T 0226/98 (Famotidine/RICHTER GEDEON) of 7.2.2001

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2001:T022698.20010207
Date de la décision : 07 Fevrier 2001
Numéro de l'affaire : T 0226/98
Numéro de la demande : 87306882.9
Classe de la CIB : C07D 277/48
Langue de la procédure : EN
Distribution : A
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : RICHTER GEDEON VEGYESZETI GYARR.T.
Nom de l'opposant : Yamanouchi Pharmaceutical Co.
Ltd
Chambre : 3.3.01
Sommaire : I. En l'absence de définition quantitative généralement admise de la norme de pureté requise, une revendication portant sur un produit en tant que tel (en l'occurrence de la famotidine de forme "B") est dépourvue de clarté dès lors qu'une norme de pureté pharmaceutique est définie par la caractéristique "en tant que produit pharmaceutique". Cette expression ne saurait davantage être considérée comme une caractéristique fonctionnelle communément admise, dans la mesure où l'on ne peut en déduire aucune définition claire (cf. point 7.2 des motifs).
II. Etant donné que les normes de pureté peuvent évoluer au fil du temps pour diverses raisons (nouveau procédé de fabrication, nouveaux outils d'analyse ou perfectionnement de ces outils, changement des critères d'obtention d'une autorisation de mise sur le marché), il n'apparaît pas clairement quelle est la qualité requise du produit lorsqu'elle est définie par l'expression "en tant que produit pharmaceutique" (point 7.3 des motifs).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 84
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(3)
European Patent Convention 1973 Art 54(1)
European Patent Convention 1973 Art 54(2)
European Patent Convention 1973 R 57a
Mot-clé : Requête principale : clarté (non) - manque de clarté de la caractéristique distinctive en tant que produit pharmaceutique'"
Première requête subsidiaire : fondement sur la demande telle que déposée (non)
Seconde requête subsidiaire : nouveauté (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0009/91
G 0001/92
G 0009/92
T 0012/81
T 0181/82
T 0303/94
T 0401/95
T 0728/98
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0381/02
T 1772/09

Exposé des faits et conclusions

I. Le requérant (titulaire du brevet) a formé un recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition de maintenir le brevet européen n° 0 256 747 (demande de brevet européen n° 87 306 882.9) sous une forme modifiée (seconde requête subsidiaire présentée dans la procédure devant la division d'opposition) conformément à l'article 102(3)a) CBE.

II. L'opposition formée par l'opposant 1 à l'encontre du brevet dans son ensemble était fondée sur l'article 100a) CBE, eu égard aux documents suivants :

(1) ES-A-536 803

(2) GB-A-2 055 800

(3) EP-A-0 128 736

(7) compte rendu d'expériences produit par le professeur Ishii

et à la vente antérieure de la forme "B" de la famotidine, qui était attestée par plusieurs déclarations sous serment.

L'opposition formée par l'ancien opposant 2 (cf. point IV infra), qui était fondée sur l'article 100a), b) et c) CBE, était dirigée d'une part contre la revendication 2, les revendications 4 à 8 en ce qu'elles concernent la forme "B" et la revendication 10 pour tous les Etats contractants à l'exception de l'Autriche, et d'autre part contre la revendication 2, les revendications 3 à 6 en ce qu'elles concernent la forme "B" et la revendication 8 pour l'Autriche. S'agissant de l'absence de nouveauté et d'activité inventive de l'objet de ces revendications, l'ancien opposant 2 avait invoqué les documents suivants :

(1) ES-A-536 803

(3) EP-A-0 128 736

(4) US-A-4 496 737

(8) compte rendu d'expériences produit par le professeur Burger

et la vente antérieure de la forme "B" de la famotidine, qui était attestée par plusieurs déclarations sous serment.

III. La division d'opposition a constaté que la revendication 2 selon la requête principale et la première requête subsidiaire présentées lors de la procédure orale ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 102(3) CBE.

Elle a estimé que l'objet de la revendication 2 aussi bien de la requête principale que de la première requête subsidiaire, telles que présentées lors de la procédure orale, était nouveau par rapport aux documents cités de l'état de la technique, notamment l'exemple 4 du document (3), dans la mesure où ce document ne divulguait pas l'existence de formes polymorphiques de la famotidine, et par conséquent ni la forme "A", ni la forme "B" de la famotidine. La division d'opposition a cependant considéré que la forme "B" était antériorisée par un usage antérieur public.

