T 0589/98 () of 20.11.2002

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2002:T058998.20021120
Date de la décision : 20 Novembre 2002
Numéro de l'affaire : T 0589/98
Numéro de la demande : 92401140.6
Classe de la CIB : A61K 7/06
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Composition cosmétique contenant un agent alcalinisant sans odeur
Nom du demandeur : L'OREAL
Nom de l'opposant : Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 R 55(c)
Mot-clé : Motif d'opposition (nouveauté) étayé dans l'acte d'opposition mais non maintenu devant la division d'opposition
Réintroduction au cours de la procédure de recours (oui)
Modifications - extension de l'objet de la demande (non)
Nouveauté (oui) - combinaison de caractéristiques
Activité inventive (oui) - combinaison de documents ex-post facto
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0009/91
G 0010/91
T 0161/82
T 0176/84
T 0274/95
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La mention de la délivrance du brevet européen n° 512 879 basé sur la demande de brevet européen n° 92 401 140.6 déposée le 22 avril 1992, a été publiée le 28 Décembre 1994.

II. L'opposante a fait opposition à la délivrance de ce brevet européen, demandant la révocation du brevet dans son intégralité en application de l'article 100(a) CBE pour manque de nouveauté et d'activité inventive, en se basant, entre autres, sur les documents suivants:

D1: DE-A-1 692 013

D2: JP-A2-63 270 615 (traduction en anglais fournie par la titulaire du brevet)

D3: DE-B-1 035 856

III. Par la décision rendue à l'issue de la procédure orale en date du 31 mars 1998 et remise à la poste le 15. avril 1998, la division d'opposition a maintenu le brevet sous forme amendée selon la requête principale de la titulaire, ladite requête comprenant les revendications indépendantes 1 et 9 dont le libellé s'énonçait:

"1. Composition cosmétique destinée à être appliquée sur un élément kératinique humain, tel que la peau, les cheveux et les poils, comprenant, en milieu aqueux, à un pH compris entre 5 et 12,5, d'une part, comme agent actif, un agent réducteur approprié pour la déformation permanente des cheveux ou la dépilation, un agent de coloration des cheveux choisi dans le groupe formé par les précurseurs de colorant d'oxydation, les coupleurs, les colorants d'oxydation rapide et les précurseurs de pigments mélaniques, ou un agent d'oxydation puissant approprié pour la décoloration et l'éclaircissement des cheveux et, d'autre part, un agent alcalinisant, caractérisée par le fait que l'agent alcalinisant est constitué par au moins un composé de formule (I) :

R1R2-N-R-N-R3R4 (I)

formule dans laquelle :

R est un reste propylène éventuellement substitué par un groupement hydroxyle ou un radical alkyle C1-C4 ;

R1, R2, R3 et R4, simultanément ou indépendamment l'un de l'autre, représentent l'hydrogène, un radical alkyle C1-C4 ou hydroxyalkyle (C1-C4)."

"9. Procédé pour traiter des cheveux, dans lequel on fait agir sur lesdits cheveux un agent actif approprié pour un traitement de permanente mettant en oeuvre la cystéamine, caractérisé par le fait qu'on applique sur les cheveux au moins un diaminoalcane de formule (I) avant ou après application de la permanente ou entre les deux étapes de réduction et de fixation de la permanente."

IV. Les motifs de la décision de la division d'opposition peuvent se résumer comme suit:

a) La modification de la revendication 1 se basait sur des caractéristiques mentionnées dans les revendications 3, 7 et 10 telles que déposées initialement (article 123(2) CBE).

b) L'opposante ayant retiré son objection concernant l'absence de nouveauté, la division d'opposition, en tenant compte du fait que ni D1 ni D2 ne décrivaient des compositions comprenant un agent actif selon la revendication 1, n'a vu aucune raison pour examiner la nouveauté conformément aux dispositions de l'article 114(1) CBE.

c) La division d'opposition a ensuite reconnu la présence d'une activité inventive en considérant D3 comme l'état de la technique le plus proche. Elle a défini le problème à résoudre comme étant de trouver un agent alcalinisant dans des compositions pour la déformation permanente, la dépilation, la coloration ou l'éclaircissement des cheveux, qui permettait de remplacer complètement les amines primaires classiques, à savoir l'ammoniaque ou l'éthanolamine. La division d'opposition a estimé que la solution qui consistait à utiliser une diamine telle que définie dans la revendication 1 ne découlait pas de façon évidente de l'enseignement de D3 seul ou en combinaison avec D1 et/ou D2.

