T 0887/97 (Pâte alimentaire/NESTLE) of 28.11.2000

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2000:T088797.20001128
Date de la décision : 28 Novembre 2000
Numéro de l'affaire : T 0887/97
Numéro de la demande : 91104516.9
Classe de la CIB : A23L 1/16
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
Téléchargement et informations
complémentaires :
Texte de la décision en FR (PDF, 43 KB)
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : FR
Versions : Unpublished
Titre de la demande : Pâte alimentaire du genre "Spaghetti"
Nom du demandeur : Société des produits Nestlé S.A.
Nom de l'opposant : BARILLA G. e R. F. 11i
Società per Azioni
Chambre : 3.3.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 104
European Patent Convention 1973 Art 113(1)
European Patent Convention 1973 Art 123(2)
European Patent Convention 1973 Art 123(3)
European Patent Convention 1973 R 67
European Patent Convention 1973 R 88
Mot-clé : Activité inventive (oui) - solution au problème posé ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique
Remboursement de la taxe de recours (non) - pas de vice substantiel de procédure
Répartition des frais (non) - non justifiée
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0547/88
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La requérante est titulaire du brevet européen n 0 450 428 comportant 4 revendications (n de dépôt : 91. 104 516.9). La revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonçait comme suit :

"Pâte alimentaire du genre "spaghetti" comprenant un noyau central plein de section transversale circulaire en une seule pièce avec trois lobes longitudinaux, parallèles, équidistants angulairement de 120 l'un de l'autre et séparés par des rainures respectives, chacun desdits lobes présentant en section transversale un contour qui comprend une portion de tête convexe en arc de cercle, avec un rayon de courbure (R1) substantiellement égal à celui d'un "spaghetti" conventionnel plein de même diamètre, dont les extrémités sont raccordées à de premières extrémités de portions latérales respectives convexes pratiquement semi-circulaires, ayant un rayon de courbure (R2) sensiblement inférieur à (R1), dont les deuxièmes extrémités sont raccordées, à travers les respectives portions courbes concaves, de faible rayon de courbure (R3), à de premières extrémités des respectives portions de tige concave en arc de cercle, ayant un rayon de courbure (R4) plus grand que (R2) mais plus faible que (R1), dont les deuxièmes extrémités sont raccordées aux respectives deuxièmes extrémités de portion à tige de lobes adjacents."

Les revendications dépendantes 2 à 4 portaient sur des modes de réalisation spécifiques de l'objet selon la revendication 1.

II. L'intimée (opposante) a fait opposition à la délivrance du brevet et en a demandé la révocation complète aux motifs que son objet n'était pas nouveau au vu du contenu du document (1), à savoir la demande de brevet italien dont le numéro de depôt est 16305 A/85, (articles 100(a) ; 54 CBE) ou, à défaut, qu'il résultait d'une combinaison évidente des enseignements divulgués dans les documents (1) et (2), à savoir le brevet italien pour modèle industriel n 46835, (articles 100(a) ; 56 CBE).

III. Par décision signifiée par voie postale le 20 juin 1997, la Division d'opposition a révoqué le brevet attaqué, conformément à l'article 102(1) de la CBE, en concluant à l'absence d'activité inventive au regard de l'état de la technique représenté par les documents (1) et (2).

Selon les termes de cette décision, aucun des documents produits par la requérante ne permettait de mettre en cause la nouveauté de la pâte longue revendiquée.

Cependant, l'état de la technique le plus proche selon le document (1) divulguait déjà une pâte alimentaire longue du genre "spaghetti" pourvue de rainures longitudinales pour réduire le temps de cuisson. La seule différence entre la pâte longue selon le document (1) et celle revendiquée dans le brevet attaqué résidait dans une modification de la forme rectangulaire des rainures qui séparaient les lobes longitudinaux parallèles des spaghettis du document (1).

Pour la Division d'opposition, l'arrondissement de la partie extérieure des rainures du spaghetti selon le brevet contesté pour éviter des produits défectueux était trivial et rendu évident pour l'homme du métier par le contenu du document (1), considéré seul ou en combinaison avec le document (2). De même, au vu de l'enseignement des documents (1) et (2), l'élargissement de la partie inférieure proche du centre du spaghetti était une des possibilités qui aurait été spontanément envisagée par l'homme du métier pour élargir la surface des spaghettis et réduire ultérieurement leur temps de cuisson.

