European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2001:T033597.20010427 | ||||||||
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Date de la décision : | 27 Avril 2001 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0335/97 | ||||||||
Numéro de la demande : | 90402657.2 | ||||||||
Classe de la CIB : | D21C 9/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé de traitement d'une pâte papetière par une préparation enzymatique pour la fabrication de papier ou de carton | ||||||||
Nom du demandeur : | SMURFIT-CELLULOSE DU PIN | ||||||||
Nom de l'opposant : | NOVOZYMES A/S | ||||||||
Chambre : | 3.3.06 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Recevabilité d'un document produit tardivement (non) - non-pertinence Nouveauté (oui) - manque d'une preuve Activité inventive (oui) - mise à disposition d'un procédé de traitement alternatif |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen 90 402 657.2 a donné lieu à la délivrance du brevet européen n 0 421 843 sur la base de 6 revendications, la revendication 1 s'énonçant comme suit :
"Procédé de traitement d'une pâte papetière, notamment une pâte papetière à base de fibres recyclées, dans lequel on fait agir sur une suspension aqueuse de ladite pâte papetière présentant un degré Schopper-Riegler (SR), déterminé conformément à la norme NFQ 50 003 au moins égal à 25, en vue d'abaisser ce degré SR et d'améliorer l'égouttabilité de la suspension, une préparation enzymatique contenant des cellulases et/ou des hémicellulases, caractérisé en ce qu'on utilise une préparation enzymatique contenant des enzymes choisies parmi celles dérivées du champignon Humicola insolens et de la bactérie Cellulomonas et en ce que la suspension aqueuse de la pâte papetière traitée présente un pH supérieur à 6."
II. Une opposition a été formée à l'encontre du brevet européen précité sur le fondement de l'article 100 a) CBE, au motif que son objet n'était pas nouveau au sens de l'article 54(2) CBE et n'impliquait pas d'activité inventive au sens de l'article 56 CBE.
Ces objections s'appuyaient sur les documents suivants :
(1) JP-A-6 359 494 ainsi qu'une traduction anglaise de ce document en langue anglaise ;
(2) EP-A-0 262 040 ;
(4) Product sheet, CelluzymeTM, Novo Industri A/S, April 1987 ;
(7) D.Y. Prasad, "Enyzmatic deinking of laser and xerographic office wastes", July 1993, 289-92.
III. Par décision en application des articles 102(2) et 106(3) CBE, la Division d'opposition a estimé que les motifs d'opposition invoqués ne s'opposaient pas au maintien du brevet européen sans modification ; elle a rejeté l'opposition.
IV. La requérante (l'opposante) a formé un recours à l'encontre de cette décision. Les motifs de recours concernaient les objections de fond considérées par l'instance du premier degré et reprenaient pour l'essentiel les arguments présentés antérieurement :
(i) Contrairement à l'opinion de la Division d'opposition, le document (1), bien qu'il ne divulgue pas les effets concernant la réduction du degré SR et l'amélioration de l'égouttabilité de la suspension, décrit quand-même un procédé de désencrage des vieux papiers en présence d'une cellulase résistante en milieu alcalin. La réduction du degré SR et l'amélioration de l'égouttabilité de la suspension sont des propriétés inhérentes de ce type de cellulase car un enzyme de la cellulase attaque un type spécifique de lien présent dans la cellulose ; si une structure de fibres est attaquée par une cellulase, c'est le résultat de l'hydrolyse des liens spécifiques dans les parties cellulosiques des fibres. Cet effet conduit automatiquement à une réduction du degré SR et par là à un drainage amélioré ;
en annexe de la lettre en date du 27 mars 2001, la requérante a soumis le document (11) correspondant au document (3), qui se trouvait déjà dans le dossier, et le document
(10) GB-A-1 495 029 ;
le document (10) divulgue une méthode de traitement de papier ; les cellulases utilisées peuvent être dérivées de Cellulomonas ou Humicola (page 2, lignes 10, 11 et 14) ; la température du traitement est de préférence de 25. à 55 C, de préférence à un pH de 4 à 8 (page 2, lignes 36 à 41) ; les caractéristiques de réduction du degré SR et de l'amélioration du drainage de la suspension sont inhérentes à la méthode divulguée par le document (10) ;