V. Le 12 juin 1998 l'opposante (requérante) a introduit un recours contre cette décision en acquittant le même jour la taxe correspondante. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 03 août 1998.

La titulaire (intimée) a répondu au mémoire de recours le 21 octobre 1998.

VI. En réponse à une communication de la Chambre du 5. juillet 2002 l'intimée, avec une première lettre datée du 18 octobre 2002, a fait référence à quatre nouveaux documents et, avec une deuxième lettre également datée du 18 octobre 2002, a déposé 7 requêtes subsidiaires, a produit les résultats d'un test d'évaluation de l'odeur de 4 solutions comprenant différentes amines et a cité un document supplémentaire.

Avec une lettre datée du 18 novembre 2002, l'intimée a produit une nouvelle requête subsidiaire et a changé l'ordre des requêtes. Elle a d'autre part soumis un nouvel essai comparatif.

VII. Une procédure orale devant la chambre s'est tenue le 20. novembre 2002.

VIII. L'argumentation de la requérante développée par écrit et lors de la procédure orale peut se résumer ainsi:

a) Les essais comparatifs de l'intimée datés du 18. novembre 2002 ne devaient pas être admis dans la procédure au vu de leur dépôt tardif.

b) Dans la revendication 1 de la requête principale, le pH de la composition se situait entre 5 et 12,5 quelque soit l'agent actif. Or, la demande telle que déposée à l'origine établissait une concordance plus précise entre la nature de l'agent actif et le pH de la composition cosmétique. La revendication 1 n'était donc pas en conformité avec l'article 123(2) CBE.

c) Les compositions revendiquées n'étaient pas nouvelles au vu de D1 et D2. Ces documents divulguaient des compositions dont le pH se situait dans la gamme de pH des compositions revendiquées. Ces compositions contenaient des diamines et des agents actifs qui correspondaient aux ingrédients des compositions selon le brevet opposé.

d) i) Dans l'analyse de l'activité inventive D3 constituait l'état de la technique le plus proche.

ii) Le problème que se proposait de résoudre le brevet litigieux était le remplacement des agents classiques d'alcalinisation, tels que l'ammoniaque et les amines primaires, par des agents qui n'avaient pas d'odeur ammoniacale et qui n'interféraient pas sur l'activité des composés actifs.

iii) La résolution de ce problème était déjà à la base de l'invention selon le document D3, dans lequel le remplacement total, et non seulement partiel, de l'ammoniaque par un agent d'alcalinisation moins odorant était prévu. A cet égard il était à remarquer que les amines primaires n'étaient pas exclues des compositions selon le brevet opposé. En effet, la monoéthanolamine était un constituant de la solution colorante selon l'exemple 12 du brevet.

iv) La division d'opposition avait considéré à tort qu'il n'était pas évident pour l'homme du métier de remplacer la diisopropanolamine connu de D3 par une diamine selon la revendication 1 du brevet contesté.

Comme en attestaient les documents D1 et D2, les diamines étaient pourtant déjà utilisées dans des compositions de lavage, dans des shampooings et dans des compositions tonifiantes pour cheveux. L'absence d'odeur ammoniacale des ces composés faisait partie des connaissances générales de l'homme du métier.

En effet, ces composés avaient une température d'ébullition élevée, ce qui les rendait moins aptes à dégager une mauvaise odeur. Il était ainsi évident pour l'homme du métier d'envisager ces composés pour remplacer les amines de l'état de la technique et supprimer ainsi les inconvénients liés à la mauvaise odeur de ces derniers.

