T 0333/96 (Liposomes/LVMH RECHERCHE) of 26.2.2002

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2002:T033396.20020226
Date de la décision : 26 Fevrier 2002
Numéro de l'affaire : T 0333/96
Numéro de la demande : 86402756.0
Classe de la CIB : A61K 9/50
Langue de la procédure : FR
Distribution : C
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Titre de la demande : Composition pharmaceutique, notamment dermatologique, ou cosmétique, à base de phases lamellaires lipidiques hydratées ou de liposomes contenant un rétinoïde ou un analogue structural dudit rétinoïde tel qu'un caroténoïde.
Nom du demandeur : LVMH RECHERCHE
Nom de l'opposant : Société Anonyme TEXINFINE
Rhône-Poulenc Rorer GmbH
L'OREAL
Sté COSMODEX
Laboratoire de Dermo-cosmétologie
Chambre : 3.3.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52(4)
European Patent Convention 1973 Art 83
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Requête principale : traitement cosmétique conforme à l'article 52(4) : oui
Aucun élément montrant que le traitement cosmétique est lié à un effet thérapeutique.
Nouveauté : oui - Combinaison d'informations indépendantes dans un document non permise pour attaquer la nouveauté.
Requête principale, auxiliaire 1 et 2 : activité inventive : non
Incitation à essayer en vue d'avantages escomptés
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. Le brevet européen n 0 229 561 a été délivré le 5. août 1992 sur la base de la demande européenne n 86 402 756.0

Le brevet a été délivré avec 25 revendications dont une revendication indépendante (revendication indépendante 1) relative à une utilisation à titre de produit cosmétique et une revendication indépendante (revendication indépendante 12) relative à une seconde utilisation thérapeutique.

Le libellé de ces revendications indépendantes s'énonçait :

"1. Utilisation à titre de produit cosmétique d'une composition à base de phases lamellaires lipidiques hydratées ou de liposomes contenant à titre d'agent actif un rétinoïde ou un caroténoïde, destinée au traitement des affections cutanées, des troubles de la kératinisation, de l'élastose solaire, des comédons, des peaux acnéiques, des peaux rêches, des peaux ridées, à la lutte contre le vieillissement cutané actinique ou chronologique, à l'atténuation ou à la suppression des tâches pigmentaires cutanées, notamment des tâches dites de vieillesse, à favoriser la cicatrisation, à la reconstitution des micro-vaisseaux sanguins, notamment dans le derme, à stimuler la pousse des cheveux, à régénérer la peau du visage ou du corps, à la restructuration dermique, à favoriser le renouvellement ou l'épaississement de l'épiderme, ou à préparer la peau avant l'exposition au soleil.

12. Utilisation d'une composition à base de phases lamellaires lipidiques hydratées ou de liposomes contenant à titre d'agent actif un rétinoïde ou un caroténoïde pour la fabrication d'un médicament destiné au traitement par application topique des affections cutanées, telles que les différentes formes d'acné, de l'hyperkératose, du psoriasis ou autres troubles de la kératinisation, de l'élastose solaire, des comédons, des peaux acnéiques, des peaux rêches, des peaux ridées, à la lutte contre le vieillissement cutané actinique ou chronologique, à l'atténuation ou à la suppression des tâches pigmentaires cutanées, notamment des tâches dites de vieillesse, à favoriser la cicatrisation, à la reconstitution des micro-vaisseaux sanguins, notamment dans le derme, à stimuler la pousse des cheveux, à régénérer la peau du visage ou du corps, à la restructuration dermique, à favoriser le renouvellement ou l'épaississement de l'épiderme et à préparer la peau avant l'exposition au soleil, ou destiné, par administration orale, en particulier au traitement des différentes formes d'acné, de l'hyperkératose et du psoriasis.".

II. Les requérantes-opposantes 01, 03 et 04 ainsi que l'ancienne opposante 02 ont fait opposition à la délivrance de ce brevet européen, demandant sa révocation en application de l'article 100 a) de la CBE en se référant à l'article 52(4) et en invoquant l'absence de nouveauté et d'activité inventive ainsi qu'en application de l'article 100 b) de la CBE.

