 160, BE-A3-1 006 334, et FR-A-2 677 667). Selon elle, ces droits nationaux antériorisent l'objet des revendications pour ces pays et l'obligent à déposer les requêtes distinctes suivantes, qui sont divisées en deux groupes, à savoir :

a) Pour les états contractants ES, IT, NL et SE (ci-après, premier groupe de pays) :

Le jeu de revendications 1 à 15 selon la requête principale reprend la revendication 1 de procédé ci-dessus, tandis que la revendication indépendante d'installation 9 correspond à la revendication 10 délivrée ci-dessus avec seulement la précision que le gaz auxiliaire est constitué d'air épuré et l'ajout en fin de la revendication de la caractéristique suivante : "et en ce que les moyens pour comprimer le gaz auxiliaire sont constitués par un compresseur d'air d'un procédé annexe".

La première requête auxiliaire pour ce groupe de pays se distingue de la requête principale par la suppression des revendications d'installation.

b) Pour tous les états contractants désignés(incluant le deuxième groupe de pays, à savoir BE,DE et FR) :

La deuxième requête auxiliaire pour le premier groupe de pays forme la requête principale pour le deuxième groupe. Sa revendication 1 reprend la revendication 1, version délivrée, en précisant seulement à la fin que la pression (P1) est "supérieure d'au moins 2 x 105 Pa à celle de la colonne moyenne pression (3)". Quant à la revendication indépendante d'installation 8, elle reprend les termes de la revendication 9 ci-dessus de la requête principale pour le premier groupe de pays, en ajoutant à la fin : "(...d'un procédé annexe) qui n'est pas reliée à la double colonne".

La troisième requête auxiliaire pour le premier groupe de pays forme la première requête auxiliaire pour les autres états. Elle correspond à la requête précédente, mais les revendications d'installation sont supprimées.

D'autres requête auxiliaires suivaient.

Par ailleurs, pour soutenir ses arguments, la requérante a cité deux documents relatifs à l'utilisation de colonnes de mélange dans un procédé de distillation (GB-1 352 140 et US-A-2 824 428).

V. Par un fax daté du 24 février 2000, l'intimée I (opposante I) a indiqué qu'elle ne participerait pas à la procédure orale.

La procédure orale s'est tenue le 23 mars 2000. Au cours de cette procédure, la discussion a principalement porté sur l'activité inventive impliquée et sur la clarté des revendications indépendantes d'installation. De nouvelles pages de description ont été déposées.

VI. La requérante a défendu son brevet en présentant les arguments suivants :

Parmi les modes de réalisation du document D1, seul le mode selon la figure 8 de ce document permet de produire de l'oxygène sous pression, mais la pression de ce produit n'est pas supérieure à celle de la colonne MP. A la date de priorité du brevet en cause, les connaissances générales de l'homme du métier peuvent être considérées comme reflétées par le document cité D2 ("Separation of Gases", W. H. Isalski, pages 68 et 69), qui est un ouvrage technique publié deux ans avant. Or, ce document enseigne qu'à l'époque de l'invention en cause, si de l'oxygène à plus haute pression était désiré, il était le plus souvent soutiré sous forme liquide d'une double colonne, puis élevé à une plus haute pression au moyen d'une pompe,et enfin, récupéré après échange thermique de l'oxygène avec l'air dans un vaporiseur. Selon D2, ce procédé nécessite 5 à 10 % d'énergie de plus qu'une installation de distillation utilisant un compresseur extérieur.