Dans la mesure où l'activité inventive invoquée se fondait sur certains avantages mentionnés dans le brevet attaqué, la Division d'opposition a conclu que ces avantages étaient déjà connus du document (1) et n'étaient donc ni surprenants ni inattendus.

IV. La requérante a formé un recours contre la décision susvisée.

V. Aux fins de la préparation de la procédure orale prévue pour le 28 novembre 2000, la requérante a maintenu sa requête principale visant au maintien du brevet tel que délivré et présenté deux requêtes subsidiaires.

VI. Au cours de la procédure écrite et lors de la procédure orale la requérante a, en substance, fait valoir ce qui suit :

Le problème à résoudre par l'invention était de mettre au point des spaghettis qui apportaient des avantages importants par rapport à ceux selon les documents (1) et (2), notamment un temps de cuisson plus court, ainsi qu'une dureté et des qualités organoleptiques plus proches de celles des spaghettis traditionnels cuits "al dente". En outre, l'aspect sur l'assiette du produit cuit devait être comparable aux spaghettis traditionnels à section pleine.

La forme, élargie dans la partie inférieure et rétrécie dans la partie extérieure, conférée aux rainures des spaghettis selon l'invention par leur contour spécifique, tel que caractérisé dans la revendication 1 du brevet attaqué, exerçait un effet technique déterminant sur la qualité des spaghettis. De plus, l'équilibre entre forme et dimension des parties qui composent la structure des spaghettis revendiqués était tel qu'il permettait d'obtenir tous les avantages mentionnés ci-dessus.

D'après la requérante, l'enseignement du document (1) détournait l'homme du métier de l'idée de modifier la forme et la structure des spaghettis rainurés connus. Puisque les spaghettis ayant la forme et la structure telles que décrites dans le document (1) permettaient d'effectuer l'opération de cuisson en un temps sensiblement inférieur à celui-ci des spaghettis traditionnels à section circulaire pleine, l´homme du métier n'aurait nullement cherché à modifier l'état de la technique selon (1) pour améliorer les propriétés des spaghettis.

Le document (2) divulguait une pâte alimentaire longue ayant un corps dont la section transversale ressemblait substantiellement à un trèfle. Les pétales du trèfle étaient fortement creusés à leur sommet. La base des pétales qui les réunit au centre était étroite. Les rainures qui séparaient les pétales des spaghettis selon le document (2) avaient une forme fortement évasée. A cause de ces différences de structure, la pâte longue selon le document (2) ne présentait aucune similitude avec la forme des spaghettis revendiqués et, du fait de ces différences, elle ne présentait pas les propriétés avantageuses de la pâte longue selon l'invention.

Comme l'avaient montré les exemples et les essais comparatifs présentés, les rainures d'une pâte correspondant au dessin du document (2) ne pouvaient pas se fermer et former au cours de la cuisson une pâte semblable aux spaghettis traditionnels.

En outre, la requérante a invoqué des vices substantiels de procédure justifiant selon elle le remboursement de la taxe de recours. En l'espèce, elle invoquait essentiellement la violation des dispositions de l'article 113(1) CBE, du fait qu'elle n'avait pas pu prendre position sur la conclusion présentée pour la première fois par la Division d'opposition dans la décision contestée, selon laquelle "l'élargissement de la partie inférieure [des rainures] serait une des possibilités que l'homme du métier avait pour élargir la surface des spaghettis". D'après la requérante cette conclusion avait pourtant revêtu une importance décisive pour la révocation du brevet.

L'identification et la vérification expérimentale de l'erreur qui s'était glissée dans le compte-rendu d'expériences fourni par l'intimée en date du 24. avril 1997 occasionnaient des frais supplémentaires à la requérante. Se fondant notamment sur l'article 104 CBE, la requérante a fait valoir que, d'après les règles de procédure, dans le cas présent une répartition des frais entre les parties serait justifiée et, par conséquent, devrait être ordonnée.

