T 0622/97 () of 20.2.2002

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2002:T062297.20020220
Date de la décision : 20 Fevrier 2002
Numéro de l'affaire : T 0622/97
Numéro de la demande : 92911733.1
Classe de la CIB : A61K 7/06
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés issus d'hydrolysats de protéines de céréales et leurs applications
Nom du demandeur : GIVAUDAN-LAVIROTTE
Nom de l'opposant : Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien
Chambre : 3.3.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0001/92
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n 92 911 733.1 du 3. juin 1992 (numéro de publication internationale WO 92/21 318) a donné lieu à la délivrance du brevet européen n 0 586 501 sur la base de 13 revendications pour les Etats contractants AT, BE, CH/LI, DE, DK, FR, GB, GR, IT, NL, SE et 13 revendications pour l'Etat contractant ES. Les revendications indépendantes 1, 7, 10. et 11 pour les Etats contractants autres que l'Espagne et la revendication 1 pour l'Espagne ont, respectivement, les libellés suivants :

"1. Dérivés N-acylés de mélanges acide aminés de formule générale I :

FORMULE

dans laquelle :

R représente un radical en C4 - C30, saturé ou insaturé, linéaire ou ramifié

R' représente une chaîne principale d'acide aminé,

ainsi que les sels de ces dérivés de mélange d'acide aminés, lesdits mélanges d'acides aminés étant issus d'hydrolysats de protéines de céréales."

"7. Composition cosmétique caractérisée en ce qu'elle contient au moins un dérivé N-acylé d'un mélange d'acides aminés de formule I et/ou un sel d'un de ces dérivés, tels que définis dans l'une quelconque des revendications 1 à 6."

"10. Utilisation à titre de produits cosmétiques des dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés de formule I et de leur sels tels que définis dans l'une des revendications 1 à 6."

"11. Composition détergente caractérisée en ce qu'elle contient au moins un dérivé N-acylé d'un mélange d'acides aminés de formule I et/ou d'un sel d'un de ces dérivés tels que définis dans l'une quelconque des revendications 1 à 6."

"1. Procédé de préparation de dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés de formule générale I :

FORMULE

dans laquelle :

R représente un radical en C4 - C30, saturé ou insaturé, linéaire ou ramifié,

R' représente une chaîne principale d'acide aminé,

ainsi que les sels de ces dérivés de mélange d'acides aminés,

ledit procédé étant caractérisé en ce que :

- on procède à l'hydrolyse totale d'une protéine de céréale de sorte à obtenir un mélange d'acides aminés, puis

- on acyle les acides aminés de l'hydrolysat à l'aide de dérivés carboxyliques activés de formule RCOOH, R étant tel que défini ci-dessus et,

- le cas échéant, on fait réagir les acides aminés N-acylés obtenus avec une base minérale ou organique."

II. Une procédure d'opposition a été engagée contre le brevet délivré. L'opposante a requis la révocation du brevet pour manque de nouveauté et d'activité inventive de l'objet tel que revendiqué (article 100(a) CBE). Elle s'est appuyée, entre autres, sur les documents suivants :

D1 : DE-A-3 422 496

D2 : Traduction allemande de JP-A-53/99 086

D3 : Traduction allemande de JP-A-61/291 700

III. L'opposition a été rejetée et le brevet, maintenu tel que délivré. La décision de rejet a été remise à la poste le 21 avril 1997.

a) La Division d'opposition avait constaté qu'une composition comportant tous les composants d'un hydrolysat de protéines céréales n'était divulguée ni par D3 ni par D2. Ces documents portaient sur les hydrolysats de protéines de collagène, qui avaient une composition différente ; ils ne comportaient pas de thryptophane par exemple. L'objet de la revendication 1 telle que délivrée était donc nouveau.

b) Quant à l'activité inventive, au vu de D1, D2 et/ou D3, il n'était pas évident que les compositions telles que revendiquées dans le brevet contesté permettaient l'obtention de solutions très peu colorées et stables à un pH de 5,5 et présentaient un pouvoir viscosant faible en solution aqueuse. L'objet tel que revendiqué impliquait donc une activité inventive.

IV. Le 7 juin 1997, l'opposante (requérante) a formé un recours contre cette décision et a payé la taxe prescrite le même jour. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 31 juillet 1997.