IV. L'opposant 2 (Merck & Co., Inc.) a retiré son opposition au cours de la procédure d'opposition.

V. Avec son mémoire exposant les motifs du recours, le requérant a produit un nouveau jeu de revendications 1 à 8 pour les Etats contractants suivants : BE, CH, DE, FR, GB, IT, LI, NL et SE (la revendication 2 correspondant à celle de la première requête subsidiaire) et un nouveau jeu de revendications 1 à 6 pour l'Autriche.

VI. L'intimé (opposant 1) a uniquement demandé le rejet du recours, sans avancer aucun argument à l'appui de cette requête, et a retiré ultérieurement son opposition (cf. sa lettre en date du 9 novembre 1998).

VII. Conformément au Communiqué du Vice-Président de la Direction générale 3, en date du 19 mai 1998 (JO OEB 1998, 362 et 363), la Chambre a fait droit à la requête en accélération de la procédure présentée par le requérant le 24 juillet 2000.

VIII. Dans une première notification en date du 26 octobre 2000, la Chambre a informé le requérant :

- que l'introduction dans la revendication 2 de la caractéristique "en tant que produit pharmaceutique" ne semblait pas "utile et nécessaire" (règle 57bis CBE);

- qu'il conviendrait d'examiner si l'objet de la revendication 2 était nouveau eu égard notamment aux documents suivants :

document (3), exemple n° 4,

document (4), exemple n° 5,

document (5), c'est-à-dire le compte rendu d'expérience du professeur Marko produit par le titulaire du brevet, et les

documents (7) et (8).

IX. Dans sa réponse, reçue le 5 janvier 2001, le requérant a abandonné sa première requête et déposé, à titre de requête principale et jusque-là de seule requête, un jeu de huit revendications pour les Etats contractants autres que l'Autriche et un jeu de cinq revendications pour l'Autriche. La revendication 2 selon la requête destinée aux Etats contractants autres que l'Autriche se lit comme suit :

"2. Polymorphe morphologiquement homogène, désigné forme "B", de famotidine, en tant que produit pharmaceutique, qui a un maximum endothermique de fusion à 159° C à l'analyse calorimétrique différentielle à compensation de puissance, en chauffant à une vitesse de 1°C par minute, ses bandes d'absorption caractéristiques dans son spectre infrarouge sont à 3506, 3103 et 777 cm-1 ; son point de fusion est à 159-162° C, et il a une structure cristalline de type aiguille."

Le requérant a fait valoir que l'expression "en tant que produit pharmaceutique" était utile et nécessaire pour distinguer le produit revendiqué de la famotidine brute obtenue selon le document (3), laquelle contient des impuretés qui la rendent impropre à un usage pharmaceutique.

X. Dans une deuxième notification en date du 23 janvier 2001, envoyée par télécopie, la Chambre a informé le requérant que la procédure orale aurait tout d'abord pour objet d'examiner si l'objet de la présente requête satisfait aux exigences des articles 123(2) et (3) ainsi que de l'article 84 CBE (article 102(3) CBE).

XI. Lors de la procédure orale qui a eu lieu devant la Chambre le 7 février 2001, le requérant a déposé deux requêtes subsidiaires. La revendication 2 pour les Etats contractants autres que l'Autriche s'énonce comme suit :

Première requête subsidiaire :

"2. Polymorphe morphologiquement homogène, désigné forme "B", de famotidine, qui a un maximum endothermique de fusion à 159° C à l'analyse calorimétrique différentielle à compensation de puissance, en chauffant à une vitesse de 1°C par minute, ses bandes d'absorption caractéristiques dans son spectre infrarouge qui sont à 3506, 3103 et 777 cm-1, son point de fusion à 159-162 °C et une structure cristalline de type aiguille, susceptible d'être obtenu en dissolvant de la famotidine de composition morphologique non spécifiée dans de l'eau et/ou un alcool aliphatique inférieur en chauffant, caractérisé en ce qu'on prépare une solution sursaturée à une température inférieure à 40°C, où la solution sursaturée est produite en libérant la base libre de famotidine de son sel par addition du sel à de l'hydroxyde d'ammonium et on précipite et on en sépare des cristaux de ladite forme B."