VII. Les principaux arguments écrits et oraux avancés par l'intimée sont essentiellement les suivants :

Les seules caractéristiques techniques de la pâte alimentaire longue selon la revendication 1 du brevet attaqué étaient la présence de rainures longitudinales s'étendant sur toute sa longueur et, éventuellement, la dimension et la forme de ces rainures. Toutes les autres différences que les spaghettis revendiqués présentaient par rapport à ceux du document (1) n'étaient que d'ordre esthétique. Si l'on faisait abstraction de ces différences techniques, le produit revendiqué était entièrement antériorisé par l'état de la technique selon le document (1).

L'instance qui a rendu la décision attaquée avait correctement établi que la modification de l'état de la technique proposée par la requérante était suggérée à l'homme du métier par l'enseignement des documents (1) et (2) au vu de ses connaissances générales de base.

D'après l'intimée, il ressortait clairement des résultats des essais comparatifs que le temps nécessaire pour la cuisson des spaghettis du document (2) était plus court que celui des spaghettis selon l'invention. Il était donc évident pour l'homme du métier que ce raccourcissement du temps de cuisson résultait de l'élargissement des rainures qui séparaient les lobes des spaghettis selon le document (2). L'homme du métier, face au problème consistant à réduire le temps de cuisson des spaghettis, tout en conservant l'aspect sur l'assiette des spaghettis cuits traditionnels, aurait proposé, en suivant l'enseignement selon les documents (1) et (2), une forme de rainures élargie dans la partie inférieure et rétrécie dans la partie extérieure de l'embouchure de façon à permettre d'obtenir un raccourcissement du temps de cuisson et également la fermeture des rainures.

En outre, les essais comparatifs effectués par l'intimée avaient suffisamment établi que les spaghettis revendiqués n'étaient supérieurs ni par leurs qualités organoleptiques ni par leur dureté aux produits tels que décrits dans le document (1).

VIII. La requérante requiert l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet tel que délivré ou sous une forme modifiée sur la base de l'une des deux requêtes déposées en tant que première et deuxième requêtes subsidiaires le 14 octobre 2000. En outre, elle demande la correction d'une erreur selon la règle 88 CBE dans la revendication 2 telle que délivrée et requiert le remboursement de la taxe de recours, de même que le remboursement des frais occasionnés par la nécessité de préparer et présenter des essais comparatifs additionnels. L'intimée demande le rejet du recours et de la requête en remboursement des frais présentée par la requérante.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. La partie caractérisante de la revendication 2 actuelle diffère, quant à son contenu, de la revendication 2 de la demande telle qu'initialement déposée et du brevet tel que délivré en ce que la caractéristique "(R3) [est] environ 1/30 de (R2)" a été modifiée comme suit : "(R3) [est] environ 1/3 de (R2)".

2.1. La requérante a fondé sa requête en modification du brevet sur la règle 88 CBE et a soutenu que la modification proposée ne contrevenait pas à l'article 123(2) ou (3) de la CBE. Cependant, la Chambre estime que la règle 88 de la CBE ne peut pas être invoquée pour demander pour la première fois, pendant la procédure d'opposition ou la procédure de recours sur opposition, des modifications visant à la rectification d'un défaut présent dans la demande telle qu'initialement déposée et dans le brevet tel que délivré. En fait, elle considère que, pour que la modification demandée puisse être autorisée, la revendication 2 telle que modifiée par le titulaire du brevet doit satisfaire aux conditions énoncées à l'article 123(2) et (3) CBE.

2.2. Dans la mesure où l'on peut affirmer que la modification du texte d'un document apportée en vue de remédier à une erreur manifeste s'impose à l'esprit du lecteur, même s'il se peut que cette modification ne lui apparaisse qu'après une étude poussée du document, le texte modifié peut être considéré comme ressortant implicitement du texte en question.

De l'avis de la Chambre, il ne fait en l'espèce aucun doute que le défaut présent dans la revendication 2 telle que déposée à l'origine et délivrée était tel que l'homme du métier l'aurait rapidement décelé à la lecture de l'exposé de l'invention dans la description et lors de l'étude des figures du brevet attaqué.