V. Par lettre du 18 février 1998, la titulaire (intimée) a soumis ses arguments en réponse au mémoire exposant les motifs de recours, et par lettre du 4 février 2002, elle a annoncé qu'elle n'assisterait pas à la procédure orale qui devait se dérouler devant la Chambre de recours.

VI. La procédure orale s'est déroulée le 20 février 2002 en l'absence de l'intimée, conformément à la règle 71(2) CBE.

VII. Les arguments de la requérante peuvent se résumer ainsi :

a) Quant à la nouveauté, la composition moyenne en acides aminés, telle que divulguée par le brevet opposé, représentait une caractéristique interne de l'hydrolysat de protéines de céréales, notamment du blé. Les protéines du blé, donc leur composition moyenne en acides aminés, étaient connues avant la date de priorité du brevet opposé, conformément à la ratio decidendi de la décision G 1/92 (JO OEB 1993, 277).

D3 divulguait des dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés issus d'hydrolysats de protéines de collagène. Selon D1, les hydrolysats de protéines de collagène avaient une composition moyenne en acides aminés qui se distinguait de la composition des hydrolysats de protéines de céréales essentiellement en la plus faible proportion d'acide glutamique. Toutefois, D3 divulguait aussi l'ajout d'une quantité supplémentaire de dérivés N-acylés d'acide glutamique qui était à même de combler la lacune d'acide glutamique. Il n'y avait donc plus aucune différence essentielle entre les dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés divulguait par D3 et ceux revendiqués dans le brevet opposé. Par conséquent, l'objet tel que revendiqué n'était pas nouveau.

b) Concernant l'activité inventive, d'après la partie introductive de la description du brevet opposé, le point de départ était le désir de l'homme de métier de s'affranchir des risques potentiels de contamination par les agents pathogènes présentés par les hydrolysats de protéines d'origine animale, notamment de collagène. D1, en particulier, divulguait de tels hydrolysats.

Le remplacement des hydrolysats de protéines d'origine animale par des hydrolysats de protéines d'origine végétale était évident.

Au vu de la similitude entre les compositions moyennes en acides aminés des hydrolysats de protéines d'origine animale, notamment de collagène, et des hydrolysats de protéines d'origine végétale, notamment de céréales, l'homme de métier s'attendait à l'aptitude des hydrolysats d'origine végétale à l'utilisation recherchée. Par conséquent, l'utilisation d'hydrolysats de protéines d'origine végétale assurant les effets connus de l'utilisation d'hydrolysats de protéines de collagène, aptes à la préparation de compositions cosmétiques et exempts de risques potentiels de contamination était évidente.

Quant au choix d'hydrolysats de protéines de céréales, par exemple du blé, parmi les protéines d'origine végétale, pour la préparation des dérivés N-acylés recherchés, il ne comportait pas d'effets surprenants et était donc arbitraire. Les problèmes résultant de l'emploi d'hydrolysats de protéines de soja se présentaient normalement dans le domaine intéressé et pouvaient être liés à la pureté du produit de départ utilisé. Par conséquent, le choix particulier des protéines de céréales était arbitraire, donc évident.

En conséquence, l'objet tel que revendiqué manquait d'activité inventive.

VIII. L'intimée a présenté, par écrit, les arguments suivants pour contrer le recours :

a) En ce qui concerne la nouveauté, la décision a reconnu, sans contradiction, qu'un produit N-acylé de collagène tel que décrit dans D3 ne saurait répondre à la définition des dérivés telle que donnée dans la revendication 1 du brevet opposé.

L'opposante n'a apporté aucune preuve à cet égard, en particulier elle n'a pas prouvé que les hydrolysats de protéines de collagène contiendraient du thryptophane.

b) En ce qui concerne l'activité inventive, l'intimée a indiqué les parties du brevet contesté qui mettaient en évidence les propriétés surprenantes et inattendues des dérivés N-acylés de mélanges de protéines de céréales, tels que revendiqués. Il appartenait donc à l'opposante de démontrer les raisons pour lesquelles l'état de la technique connu aurait incité l'homme de métier à proposer l'utilisation de dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés issus d'hydrolysats de protéines de céréales dans le but de résoudre les inconvénients des dérivés antérieurement connus, tels que décrits dans le brevet contesté.

IX. Les parties ont présenté les requêtes suivantes :

La requérante (opposante) a requis l'annulation de la décision de la Division d'opposition et la révocation en entier du brevet opposé.