Le N-hydroxypropyl-1,3-diaminopropane était l'amine selon le brevet contesté la plus proche des amines de D3, notamment de la diisopropanolamine décrite dans ce document. Afin de démontrer un effet surprenant il aurait fallu comparer ces deux amines. Or, les essais comparatifs sur lesquels se basait la division d'opposition pour reconnaître une activité inventive ne concernaient que l'ammoniaque, la monoéthanolamine ou la monopropylamine.

v) Les compositions revendiquées n'impliquaient donc pas d'activité inventive.

IX. L'intimé a présenté les arguments suivants:

a) Les revendications modifiées ne s'étendaient pas au-delà de la demande telle que déposée. En effet elles correspondaient à la combinaison de la revendication 1 et des revendications dépendantes déposées à l'origine.

b) i) L'objection de manque de nouveauté avait été abandonnée par la requérante. La division d'opposition n'avait d'autre part pas jugé nécessaire d'examiner ce motif en vertu de l'article 114(1) CBE. La requérante n'avait pas repris cette objection dans le mémoire exposant les motifs du recours. Par conséquent, selon les principes énoncés dans la décision G 9/91 et l'avis G 10/91 (JO OEB, 1993, 408 et 420), le motif de manque de nouveauté ne pouvait être réintroduit dans la procédure de recours.

La décision T 274/95 (JO OEB, 1997, 99) dont la chambre avait fait référence dans la notification accompagnant la convocation à la procédure orale, était une décision d'espèce qui ne s'appliquait pas à la procédure en instance. La division d'opposition avait donné dans ce cas un avis préliminaire sur le motif d'opposition qui par la suite avait été abandonné. Dans la présente affaire la division d'opposition ne s'était jamais prononcée sur la question de la nouveauté. Les deux cas étaient donc fondamentalement différents.

ii) Si la nouveauté des compositions revendiquées devait toutefois être remise en question, il faudrait alors analyser les antériorités fortuites D1 et D2 dans le respect des principes énoncés dans la décision T 161/82 (JO OEB, 1984, 551), c'est à dire en établissant une distinction particulièrement soigneuse entre ce qui peut être raisonnablement considéré comme se trouvant dans les termes des revendications du brevet litigieux et ce dont ces documents font effectivement état. Il deviendrait ainsi évident que les documents D1 et D2 ne divulguaient pas les agents actifs tels que prévus dans les compositions revendiquées.

c) i) Pour l'évaluation de l'activité inventive l'état de la technique le plus proche était représenté par D3.

ii) Le problème technique à résoudre était de trouver un agent alcalinisant pouvant remplacer totalement l'ammoniaque et la monoéthanolamine dans des compositions pour la déformation permanente des cheveux, qui soit pratiquement sans odeur, tout en conservant, voir même en améliorant, les effets d'ondulation des cheveux.

iii) Or, la présente invention a mis en évidence que l'agent alcalinisant pouvait être constitué uniquement de diaminopropane de formule (I).

Les exemples du brevet opposé montraient qu'il était ainsi possible d'empêcher le dégagement d'une odeur ammoniacale tout en obtenant une frisure équivalente ou supérieure à celle obtenue avec les compositions selon D3. Un exemple comparatif entre la diisopropanolamine et le 2-hydroxy-1,3-diaminopropane n'était donc pas nécessaire. Le problème était ainsi résolu par les compositions telles que revendiquées. La monoéthanolamine mentionnée dans l'exemple 12 du brevet litigieux était incorporée dans un savon; elle ne pouvait donc jouer le rôle d'alcalinisant.

iv) L'agent alcalinisant selon D3 était constitué d'une amine primaire qui avait une odeur ammoniacale et d'une dialkylolamine sans odeur. Le document ne mentionnait pas la possibilité d'utiliser un agent alcalinisant constitué uniquement de dialkylolamines. Au contraire, il indiquait que l'utilisation d'un mélange de diéthanolamine et de diisopropanolamine ne donnait pas de résultats commercialement acceptables. Le seul enseignement que l'homme du métier pouvait donc déduire de D3 était la nécessité d'utiliser un mélange d'amine primaire et secondaire.