Seconde requête subsidiaire :

"2. Polymorphe morphologiquement homogène, désigné forme "B", de famotidine, qui a un maximum endothermique de fusion à 159° C à l'analyse calorimétrique différentielle à compensation de puissance, en chauffant à une vitesse de 1°C par minute, ses bandes d'absorption caractéristiques dans son spectre infrarouge qui sont à 3506, 3103 et 777 cm-1, son point de fusion à 159-162 °C et une structure cristalline de type aiguille, susceptible d'être obtenu en dissolvant de la famotidine de composition morphologique non spécifiée dans de l'eau en tant que sel acétique et une solution de famotidine sursaturée à une température inférieure à 40°C est produite en libérant la base libre de famotidine de son sel par addition du sel à de l'hydroxyde d'ammonium et on précipite et on en sépare des cristaux de ladite forme B."

XII. Les arguments développés par le requérant tant dans la procédure écrite que lors de la procédure orale peuvent se résumer comme suit :

- Aucun recours n'ayant été formé par le seul opposant restant (opposant 1), ni la Chambre ni l'opposant non requérant ne peuvent contester le maintien du brevet tel que modifié conformément à la décision intermédiaire.

- La seule question en litige dans le présent recours concerne donc la prétendue antériorisation de la famotidine de forme "B" en tant que produit pharmaceutique "par un usage antérieur public". Les objections soulevées auparavant, telles que la prétendue antériorisation par l'exemple 4 du document (3), ont été écartées pour les motifs exposés dans la décision.

- S'agissant de la requête principale, l'introduction dans la revendication 2 du brevet tel que délivré de l'expression "en tant que produit pharmaceutique" satisfait aux exigences de la règle 57bis CBE, dès lors que cette modification a été apportée pour répondre à l'objection soulevée à l'encontre de la nouveauté de la revendication 2 du brevet tel que délivré. La modification est étayée par divers passages de la description telle que déposée, en particulier les passages figurant à la page 1, lignes 3 et 4 ainsi que lignes 13 et 14, à la page 2, ligne 22 à la page 3, ligne 7, et à la page 14, lignes 20 à 23. De surcroît, la caractéristique ajoutée est claire, car il s'agit d'une caractéristique fonctionnelle généralement admise qui porte sans équivoque sur la pureté requise d'un produit destiné à un usage pharmaceutique.

- En ce qui concerne la première requête subsidiaire, l'introduction d'une caractéristique de procédé dans la revendication 2 du brevet tel que délivré est étayée par la demande telle que déposée, à savoir les passages figurant à la page 4, lignes 11 à 13 et lignes 23 à 27, à la page 5, lignes 15 à 17 et 22 à 26, à la page 6, lignes 12 à 14 et à la page 18 (exemple n II/4). La revendication 2 selon cette requête est également claire.

- Quant à la seconde requête subsidiaire, l'introduction d'une caractéristique de procédé dans la revendication 2 du brevet tel que délivré est fondée sur les mêmes passages de la demande que ceux qui sont indiqués pour la première requête subsidiaire. Là aussi, la revendication 2 est claire.

- L'objet de la revendication 2 selon la seconde requête subsidiaire est nouveau par rapport à l'état de la technique cité. En particulier, l'exemple 4 du document (3) divulgue un procédé de fabrication de famotidine en trois étapes. Le produit obtenu à la fin de la première étape est un produit intermédiaire, que les professeurs Marko et Ishii appellent un "produit brut", qui contient des impuretés en plus de la famotidine, si bien qu'il ne se prête pas à un usage pharmaceutique. Il n'y a donc aucune raison d'arrêter le procédé divulgué dans le document (3) à ce premier stade. En outre, les expériences présentées par le professeur Marko montrent que le produit obtenu à l'issue de la troisième étape est de la famotidine de forme "A". Enfin, le résultat de la première étape n'est pas nécessairement de la famotidine de forme "B", ainsi que le montre le document (6), c'est-à-dire le compte rendu d'expériences produit par M. Harsanyi (expert du requérant)

qui a obtenu 80% de forme "A" et 20% de forme "B".

De surcroît, le point de fusion du produit brut, qui est de 157,6°C, est différent de celui du produit revendiqué (159 - 162 C), et les spectres infrarouges présents dans le compte rendu du professeur Ishii montrent que le produit brut contient toujours des impuretés. En conclusion, il existe une différence essentielle entre le produit brut obtenu selon la première étape de l'exemple 4 du document (3) et le produit revendiqué, qui présente une pureté suffisante pour être considéré comme produit pharmaceutique.