L'intimée (titulaire) a requis le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Nouveauté

2.1. Le document D1 concerne un désinfectant pour la peau, contenant éthanol, propanol, isopropanol ou un mélange de ces alcools avec l'eau, caractérisé en ce que le désinfectant contient, dissous, un hydrolysat de protéine soluble dans une solution contenant au moins 60% d'alcanol, l'hydrolysat de protéine étant converti par réaction avec des acides gras comportant de 8 à 20 atomes de carbone, saturés ou (mono- ou poly-)insaturés (revendication 1).

L'hydrolysat est préférablement converti par l'action de l'acide myristique (revendication 3), bien que l'utilisation des acides gras caprylique, laurylique et palmitique soit également mentionnée (page 10 renumérotée, dernier alinéa).

D'après D1, l'hydrolysat de protéines a la composition en acides aminés telle que définie dans la revendication 4, ou de manière préférée dans la revendication 5 et à la page renumérotée 10. Il est obtenu par hydrolyse basique ou enzymatique ou enzymatique-basique de protéines de collagène (page 12 renumérotée, dernier paragraphe ; page 13 renumérotée, premier paragraphe).

Les produits décrits et exemplifiés portent donc sur les dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés issus d'hydrolysats de protéines de collagène (page 11 renumérotée, lignes 12 à 14 ; exemple 1).

La composition moyenne en acides aminés de l'hydrolysat de protéines de collagène préféré selon D1 (page 10 renumérotée, lignes 5 à 24) est caractérisée par :

a) La forte présence de glycine, d'hydroxyproline et de proline (25,2, 10,0 et 13,9% en poids, respectivement) ;

b) La proportion marquée d'alanine et d'arginine (9,5 et 9,0% en poids, respectivement) ;

c) La proportion d'acide glutamique (7,4% en poids) ;

d) L'absence du thryptophane ;

e) Les faibles proportions d'autres acides aminés, tels que leucine et isoleucine (3,2 et 1,2% en poids, respectivement).

2.2. En revanche, les dérivés N-acylés faisant l'objet de la revendication 1 du brevet attaqué, pour les Etats contractant autres que l'Espagne, résultent de l'hydrolyse de protéines de céréales et de l'acylation successive du mélange d'acides aminés ainsi obtenu à l'aide d'acides gras.

D'après la page 3 du brevet opposé, la composition moyenne en acides aminés d'un hydrolysat de protéines de céréales, notamment celle de l'hydrolysat des protéines du blé, se distingue de la composition moyenne divulguée par D1, par les caractéristiques suivantes :

a) La faible présence de glycine et de proline (3,5 et 4,9 respectivement) et l'absence de l'hydroxyproline ;

b) La proportion d'alanine et d'arginine (3,9 et 5,0 respectivement) ;

c) La proportion élevée d'acide glutamique (35,2) ;

d) La présence du thryptophane (1,0) ;

e) La proportion marquée de leucine et d'isoleucine (8,4 et 4,1, respectivement).

Même en tenant compte de possibles variations auxquelles sont soumises les compositions des protéines, au vu de l'absence de l'hydroxyproline, de la présence du thryptophane et de la proportion plus élevée d'acide glutamique, l'objet de la présente revendication 1 est nouveau par rapport aux dérivés N-acylés d'acides aminés résultant de l'enseignement de D1.

En fait, cela n'a pas été contesté par l'opposante, qui a reconnu que la proportion d'acide glutamique dans l'hydrolysat de protéines de céréales, notamment du blé, est supérieure à la proportion d'acide glutamique dans les hydrolysats de protéines de collagène. L'opposante a utilisé D1 pour interpréter le document D3.

2.3. D3 révèle un détersif moussant pour la peau, caractérisé en ce qu'il comprend des dérivés N-acylés d'acides aminés ou leurs sels, des sels de dérivés N-acylés de peptides ainsi que des acides gras supérieurs (revendication 1).

En particulier, le détersif comporte de 1 à 20% en poids, par rapport au poids du détersif, de dérivés N-acylés d'acides aminés ou de leurs sels, lesdits dérivés étant choisis soit de composants ayant la formule générale suivante ou de mélanges de deux ou plus composants selon ladite formule générale :

FORMULE

dans laquelle R représente un radical alcoyle ou alcényle comportant de 7 à 21 atomes de carbone, M1 et M2 représentent un atome d'hydrogène, un métal alcalin ou un reste d'alcanolamine et n représente les numéros 1 ou 2. (revendication 2).