D1 et D2 concernaient des domaines et des problèmes techniques différents de ceux de D3; selon la décision T 176/84 (JO OEB, 1998, 157) ils ne pouvaient donc être combinés à ce document.

En outre, même si une combinaison de D3 avec D1 ou D2 était envisageable, l'homme du métier n'arriverait pas à la solution proposée par le brevet litigieux.

Dans D1 la diamine n'était pas utilisée pour réguler un pH permettant le bon fonctionnement d'un composé actif. Elle n'avait donc pas de rôle alcalinisant.

Selon D2 la diamine favorisait la pousse des cheveux. Cet effet était même contraire à l'effet recherché dans la composition revendiquée où l'on souhaitait une ouverture de la structure du cheveu, soit en quelque sorte sa dégradation.

v) L'objet revendiqué impliquait donc une activité inventive.

X. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimée requiert le rejet du recours ou, alternativement, la maintenance du brevet sur la base de l'une des requêtes subsidiaires comme indiquées dans la lettre reçue le 18 novembre 2002.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable

Requête principale

2. Modifications

Par rapport à la revendication 1 de la demande déposée à l'origine, la revendication 1 selon la requête principale précise la nature des agents actifs, le pH étant compris entre 5 et 12,5. Or, dans la description de la demande, une gamme de pH spécifique était donnée en fonction des agents actifs. Pour cette raison, la requérante a fait valoir que l'objet de la revendication 1. s'étendait au-delà du contenu de la demande telle que déposée à l'origine.

La chambre ne peut partager ce point de vue. En effet, la revendication 1 selon la requête principale provient de la combinaison de la revendication 1 et des revendications 3, 7 et 10 telles que déposées initialement. Les revendications 3, 7 et 10 étaient directement dépendantes de la revendication 1 et ne comportaient aucune indication de pH plus précise que celle mentionnée dans la revendication 1, c'est-à-dire une gamme de pH entre 5 et 12,5. Ainsi la présente revendication 1 se trouvait déjà dans la demande telle que déposée initialement sous la forme de revendications dépendantes. Elle ne s'étend donc pas au-delà du contenu de la demande d'origine (article 123(2) CBE).

Les indications plus précises de la valeur du pH en fonction de la nature de l'agent actif mentionnées dans la description de la demande sont précédées de la mention "généralement" et ne désignent donc que des valeurs préférentielles, généralement utilisables (page 5, lignes 2 à 6, page 6, lignes 10 à 11, 16 à 17), comme reflétées dans les revendications dépendantes d'origine 5, 6, 9 et 11. Ces indications ne limitent pas la divulgation opérée par les revendications déposées initialement.

La requérante n'a émis aucune objection au titre de l'article 123(2) CBE à l'encontre des autres revendications de la requête principale. La chambre n'a elle-même aucune objection à cet égard.

Par ailleurs, la chambre ne voit aucune raison de soulever une objection au titre des articles 123(3) et 84. CBE.

3. Nouveauté

3.1. Dans la notification accompagnant la convocation à la procédure orale, la chambre, en se référant à la décision T 274/95 (supra) a fait remarquer que la question de la nouveauté des compositions revendiquées pourrait se poser, même sans le consentement de l'intimée. Ce motif a également été invoqué par la requérante lors de la procédure orale.

3.1.1. L'absence de nouveauté était un motif d'opposition invoqué et étayé dans la notice d'opposition. La titulaire du brevet avait alors réagi en présentant en réponse à la notice d'opposition une contre-argumentation et en modifiant les revendications du brevet opposé.