XIII. Le requérant a demandé l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet

1) sur la base de la requête principale présentée par lettre en date du 5 janvier 2001, ou

2) sur la base de la première requête subsidiaire présentée lors de la procédure orale, ou

3) sur la base de la seconde requête subsidiaire présentée lors de la procédure orale.

XIV. La Chambre a prononcé sa décision à l'issue de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Bien que les jeux de revendications contenus dans la requête principale et les deux requêtes subsidiaires pour les Etats contractants autres que l'Autriche comprennent chacun plusieurs revendications, il n'est pas nécessaire, aux fins du présent recours, d'examiner de revendication autre que la revendication 2 de chaque requête. Il n'y a pas lieu non plus d'examiner les jeux de revendications correspondants pour l'Autriche.

3. La revendication 2 de chaque requête diffère de la revendication 2 du brevet tel que délivré. En cas de modification des revendications d'un brevet pendant une procédure d'opposition ou de recours, il faut examiner en détail si ces modifications sont compatibles avec les exigences de la CBE (cf. G 9/91, JO OEB 1993, 408, point 19 des motifs).

Requête principale

4. Règle 57bis CBE

L'introduction de l'expression "en tant que produit pharmaceutique" dans la revendication 2 du brevet tel que délivré (cf. point IX supra) vise à répondre à un motif d'opposition soulevé par les opposants, à savoir l'absence de nouveauté. Cette modification est donc admissible au regard de la règle 57bis CBE.

5. Article 123(2) CBE

Compte tenu des arguments présentés par le requérant à l'appui de l'ajout de l'expression "en tant que produit pharmaceutique", la Chambre est convaincue que l'objet de la revendication 2 ne s'étend pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée (cf. description initiale, page 1, lignes 3 et 4 ainsi que lignes 13 et 14, page 2, ligne 22 à page 3, ligne 7, et page 14, lignes 20 à 23).

6. Article 123(3) CBE

La Chambre partage l'avis du requérant selon lequel l'objet de la revendication 2, c'est-à-dire la forme morphologique "B" de famotidine "en tant que produit pharmaceutique" concerne le composé en tant que tel. Par conséquent, la caractéristique "en tant que produit pharmaceutique" introduite dans la revendication 2 n'étend pas la protection conférée. Il est donc satisfait à l'exigence de l'article 123(3) CBE.

7. Article 84 CBE

7.1 L'article 84 CBE dispose avec la règle 29(1) CBE que les revendications doivent être claires et définir l'objet de la protection demandée, en indiquant les caractéristiques techniques de l'invention. Ces exigences ont deux objectifs (cf. décision T 728/98, cette décision a entre-temps été publiée au JO OEB 2001, 319, particulier le point 3.1 des motifs), à savoir :

- s'assurer que le public sache clairement ce qui est couvert par une revendication donnée et ce qui ne l'est pas ;

- délimiter l'objet revendiqué par rapport à l'état de la technique, afin d'exclure toute incertitude quant à la contribution technique qu'il apporte à l'état de la technique.

7.2 En l'espèce, la revendication 2 selon la requête principale a pour objet une forme cristalline particulière de famotidine "en tant que produit pharmaceutique". Le requérant a fait valoir que l'expression "en tant que produit pharmaceutique" se réfère à une norme de pureté pharmaceutique. Or, s'agissant du cas particulier de la famotidine, le requérant n'a soumis aucun élément pertinent à l'appui d'une quelconque définition quantitative généralement admise de la norme de pureté requise. Par conséquent, on ne saurait donner à la caractéristique "en tant que produit pharmaceutique" la moindre définition quantitative, et encore moins une définition de valeur générale. Cette expression ne saurait davantage être considérée comme une caractéristique fonctionnelle communément admise, ainsi que le soutient le requérant. Même si l'on admettait, à titre d'exemple, que l'expression "en tant que produit pharmacteutique" est une caractéristique fonctionnelle, il n'en demeurerait pas moins qu'une caractéristique fonctionnelle doit être claire, en ce sens qu'à la lecture de la revendication, l'homme du métier doit être en mesure, en faisant appel à ses connaissances générales, de déduire une définition claire de ce qui est censé être revendiqué. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

7.3 En outre, les normes de pureté peuvent évoluer au fil du temps, et ce pour diverses raisons (nouveau procédé de fabrication, nouveaux outils d'analyse ou perfectionnement de ces outils, changement des critères d'obtention d'une autorisation de mise sur le marché), si bien qu'il n'apparaît pas clairement quelle est la qualité requise du produit. Aussi la caractéristique "en tant que produit pharmaceutique" est-elle également dépourvue de clarté.