La présente invention innove en utilisant dans ce but la colonne de mélange connue de D1, car celle-ci demande une consommation d'énergie moindre par rapport au procédé connu de D2. Des comparaisons entre une colonne de mélange et un vaporiseur montrent que, pour une même augmentation de la pression d'oxygène, un vaporiseur demande une pression de l'air bien supérieure à celle d'une colonne de mélange. Le diagramme MacCabe et Thiele montre aussi qu'avec une colonne de mélange, plus la pression augmente, moins il y a besoin d'envoyer proportionnellement de l'oxygène liquide en tête de la colonne de mélange pour une même quantité d'oxygène gazeux produite. Une colonne de mélange réduit la pureté de l'oxygène et, donc, agit dans le sens contraire d'une colonne de distillation. Enfin, le débit d'air pour vaporiser le même débit d'oxygéne doit être augmenté fortement dans un vaporiseur à mesure que la pression de l'oxygène est augmentée, car la chaleur latente de condensation de l'air décroît bien plus que celle de l'oxygène. La méthode selon D2 est donc bien moins intéressante que celle de la présente invention et malgré cela, il n'a jamais jusqu'à la présente invention, été suggéré d'utiliser une colonne de mélange à une pression supérieure à celle de la colonne HP, si bien que l'idée de passer d'une vaporisation indirecte à une vaporisation directe n'est pas évidente. Les documents E8 à E10 ne sont pas pertinents, car ils ne concernent pas une colonne de mélange, et, en plus, ils n'indiquent nullement que l'oxygène est produit à une pression supérieure à celle de la colonne MP.

VII. L'intimée II (opposante II) a fait valoir ce qui suit :

L'admissibilité de la requête principale est mise en question, car la caractéristique introduite dans la revendication indépendante d'installation est, d'une part, une caractéristique de procédé et, d'autre part, elle est si imprécise que l'homme du métier ne sait comment l'exécuter. Les articles 84 et 83 CBE ne sont donc pas respectés.

En ce qui concerne la revendication indépendante de procédé, certes une colonne de mélange est plus efficace qu'un vaporiseur, mais d'une part, ceci est indépendant de la pression et, d'autre part, cet enseignement est déjà donné par D1. Les figures de D1, en particulier la figure 8, montrent le fonctionnement d'une colonne de mélange. Une telle colonne, bien qu'ayant une structure semblable à celle d'une colonne de distillation, agit différemment, car elle mélange des composants qui avaient déjà été séparés et qui sont introduits dans la colonne de mélange de façon opposée à celle d'une colonne de distillation. Cette colonne livre un oxygène moins pur, mais sous la pression élevée désirée, qui est celle du fonctionnement de la colonne de mélange. D1, donc, enseigne déjà qu'une vaporisation directe est plus efficace qu'une vaporisation indirecte.

La seule différence montrée par l'objet de la revendication 1 par rapport à D1 réside par conséquent dans la valeur de la pression de fonctionnement de la colonne de mélange, qui est supérieure à celle de la colonne HP. Mais, lorsque de l'oxygène est désiré à une cette pression supérieure, deux seules possibilités apparaissent : soit le porter à cette pression au moyen d'un compresseur à la sortie de l'installation (méthode externe), soit augmenter la pression durant la phase de vaporisation, ce qui revient dans l'installation de D1 à augmenter la pression de la colonne de mélange (méthode interne). Cette deuxième solution est la plus logique à cause des dangers entrainés par l'usage d'un compresseur d'oxygène.

Ceci, bien sûr, oblige à compresser à la pression voulue l'air introduit dans la colonne de mélange, mais cette solution pour obtenir de l'oxygène à haute pression est connue en soi, comme montré par l'antériorité E8 : en effet, la figure 1 de ce document montre tout d'abord une production d'oxygène gazeux à la pression atmosphérique avec une vaporisation indirecte de l'oxygène liquide soutiré de la double colonne. Puis, ensuite, pour passer à une production d'oxygène gazeux, mais ce coup-ci sous pression, la figure suivante de ce document montre qu'il faut alors porter l'oxygène liquide, avant son entrée dans le vaporiseur, à la pression désirée au moyen d'une pompe et, en outre, amener la fraction d'air fournie à ce vaporiseur à la même pression au moyen d'une compression subsidiaire. Autrement dit, des mesures techniques similaires à celles de la solution revendiquée étaient connues, et la présente invention n'a fait que les appliquer à la colonne de mélange connue de D1. Le document E8 explique clairement que le seul but de la compression additionnelle d'une partie de l'air est d'obtenir de l'oxygène à une pression plus élevée. Une fois cette enseignement connu, son application à l'installation de D1 ne pose pas de problèmes techniques particuliers pour l'homme du métier, car il sait déjà de D1 comment fonctionne une colonne de mélange. A l'aide de la figure 6 de ce document, qui montre la courbe MacCabe et Thiele, il peut voir que même si la pression de la colonne de mélange augmente, la ligne d'équilibre ne varie que peu et la colonne peut donc fonctionner. L'invention selon la revendication 1 du brevet attaqué ne fait donc qu'appliquer à une vaporisation directe, connue en soi de D1, les moyens utilisés dans E8 pour une vaporisation indirecte, et ce pour le même but.