Entre autres, les documents suivants ont été cités au cours des procédures d'opposition et de recours :

(303) Les liposomes, applications thérapeutiques, F. Puisieux et J. Delattre, Tech. et Doc., 1985, pages 173, 174 et 297-313

(201) EP-A-158 090

(320) FR-A-2 315 991

III. Par sa décision à l'issue de la procédure orale en date du 31 janvier 1996, la Division d'opposition a maintenu le brevet européen sous forme amendée.

Concernant l'objection au titre de l'article 52(4) CBE, la Division d'opposition a estimé que l'expression "utilisation cosmétique" dans la revendication 1 traduisait le fait que seules les utilisations de nature "cosmétique" étaient envisagées de sorte que les utilisations thérapeutiques s'en trouvaient exclues. Elle en ont donc conclu que cette revendication ne tombait pas sous le coup des exclusions au titre de cet article.

La Division d'opposition était également de l'avis que la divulgation dans la description, et notamment dans les nombreux exemples, concernant diverses applications constituait une base suffisante pour permettre à l'homme du métier de reproduire l'invention conformément aux exigences de l'article 83 CBE.

Par ailleurs, la Division d'opposition a considéré que la requête principale était anticipée par les niosomes décrits dans le document (303) dans la mesure où la revendication 1 était comprise comme une revendication de composition cosmétique per se.

La nouveauté des revendications d'utilisation des compositions à base de phases lamellaires ou de liposomes par rapport au document (303) de la requête subsidiaire a cependant été reconnue sur la base des indications spécifiques mentionnées dans les revendications. Le document (201) a également été écarté par la Division d'opposition dans la mesure où il ne divulguait ni des phases lamellaires ni des liposomes.

Quant à l'activité inventive, la Division d'opposition a considéré que le problème à résoudre par le brevet contesté résidait dans la fourniture d'une formulation d'agents actifs comprenant des rétinoïdes ou caroténoïdes permettant de potentialiser leur efficacité tout en diminuant leurs effets toxiques, notamment l'effet irritant.

La solution à ce problème a consisté à utiliser des compositions à base de phases lamellaires lipidiques hydratées ou de liposomes contenant un rétinoïde ou un caroténoïde selon l'objet des revendications indépendantes du brevet contesté.

La Division d'opposition était de l'avis que l'objet revendiqué était inventif par rapport à l'état de la technique disponible dans la mesure où aucun document ne concernait le problème à résoudre par le brevet contesté ni l'utilisation des liposomes à cette fin.

IV. Les requérantes-opposantes O1, O3 et O4 ainsi que la requérante-titulaire ont introduit un recours contre cette décision.

V. Par un courrier daté du 29 janvier 2002, l'ancienne opposante O2 a retiré son opposition.

VI. Par un courrier daté du 13 juin 2001, la Chambre a attiré l'attention des parties sur la nécessité, selon la jurisprudence des chambres de recours, de pouvoir démarquer les utilisations cosmétiques et thérapeutiques dans le cadre de revendications portant sur une utilisation cosmétique.

VII. La requérante-titulaire a produit un nouveau jeu de revendications principal et deux jeux de revendications auxiliaires par télécopie le 18 septembre 2001.

Le libellé des revendications indépendantes du jeu de revendications principal est le suivant :

"1. Utilisation à titre de produit cosmétique d'une composition à base de phases lamellaires lipidiques hydratées ou de liposomes contenant à titre d'agent actif un rétinoïde choisi parmi la vitamine A et ses esters ou un caroténoïde, ladite utilisation étant destinée au traitement des peaux rêches, des peaux ridées, à la lutte contre le vieillissement cutané actinique ou chronologique, à l'atténuation ou à la suppression des tâches pigmentaires cutanées, notamment des tâches dites de vieillesse, à stimuler la pousse des cheveux, à régénérer la peau du visage ou du corps, à favoriser le renouvellement de l'épiderme, ou à préparer la peau avant l'exposition au soleil.