Par conséquent, ce motif d'opposition a été valablement invoqué et motivé, conformément à l'article 99(1) CBE ensemble la règle 55c) CBE. Lors de la procédure devant la division d'opposition ce motif a été pris en compte par la titulaire du brevet et par la division d'opposition, puisqu'elle a jugé utile de le mentionner comme sujet de discussion dans l'annexe à la convocation à la procédure orale.

3.1.2. Comme l'attestent la décision attaquée (point 3) et le procès verbal daté du 15 avril 1998 (point 5), l'objection de manque de nouveauté a ensuite été abandonnée au cours de la procédure orale devant la division d'opposition.

Dans cette phase avancée de la procédure d'opposition, en particulier dans le cas ou la titulaire a modifié les revendications, l'opposante peut reconsidérer la pertinence de ses arguments et le cas échéant, abandonner un motif d'opposition initial qu'elle juge à priori moins pertinent.

Ces circonstances ne doivent toutefois pas priver la chambre de reconsidérer cette question. En ce faisant, conformément à l'avis G 10/91 (supra), le cadre de droit et de fait dans lequel l'examen quand au fond doit en principe se dérouler et qu'impose la déclaration visée à la règle 55c) CBE, est respecté.

Par conséquent, le motif de manque de nouveauté étayé dans l'acte d'opposition mais qui par la suite n'a pas été maintenu dans la procédure d'opposition, n'est pas un nouveau motif d'opposition dans le sens de l'avis G 10/91 (supra). La Chambre peut donc l'examiner sans le consentement de la titulaire.

Le fait que la division d'opposition n'ait pas formulé d'avis sur un motif d'opposition ne modifie en rien le fait que ce motif ait été valablement invoqué et étayé dans l'acte d'opposition.

3.2. La requérante a objecté le manque de nouveauté des compositions revendiquées sur la base des documents D1 et D2.

3.2.1. Le document D1 divulgue des compositions de lavage et de nettoyage qui contiennent des sels de diamines dont certaines seulement répondent à la formule (I) selon le brevet litigieux. Ainsi dans la formule des diamines à la page 2 de D1, n est choisi entre 3 et 16, or seules les diamines dans lesquelles n est égal à 3 peuvent correspondre aux diamines du brevet contesté. De même, dans la liste des diamines de la page 2, paragraphe 2, seule la triméthylènediamine est une diamine selon le brevet. Parmi les exemples des pages 11 et 12, seuls les exemples 1, 6 et 7 concernent des diamines selon le brevet opposé.

Les agents actifs cités par la requérante dans l'analyse de D1 ont également été sélectionnés dans une liste importante d'ingrédients dont, à l'évidence, la grande majorité ne correspond pas aux agents actifs selon le brevet litigieux (D1, page 5).

La requérante n'a pas pu identifier dans D1 une composition dans laquelle une diamine et un agent actif selon le brevet opposé étaient associés.

Ainsi, même si certains des ingrédients de D1 pourraient correspondre aux agents actifs selon le brevet litigieux, une composition combinant une diamine et un agent actif selon la revendication 1 du brevet litigieux n'est pas divulguée dans D1.

3.2.2. Le document D2 décrit des compositions tonifiantes favorisant la pousse des cheveux dont certaines comprennent des diamines répondant à la formule (I) du brevet litigieux (page 2, formule (I) lorsque n=1; exemples 1 à 6). Toutefois, les diamines de formule (I) pour lesquelles n=0 ne correspondent pas aux diamines selon le brevet opposé. Les compositions peuvent contenir également une variété d'autres agents actifs, par exemple des agents kératolytiques tel que le résorcinol (page 4, paragraphe 1) qui selon la requérante serait un agent de coloration. Toutefois, aucune composition contenant à la fois du résorcinol et une diamine selon la revendication 1 du brevet litigieux n'est divulguée dans D2.