S'il avait essayé de donner un sens à la revendication 2, il aurait tout d'abord observé que, dans la revendication 3, qui dépend directement des revendications 1 et 2, la longueur indiquée pour le rayon (R2) = 0,135 mm et celle indiquée pour le rayon (R3) = 0,045 mm ou, autrement dit, le rapport de la mesure du rayon (R2) à celui du rayon (R3) est effectivement 3 : 1, c'est-à-dire celui revendiqué dans la revendication 2 actuelle.

En outre, l'homme du métier aurait immédiatement compris en étudiant l'enseignement du brevet contesté que la fabrication des spaghettis dont le contour en section transversale avait un rayon (R3) représentant environ 1/30 de (R2) était, en pratique, techniquement irréalisable. Par conséquent, la modification proposée, la Chambre en est convaincue, serait jugée par l'homme du métier qui lirait le brevet comme étant la rectification évidente, ressortant implicitement de la demande telle que déposée à l'origine et du brevet tel que délivré. Elle est donc acceptable au titre de l'article 123(2) et (3) de la CBE. La modification correspondante apportée à la description est également acceptable.

3. L'objet des présentes revendications concerne une pâte alimentaire du genre spaghetti caractérisée par une réduction du temps de cuisson par rapport au temps nécessaire pour la cuisson des spaghettis traditionnels. La rapidité de cuisson est obtenue par la présence de rainures longitudinales particulières s'étendant sur toute la longueur des spaghettis.

Comme on peut le déduire de la partie introductive de la description du brevet attaqué, l'on connaît déjà divers types de spaghettis pourvus de rainures longitudinales permettant d'effectuer l'opération de cuisson en un temps inférieur à celui nécessaire pour la même opération avec des produits similaires cylindriques de type percé ou plein.

3.1. En effet, le document (1), qui représente l'état de la technique le plus proche de l'invention revendiquée, décrit déjà des spaghettis ayant sur toute leur longueur trois rainures longitudinales, parallèles et équidistantes de façon à définir un angle de 120 entre elles. L'étude de la figure 1 du document (1) permet de constater que lesdites rainures, qui sont profondes, commencent à la surface et se terminent à proximité du centre des spaghettis et possèdent une section transversale rectangulaire relativement étroite. Le document cité souligne que ces rainures provoquent, tout en conservant le même diamètre des spaghettis, un élargissement de leur surface externe (voir le paragraphe commun aux pages 4 et 5). Il ressort en outre du document (1) (voir notamment page 4, deuxième paragraphe ; page 5, lignes 3-8) que la forme et la structure des spaghettis selon (1) étaient choisies de façon à permettre d'obtenir des avantages substantiels, dont les suivants :

la possibilité de réduire le temps de cuisson par rapport au temps nécessaire pour la cuisson des spaghettis de section pleine ayant le même diamètre tout en obtenant une meilleure homogénéité de la cuisson ; une réduction des temps de séchage par rapport aux formes à section pleine, à cause de la forme particulière des rainures qui permet une évaporation plus facile et plus homogène de l'eau de la partie intérieure des spaghettis ; une bonne masticabilité et une bonne résorption de la sauce.

3.2. Au cours de la procédure d'opposition et de la procédure de recours chacune des deux parties a présenté ses propres essais comparatifs visant à évaluer et à comparer les propriétés du produit selon le brevet attaqué celles du produit décrit dans le document (1)

- quant au temps de cuisson nécessaire pour préparer des spaghettis cuits parfaitement "al dente" ;

- à leur qualités organoleptiques et leur dureté ;

- à l'aspect sur l'assiette des spaghettis cuits ;

par rapport aux spaghettis traditionnels cuits "al dente".

3.3. Même s'il existe une divergence substantielle entre les résultats des essais présentés par la requérante et ceux présentés par l'intimée en ce qui concerne les qualités organoleptiques et la dureté des deux types de spaghettis des essais comparatifs, les résultats fournis par les parties coïncident néanmoins sur l'aspect du temps de cuisson et démontrent par conséquent que le temps de cuisson des spaghettis selon l'invention est plus court, à savoir 2,5 minutes au lieu de 3 minutes pour les spaghettis selon le document (1).

En outre, les tests présentés par les parties confirment également que, lors de la cuisson, les rainures des spaghettis selon l'invention ainsi que celles des spaghettis selon le document (1) se referment. Le résultat en est une pâte semblable aux spaghettis traditionnels ne laissant apparaître que de petites lignes externes. Ces résultats n'ont pas été mis en doute par l'intimée.