9. Utilisation d'une composition à base de phases lamellaires lipidiques hydratées ou de liposomes contenant à titre d'agent actif un rétinoïde pour la fabrication d'un médicament destiné au traitement par application topique des affections cutanées choisies parmi les différentes formes d'acné, les comédons, l'hyperkératose, le psoriasis ou autres troubles de la kératinisation, et l'élastose solaire, à favoriser la cicatrisation, à la reconstitution des micro-vaisseaux sanguins, notamment dans le derme, ou destiné, par administration orale, au traitement des différentes formes d'acné, de l'hyperkératose et du psoriasis.".

La première requête auxiliaire se distingue de la requête principale dans la mesure où la revendication 9 concernant la deuxième utilisation thérapeutique est plus limitée. Son libellé est le suivant :

"9. Utilisation d'une composition à base de phases lamellaires lipidiques hydratées ou de liposomes contenant à titre d'agent actif un rétinoïde choisi parmi la trétinoïne ou ses dérivés, notamment, sels ou esters; l'acide 13-cis-rétinoïque ou ses dérivés notamment, sels ou esters et l'étrétinate, pour la fabrication d'un médicament destiné au traitement par application topique des affections cutanées choisies parmi les différentes formes d'acné, les comédons, l'hyperkératose, le psoriasis ou autres troubles de la kératinisation, et l'élastose solaire, à favoriser la cicatrisation."

La seconde requête auxiliaire est limitée à la seconde utilisation thérapeutique et le libellé de la revendication indépendante est le suivant :

"1. Utilisation d'une composition à base de phases lamellaires lipidiques hydratées ou de liposomes contenant à titre d'agent actif un rétinoïde choisi parmi la trétinoïne ou ses sels ou esters pour la fabrication d'un médicament destiné au traitement par application topique des différentes formes d'acné ou des comédons."

VIII. Une procédure orale devant la Chambre de recours s'est tenue le 26 février 2002.

La Chambre a considéré, en début de procédure orale, qu'en l'absence de justificatifs, les essais comparatifs en date du 28 janvier 2002, soit 9 ans après le début de la procédure d'opposition et un mois avant la procédure orale, ne semblaient pas acceptables à ce stade de la procédure. Il en était de même pour le document produit le 18 février 2002, soit 8 jours avant la procédure orale, et les documents produits le 21 février soit cinq jours avant la procédure orale. Les parties n'ont apporté aucun élément à ce sujet et ces pièces n'ont pas été utilisées dans la procédure.

La Chambre a, en outre, précisé qu'elle acceptait la proposition de la titulaire-requérante de supprimer la revendication dépendante 2 du jeu de revendications principal pour répondre aux objections au titre de la règle 57bis de la CBE.

En conséquence, un nouveau jeu de revendications principal a été déposé. Ce jeu de revendications correspond au jeu de revendications principal déposé le 18. septembre 2001 dans lequel la revendication dépendante 2 a été supprimée et les autres revendications ont été renumérotées en conséquence.

Finalement, en ce qui concerne l'objection au titre de l'article 84 CBE dans la première requête auxiliaire, la Chambre a fait remarquer qu'elle s'appliquait à une expression qui était déjà présente dans le jeu de revendications tel que délivré (cf. revendication 13). Ce motif n'a pas été maintenu par la suite.

IX. Les requérantes-opposantes ont émis l'opinion que la revendication 1 de la requête principale et de la première requête auxiliaire contrevenait aux dispositions de l'article 52(4) dans la mesure où elle se référait "à l'atténuation ou à la suppression des taches pigmentaires cutanées".

En outre, la faisabilité de l'invention par rapport à ces deux requêtes a également été mise en cause. Ainsi, l'effet de potentialisation de l'activité comédolytique et hyperacanthose a été contesté car il n'avait pas été démontré de façon adéquate ou, pour le moins, uniquement dans une certaine plage de concentration qui ne se retrouvait cependant pas dans les revendications.