VIII. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet européen conformément

- à sa requête principale ou à une de ses huit requêtes auxiliaires pour les états contractants Espagne, Italie, Pays-bas, Suède, déposées par lettre du 23. février 2000,

- à sa requête principale ou à une de ses six requêtes auxiliaires pour les pays Allemagne, Belgique et France, déposées par lettre du 23 février 2000.

Les intimées demandent le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Admissibilité des requêtes principales présentées par la requérante

Les deux requêtes principales contiennent, chacune, une revendication indépendante d'installation, dans laquelle la caractéristique suivante a été introduite durant la procédure de recours :

- dans la revendication 9 selon la requête principale pour le premier groupe de pays : "et en ce que les moyens pour comprimer le gaz auxiliaire sont constitués par un compresseur d'un groupe annexe";

- dans la revendication 8 selon la requête principale pour l'autre groupe de pays, cette même caractéristique se retrouve, mais elle est précisée de la façon suivante : "et en ce que les moyens pour comprimer le gaz auxiliaire sont constitués par un compresseur d'un groupe annexe qui n'est pas relié à la double colonne."

Dans le brevet attaqué, aucune définition de l'expression "groupe annexe" n'est donnée. Les première lignes de la colonne 4 du brevet, dans sa version délivrée, précisent uniquement que le gaz auxiliaire peut être de l'air prélevé à l'entrée d'une turbine à gaz. La requérante s'était appuyé sur ce passage pour expliquer que l'expression "groupe annexe" signifiait un groupe séparé de l'installation de séparation d'air. Or, cette interprétation n'apparaît pas logique au vu des termes subsidiaires "qui n'est pas relié à la double colonne", que la requérante a jugé nécessaire d'ajouter dans la seconde revendication (rev. 8) ci-dessus et qui laissent supposer qu'en leur absence le groupe annexe pourrait faire partie de l'installation de séparation. En outre, comme l'a souligné l'intimée II, ces termes subsidiaires sont eux-mêmes ambigus, car même dans le cas de l'exemple d'une turbine à gaz selon la description du brevet attaqué, il y a nécessairement une liaison entre la double colonne et la turbine, si bien que l'homme du métier ne sait pas où se situe la séparation entre le "groupe annexe" et l'installation de distillation. La description du brevet attaqué ne fournit aucun éclaircissement sur ce point.

Pour ces raisons, la caractéristique ajoutée selon les deux versions ci-dessus ne satisfait pas à l'obligation de clarté requise par l'article 84 CBE, si bien que chacune des revendications concernées et, par voie de conséquence, chacune des requêtes correspondantes doivent être rejetées.