3.4. La Chambre est d'avis que les résultats contradictoires fournis par chacune des deux parties concernant les qualités organoleptiques et la dureté des deux types de spaghettis soumis aux tests pourraient être imputables à l'utilisation de modes opératoires différents ainsi que de temps de cuisson différents spécifiquement choisis par chacune des deux parties pour déterminer les qualités organoleptiques et la dureté. La Chambre aboutit donc à la conclusion que ces résultats divergents ne peuvent être pris en considération pour la détermination du problème que le brevet attaqué se propose de résoudre (voir, par exemple, T 547/88 du 19. novembre 1993 ; La Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, 3ème édition 1998, VI. J. 6).

3.5. Il ressort des résultats d'essais comparatifs que le temps de cuisson de 3 minutes des spaghettis selon le document (1) correspond à un raccourcissement d'environ 60% par rapport au temps nécessaire pour la cuisson de spaghettis traditionnels de section pleine ayant le même diamètre (cuisson d'environ 8 minutes). Il est donc vrai que le raccourcissement du temps de cuisson des spaghettis selon l'invention apparaît faible par rapport au temps nécessaire pour la cuisson des spaghettis selon le document (1), mais la recherche d'améliorations même minimes peut néanmoins représenter un problème technique important, notamment lorsqu'il s'agit, comme dans le cas présent, d'un produit alimentaire industriel lequel est utilisé universellement pour la nutrition quotidienne. Le brevet attaqué mentionne également la possibilité de réduire ultérieurement le temps de cuisson jusqu'à 1. minute environ en utilisant des machines automatiques spéciales pour la cuisson des pâtes (voir colonne 2, lignes 1-6). Ceci montre bien qu'un raccourcissement ultérieur du temps nécessaire pour préparer des spaghettis cuits "al dente" constitue un problème technique digne d'intérêt sur le plan économique, dont il convient de tenir compte pour l'appréciation de l'activité inventive.

3.6. Il s'ensuit que, par rapport à l'état de la technique le plus proche selon (1), le problème à résoudre par l'invention est de mettre à disposition une pâte alimentaire du genre spaghettis, laquelle, tout en conservant les avantages inhérents au produit décrit dans le document (1), y compris la fermeture des rainures lors de la cuisson, permet néanmoins de réduire le temps de cuisson nécessaire pour préparer des spaghettis cuits "al dente".

3.7. La solution à ce problème proposée dans le présent brevet est fondée essentiellement sur une modification de la forme des rainures des spaghettis selon le document (1) de façon à arrondir leur contour rectangulaire ce qui confère ainsi aux rainures une forme élargie dans leur partie inférieure proche du centre des spaghettis et une forme rétrécie dans leur partie extérieure proche de la surface des spaghettis.

3.8. Comme observé au point 3.3 supra, les essais comparatifs effectués par les parties ont suffisamment établi le raccourcissement du temps de cuisson des spaghettis selon le brevet attaqué par rapport à celui nécessaire pour la cuisson des spaghettis décrits dans le document (1). Les essais présentés montrent également que les rainures des spaghettis selon le présent brevet se renferment de sorte qu'ils présentent un aspect comparable à celui des spaghettis traditionnels. Ceci n'ayant pas été contesté par l'intimée, la Chambre n'a donc aucune raison de douter que le problème posé ait été réellement résolu.

4. En ce qui concerne la nouveauté, après considération de l'état de la technique produit par les parties au cours de la procédure, la Chambre ne voit pas de raisons de remettre en question la nouveauté de la solution au problème énoncé telle que revendiquée dans les revendications actuelles. La Division d'opposition a également accepté la nouveauté de la pâte alimentaire revendiquée dans le brevet attaqué. Ceci n'ayant pas été contesté au cours de la procédure de recours, il est inutile de s'étendre davantage sur la nouveauté de l'objet selon le brevet contesté.

5. Il reste donc à examiner si l'objet du brevet attaqué implique une activité inventive ou s'il était évident pour l'homme du métier, vu le problème technique posé.