(ii) le document représentant l'état de la technique le plus proche est le document (2) divulguant toutes les caractéristiques du procédé selon la revendication 1 du brevet contesté, y compris la réduction du degré SR et l'amélioration de drainage, à l'exception que la cellulase et/ou les hémucellulases sont de préférence dérivées de la Trichoderma viridae ou de l'Aspergillus niger, c'est-à-dire des cellulases acides ; comme ces cellulases développent leur activité à un pH entre 3 et 7. la suspension aqueuse de la pulpe servant à la production de papier est ajustée selon le document (2) à un pH entre 3 et 7 à l'aide d'acide sulfurique, comme décrit dans les exemples ;
- la substitution d'une cellulase acide (divulguée par le document (2)) par une cellulase alcaline (divulguée par les documents (1) ou (4)) est évidente pour l'homme du métier parce que cette cellulase alcaline ne nécessite pas automatiquement l'addition d'un acide comme l'acide sulfurique puisque la cellulase alcaline peut être utilisée à un pH correspondant au pH de la pulpe de papier ;
- le propriétaire du brevet n'a pas prouvé que la substitution d'une cellulase acide par une cellulase alcaline entraîne des effets d'amélioration ;
- les tests comparatifs 37 à 51 (brevet contesté, page 4 ; table 5, page 5), ne sont pas conformes à l'enseignement du document (2) ; ces tests ne montrent pas d'effets surprenants ; le pH de ces tests n'était pas le pH optimal pour la Trichoderma viridae, comme décrit dans le document (2) (pH entre 3 et 7), mais, en fait, le pH de cellulases alcalines.
V. Pendant la procédure écrite, l'intimé (le propriétaire du brevet) n'a pas répondu aux arguments de la requérante.
VI. Une procédure orale a eu lieu le 27 avril 2001. L'intimé demande d'écarter le document (10) de la procédure parce qu'il a été introduit tardivement et parce qu'il n'est pas pertinent.
VII. La requérante demande la révocation du brevet.
L'intimé demande le rejet du recours.
Motifs de la décision
1. Article 114(2) CBE
Selon cet article, l'Office européen des brevets peut ne pas tenir compte des preuves que les parties n'ont pas produites en temps utile.
Le document (10) a été introduit avec la lettre en date du 27 mars 2001, donc un mois avant la procédure orale.
Comme l'a montré d'une façon convaincante l'intimé en se référant à la page 1, lignes 44 à 57 et à la page 3, lignes 58 à 68, ce document a trait à la préparation de papier traité chimiquement ("parchementised paper"). Ce n'est pas une pulpe à papier, une pâte, qu'on obtient, mais du papier traité. S'agissant de papier traité, l'égouttabilité ne pose pas de problème puisque le degré SR de la suspension de papier, sur lequel le document (10) ne se prononce pas, doit toujours être inférieur à 25.
Ce document n'apporte pas d'information supplémentaire aux informations des autres documents parce que le degré SR fait défaut ; or, une des exigences auxquelles l'objet de la revendication 1 doit satisfaire c'est le degré SR qui doit être au moins égal à 25. La requérante n'ayant pas produit de preuve que le degré SR du papier traité par le procédé divulgué dans le document (10) correspond au degré tel que revendiqué, la Chambre conclut que le document n'est pas plus pertinent que les documents déjà soumis.
Par conséquent, le document (10) n'est pas admis à la procédure.
2. Nouveauté
Le document (1) reste la seule base pour attaquer la nouveauté du brevet contesté.
2.1. L'objet de la revendication 1 du brevet contesté concerne un procédé de traitement d'une pâte papetière, dans lequel on fait agir sur une suspension aqueuse de ladite pâte papetière présentant un degré SR au moins égal à 25 une préparation enzymatique, le traitement étant caractérisé par l'utilisation du champignon Humicola insolens et de la bactérie Cellulomonas dans une suspension aqueuse de la pâte papetière dont le pH est porté à une valeur supérieure à 6.