Donc, les acides aminés et leurs sels utilisés selon D3 ne sont que des dérivés des acides aminés aspartique et glutamique. Quant au moyen d'acylation, D3 exemplifie un radical capriloyle, lauroyle et palmitoyle, entre autres (page 3, quatrième paragraphe).

Le deuxième composant de la composition, les sels de dérivés N-acylés de peptides, a par exemple la formule générale suivante :

FORMULE

dans laquelle RCO représente un radical d'acide gras, saturé ou insaturé, comportant de 8 à 22 atomes de carbone, R' représente un des radicaux présents dans les acides aminés, M représente l'hydrogène, un métal alcalin ou un cation d'alcanolamine (page 3, sixième paragraphe).

La source des acides aminés formant le premier composant de la composition n'est pas précisée dans D3. Le collagène est cependant mentionné comme source à dégrader pour la préparation du deuxième composant, notamment les peptides N-acylés (exemple 1, tableau 1, "sel de sodium du N-cocoylpeptide de collagène" ; page 3, septième paragraphe, "hydrolyse partielle d'une protéine native par des protéases ..").

2.4. Selon D3, l'hydrolyse de la protéine de collagène pour obtenir le deuxième composant est conduite de manière partielle (page 3, septième paragraphe, deuxième ligne) et vise à l'obtention de peptides ayant une gamme de poids moléculaires prédéfinie. D3 ne divulgue donc pas qu'un mélange de tous les acides aminés constituant la structure primaire de la protéine de collagène dégradée résulte ou peut résulter de l'opération d'hydrolyse partielle telle que mentionnée.

La présence du premier composant dans le mélange de D3 peut, donc, être considérée comme un ajout de dérivés N-acylés de l'acide aminé glutamique à des dérivés N-acylés de mélanges de sels de peptides obtenus par hydrolyse partielle de protéines de collagène. D'après D3, la proportion de l'ajout est de dix à quatre fois celle du mélange de sels de peptides (page 3, dernier paragraphe, et exemple 1).

Par conséquent, les dérivés N-acylés divulgués par D3 ne correspondent pas aux dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés issus d'hydrolysats de protéines de céréales, tels que revendiqués.

2.5. D'après D1, la caractéristique de la protéine de collagène est d'avoir une forte proportion de glycine, hydroxyproline et proline, une faible proportion d'acide glutamique et l'absence du thryptophane dans sa structure primaire (nature, séquence et proportions d'acides aminés). En revanche, les protéines de céréales ont une structure primaire bien différente. Le mélange résultant de l'hydrolyse des protéines du blé, exemplifié dans le brevet, contient le thryptophane et une forte proportion d'acide glutamique, mais il ne contient pas d'hydroxyproline (point 2.2 supra).

Le mélange d'acides aminés résultant de l'hydrolyse de protéines de céréales ne peut donc contenir les mêmes acides aminés et les mêmes proportions en acides aminés glutamique, glycine, proline, hydroxyproline et thryptophane que le mélange résultant de l'hydrolyse de protéines de collagène.

Les peptides éventuellement encore présents dans le mélange résultant de l'hydrolyse de protéines de céréales, et les dérivés N-acylés de ces peptides qui peuvent être encore présents dans les dérivés tels que revendiqués, ne peuvent que refléter dans leur structure cette différente constitution et proportion d'acides aminés, par rapport à celle résultant de l'hydrolyse de protéines de collagène divulguée par D3.

Par conséquent, l'ajout d'un dérivé N-acylé d'acide glutamique au mélange du deuxième composant de D3 peut certes changer sa teneur en dérivé N-acylé d'acide glutamique, mais il ne peut changer la constitution des peptides qui résultent de l'hydrolyse partielle et qui reflètent la constitution primaire des protéines de collagène. Un tel ajout ne peut donc établir une composition identique à celle telle que définie dans le brevet opposé.

