T 0080/96 (L-carnitine) of 16.6.1999

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1999:T008096.19990616
Date de la décision : 16 Juin 1999
Numéro de l'affaire : T 0080/96
Numéro de la demande : 90125138.9
Classe de la CIB : A61K 31/205
Langue de la procédure : DE
Distribution : A
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Titre de la demande : Compositions pharmaceutiques contenant de la L-carnitine
Nom du demandeur : LONZA AG
Nom de l'opposant : SIGMA-TAU INDUSTRIE FARMACEUTICHE REUNITE
Chambre : 3.3.02
Sommaire : I. Si une substance active, connue en tant que telle pour être soluble dans l'eau, est décrite ou revendiquée en tant que solution, l'homme du métier ne peut conclure pour autant qu'il a été ajouté ou modifié quelque chose dans la définition de cette substance.
II. De même, dans une revendication qui porte sur une préparation d'une substance active connue, de structure définie, comprenant au moins une substance auxiliaire, dans laquelle la caractéristique "avec une/des substance(s) auxiliaire(s)" signifie que quelque chose est ajouté à la substance active, l'adjonction dans le mélange d'une substance auxiliaire indéterminée ne peut, compte tenu du nombre illimité des substances entrant en ligne de compte, être considérée comme un complément concret, à caractère distinctif, apporté à cette substance active, aussi longtemps que cette caractéristique nécessaire pour que la nouveauté de l'invention soit reconnue n'est pas une caractéristique concrète permettant à l'homme du métier de constater ce qui doit être ajouté à cette substance active (cf. point 4 des motifs de la décision).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 57
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 84
Mot-clé : Requête principale et requête subsidiaire - admissibles formellement - possibilités d'application industrielle au sens de l'article 57 CBE pour l'utilisation d'une substance en vue de la préparation d'une forme physique (oui)
Requête principale - nouveauté (non) - dans le cas d'une substance [auxiliaire] non définie produisant un effet indéterminé, l'absence de définition de la fonction entraîne une absence de caractère distinctif
Requête subsidiaire - activité inventive (non) - variante évidente de la forme physique sous laquelle se présente la substance connue
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0001/83
G 0002/88
G 0001/92
T 0279/93
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0591/01
T 1471/16

Exposé des faits et conclusions

I. La demande européenne n 90 125 138.9 a donné lieu à la délivrance du brevet européen n 0 434 088 sur la base de trois revendications s'énonçant comme suit :

"1. Utilisation de la L-carnitine-L-tartrate pour la préparation de formes d'administration orale contenant de la L-carnitine.

2. Utilisation de la L-carnitine-L-tartrate pour la préparation de comprimés, gélules, poudres ou granulés contenant de la L-carnitine.

3. Préparation contenant de la L-carnitine, notamment pour l'application entérale sous forme de comprimés, gélules, poudres ou granulés, caractérisée par une teneur en L-carnitine-L-tartrate."

II. La requérante a fait opposition au brevet pour les motifs visés à l'article 100a) CBE (absence de nouveauté et d'activité inventive de l'objet du brevet en litige). Parmi le grand nombre de documents cités à l'appui de l'opposition, seuls les documents

(1) Z. Physiol. Chem., vol. 353, p. 618-622, avril 1972 et

(6) EP-A-0 150 688

ont été pris en considération pour la suite de la procédure.

III. Dans sa décision intermédiaire au sens de l'article 106(3) CBE, remise à la poste le 19 décembre 1995, la division d'opposition a fait observer que, compte tenu des modifications introduites par l'intimée (titulaire du brevet) au cours de la procédure d'opposition conformément à la requête subsidiaire présentée le 30 novembre 1995, lors de la procédure orale, le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux conditions requises dans la Convention. Les revendications modifiées selon cette requête subsidiaire s'énoncent comme suit (modifications signalées en gras) :

"1. Utilisation de la L-carnitine-L-tartrate avec une/des substance(s) auxiliaire(s) et, le cas échéant, une ou plusieurs autres substances actives pour la préparation de formes d'administration orale solides contenant de la L-carnitine-L-tartrate.

2. Utilisation de la L-carnitine-L-tartrate avec une/des substance(s) auxiliaire(s) et, le cas échéant, une ou plusieurs autres substances actives pour la préparation de comprimés, gélules, poudres ou granulés contenant de la L-carnitine-L-tartrate.

3. Préparation contenant de la L-carnitine, notamment pour l'application entérale sous forme de comprimés, gélules, poudres ou granulés, caractérisée par une teneur en L-carnitine-L-tartrate, avec une/des substance(s) auxiliaire(s) et, le cas échéant, une ou plusieurs autres substances actives."