7.4 Etant donné que la revendication 2 de la requête principale n'est pas conforme à l'article 84 CBE et qu'il ne peut être statué que sur la requête dans son ensemble, il n'y a pas lieu d'examiner les autres revendications de cette requête. En conséquence, la requête principale du requérant doit être rejetée.

Première requête subsidiaire

8. Article 123(2) CBE

8.1 L'article 123(2) CBE dispose qu'une demande de brevet européen (ou un brevet européen) ne peut être modifiée de manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée. L'expression "contenu de la demande" se réfère aux parties de la demande de brevet européen qui exposent l'invention, en particulier la description et les revendications.

8.2 La Chambre n'est pas convaincue que la modification apportée à la revendication 2 concernant la préparation de la solution sursaturée "en libérant la base libre de famotidine de son sel par addition du sel à de l'hydroxyde d'ammonium" (cf. point XI supra) soit fondée sur la demande telle que déposée. En effet, les passages de la description invoqués par le requérant (page 4, lignes 23 à 27, page 6, lignes 12 à 14 et page 18, exemple II/4) permettent simplement de déduire que la base libre de famotidine peut être libérée des sels de famotidine avec des acides carboxyliques en ajoutant ce sel à de l'hydroxyde d'ammonium. Par conséquent, la généralisation à n'importe quel sel de famotidine étend l'objet de la revendication 2 au-delà du contenu de la demande telle que déposée.

8.3 La revendication 2 de cette requête n'étant pas conforme à l'article 123(2) CBE, il y a lieu de rejeter également la première requête subsidiaire du requérant.

Seconde requête subsidiaire

9. Etendue du recours

9.1 Les revendications 1 et 3 à 8 pour les Etats contractants autres que l'Autriche et les revendications 1 à 5 pour l'Autriche de la seconde requête subsidiaire correspondent respectivement aux revendications 1 à 7 pour les Etats contractants autres que l'Autriche et aux revendications 1 à 5 pour l'Autriche de la requête telle que maintenue par la division d'opposition. En vertu du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, la Chambre n'a pas compétence pour statuer en la matière (G 9/92, JO OEB 1994, 875, point 1 du dispositif), étant donné que le seul intimé (opposant 1) n'a pas formé de recours.

9.2 En revanche, contrairement à l'avis exprimé par le requérant, il est de la compétence et du devoir de la Chambre, conformément aux articles 111(1) et 102(3) CBE, de statuer sur chaque question qui se pose en rapport avec les requêtes auxquelles la division d'opposition n'a pas fait droit ou toute autre requête présentée dans le cadre du recours, la Chambre n'étant pas liée par les conclusions de la décision attaquée (cf. décision T 401/95, en date du 28 janvier 1999, non publiée au JO OEB, en particulier point 2 des motifs, et décision T 303/94, en date du 16 septembre 1999, non publiée au JO OEB, en particulier point 2 des motifs). La Chambre a notamment compétence pour examiner si l'objet de la revendication 2 est nouveau par rapport au document (3), même si la division d'opposition a émis un avis positif à ce sujet.

10 Article 123(2) et (3) CBE

La Chambre a acquis la conviction que la revendication 2 de la requête pour les Etats contractants autres que l'Autriche n'a pas été modifiée de manière à étendre son objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée. En particulier, la modification concernant la préparation d'une solution de famotidine sursaturée à une température inférieure à 40°C en dissolvant la famotidine en tant que sel acétique et en libérant la base libre de famotidine de son sel par addition du sel à de l'hydroxyde d'ammonium, est fondée sur la demande telle que déposée (cf. page 4, lignes 23 à 27, page 6, lignes 12 à 14 et page 18, exemple n II/4). Cette modification n'étend pas non plus la protection conférée.

11. Article 84 CBE

La Chambre estime que la revendication 2 de la requête pour les Etats contractants autres que l'Autriche satisfait aux exigences de l'article 84 CBE. Selon une jurisprudence bien établie des chambres de recours, un produit revendiqué peut être défini par son procédé de fabrication. En outre, la définition du procédé est claire.