2.6. L'argument de la requérante, selon lequel le mélange de D3 contiendrait seulement 0.7 parties en poids de glycine (D1, revendication 4), se fonde sur un minimum d'un composant, considéré de manière isolée en soi et sans préciser quelles seraient les proportions des autres acides aminés. Cela ne résulte donc pas d'une divulgation directe et non équivoque de D3. En fait, d'après D1, les compositions préférées des mélanges d'acides aminés issus de l'hydrolyse de protéines de collagène contiennent toutes au moins 20% en poids de glycine (D1, revendication 5) ou même 25% en poids (D1, page 10 renumérotée). Donc, cet argument n'est pas convaincant.

2.7. En conséquence, le mélange de dérivés N-acylés d'acides aminés et de dérivés N-acylés de peptides de protéines de collagène, tel que divulgué par D3 comme composant du détersif, ne saurait correspondre aux dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés issus d'hydrolysats de protéines de céréales, tels que revendiqués.

L'enseignement de D3 ne peut détruire la nouveauté de l'objet de la revendication 1 du brevet opposé.

2.8. Les autres documents cités n'ont plus été utilisés durant la procédure orale par la requérante. La Chambre est satisfaite qu'ils sont moins pertinents que les documents D1 et D3, car ces autres documents portent, eux-aussi, sur les protéines d'origine animale, en particulier sur celles de collagène.

2.9. Le produit faisant l'objet de la revendication 1 du brevet attaqué est donc nouveau.

3. Activité inventive

3.1. L'état de la technique le plus proche

Selon la description du brevet en cause (voir page 2, lignes 6 à 19), les dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés obtenus à partir de l'hydrolyse de protéines d'origine animale, couramment employés à des fins cosmétiques, présentaient des risques potentiels de contamination par des agents pathogènes dont il était souhaitable de s'affranchir. Il y avait donc une tendance à se détourner de composés issus de l'animal pour toute application destinée à l'homme.

L'obtention de dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés à partir de l'hydrolyse de protéines d'origine végétale est mentionnée dans D0 (GB-A-115 340), cité et commenté dans le brevet contesté.

D0 divulgue des dérivés N-acylés et dépeptisés de mélanges d'acides aminés obtenus par réaction d'acides aliphatiques gras comportant une chaîne ayant de 6 à 29 atomes de carbone avec un mélange d'acides aminés non séparés et obtenus de l'hydrolyse de protéines d'origine animale ou végétale et étant aptes à l'utilisation dans le domaine de la cosmétique (page 1, lignes 8 à 14 ; revendication 3).

Aucun autre document cité ne mentionnant l'hydrolyse de protéines d'origine végétale pour l'obtention de dérivés d'acides aminés aptes à l'utilisation en cosmétique, le document D0 représente donc l'état de la technique le plus proche.

3.2. Le problème technique

Selon la description du brevet en cause (page 2, lignes 16 à 39), l'utilisation d'hydrolysats de protéines d'origine végétale, afin de se détourner de composés issus de l'animal pour toute application destinée à l'homme, posait certains inconvénients. Selon la nature du végétal dont était issue la protéine, les composés en résultant présentaient des propriétés très différentes. Par exemple, les dérivés N-acylés d'hydrolysats de protéines de légumineuse tel que le soja, notamment les solutions de tels dérivés ou de leurs sels, présentaient une coloration relativement importante et gênante dans certaines applications, se troublaient dès que leur pH était inférieur à 6,8 et présentaient un pouvoir viscosant relativement élevé.

Néanmoins, pour des applications cosmétiques, il est nécessaire d'utiliser des solutions limpides ayant un pH proche de celui de la peau, notamment 5,5, de sorte à diminuer l'agressivité, et un pouvoir viscosant faible, afin de ne pas rendre difficile la préparation des compositions.

Le problème technique du brevet attaqué était donc de mettre à disposition des dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés issus de l'hydrolyse de protéines végétales qui permettent l'obtention de solutions très peu colorés et stables même à un pH de l'ordre de 5,5 et qui présentent un pouvoir viscosant en solution aqueuse relativement faible, lesdits produits étant utilisables en cosmétique et en détergence (brevet opposé, page 2, lignes 37 à 39).

3.3. La solution

La solution du problème défini ci-dessus porte sur des dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés étant issus d'hydrolysats de protéines de céréales selon la revendication 1 du brevet attaqué.

Le produit est utilisable pour la préparation de compositions cosmétiques et, également, pour la préparation de compositions détergentes.