1ères requêtes auxiliaires pour chaque groupe de pays :

3. Admissibilité

Les revendications selon ces deux requêtes sont limitées au procédé et comprennent une seule revendication indépendante de procédé 1. Pour le premier groupe de pays, cette revendication 1 est identique à la revendication 1, telle que délivrée, tandis que, dans la première requête auxiliaire pour le deuxième groupe de pays, la même version se retrouve, mais complétée par les termes : "(..pression supérieure) d'au moins 2 x 105 Pa...". Cette précision constituait la caractéristique de la revendication 7, telle que déposée à l'origine. Les exigences de l'article 123(2) et (3) sont donc respectées. Dans ces revendications, le terme "sensiblement" concerne de façon évidente l'expression "même première pression", qui suit immédiatement, et non le terme "supérieure". Ces revendications sont donc claires (Article 84 CBE). Les revendications dépendantes correspondent à des revendications dépendantes de la version délivrée du brevet, la seule modification concernant le rattachement de l'actuelle revendication 4, qui dans la revendication correspondante 5 du brevet délivré était manifestement erronée, comme cela est correctement expliquée dans la décision contestée, en bas de sa page 3. En conclusion, les deux requêtes en question de la requérante sont admissibles.

4. La nouveauté du procédé selon la revendication 1 de chacune de ces requêtes n'a pas été contestée, et la chambre la reconnaît aussi après examen des antériorités citées par l'intimée.

Dans la suite, seule la revendication 1 de la première requête auxiliaire pour le premier groupe de pays sera considérée, les arguments s'appliquant à la revendication 1 selon la première requête auxiliaire pour l'autre groupe de pays. En effet, la caractéristique supplémentaire ajoutée dans cette dernière revendication n'a pour but que d'assurer la nouveauté de l'objet de cette revendication vis-à-vis des droits nationaux antérieurs mentionnés par la requérante, qui cependant ne constituent pas un état de la technique au sens de l'article 54 CBE. Les documents correspondants ne sont donc pas pris en considération par la chambre pour tout ce qui concerne la brevetabilité des revendications.

5. L'art antérieur le plus proche est représenté par le procédé divulgué par le document D1, figure 8 et sa partie descriptive associée.

Ce procédé connu, dont le but principal au vu du titre du document français est de récupérer de l'énergie, est un procédé de distillation de l'air comportant les caractéristiques du préambule de la revendication 1. A la sortie d'une double colonne classique de distillation d'air, l'oxygène liquide soutiré de la colonne basse pression (ci-après "colonne BP") avec une pureté d'environ 98 % est porté par une pompe à une pression correspondant à la pression de la colonne MP et, après refroidissement dans un échangeur thermique, cet oxygène est introduit en tête de la colonne de mélange. Une fraction de l'air comprimé à la moyenne pression par le compresseur d'air de l'installation est elle-aussi introduite, mais au bas de cette colonne de mélange, correspondant au "gaz auxiliaire" des revendications du brevet attaqué. En tête de la colonne de mélange, de l'oxygène à environ 95 % de pureté et sous pression est récupéré en tant que produit de l'installation. Dans cet art antérieur, la pression de l'oxygène gazeux, produit de l'installation, ne dépasse pas celle de la colonne HP.

6. Partant de ce procédé connu, le but de la présente invention est d'obtenir, avec une consommation d'énergie relativement faible, de l'oxygène impur à une pureté et une pression choisies, la pression étant supérieure à celle de la colonne MP.

Selon la revendication 1 considérée du brevet attaqué, ce problème est résolu par les étapes définies dans sa partie caractérisante. Ces étapes montrent clairement que la colonne de mélange fonctionne à une pression supérieure à celle de la colonne HP, si bien qu'elle fournit de l'oxygène à cette pression.

7. Au cours de la procédure orale, l'intimée a critiqué la forme en deux parties de la revendication, parce que dans le procédé selon D1, le gaz auxiliaire (air) et le liquide alimentant la colonne de mélange sont comprimés sensiblement à une même pression. Si techniquement ce fait est exact, néanmoins la forme en deux parties de la revendication 1 est correcte, car la caractéristique concernée n'est qu'élément partiel d'une phrase, qui doit être considérée dans son ensemble. Il n'y a pas lieu de la découper en morceaux, comme le fait l'intimée. Par ailleurs, pour l'homme du métier, il est évident que les produits alimentant une colonne de distillation ou de mélange doivent être à la même pression, si bien que la mention de cette caractéristique partielle dans le préambule de la revendication serait superflue.