12. Article 54(1) et (2) CBE

12.1 La revendication 2 en litige porte sur un produit défini en partie par des paramètres physiques et en partie par son procédé de fabrication (revendication de produit caractérisé par son procédé de fabrication). Par conséquent, même si ce produit est partiellement caractérisé par son procédé d'obtention, il n'en demeure pas moins que la revendication entre dans la catégorie des revendications relatives à une entité physique, à savoir un produit. La seule question qui se pose est de savoir si le produit tel que défini dans la revendication 2 est ou non antériorisé par le document (3), et en particulier par l'exemple 4 de ce document.

12.2 Le document (3) porte sur la préparation de la famotidine, un médicament utilisé pour bloquer le récepteur H-2 de l'histamine ou inhiber la sécrétion d'acide gastrique (cf. page 2, lignes 10 à 19). L'exemple 4 de ce document divulgue le procédé d'obtention de la famotidine ci-après :

a) condensation de sulfamide et de 3-[[[2-[(diaminométhylène)amino]-4-thiazolyl]- méthyle]thio]propionimidate de méthyle.

Après la réaction, "les cristaux formés sont recueillis par filtration, lavés avec 200 l de méthanol à froid et séchés à l'air à température ambiante, afin de fournir 87,5 kg du produit désiré présentant un point de fusion de 157,6°C" ;

b) une partie du produit obtenu est recristallisée à partir d'un mélange diméthylformamide/eau, et

c) est dissoute dans une quantité équimolaire d'acide acétique aqueux. On ajoute à la solution une quantité équimolaire de solution d'hydroxide de sodium dilué dans de l'eau, afin de séparer les cristaux présentant un point de fusion de 163-164°C.

12.3 Selon une jurisprudence bien établie des chambres de recours, une substance chimique décrite dans un document cité par l'indication du produit de départ et du procédé décrit correspondant fait partie de l'état de la technique (cf. T 12/81, JO OEB 1982, 296, point 13 des motifs et T 181/82, JO OEB 1984, 401, point 7 des motifs).

12.4 Le requérant a tout d'abord fait valoir que l'homme du métier n'aurait prêté aucune attention au produit obtenu à l'issue de l'étape a), que lui-même a appelé "produit intermédiaire", mais qu'il aurait continué à mettre en oeuvre le procédé jusqu'à obtention du produit issu de l'étape c), que lui-même a appelé "produit final". Or, cet argument méconnaît la finalité de l'article 54(1) CBE, qui est d'exclure l'état de la technique du domaine de la brevetabilité. Selon l'article 54(2) CBE, l'état de la technique s'entend de tout ce qui a été rendu accessible au public par tout moyen avant la date de dépôt. Ainsi que l'a confirmé la décision G 1/92 (JO OEB 1993, 277, en particulier point 2.1 des motifs), il convient d'exclure tout élément de subjectivité dans l'application de la notion de nouveauté telle que définie à l'article 54(1) et (2) CBE.

12.5 La Chambre relève dans ce contexte que le produit obtenu à l'issue de l'étape a) était isolé sous forme de cristaux et décrit comme étant le "produit désiré", à savoir la famotidine. Ce produit était donc accessible au public au sens de l'article 54(2) CBE.

12.6 A titre de preuve, l'étape a) de l'exemple 4 a été reproduite en toute indépendance par trois experts, dont les comptes rendus ont été présentés au cours de la procédure d'opposition :

- le professeur Marko, expert du titulaire du brevet litigieux, a reproduit ledit exemple (cf. document (5), point VIII supra) et obtenu une famotidine contenant 98,3% de la forme "B", mais ne présentant aucune quantité mesurable de la forme "A", avec un point de fusion de 161°C (cf. page 8 du compte rendu d'expériences). Le professeur Marko a émis les observations suivantes :

"La famotidine brute obtenue en suivant la procédure décrite dans l'exemple 4 s'est révélée être pour l'essentiel de forme "B", même si les produits doivent bien entendu être encore considérablement purifiés" (cf. page 10, "conclusions").

- Le professeur Ishii, expert de l'opposant 1, a reproduit ledit exemple (cf. document 7, point II supra) et obtenu une famotidine contenant 97,32% de la forme "B", mais ne présentant aucune quantité mesurable de la forme "A" (forme "B" pure sous forme de cristaux), avec un point de fusion de 158-160° (cf. page 6 du compte rendu et page 3 de l'addendum).