De plus, les quantités comparées dans le cas de l'effet irritant n'étaient pas les mêmes dans les essais comparatifs ce qui, selon les requérantes-opposantes, les rendait, déjà pour cette simple raison, inappropriés.

De plus, selon les requérantes-opposantes, l'insuffisance de la description ressortait également de l'absence de modes de réalisation concrets pour les diverses applications thérapeutiques et cosmétiques pour les divers principes actifs dans la description du brevet attaqué. De l'avis des requérantes-opposantes, les diverses applications revendiquées impliquaient des mécanismes d'action très différents les uns des autres, comme par exemple la chute des cheveux et la cicatrisation, voire antagoniste, comme par exemple la dépigmentation et la préparation de la peau au soleil, ce qui mettait en exergue la nécessité d'illustrations concrètes pour les diverses utilisations des divers agents actifs dans le brevet attaqué.

En outre, elles ont également fait valoir que certains agents étaient notoirement connus pour ne pas avoir les effets revendiqués comme par exemple l'étrétinate qui n'avait pas d'action sur l'acné ou le béta-carotène sur la pousse des cheveux.

La nouveauté a également été attaquée, tour à tour, sur la base du document (303), sur la base de la divulgation contenue dans ce document avec la divulgation dans le document (320) auquel ce dernier se réfère, ainsi que sur la base du document (201).

Afin de démontrer la pertinence de ce dernier document, des essais ont été produits le 30 octobre 2001 afin d'établir que des liposomes et des phases lamellaires lipidiques pouvaient être formés à partir des compositions selon le document (201) à partir de procédés fort simples.

L'activité inventive a été contestée notamment sur la base des enseignements des documents (303) et (320). A ce sujet, il a été fait remarquer que le document (303), entre autres, divulgue clairement l'intérêt d'encapsuler des substances dans des liposomes afin d'augmenter leur bio-disponibilité et, par là, de potentialiser leur activité.

X. Concernant l'objection au titre de l'article 52(4), la requérante-titulaire a formulé l'avis selon lequel le traitement thérapeutique est exclu de l'objet des revendications par le texte même des revendications concernées.

De son avis, la description contenait suffisamment d'informations pour permettre de reproduire l'invention. En outre, les essais comparatifs démontraient clairement une potentialisation et un effet hyperacanthose par rapport au produit actif dans une solution d'alcool. De même, une diminution de l'effet irritant était également obtenue par rapport aux solutions dans l'alcool puisque l'efficacité était obtenue avec des quantités moindres de produits ce qui impliquait nécessairement moins d'effet secondaire irritant.

Elle a également soutenu que c'était l'encapsulation des principes actifs dans les liposomes qui permettait de réaliser les diverses applications revendiquées et que la preuve du contraire n'avait pas été apportée par les parties adverses.

La requérante-titulaire était de l'avis que la Division d'opposition avait correctement apprécié la nouveauté et l'activité inventive de l'objet du brevet contesté.

Concernant l'activité inventive, elle a principalement défendu le point de vue, d'une part, que le brevet en cause constituait la première réalisation concrète d'encapsulation de rétinoïdes et qu'il s'agissait donc là d'une invention de pionnier méritant une large protection, et d'autre part, que rien ne garantissait le succès de l'encapsulation quant à l'amélioration des effets cosmétiques et thérapeutiques.

XI. La requérante-titulaire demande l'annulation de la décision de la Division d'opposition et le maintien du brevet selon la nouvelle requête principale remise pendant la procédure orale ou selon une des requêtes auxiliaires 1 et 2 remises avec la télécopie du 18. septembre 2001.

Les requérantes-opposantes O1, O3 et O4 demandent l'annulation de la décision de la Division d'opposition et la révocation du brevet.