8. Il reste à examiner si cette solution revendiquée est évidente au regard de l'état de la technique cité.

9. Dans la décision contestée par le présent recours, il est affirmé que, partant de D1, l'homme du métier, qui désirait avoir de l'oxygène gazeux à une plus haute pression ne disposait que de deux possibilités : soit augmenter la pression de l'oxygène, soit appliquer la présente invention. La division d'opposition s'est contentée d'affirmer, sans étayer cette affirmation par une preuve quelconque, si bien qu'il n'est pas même possible de savoir pourquoi la deuxième possibilité est évidente ou même s'il n'existe vraiment que les deux possibilités mentionnées.

10. Les intimées, et en particulier l'intimée I dans sa lettre reçu le 5 janvier 1999, ont aussi repris cette thèse. Toutefois, elles n'ont fourni aucune preuve de l'évidence à opérer une colonne de mélange à une pression supérieure à celle de la colonne MP pour produire de l'oxygène sous pression. Le fait, mis en avant par l'intimée I, que D1 n'interdit pas d'opérer la colonne de mélange à une telle pression, ne constitue pas une incitation à le faire.

La requérante, par contre, en présentant les deux documents relatifs à des colonnes de mélange dans des installations de séparations d'air, l'un des documents datant de plus de trente ans, a montré que personne jusqu'à la présente invention n'avait pensé, dans de telles installations, à faire fonctionner une colonne de mélange à une pression plus élevée que celle de la colonne MP. Dans ces deux documents, la colonne de mélange est à la pression de la colonne BP, et seul le document D1 enseigne d'utiliser une pression supérieure, à savoir celle de la colonne MP, pour opérer la colonne de mélange. Mais le but de D1 est de récupérer une partie de l'énergie, qui est excédentaire en soi pour la distillation elle-même, mais nécessaire pour porter l'air à cette moyenne pression. Au vu de ce but premier de D1, il apparaît contradictoire, à première vue, de vouloir augmenter davantage la pression de l'air, au risque d'avoir une énergie excédentaire encore plus grande. D1, par suite, tendait plutôt à dissuader l'homme du métier d'envisager des pressions plus grandes pour la colonne de mélange. Bien que l'inventeur de D1 ait envisagé plusieurs modes de réalisation d'une installation de distillation d'air pour produire de l'oxygène, notamment sous pression, en utilisant à chaque fois une colonne de mélange (figures 8 à 10), il n'a pas dépassé la pression de la colonne MP pour l'oxygène de production et, dans le mode de réalisation de la figure 9, malgré l'utilisation de la colonne de mélange sous la pression MP, il a fait appel à une compression de l'oxygène liquide soutiré du bas de la colonne BP pour obtenir de l'oxygène à une pression intermédiaire entre les pressions MP et BP. Ces faits montrent qu'il n'était pas évident d'envisager d'utiliser une colonne de mélange pour obtenir de l'oxygène sous une pression supérieure à celle de la colonne MP.

11. L'élément-clé de l'argumentation, sensiblement différente, de l'intimée II durant la procédure orale est que pour un homme du métier une colonne de mélange est équivalente à un vaporiseur, comme cela se déduirait de D1, oû la colonne de mélange effectue un échange thermique direct, tandis que dans un vaporiseur c'est un échange indirect qui s'effectue.

11.1. Des moyens équivalents au sens du droit des brevets sont des moyens, qui, bien que de formes différentes, remplissent la même fonction en vue d'un résultat de même nature. Aussi, lorsque, dans le cas présent, il est question d'échange thermique direct pour l'un des moyens, à savoir la colonne de mélange, et d'échange thermique indirect pour l'autre, le vaporiseur, les deux moyens ne fonctionnent pas de façon identique. La requérante a, par ailleurs, montré que les conditions de fonctionnement, eux-aussi, ne sont pas identiques. Un vaporiseur a pour but premier d'effectuer la vaporisation d'un liquide par condensation d'un gaz, alors qu'une colonne de mélange sert en premier à récupérer de l'énergie, laquelle est libérée par mélange d'un liquide et d'un gaz provenant tous deux de la colonne de distillation. Les fonctions ne sont donc pas identiques. Les résultats non plus, car un vaporiseur ne modifie ni la pureté des fluides ni leurs débits, alors que, par exemple dans l'installation selon D1, fig. 8, la colonne de mélange agit au détriment de la pureté et du débit de l'oxygène en sortie. Les conditions d'une équivalence de moyens ne sont donc pas remplies.