3.2.3. Les compositions revendiquées sont caractérisées par la combinaison d'un agent alcalinisant spécifique constitué d'une diamine particulière et d'un agent actif précis choisi en fonction de l'utilisation de la composition. Il ne suffit pas pour détruire la nouveauté d'une telle combinaison, d'associer, en ayant connaissance de l'invention, des ingrédients choisis parmi les possibilités diverses qu'offre un document antérieur et ainsi créer de façon artificielle une composition selon le brevet opposé. Il faut au contraire que la combinaison telle que revendiquée dérive directement et sans aucune équivoque de ce document. Or, D1 et D2 ne divulguent pas de composition comprenant une telle combinaison.

Les compositions selon la revendication 1 et par conséquent selon les revendications dépendantes 2 à 8 sont donc nouvelles (article 54 CBE).

4. Activité inventive

4.1. Etat de la technique le plus proche

Le brevet litigieux concerne des compositions cosmétiques contenant un agent alcalinisant sans odeur, destinées à être appliquées sur un élément kératinique humain.

Le document D3 concerne le domaine des compositions cosmétiques pour cheveux qui permettent d'obtenir des frisures permanentes. La chambre partage l'avis des parties et de la division d'opposition en ce qui concerne le choix de D3 comme reflétant l'état la technique le plus proche.

4.2. Problème technique à résoudre

4.2.1. D3 mentionne les problèmes liés à la présence d'ammoniaque dans les compositions pour ondulation permanente (colonne 1, lignes 1 à 40) et propose de remplacer partiellement ou totalement l'ammoniaque par une solution qui contient un acide mercaptocarboxylique et un mélange d'une amine primaire et d'une amine secondaire (colonne 1, ligne 48 à colonne 2, ligne 1). L'amine primaire est préférentiellement l'ammoniaque ou une monoalkylolamine, et l'amine secondaire est une dialkylolamine (colonne 3, lignes 8 à 15). La composition ainsi obtenue est caractérisée par une odeur beaucoup moins importante, sans que l'effet d'ondulation ne soit altéré (colonne 2, lignes 33 à 36).

Les exemples de D3 illustrent des compositions comprenant la diisopropylamine en mélange avec l'ammoniaque (exemples 1 et 2, 13), un sel d'ammoniaque (exemples 3 à 9), la monoéthanolamine (exemple 10) ou la monoisopropanolamine (exemples 11, 14 et 15), ainsi que la diéthanolamine en mélange avec la monoisopropanolamine (exemple 12). Ces exemples donnent des résultats satisfaisants tant au niveau de l'effet d'ondulation des cheveux, qu'au niveau de l'odeur.

A titre de comparaison, une solution qui comprend un mélange de monoisopropanolamine et un sel d'ammonium, donc sans amine secondaire, est décrite comme dégageant une odeur ammoniacale. Des solutions ne contenant que des amines secondaires, par exemple la diéthanolamine et la diisopropanolamine, ou des solutions à base d'amines tertiaires, notamment la triisopropanolamine et la triéthanolamine, bien que n'ayant qu'une odeur faible, ne donnent pas d'effet d'ondulation satisfaisant (colonne 7, lignes 15 à 32).

4.2.2. D'après la description du brevet contesté, les compositions revendiquées ont l'avantage de ne pas être malodorantes. La frisure obtenue est au moins aussi serrée qu'avec les compositions à base d'ammoniaque (exemples 1 à 6 et exemple comparatif 7; tableau II) et même plus serrée qu'avec celles à base de monoéthanolamine; les cheveux sont d'autre part mieux préservés (page 2, lignes 31 à 36).

4.2.3. En réponse au mémoire d'opposition, l'intimée avait réalisé une série d'essais comparatifs dont les résultats peuvent se résumer ainsi :

une solution à base de 1,3-diaminopropane selon le brevet opposé a une odeur plus agréable qu'une solution à base de 1,2-diaminoéthane; en comparaison avec un traitement à base d'ammoniaque, le cheveu est plus résistant lorsqu'il est traité avec une solution contenant le 1,3-diaminopropane; une frisure réalisée avec une solution à base de 1,3-diaminopropane est de meilleure qualité que les frisures obtenues avec des solutions à base d'ammoniaque, de monoéthanolamine ou de monopropylamine (lettre datée du 2 mai 1996, annexes III à V).