La division d'opposition a motivé sa décision en faisant valoir essentiellement que, d'un point de vue purement formel, les revendications d'utilisation selon la requête principale et la requête subsidiaire sont admissibles, puisqu'il s'agit d'une utilisation normale de L-carnitine-L-tartrate pour la préparation d'une forme d'administration orale, et qu'elles ne doivent pas être considérées comme "des revendications d'une deuxième indication médicale" au sens de la décision G 1/83.

De surcroît, il ne peut être émis de réserve au titre de l'article 84 CBE, car les substances actives et auxiliaires citées dans les revendications sont définies dans la description jointe au brevet en litige et sont normalement connues de l'homme du métier.

En ce qui concerne les conditions requises pour la brevetabilité, l'objet de la revendication d'utilisation 1 selon la requête principale, qui laisse ouvert le choix de l'état d'agrégation dans lequel la L-carnitine doit être utilisée, est en tout état de cause dépourvu de nouveauté au sens de l'article 54(1) CBE par rapport au document (1), dans lequel est décrite une solution aqueuse du composé de tartrate utilisé dans la revendication 1.

En revanche, l'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire, qui porte manifestement sur de la L-carnitine-L-tartrate solide, peut être considéré comme nouveau par rapport au document (1).

A la lumière de la divulgation du document (6), selon lequel il est difficile de prévoir avec fiabilité l'hygroscopicité des sels de la L-carnitine, si bien que ce document, considéré en combinaison avec les autres documents de l'état de la technique, éloignerait même l'homme du métier de l'objet de l'invention, il peut également être considéré que l'objet du brevet en litige implique l'activité inventive requise.

IV. La requérante a formé un recours contre cette décision. Le 16 juin 1999 s'est tenue une procédure orale au cours de laquelle l'intimée a produit à titre de requête subsidiaire un nouveau jeu de revendications dont les revendications s'énoncent comme suit (les modifications par rapport à la requête principale sont signalées en gras) :

"1. Utilisation de la L-carnitine-L-tartrate avec une/des substance(s) auxiliaire(s) et, le cas échéant, une ou plusieurs autres substances actives pour la préparation de comprimés, gélules de gélatine dure, poudres effervescentes ou granulés contenant de la L-carnitine-L-tartrate pour administration orale.

2. Préparation contenant de la L-carnitine, pour l'application entérale sous forme de comprimés, gélules de gélatine dure, poudres effervescentes ou granulés, caractérisée par une teneur en L-carnitine-L-tartrate, avec une/des substance(s) auxiliaire(s) et, le cas échéant, une ou plusieurs autres substances actives."

V. La requérante a notamment invoqué par écrit et oralement les arguments suivants :

D'après les décisions de la Grande Chambre de recours concernant la deuxième indication médicale (notamment G 6/83, JO OEB 1985, 67), les revendications d'utilisation pour une préparation ne sont admissibles qu'en combinaison avec une application au sens de l'article 52(4) CBE. Sur la base de ces décisions et de la pratique de l'OEB qui s'est instaurée de ce fait, les revendications actuelles doivent être considérées comme portant sur des utilisations thérapeutiques. Mais étant donné qu'elles ne sont pas limitées à une utilisation thérapeutique, elles ne sont pas admissibles.

Indépendamment de cela, l'objet du brevet en litige n'est plus nouveau par rapport au document (1) qui caractérise déjà le composé L(-)carnitine-(L)+tartrate, en indiquant le point de fusion et le pouvoir rotatoire. Il est à noter en particulier que le document (1) publié dans le domaine de la chimie physiologique fait référence à l'application thérapeutique de la L(-)carnitine pour les maladies les plus diverses, application qui est connue depuis longtemps déjà.

VI. L'intimée s'est déclarée d'un avis contraire et a notamment allégué que la formulation actuelle des revendications d'utilisation est admissible car elle traduit de toute évidence l'utilisation d'une substance pour la préparation d'une forme spéciale d'administration qui englobe incontestablement aussi des domaines d'application non thérapeutiques. Les revendications ne sont donc ni des revendications selon le modèle suisse, ni des revendications portant sur l'activité du médecin. En conséquence, elles ont manifestement pour objet une invention susceptible d'application industrielle au sens de l'article 52(1) CBE.