Motifs de la décision

1. Les recours sont recevables.

2. Article 123 CBE

Aucune objection au titre de l'article 123 n'a été soulevée par les requérantes-opposantes à l'encontre des diverses requêtes présentées par la requérante-titulaire. La Chambre n'a elle-même aucune objection à cet égard.

3. Requête principale

3.1. Article 52(4)

3.1.1. L'argumentation des requérantes-opposantes en ce qui concernait la nature thérapeutique de l'utilisation dépigmentaire "cosmétique" selon la revendication 1 se basait essentiellement sur la référence dans le texte de la description du brevet en cause indiquant que "Dans une autre application thérapeutique, on peut citer le brevet US Albert Kligman n 3 856 934 relatif à une composition pour la dépigmentation de la peau contenant de la trétinoïne".

Selon elles, la trétinoïne étant de surcroît connue en tant que médicament, il était clair que le brevet envisageait une utilisation dépigmentaire de nature thérapeutique.

3.1.2. La Chambre note d'une part que la trétinoïne ne fait plus partie de l'objet de la revendication 1, de sorte que les considérations ci-dessus perdent de leur pertinence.

D'autre part, la revendication elle-même mentionne le cas de l'atténuation ou de la suppression des taches pigmentaires cutanées dans le cadre des taches dites de vieillesse.

Par conséquent, la Chambre n'a aucune raison de douter que la forme de la revendication vise bien une utilisation cosmétique de dépigmentation limitant son objet au traitement lié à des considérations non pas cliniques, mais purement esthétiques sur des sujets en bonne santé.

En tout état de cause, aucun élément n'a été apporté permettant de penser que l'effet cosmétique recherché par la revendication et accepté par la Chambre sur la base de sa forme rédactionnelle est atteint grâce à un traitement thérapeutique ou, simultanément, à un traitement thérapeutique inséparable de l'effet cosmétique.

3.2. Article 83

Compte tenu des conclusions de la Chambre exposées au point 3.4 ci-dessous la question de la faisabilité de l'invention, qui ne concerne, de surcroît, pas toutes les requêtes, peut rester en suspens.

3.3. Nouveauté

Le document (303), un article scientifique de fond traitant des applications thérapeutiques des liposomes, envisage que des composés liposolubles tel que l'acide linoléique, la vitamine A acide ou trétinoïne peuvent être encapsulés dans des liposomes constitués par des lipides non-ioniques appelés niosomes en vue d'applications thérapeutiques (page 305, point 2, en particulier le dernier paragraphe).

Ce document ne divulgue cependant aucune application thérapeutique ou cosmétique particulière dans le cadre de cette encapsulation.

L'objet de la revendication indépendante 9 concernant l'utilisation de liposomes dans des applications thérapeutiques spécifiques ne saurait donc être anticipé par ce document.

La Chambre constate, en effet, comme le soutiennent les requérantes-opposantes, que le document (303) mentionne l'administration de médicaments par voie topique et enseigne que les niosomes permettent un meilleur stockage au niveau du stratum corneum ainsi que la prévention du phénomène de peau sèche (page 309, paragraphes 5, 6 et 8).

Cette divulgation n'a cependant aucun lien avec l'encapsulation de trétinoïne exposée à la page 305 du document de sorte que les conclusions quant à la nouveauté restent inchangées.

Il en va de même pour la divulgation dans le document (320) en relation avec le document (303).

La Chambre note en effet que la référence dans le document (303) au document (320) est uniquement faite en relation avec le procédé de préparation des niosomes qui se trouve être décrit dans ce document et non en relation avec l'encapsulation de la trétinoïne (page 297, avant dernière phrase).

En outre, force est de constater que, si le document (320) évoque bien certaines substances ayant des propriétés se recoupant avec celles des revendications du brevet attaquées comme par exemple des agents cicatrisants, antisolaires ou kératolitiques, ledit document ne mentionne nullement les rétinoïdes ou les caroténoïdes.

L'objection de nouveauté au regard du document (201) ne permet pas, elle non plus, d'aboutir.