Avec la deuxième lettre datée du 18 octobre 2002 l'intimée avait joint une évaluation de l'odeur de quatre solutions respectivement à base d'ammoniaque, de 1,3-diaminopropane (selon le brevet litigieux), de monoéthanolamine et de diisopropylamine, ladite évaluation mettant en évidence une odeur plus agréable de la solution avec le 1,3-diaminopropane.

4.2.4. Il n'a pas été contesté que les compositions revendiquées ont une odeur plus agréable que les compositions de D3. La requérante a même donné une explication à cette observation en prétendant que l'absence d'odeur ammoniacale de la diisopropylamine serait due à son point d'ébullition plus élevé que celui de l'ammoniaque et ou de la monoéthanolamine.

Un effet avantageux sur la frisure n'a toutefois pas été mis en évidence.

A cet effet, l'intimée a fait valoir que des essais comparatifs n'étaient pas nécessaires: l'exemple 6 du brevet en opposition montrait que l'on obtenait une excellente frisure en utilisant le 2-hydroxy-1,3-diaminopropane comme seul agent alcalinisant, alors que selon D3 le mélange diisopropanolamine et diéthanolamine donnait un résultat qui n'était pas acceptable (lettre en réponse au recours, datée du 19 octobre 1998, paragraphe II).

La Chambre note toutefois que l'exemple de D3 auquel se réfère l'intimée met en oeuvre un mélange de deux amines secondaires et ne correspond donc pas à l'état de la technique le plus proche, dans lequel l'agent alcalinisant est un mélange d'une amine secondaire et d'une amine primaire.

Ainsi, en comparaison avec l'état de la technique le plus proche, le seul avantage imputable aux compositions revendiquées est l'amélioration de l'odeur.

4.2.5. Par conséquent, le problème technique objectif à résoudre était donc de mettre à disposition des compositions pour être appliquées sur un élément kératinique humain, qui aient une odeur plus agréable que les compositions connues, tout en conservant leurs effets sur l'ondulation des cheveux.

4.3. Solution et activité inventive

La chambre est satisfaite au vu des données mentionnées ci-dessus (points 4.2.2 et 4.2.3), que le problème tel que défini ci-dessus a bien été résolu par les compositions objet de la revendication 1 du brevet opposé qui prévoient que l'agent alcalinisant est constitué par au moins une diamine de formule (I).

La requérante a fait remarquer que l'exemple 12 du brevet litigieux décrit une composition dans laquelle la monoéthanolamine est présente. Par conséquent, au vu de cet exemple le problème technique ne serait pas résolu.

La chambre partage à cet égard l'opinion de l'intimée qui a fait remarquer que dans cet exemple la monoéthanolamine n'est pas un agent alcalinisant, mais est utilisée pour neutraliser l'acide oléique et former un savon. Le savon ainsi préparé est ajouté à la composition. La monoéthanolamine ne peut donc jouer, sous cette forme, la fonction d'alcalinisant qui est assurée dans cet exemple par le 1,3-diaminopropane (page 6, lignes 7 à 9).

4.4. La question qui se pose est donc de savoir si la solution qui consiste à utiliser dans les compositions cosmétiques destinées à être appliquées sur un élément kératinique humain, un agent alcalinisant constitué par au moins un composé de formule (I), découlait à l'évidence pour l'homme du métier, de l'état de la technique disponible.