5.1. Bien qu'il soit déjà connu de l'état de la technique que la présence de rainures influence le temps de cuisson par l'élargissement de la surface ainsi réalisé, rien dans l'enseignement du document (1) ne laisse supposer pour l'homme du métier qu'une corrélation existe entre la forme spécifique des rainures et le temps de cuisson nécessaire pour obtenir des spaghettis cuits "al dente" ou qu'une modification simple de la forme des rainures, n'impliquant pas un élargissement substantiel de la surface des spaghettis, puisse exercer un quelconque effet déterminant sur le temps de cuisson.

De surcroît, si l'homme du métier avait eu vraiment l'idée de résoudre le problème énoncé par un élargissement encore plus grand de la surface externe des spaghettis selon le document (1), il n'aurait pas envisagé la forme des rainures selon le brevet contesté dont les coins extérieurs [définis par le contour des lobes des spaghettis et celui des rainures en section transversale] sont fortement arrondis, car en effet, par un tel arrondissement, l'homme du métier s'attendrait, tout au contraire, à une diminution de la surface des spaghettis.

En effet, la requérante, emportant la conviction de la Chambre, a exposé en détail au cours de la procédure orale, qu'il ressortait clairement de la comparaison de la forme et de la structure des spaghettis décrits dans le document (1) avec celles des spaghettis selon le brevet attaqué que le raccourcissement du temps de cuisson ne résulte pas d'un élargissement de leur surface externe, mais de la distribution différente des masses à l'intérieur des spaghettis. L'état de la technique disponible dans la présente procédure est totalement silencieux quant à l'importance de la répartition des masses comme facteur influençant le temps de cuisson.

Quoiqu'il en soit, l'enseignement du document (1) ne contient aucun élément suggérant la solution proposée dans le brevet contesté puisqu'il n'expose aucune alternative aux rainures rectangulaires, relativement profondes et étroites permettant de réduire ultérieurement le temps de cuisson et, ce qui est également un objectif de l'invention, d'obtenir un produit cuit ayant sur l'assiette un aspect le plus semblable possible aux spaghettis traditionnels.

5.2. Le document (2) est un modèle industriel enregistré portant un titre rédigé en langue italienne, qui se lit en langue française comme suit : "Forme de pâte alimentaire, en particulier pâte longue, ayant un corps dont la section ressemble substantiellement à un trèfle." En outre, le document (2) ne contient pas d'information autre qu'une figure unique présentant une vue en perspective de ce modèle pour illustrer la forme et la structure d'une telle pâte. Au cours de la procédure d'opposition et de recours, chacune des deux parties a présenté des figures, qui montrent une vue en section transversale, à une échelle agrandie, des spaghettis selon le document (2) et qui permettent ainsi une comparaison plus précise de la forme et de la structure des spaghettis selon (2) avec celles selon le brevet et selon le document (1). Par conséquent, les figures telles que fournies par les parties, en ce qui concerne l'état de la technique selon le document (2), seront considérées dans la présente décision.

Telle que représentée dans ces figures, la section transversale des spaghettis selon (2) présente une grande similitude avec la forme d'un trèfle. Les trois pétales sont séparés l'un de l'autre par des rainures dont chacune est définie par une forme générale en U large et évasée et dont les bords sont arrondis.

Il ressort des résultats des essais comparatifs que le temps nécessaire pour la cuisson des spaghettis est plus court que celui des spaghettis selon l'invention, à savoir 2 minutes. Mais il en ressort également que les rainures de la pâte longue selon le document (2) ne se referment pas lors de la cuisson. Elles restent, en effet, profondément et largement ouvertes sur toute la longueur des spaghettis.

Par conséquent, il se pourrait fort bien qu'un homme du métier qui rechercherait simplement un raccourcissement du temps de cuisson par rapport à celui nécessaire pour la cuisson des spaghettis selon (1), et qui aurait pris connaissance de la forme et de la structure de la pâte selon le document (2), aurait été incité à partir de cette information à modifier les rainures de la pâte selon le document (1) de façon à arrondir leur forme rectangulaire et à élargir leur partie inférieure.