2.2. Le document (1) a trait au désencrage ("deinking") de papier à l'aide de cellulases alcalines de Humicola insolens (page 2, paragraphe 3, et page 3, paragraphe 1 de la traduction anglaise). Ce document n'aborde ni l'égouttabilité, ni le degré SR, encore moins sa réduction. Faute pour la requérante de produire la preuve que le degré SR de la pulpe papetière décrite dans le document (1) correspond au degré SR tel que revendiqué, ce document n'anticipe pas le procédé de traitement de la revendication 1 du brevet contesté.
2.3. La Chambre ne peut pas non plus accepter l'argument de la requérante qui tentait de démontrer à l'aide du document (7), qui n'est pas un document publié antérieurement à la date de priorité du brevet contesté, que le procédé selon le document (1) conduisait également à une réduction du degré SR.
Il est vrai que le document (7) mentionne une réduction de la quantité de particules fines ("fines") et une égouttabilité améliorée après le désencrage ("deinking") à l'aide de cellulases alcalines (page 292, colonne gauche, lignes 6 à 9 et page 290, colonne gauche, lignes 14 à 15), cependant le traitement enzymatique de la pulpe a plutôt lieu en absence de produits chimiques de désencrage ("deinking chemicals") (page 292, colonne droite, lignes 9 à 11). A l'opposé de ce traitement selon le document (7), le procédé de désencrage du document (1) fait intervenir l'ajout de produits de désencrage ou bien simultanément ou bien successivement (page 3, paragraphe 3 et exemples). Comme l'effet des produits de désencrage sur l'égouttabilité ne sont pas connus, les résultats du document (7) ne peuvent pas remplacer des preuves manquantes, et ne peuvent par conséquent pas être pris en compte.
2.4. Après examen la Chambre est persuadée que les autres documents cités ne divulguent pas l'objet de la revendication 1 non plus. L'objet de la revendication 1 est nouveau et la revendication 1 satisfait aux conditions de l'article 54(2) CBE.
3. Activité inventive
3.1. Le brevet contesté concerne l'industrie du papier recyclé, plus particulièrement le traitement de pâtes papetières ; pour des suspensions avec un degré SR élevé, on est obligé d'augmenter la concentration des pâtes pour conserver une même cadence de fabrication. Cela entraîne une moins bonne formation des feuilles car les fibres se répartissent plus difficilement (page 2, lignes 24 à 26). La revendication 1 du brevet contesté prévoit d'utiliser le champignon Humicola insolens et la bactérie Cellulomonas dans une suspension aqueuse de la pâte papetière dont le pH est porté à une valeur supérieure à 6 afin d'améliorer l'égouttabilité et d'abaisser le degré SR.
3.2. Le problème technique tel que défini dans le brevet contesté était de trouver des préparations enzymatiques qui ne nécessitent pas de modifier le procédé de formage de la feuille et qui peuvent être utilisées à un pH supérieur aux pH utilisés jusqu'à présent (page 3, lignes 11 à 13).
Le procédé devrait exclure l'addition d'acide sulfurique, qui provoque des perturbations au niveau de la formation de la feuille sur la machine à papier, par exemple la diminution de l'efficacité de certains agents tels que les agents de rétention (page 3, lignes 1 à 4).
3.3. Un procédé de traitement d'une pâte papetière par une solution enzymatique était déjà divulgué par le document (2) qui est pris comme point de départ pour évaluer l'activité inventive.
Selon le document (2), le procédé de traitement de pâtes papetières en suspension aqueuse, telles que des suspensions à base de fibres recyclées possédant un SR au moins égal à 25 fait intervenir des enzymes permettant d'abaisser le SR et d'améliorer l'égouttage de la suspension et le rendement du procédé du papier (page 2, lignes 32 à 35) ; le milieu réactionnel est adapté aux préparations enzymatiques; le pH est ajusté entre 3 et 7 (page 3, lignes 27, 29).