- Le professeur Burger, expert de l'opposant 2, a reproduit ledit exemple (cf. document (8), point II supra) et obtenu de la famotidine de forme "B" qui ne présentait aucune quantité mesurable de la forme "A" (forme "B" pure sous forme de cristaux). La pureté de ce produit a fait l'objet de trois analyses, qui ont respectivement donné un pourcentage de 96,8%, de 97,6% et de 96,1% de famotidine de forme "B" (cf. pages 29, 33 et 34 du compte rendu).

12.7 Le requérant n'a pas contesté l'objectivité et l'exactitude des résultats des expériences présentés dans les trois comptes rendus. Il a en revanche contesté que la forme "B" de la famotidine soit "le résultat inévitable" de la méthode divulguée dans l'étape a) de l'exemple 4, au motif que, selon lui, les données expérimentales fournies étaient incomplètes et que le compte rendu de M. Harsanyi (document (6) - point XII supra) montrait que l'on pouvait tout aussi bien obtenir de la famotidine de forme "A". Or, la Chambre estime que, contrairement aux preuves que constituent les comptes rendus des professeurs Marko, Ishii et Burger, l'expérience dont fait rapport M. Harsanyi ne saurait être considérée comme une reproduction de l'étape a) de l'exemple 4 dès lors qu'il n'a pas reproduit les conditions qui ont conduit à l'obtention du produit cristallin tel que divulgué, mais qu'il a utilisé de la famotidine de forme "B" pure comme produit de départ. Le requérant n'a pas contesté cette différence. Aussi la Chambre conclut-elle que i) le requérant n'a pas produit la moindre preuve que l'on ne parvient pas nécessairement au produit revendiqué, à savoir de la famotidine de forme "B", en suivant la méthode exposée dans l'étape a) de l'exemple 4, et que ii) les comptes rendus des professeurs Marko, Ishii et Burger montrent de manière indépendante et avec une convergence de résultats remarquable que l'on obtient un produit dont la teneur en famotidine de forme "B" pure (sans forme "A") varie de 96,1 à 98,3%. Par conséquent, la méthode exposée dans l'étape a) de l'exemple 4 du document (3) a nécessairement pour résultat des cristaux contenant de 96,1 à 98,3% de forme morphologiquement pure de famotidine. La variation des taux obtenus est suffisamment minime pour être considérée comme normale (le professeur Burger a analysé trois fois le produit obtenu et constaté que la teneur en famotidine de forme "B" variait de 96,1 à 97,6%).

12.8 Le requérant a également allégué que le produit revendiqué était nouveau par rapport au produit issu de l'étape a) de l'exemple 4, étant donné que les paramètres physiques étaient différents. Selon lui, les valeurs indiquées dans la revendication 2 définissent un produit dont la pureté le rend apte à un usage pharmaceutique, contrairement au produit brut obtenu en suivant l'étape a) de l'exemple 4.

Ces valeurs portent sur trois catégories différentes de mesures physiques, à savoir le point de fusion, les bandes d'absorption du spectre infrarouge et l'analyse calorimétrique différentielle (DSC).

- Le point de fusion de la famotidine revendiquée est de 159-162 C, tandis que celui du produit selon l'étape a) de l'exemple 4 est de 157,6°C. Or, le professeur Marko a noté que le point de fusion était de 161°C (cf. page 8 de son compte rendu) et le professeur Ishii qu'il était compris entre 158 et 160°C (cf. page 6 de son compte rendu). De l'avis de la Chambre, cette situation correspond aux marges d'erreur constatées lorsque l'on vérifie l'exactitude d'une mesure. En outre, nonobstant la question de savoir si la pureté d'un produit en est une caractéristique essentielle, la Chambre ne voit aucun lien clair entre la pureté alléguée du produit revendiqué et le point de fusion. Il ressort des différentes expériences dont rend compte le professeur Marko dans le document (5) que des produits contenant 99,7%, 99,6%, 98,3% et 98,2%" de forme "B" correspondent respectivement à des points de fusion de 163-164°C, 162°C, 161°C et 162°C (cf. pages 5, 8 et 10 du compte rendu). La plage de 159 à 162°C mentionnée dans la revendication 2 ne saurait être attribuée à une pureté définie qui différerait de la pureté du produit selon l'étape a) de l'exemple 4. En outre, les résultats incontestés de ces expériences montrent que ce n'est parce que les points de fusion sont situés en dehors de la plage indiquée dans la revendication que le produit obtenu n'est pas de la famotidine de forme "B". Il s'ensuit que l'indication d'un point de fusion ne constitue pas un paramètre fiable pour caractériser le produit. Par conséquent, des points de fusion différents ne signifient pas en l'espèce que les produits sont différents.