En effet, la Chambre constate que les exemples 46, 47 et 128 de ce document, cités à l'encontre de la nouveauté des revendications 1 et 9 dans la mesure où ce document mentionne des applications cosmétiques et thérapeutiques se recoupant avec celles de la revendication 1, concernent des préparations sous forme de capsules dont la composition fait clairement apparaître qu'il n'y a pas d'eau (page 4, ligne 1 à 10).

Ces exemples ne sauraient donc anticiper l'utilisation de liposomes selon la revendication 1 du brevet en cause.

Au sujet des essais comparatifs du 30 octobre 2001, la Chambre ne conteste pas que des liposomes et des phases lamellaires lipidiques puissent être formés à partir des compositions selon le document (201) à partir de procédés fort simples.

La seule question pertinente dans le cadre de la nouveauté est cependant de savoir si ledit document envisage et divulgue de tels procédés, ce qui n'est pas le cas.

Par conséquent, l'objet des revendications indépendantes 1 et 9 et ,par suite, de leurs revendications dépendantes, remplit bien les conditions de l'article 54 CBE.

3.4. Activité inventive

L'objet de la revendication indépendante 8 (anciennement 9) du jeu de revendications principal se retrouvant, tout au moins partiellement, dans les autres requêtes, il apparaît approprié de commencer par l'appréciation de l'activité inventive de cette revendication.

3.4.1. Le brevet selon la requête principale concerne, entre autres, l'utilisation de compositions pharmaceutiques à base de phases lamellaires lipidiques hydratées ou de liposomes contenant un rétinoïde tel que la trétinoïne. Selon la description du brevet attaqué le traitement contre l'acné constitue une des applications thérapeutiques particulière de la trétinoïne (page 3, lignes 3-9).

La description du brevet fait mention d'un médicament des plus actifs contre l'acné dont la dénomination commerciale est ABEREL® et qui est basé sur une solution alcoolique de la trétinoïne destinée à l'application locale. L'excipient utilisé pour cette forme galénique est à base d'alcool éthylique à 95 . Ce produit connu depuis 1977 est décrit dans le Dictionnaire Vidal qui mentionne comme effet indésirable de l'application topique de la trétinoïne son effet irritant.

Au cours de la procédure orale, en réponse à une question de la Chambre, le titulaire du brevet a maintenu qu'il considérait que cette formulation alcoolique de la trétinoïne représentait le point de départ à partir duquel il s'agissait d'apprécier l'invention. Les parties adverses n'ont pas contesté ce point de vue et la Chambre accepte cet état de la technique comme état de la technique le plus proche en ce qui concerne l'objet de la revendication 8 se rapportant au traitement de l'acné par la trétinoïne.

3.4.2. Au vu de cet état de la technique, la requérante-titulaire a maintenu que le problème à résoudre dans le cadre de cette utilisation consistait à trouver une forme galénique particulière permettant de potentialiser l'efficacité de la trétinoïne contre l'acné tout en diminuant son effet irritant.

A ce sujet, les requérantes-opposantes ont fait valoir que les essais comparatifs de la description du brevet en cause, n'étaient pas de nature à montrer une amélioration de l'activité de la trétinoïne contre l'acné et une diminution de son effet irritant.

La Chambre note que c'est l'activité comédolytique et non l'activité contre l'acné qui a fait l'objet des essais comparatifs du brevet par rapport à la solution alcoolique de la trétinoïne. Si les requérantes-opposantes ont contesté que l'amélioration démontrée pour l'activité comédolytique ait bien été d'un facteur dix, elles n'ont cependant pas contesté la potentialisation en elle-même.

La question qui se pose est donc de savoir si cette potentialisation obtenue pour l'activité comédolytique est également valable dans le cadre du traitement de l'acné.

Au vu des réponses contradictoires à cette question posée par la Chambre au cours de la procédure orale et en l'absence de tout autre élément de preuve, la Chambre considère que l'effet de potentialisation observé pour l'activité comédolytique ne peut être exclu dans le cadre de l'activité contre l'acné.