11.2. D'ailleurs, nulle part dans les documents D1 et E1 il est enseigné qu'une colonne de mélange est un moyen équivalent à un vaporisateur, alors même que cet art antérieur mentionne le vaporiseur-condenseur usuel d'une double colonne ou encore un vaporiseur reliant plusieurs colonnes de mélange (E1, col. 2, ligne 37). Dans le mode de réalisation de la figure 10 de D1, un vaporiseur d'oxygène liquide est même directement associé à une colonne de mélange, chaque appareil ayant une fonction distincte de celle de l'autre, et aucune assimilation n'est faite entre ces deux appareils. En fait, D1 ou son équivalent E1 enseigne qu'une colonne de mélange agit comme une colonne de rectification, même si c'est en sens inverse, car deux corps y sont mis en équilibre liquide-vapeur à contre-courant. Or, ceci implique non pas un simple échange de chaleur comme dans un vaporiseur, mais un échange de chaleur et de matière (voir E1, col. 2, ligne 39). Prétendre donc que cet art antérieur effectue une assimilation entre un vaporiseur et une colonne de mélange ou encore la suggère à l'homme du métier ne correspond pas à la réalité et ne peut être que le résultat d'une analyse a posteriori pour les besoins de la cause.

11.3. Du fait que l'élément clé de l'argumentation de l'intimée II se révèle inexact, c'est toute son argumentation qui n'est pas fondée et, dans ces conditions, il est inutile d'examiner l'enseignement des autres documents cités par les intimées, et en particulier celle des documents D2 et E8, qui, tout comme les autres, montrent en aval d'une double colonne de distillation un soutirage d'oxygène liquide à partir de la cuve de la colonne BP, suivi de l'élévation de cet oxygène à une pression désirée au moyen d'une pompe, puis son évaporisation dans un évaporiseur par échange avec une fraction d'air comprimée à la même pression, et enfin sa sortie de l'installation après passage au travers des moyens d'échange thermique. Ces documents révèlent qu'à la date de priorité de l'invention en cause, il était seulement connu d'obtenir de l'oxygène à une pression élevée par trois méthodes, à savoir soit par cette dernière méthode ci-dessus, reprise d'ailleurs dans le mode de réalisation de la figure 10 de D1, soit par la méthode de la figure 8 de D1 utilisant la colonne de mélange, mais sans aller au delà de la pression MP, soit par compression directe de l'oxygène à la sortie de l'installation.

12. Pour ces raisons, le procédé selon la revendication 1 de chacune des deux requêtes ci-dessus implique une activité inventive. Les revendications dépendantes 2 à 10. ou 2 à 9, qui concernent soit des caractéristiques supplémentaires de ce procédé soit des applications de celui-ci, peuvent donc être maintenues.

Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de considérer les autres requêtes auxiliaires de la requérante.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision contestée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance de premier degré avec injonction de maintenir le brevet sur la base des documents suivants :

- Revendications 1 à 10 de la première requête auxiliaire, déposée par lettre du 23 février 2000, pour les pays suivants : Espagne, Italie, Pays-Bas et Suède, d'une part, et

- Revendications 1 à 9 de la première requête auxiliaire, de même déposée par lettre du 23. février 2000, pour les pays suivants : Belgique, Allemagne et France, d'autre part ;

- Description pages 1 à 6, telle que déposée pendant la procédure orale ;

- Figures 1 à 3, telles que délivrées.

Quick Navigation