Toutefois, vu le problème qui consiste ici à fournir non seulement une pâte ayant un temps de cuisson plus court, mais également un aspect sur l'assiette le plus semblable possible aux spaghettis traditionnels, de l'avis de la Chambre, de telles modifications ne sembleraient pas très prometteuses. En effet, selon la Chambre, l'homme du métier aurait légitimement douté que des rainures ainsi modifiées puissent se fermer totalement et former au cours de la cuisson une pâte semblable aux spaghettis traditionnels ne laissant apparaître que de petites lignes externes.

Même en admettant que l'homme du métier aurait pu s'attendre à une fermeture des rainures des spaghettis selon l'invention dans la partie extérieure, du fait du rétrécissement de la partie des rainures proche de leur embouchures par rapport aux rainures selon le document (2), la fermeture de la partie élargie inférieure, en d'autres termes une fermeture des rainures totale et complète, restait toutefois imprévisible et surprenante.

5.3. En résumé, il apparaît que, face au problème posé, l'enseignement des documents (1) et (2) pris isolément ou en combinaison ne rendait pas évidente et prévisible la solution conforme à l'invention et les effets avantageux ainsi obtenus. L'objet du brevet attaqué implique donc une activité inventive (article 56 de la CBE).

6. Dans ces conditions, la requête principale de la requérante pouvant être acceptée, il n'est pas nécessaire d'examiner ses requêtes subsidiaires.

7. Le remboursement d'une taxe de recours peut être ordonné, lorsqu'il est fait droit au recours par la Chambre de recours, si le remboursement est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure (règle 67 de la CBE). On ne peut affirmer en l'occurrence qu'il existe un tel vice de procédure.

7.1. Dans son mémoire exposant les motifs de recours et lors de la procédure orale devant la Chambre, le mandataire présent au côté de la requérante a objecté que, dans la décision contestée, des motifs nouveaux avaient été invoqués à l'encontre de l'activité inventive, au sujet desquels le mandataire, qui avait représenté la requérante dans la procédure devant la Division d'opposition, n'avait pu prendre position de façon appropriée (article 113(1) CBE). En particulier, il a soutenu que l'argument selon lequel "l'élargissement de la partie inférieure [des rainures] était une des possibilités que l'homme du métier avait pour élargir la surface des spaghettis", bien qu'il soit à son avis erroné, avait été invoqué pour la première fois dans la décision attaquée. La Chambre ne peut le suivre sur ce point.

7.2. Tout d'abord, la Chambre note que ni le mandataire représentant la requérante, ni le mandataire représentant l'intimée dans le procédure de recours n'ont pris part à la procédure orale devant la Division d'opposition. D'un autre côté, il peut être déduit du mémoire exposant les motifs de recours (voir notamment points 9.7, 9.8), que la Division d'opposition a soulevé et discuté lors de la procédure orale la question de savoir si et, dans quelle mesure, la modification de la forme et de la structure des lobes et rainures des spaghettis selon l'invention était, en effet, une des possibilités pour élargir leur surface.

Les termes dans lesquelles ces questions ont été posées et discutées font apparaître que le mandataire de la requérante devait s'attendre non seulement à ce que la Division d'opposition considère la possibilité d'un élargissement de la surface des spaghettis résultant de l'élargissement de la partie inférieure des rainures selon l'invention, mais encore à ce que celle-ci estime un tel élargissement comme évident pour l'homme du métier et, par suite, fatal à l'appréciation de l'activité inventive.

7.3. Au vu de ce qui précède, le mandataire avait eu, de l'avis de la Chambre, pendant cette procédure orale, l'occasion et le temps nécessaire pour comprendre les éléments cruciaux de cette discussion et réfléchir aux questions posées par la Division d'opposition ainsi que pour prendre position au sujet des questions et des éléments techniques discutés à ce propos. En outre, il aurait pu demander un délai supplémentaire, voir un ajournement, si besoin en avait été, en vue d'examiner et de discuter ces éléments plus en détail. Il aurait donc pu, le cas échéant, argumenter en conséquence.

Par suite, dans les présentes circonstances, la Chambre n'estime pas que la Division d'opposition ait fondé sa décision sur une nouvelle argumentation qui n'aurait pas été discutée lors de la procédure orale ou à laquelle le mandataire de la requérante aurait été de fait empêché de prendre position. La Chambre conclut, en conséquence, que les dispositions de l'article 113(1) CBE ont été respectées.