4.4.1. Le document D3 met en évidence que la nature de l'agent alcalinisant joue un rôle essentiel à la fois sur l'odeur que dégagent les compositions et sur l'effet d'ondulation des cheveux. Afin d'aboutir à une solution acceptable sur ces deux aspects, D3 préconise l'utilisation conjointe de deux agents alcalinisants différents, notamment une amine primaire et une amine secondaire. Ces deux composants doivent, d'autre part, se trouver dans des rapports molaires bien précis (colonne 1, ligne 52 à colonne 2, ligne 1, colonne 3, lignes 20 à 50, revendication 1). Des résultats inacceptables sont observés lorsque l'on modifie la nature de l'agent alcalinisant. Ainsi le mélange de deux amines primaires, de deux amines secondaires, ou encore de deux amines tertiaires, engendre des problèmes d'odeur et/ou de qualité de frisure (colonne 7, lignes 15 à 32).

Par conséquent, au vu de l'enseignement de D3, l'homme du métier était peu enclin à modifier la nature de l'agent alcalinisant. Il ne pouvait s'attendre à obtenir des compositions sans odeur ammoniacale et montrant des effets cosmétiques sur les cheveux satisfaisants, en incorporant dans les compositions, au lieu d'un mélange précis d'amines de nature différente, des diaminoalcanes de formule (I) selon le brevet opposé.

4.4.2. Le document D1 décrit des compositions de lavage et de nettoyage constituées de composés tensio-actifs et de sels de diamines qui ont un effet protecteur pour la peau, sans pour autant diminuer les capacités de nettoyage (page 6, paragraphe 3). Le document précise qu'il était surprenant que les sels de diamines puissent jouer ce rôle protecteur parce que les diamines et les amines libres étaient connues pour leur agressivité vis à vis de la peau, rendant incompatible leur utilisation dans certaines compositions de lavage (page 7).

Le document D2 décrit des compositions tonifiantes pour les cheveux dans lesquelles des diamines favorisent la pousse des cheveux (page 2, formule (I), page 3, lignes 10 à 15, tables 1 et 2 et commentaires sous la table 2, page 6). Les diamines ont donc selon ce document une fonction totalement différente de celle décrite dans le brevet litigieux.

Les documents D1 et D2 ne concernent donc pas du tout le problème technique à la base du brevet contesté. La chambre écarte par conséquent la combinaison de D3 avec D1 ou D2 qu'elle considère artificielle et qui ne serait que le résultat d'une analyse faite en ayant connaissance de l'invention.

En outre, l'homme du métier ne pouvait s'attendre au vu des enseignements de D1 et D2, que les diamines définies dans les revendications du brevet litigieux pouvaient être incorporées dans des compositions cosmétiques destinées à être appliquées sur un élément kératinique humain, afin d'obtenir les résultats souhaités au niveau de l'odeur de la composition et de la frisure des cheveux.

L'objet de la revendication 1 de la requête principale et, par conséquent, des revendications dépendantes 2 à 8, ne saurait donc découler de manière évidente de l'enseignement de D3 seul, ou en combinaison avec D1 et/ou D2 (article 56 CBE).

4.5. La chambre a considéré dans l'analyse de l'activité inventive que les compositions selon le brevet attaqué présentaient, par rapport aux compositions de D3, un effet avantageux au niveau de l'odeur.

L'argumentation développée ci-dessus, en particulier sous le point 4.4, conduirait au même résultat si les compositions revendiquées ne présentaient pas cet avantage, en d'autres termes, si elles n'étaient que des alternatives aux compositions de D3.

5. Le procédé selon la revendication 9 du brevet litigieux met en oeuvre les diamines de formule (I) dans un traitement de permanente particulier, à base de cystéamine. La requérante n'a proposé aucun argument contre ce procédé. La Chambre ne voit pas de raison sur la base des documents disponibles de mettre en doute la brevetabilité de ce procédé.

6. Essais comparatifs tardifs

Durant la procédure orale les résultats des essais comparatifs déposés avec la lettre de l'intimé datée du 18. novembre 2002 n'ont pas été pris en considération pour l'évaluation de l'activité inventive. Il n'a donc pas été nécessaire de prendre une décision quant à leur admissibilité.

7. Conclusions

L'objet des revendications selon la requête principale satisfait aux exigences de la CBE. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de considérer les requêtes auxiliaires.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

Le recours est rejeté.

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