- Les bandes d'absorption caractéristiques du spectre infrarouge à 3506, 3103 et 777 cm-1 ne définissent pas davantage un nouveau produit, car ces bandes sont présentes dans le spectre infrarouge du produit obtenu selon l'étape a) de l'exemple 4. Le professeur Marko a fourni un transparent du spectre infrarouge entre 3000 et 3540 cm-1 de la forme "B" pure (cf. fig. b du compte rendu) à placer au-dessus du spectre des échantillons, et la Chambre note que ce spectre concorde totalement avec celui du produit obtenu selon l'étape a) de l'exemple 4 du document (3) qui a été joint par le professeur Marko (cf. figure 20 b) du compte rendu). De surcroît, les spectres du produit obtenu selon l'étape a) de l'exemple 4 qui ont été joints par les professeurs Burger (cf. page 27 du compte rendu) et Ishii (cf. graphique B) confirment la présence des bandes d'absorption caractéristiques à 3506, 3103 et 777 cm-1, qui sont les seules mentionnées dans la revendication.

- S'agissant du maximum endothermique de fusion à 159°C à l'analyse calorimétrique différentielle, en chauffant à une vitesse de 1 C par minute, il n'est pas possible de comparer directement cette valeur avec l'une des valeurs obtenues par les professeurs Marko et Ishii, car ceux-ci ont réalisé l'analyse à des vitesses de chauffage de respectivement 5°C et 10°C par minute. On constate cependant que les graphiques présentés dans ces comptes rendus font chacun apparaître un pic unique, qui est considéré comme étant la forme "B" de la famotidine. De l'avis de la Chambre, la différence de température du maximum endothermique est uniquement due au fait que les mesures ont été effectuées dans des conditions différentes, et on ne saurait par conséquent en conclure que le produit obtenu est différent. Les trois comptes rendus confirment que le seul produit obtenu est la forme cristalline appelée forme "B". Les variations s'expliquent uniquement par la façon dont les mesures ont été réalisées. Le professeur Marko a noté que le maximum endothermique de la forme "A" pure et le maximum endothermique de la forme "B" pure qu'il a mesurés différaient chacun de 7-8°C (cf. le paragraphe qui commence page 3 et se poursuit page 4) par rapport aux valeurs mentionnées dans le brevet litigieux. Il en a conclu que les variations des valeurs obtenues par l'analyse calorimétrique différentielle étaient dues en partie aux instruments différents qui ont été utilisés et en partie aux vitesses de chauffage différentes.

12.9 Enfin, la Chambre relève que le produit issu de l'étape a) de l'exemple 4 possède une forme cristalline morphologiquement homogène, ainsi que le montre l'analyse calorimétrique différentielle (cf. point 12.8 supra, dernier paragraphe), et qu'il présente une structure en aiguille, ainsi que l'a constaté le professeur Ishii (cf. page 3 de l'addendum au document (7) et la photographie A).

12.10 En conséquence, le produit divulgué dans le document (3) est le même que celui qui est revendiqué. L'indication de son procédé d'obtention n'affecte en rien cette conclusion, même si ce procédé est nouveau.

12.11 Etant donné que la revendication 2 selon cette requête n'est pas conforme à l'article 54(1) et (2) CBE, il y a également lieu de rejeter la seconde requête subsidiaire du requérant.

13. Compétence de la Chambre de recours

13.1 Aucun recours n'ayant été formé par l'opposant 1, lequel a entre-temps retiré son opposition (cf. point VI supra), nul ne peut, en vertu du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, contester le brevet maintenu tel que modifié par la première instance.

13.2 En revanche, la Chambre était pleinement compétente pour examiner si l'objet de la requête principale et des requêtes subsidiaires présentées par le requérant durant la procédure de recours satisfaisait aux exigences de la CBE.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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