7.4. Il s'ensuit que la Chambre ne décèle pas de vices substantiels de procédure dans la décision de la première instance, et ne voit donc aucune raison valable justifiant le remboursement de la taxe de recours au titre de la règle 67 CBE.

8. L'article 104(1) CBE traite des frais occasionnés par la procédure d'opposition et dispose ce qui suit :

"Chacune des parties à la procédure d'opposition supporte les frais qu'elle a exposés, sauf décision de la Division d'opposition ou de la Chambre de recours, prise conformément au règlement d'exécution, prescrivant, dans la mesure où l'équité l'exige, une répartition différente des frais occasionnés par une procédure orale ou une mesure d'instruction".

8.1. La requérante et l'intimée ayant requis d'emblée une procédure orale, la première question à trancher est celle de savoir si la Chambre doit prescrire une répartition différente des frais occasionnés par une "mesure d'instruction". S'agissant de l'expression "mesure d'instruction" utilisée à l'article 104(1) CBE, celle-ci se réfère généralement au recueil de preuves énumérées à l'article 117(1) CBE effectué lors d'une opposition devant une Division d'opposition ou une Chambre de recours. Ainsi, dans la présente procédure de recours, la production, par la requérante, des essais comparatifs additionnels constitue une mesure d'instruction.

8.2. La question décisive à trancher est donc celle de savoir si, dans la présente espèce, l'équité justifie une répartition des frais occasionnés par le compte-rendu d'essais inclus dans le mémoire de recours, en faveur de la requérante. D'après la requérante, ces essais étaient destinés à vérifier les résultats présentés dans le compte-rendu d'expériences soumis par l'intimée avec sa lettre en date du 24 avril 1997.

8.3. De l'avis de la Chambre, la vérification expérimentale de la validité des résultats d'essais comparatifs par la partie qui souhaiterait les contester est une pratique constante des parties dans les procédures d'opposition et de recours.

Il est certes vrai qu'une erreur s'était glissée dans la caractérisation du genre et du diamètre des spaghettis traditionnels utilisés pour les essais comparatifs par l'intimée dans son compte-rendu d'expériences du 24. avril 1997. Il est également vrai que ces essais comparatifs ont été fournis seulement un mois environ avant la date de la procédure orale. Cela est toutefois indépendant de la nécessité pour la partie adverse de vérifier la pertinence des résultats avancés. Cette exigence est d'autant plus forte qu'il existe un soupçon d'erreur, comme dans la présente affaire, même si le mandataire de l'intimée qui n'avait pas connaissance de cette erreur ne l'a pas décelée au cours de la procédure orale devant la Division d'opposition. L'intimée a, en outre, immédiatement reconnu l'erreur aussitôt que celle-ci lui a été signalée par la requérante.

8.4. La Chambre n'a aucune raison de penser que l'erreur dans les essais fournis par l'intimée pourrait résulter soit d'une négligence grossière, soit de mauvaise foi dans le but de fausser les résultats. Au contraire, le fait qu'un défaut similaire se soit retrouvé dans le premier compte-rendu d'essais comparatifs du 5 juillet 1996, fournis par la requérante, montre bien que de telles erreurs peuvent se produire facilement.

8.5. De plus, la Chambre constate que l'erreur en question concerne le temps de cuisson de spaghettis disponibles sur le marché et dont l'emballage fait mention expresse du temps correct de cuisson.

Aussi, la Chambre se pose la question de savoir s'il n'aurait pas été plus simple et plus approprié pour la requérante d'interroger l'intimée à ce sujet plutôt que d'entreprendre elle-même d'emblée ses propres essais.

8.6. Au vu de ce qui précède, la Chambre n'estime pas que l'intimée ait abusé de ses droits légitimes, ce qui aurait occasionné à la requérante des frais injustifiés devant être remboursés pour des motifs d'équité. La requête portant sur le remboursement à la requérante de ses frais occasionnés par les essais inclus dans le mémoire de recours, doit donc être rejetée.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet sous forme modifiée, la seule modification étant la suivante : dans la revendication 2 et dans la description à la colonne 3, ligne 18 "1/30" est remplacé par "1/3".

3. Les requêtes en remboursement de la taxe de recours et en répartition des frais sont rejetées.

Quick Navigation