En particulier, l'exemple 2 montre les résultats de la comparaison entre les caractéristiques d'une solution à 22% d'un sel de sodium du dérivé N-lauroylé des acides aminés obtenus par hydrolyse totale de la protéine de soja, d'une part, et d'une solution aqueuse à 30% de sel de sodium du dérivé N-lauroylé des acides aminés obtenus par hydrolyse totale de la protéine d'un céréale, le blé, de l'autre part. La solution plus concentrée (blé) est néanmoins moins colorée (20 Hazen contre 30 Hazen) et a la même viscosité que celle moins concentrée (soja). De plus, elle reste limpide jusqu'à des valeurs de pH de l'ordre de 5,6, contrairement à la solution moins concentrée (soja), qui se trouble dès que le pH est diminué au-dessous d'une valeur de l'ordre de 6,8.

L'obtention de tels effets n'est pas contestée par la requérante (mémoire de recours, page 2, sixième paragraphe, deuxième phrase). La requérante soutient simplement que ces effets étaient également atteints par les solutions des dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés issus d'hydrolysats de protéines d'origine animale, notamment de collagène. A cet égard, elle a mentionné l'exemple 4 de D1 (page 33 renumérotée, lignes 10-12). Ce passage de D1 mentionne la clarté de la composition à un pH de 5.5, mais il ne dit rien quant au pouvoir viscosant de la même.

La Chambre est donc satisfaite que l'objet de la revendication 1 du brevet attaqué représente une solution effective du problème technique posé.

3.4. Existence d'une activité inventive

3.4.1. L'enseignement de D0, bien qu'il mentionne des hydrolysats de protéines d'origine non-animale, ne suggère que les levures. Tous les exemples de D0 en fait portent sur des hydrolysats de protéines d'origine animale, voir les exemples 1 à 9.

Par conséquent, D0 ne peut suggérer aucune modification qui serait pertinente pour l'achèvement d'un produit ayant les caractéristiques de la solution du problème technique posé dans le brevet opposé.

3.4.2. Les autres documents cités ne peuvent suppléer les lacunes d'information de D0, pour les raisons suivantes:

a) D1 divulgue l'utilisation d'un hydrolysat de protéines de collagène, ayant une composition préférée bien définie, dans un désinfectant afin de modifier les solutions alcooliques connues, pour obtenir un désinfectant apte à être utilisé jusqu'à cinquante fois par jour, sans irritation de la peau (page 8, renumérotée, lignes 16 à 25).

Donc, D1 ne suggère aucunement l'emploi d'un hydrolysat de protéines végétales, pas plus que l'emploi de protéines de céréales. Le problème technique résultant de D1, à savoir l'innocuité du désinfectant et sa compatibilité avec la peau du patient, ne saurait correspondre au problème technique déduit du brevet attaqué (point 3.2 supra).

Même si l'enseignement de D0 était combiné avec celui de D1, l'homme de l'art ne pourrait trouver aucune incitation à remplacer les hydrolysats de protéines d'origine animale par ceux de protéines de céréales.

b) Il en va de même pour l'enseignement des autres documents cités mais qui n'ont plus été utilisés par la requérante, car ces autres documents portent, eux-aussi, sur les protéines d'origine animale, en particulier sur celles de collagène.

3.4.3. Les arguments de la requérante, selon lesquels le choix de toute protéine végétale était arbitraire, car l'obtention de solutions claires à pH 5.5, notamment dans le cas de la protéine du soja, dépendait de la pureté de la protéine de départ, ne sont pas convaincants.

La requérante, en particulier, n'a pas fourni la preuve que le faible pouvoir viscosant exemplifié dans le brevet opposé appartenait également aux solutions de dérivés N-acylés de mélanges d'acides aminés issus d'hydrolysats d'autres protéines d'origine végétale.

En l'absence de cette preuve, on ne peut conclure que le choix d'hydrolysats de protéines de céréales parmi les protéines d'origine végétale, pour atteindre les effets recherchés, était arbitraire.

3.4.4. D'ailleurs, même si le choix de protéines de céréales était une alternative, la requérante opposante n'aurait pas encore apporté un seul document qui suggère l'utilisation de protéines de céréales pour préparer des dérivés N-acylés aptes à la cosmétique et à la détergence.

4. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 ne découle ni de manière directe et non équivoque, ni de manière évidente de l'enseignement des documents cités et est donc nouveau et inventif.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

Le recours est rejeté.

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