Concernant les essais tendant à démontrer une diminution de l'irritation liée à l'utilisation topique de la trétinoïne, la Chambre constate que les essais avec les solutions alcooliques et les liposomes ne permettent pas d'établir des comparaisons avec des concentrations identiques de produit actif. Ainsi, si le tableau III du brevet attaqué montre bien qu'une concentration de 10-4 de trétinoïne dans un liposome est un peu moins irritante qu'une concentration 10 fois supérieure de trétinoïne dans de l'alcool, il ne peut cependant pas être déduit de ce tableau si cet effet est lié à une diminution de l'effet irritant lui-même ou tout simplement au fait que l'agent est présent dans une concentration dix fois moindre.

En conséquence, le problème à résoudre en ce qui concerne cette application particulière contre l'acné ne peut être défini que comme la mise au point d'une forme galénique particulière permettant de potentialiser l'efficacité de la trétinoïne contre l'acné.

Il est, en outre, plausible au vu des exemples de la description du brevet que le problème a bien été résolu par l'utilisation de compositions constituant un des objets de la revendication 8 du brevet attaqué dans laquelle la composition contenant la trétinoïne est à base de phases lamellaires lipidiques hydratées ou de liposomes.

3.4.3. La question qui se pose à présent est donc de savoir si cette solution qui consiste à utiliser une formulation à base de liposomes découlait à l'évidence de l'état de la technique disponible pour l'homme du métier.

L'ouvrage traitant des applications thérapeutiques des liposomes (303), décrit sous le point 3.3, enseigne, outre l'encapsulation de la trétinoïne dans un liposome, que les liposomes possèdent un potentiel prometteur en terme de ciblage spécifique des sites d'action des principes actifs (page 174, paragraphes 3, 6 et 11 du point 2).

En outre, ce document démontre cet effet de potentialisation escompté dans le cas de l'application topique de l'acide linoléique, un composé liposoluble comme la trétinoïne (page 312, premier paragraphe).

En conséquence de ce qui précède, la Chambre conclut que l'homme du métier qui se serait proposé de résoudre le problème tel que défini dans l'avant-dernier paragraphe du point 3.4.2, aurait, sans aucun doute, tenté d'utiliser une formulation à base de liposomes afin d'en tirer les bénéfices escomptés sur le meilleur ciblage des sites d'action par le principe actif et, par là, sur la potentialisation du principe actif.

3.4.4. La Chambre ne conteste pas que le brevet en cause soit la première réalisation concrète d'encapsulation de rétinoïdes et que rien ne garantissait le succès de cette encapsulation quant à l'amélioration des effets.

Ce qui est cependant déterminant pour l'appréciation de l'activité inventive c'est d'établir si une incitation dans ce sens existait déjà pour l'homme du métier avant le dépôt de la demande (ou de la priorité) concernant le brevet contesté.

De toute évidence, la divulgation contenue ouvrage de fond concernant les applications thérapeutiques prometteuses des liposomes est de nature à inciter l'homme du métier à entreprendre des essais dans ce sens. Et ce d'autant plus que, comme cela ressort du brevet en cause lui-même, les méthodes d'encapsulation de substances actives dans les liposomes sont des méthodes connues dont la mise en oeuvres ne présente a priori pas de difficultés remarquables (page 5, lignes 11 à 21).

L'objet concernant l'application de la trétinoïne dans le traitement de l'acné de la revendication 8 du jeu de revendications de la requête principale ne satisfait donc pas aux exigences de l'article 56 de la CBE.

Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de considérer les autres revendications.

4. Première et seconde requête auxiliaire

L'objet de la revendication 9 et de la revendication 1 de ces deux jeux de revendications inclut l'objet de la revendication 8 concernant l'application de la trétinoïne dans le traitement de l'acné préalablement discuté au point 3.4. Il s'ensuit que les points et conclusions évoqués précédemment quant à l'activité inventive restent pertinents pour ces requêtes également.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision de la Division d'opposition est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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