3.4. Le problème technique sous-jacent au brevet contesté peut donc être vu comme la mise à disposition d'un procédé de traitement d'une pâte papetière qui permet de travailler à un pH supérieur aux pH utilisés jusqu'à présent tout en améliorant l'égouttabilité de la suspension ; cette propriété est évaluée en mesurant la différence du degré SR avant et après le traitement enzymatique.
3.5. Le problème a été résolu à l'aide d'une préparation enzymatique contenant des enzymes choisies parmi celles dérivées du champignon Humicola insolens et de la bactérie Cellulomonas.
3.6. Les exemples 3 à 5, 8 à 10, 13 à 15, 18 à 20, 23 à 25, 28. à 30, 32 et 33, 35 et 36, montrent qu'à des pH de 7 à 9. le degré SR est abaissé. Le problème technique est donc résolu. Il reste à décider si l'emploi du champignon Humicola insolens (utilisé sous la marque commerciale Celluzyme dans les exemples 3 à 5, 8 à 10, 13. à 15, 18 à 20, 23 à 25, 28 à 30, 32 et 33) ou de la bactérie Cellulomonas (voir exemples 35 et 36) implique une activité inventive.
3.7. Le document (2) ne mentionne pas le champignon Humicola insolens et la bactérie Cellulomonas.
La requérante a argumenté que le document (4) montre une activité optimale de l'Humicola insolens à un pH entre 6.5. et 7.5. Cependant ce document ne concerne pas le traitement de pâtes papetières, mais le lavage de textiles contenant du coton ; il mentionne le blanchissage d'étoffe de coton, mais ne suggère pas le problème de l'égouttabilité qui fait partie des caractéristiques spécifiant le procédé de traitement de la revendication 1 du brevet contesté.
Comme l'homme du métier ne trouve aucune suggestion dans le document (4) sur la façon de réduire le degré SR ou d'améliorer l'égouttabilité, il n'aurait pas recours à ce document.
L'égouttabilité est évaluée à l'aide du degré SR ; plus la variation du degré SR est grande, plus l'égouttabilité s'est améliorée.
Il est fait référence au tableau du brevet contesté (page 5). La comparaison des différences des degrés SR pour un pH supérieur à 6, c'est-à-dire 7, 8 et 9 entre les exemples de l'invention et les exemples comparatifs montre que les valeurs de différence SR dans le cas de l'invention sont supérieures à celles des exemples comparatifs, à l'exception des exemples comparatifs 39 et 44 (différence SR égale à 6 dans les deux cas pour un pH de 7) ; ces valeurs sont supérieures à celles des exemples de l'invention 28 et 32 (différence égale à 5.5 et 5, respectivement) ; cependant, la différence SR est mesurée avant et après le traitement enzymatique ; le but de l'utilisation de la préparation enzymatique selon l'invention était d'améliorer l'égouttabilité par rapport au point de départ ; voilà pourquoi l'égouttabilité a donc été également améliorée dans le cas des exemples 28 et 32.
Les trois figures du brevet contesté montrent que l'égouttabilité du Maxazyme CL 2000, une préparation du microorganisme Trichoderma viridae, utilisée dans l'exemple 1 du document (2), diminue à partir d'un pH supérieur à 6 alors que l'égouttabilité du Celluzyme, l'Humicola insolens, reste supérieure à celle du Maxazyme pour les 3 températures 30, 40 et 50 C.
3.8. L'homme du métier n'ayant à sa disposition aucune information qui l'aiderait à choisir l'Humicola insolens ou la Cellulomonas pour l'utiliser dans un procédé de traitement d'une pâte papetière ayant un degré SR au moins égal à 25, ce choix fait partie des conditions d'exécution qui ne découlent pas d'une manière évidente de l'état de la technique si l'on veut éviter l'ajout d'acide.
L'objet de la revendication implique donc une activité inventive. La brevetabilité des revendications dépendantes 2 à 6 dérive de la brevetabilité de la revendication 1.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.