Selon l'intimée, pour ce qui est de la nouveauté de l'objet du brevet en litige, le document (1), qui porte sans aucun doute sur la préparation de la L-carnitine pure, divulgue certes le point de fusion et le pouvoir rotatoire spécifique des produits intermédiaires qu'il décrit, et aussi par ex. lesdites caractéristiques physiques du produit de transformation de l'acide L-tartrique en sel de carnitine correspondant. Mais ce document ne contient aucun enseignement sur la façon d'utiliser la L-carnitine-L-tartrate en tant que constituant de formes d'administration orale, et il ne permet pas non plus de conclure qu'aucune difficulté ne se présenterait, en dépit du comportement hygroscopique probable du composé. En outre, le document (1) porte clairement sur l'utilisation des camphorates et des tartrates de dibenzoyle comme produits intermédiaires pour la dissociation racémique de la DL-carnitine, les tartrates en tant que tels ne jouant qu'un rôle secondaire. Lesdits produits intermédiaires ne sont pas en tout cas divulgués en liaison avec les applications thérapeutiques et non thérapeutiques suggérées dans le document (1) pour la L-carnitine pure. Pour ce qui est de la divulgation de la propriété d'hygroscopicité ou de non-hygroscopicité de la L-carnitine-L-tartrate, produit intermédiaire divulgué dans le document (1), il convient notamment de se référer à ce qui est affirmé au point 3 de la décision G 1/92 (JO OEB 1993, 277), à savoir que des propriétés qui n'apparaissent que lorsque des conditions externes spécifiquement choisies sont réunies ne doivent pas être considérées comme divulguées. C'est également le cas en l'espèce, l'hygroscopicité n'apparaissant que si l'on choisit spécifiquement un degré d'humidité donné de l'atmosphère ambiante. Les observations personnelles faites par l'intimé ont montré que par ex. la L-carnitine et la L-carnitine-L-tartrate présentent encore la même consistance après être restées quelques heures à l'air libre sur une table, et que l'hygroscopicité de ces substances n'est en tout cas pas une caractéristique banale, si bien qu'il n'était pas possible de la déduire du document (1).

Par ailleurs, l'objet de l'invention selon la requête principale et selon la requête subsidiaire était nouveau, ne serait-ce qu'en raison de la présence obligatoire des substances auxiliaires revendiquées, qui sont définies, dans le brevet en litige, pour les diverses applications et notamment pour l'application orale citée expressément dans la revendication, ce qui englobe également la formulation galénique habituelle. L'évolution étant très rapide dans le domaine de la pharmacologie, il n'est guère utile de citer individuellement dans la revendication toutes les substances auxiliaires qui pourraient convenir, que le spécialiste de pharmacie galénique pourrait modifier au besoin sans que l'effet produit par la L-carnitine-L-tartrate en soit modifié.

Pour l'appréciation de l'activité inventive, l'état de la technique le plus proche est sans conteste le document (6). Le problème consiste, par rapport à ce document, à préparer un autre sel de la L-carnitine, stable et non hygroscopique, possédant toutes les propriétés énumérées dans le fascicule de brevet (page 2, lignes 29 à 33) pour la préparation de formes d'administration orale.

Eu égard aux propriétés souhaitées d'une forme d'administration orale, le document (6) suggère clairement à l'homme du métier de préparer des sels acides de la L-carnitine, ce qui l'éloigne de l'objet de l'invention. Même compte tenu de l'ensemble de la divulgation des documents (1) et (6), les propriétés non hygroscopiques de la L-carnitine-L-tartrate ne sont pas prévisibles, car ce document (1) ne fournit aucune indication au sujet des propriétés galéniques pertinentes. Il est à noter en outre que l'acide tartrique et la L-carnitine présentent l'un et l'autre des propriétés hygroscopiques, et que l'on ne pouvait s'attendre à ce que les sels de tartrate présentent des propriétés stables.

De même, le fait que le document (1) ait été connu plus de dix ans avant la date de priorité du document (6) et que le document (6) ne reprenne aucunement les sels de produits intermédiaires cités dans le document (1), sont autant d'éléments qui plaident contre la thèse de l'évidence de la combinaison des enseignements des documents (1) et (6) pour l'homme du métier, et qui incitent à conclure à l'existence d'une activité inventive. Par ailleurs, il est nécessaire de tenir compte du succès économique de l'invention qui est incontestablement très important.

Dans la requête subsidiaire, les substances auxiliaires étaient définies plus précisément par la limitation aux gélules de gélatine dure, qui ne conviennent que pour la L-carnitine-L-tartrate solide, et aux poudres effervescentes.

VII. La requérante a demandé l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet européen n 0 434 088.

L'intimée a demandé le maintien du brevet tel que modifié, dans le texte sur la base duquel la décision attaquée avait été rendue (requête principale). A titre subsidiaire, elle a demandé le maintien du brevet sur la base des revendications produites lors de la procédure orale.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Les revendications 1 et 2 selon la requête principale ainsi que la revendication 1 selon la requête subsidiaire ont pour objet la préparation de formes physiques déterminées de la L-carnitine-L-tartrate, précisées comme étant des comprimés, gélules, poudres ou granulés. Bien que ces revendications commencent par les termes "Utilisation de la L-carnitine-L-tartrate...", il s'agit d'un procédé susceptible d'application industrielle au sens des articles 57 et 52(1) CBE, destiné à la préparation de produits adéquats, dans les formes citées, en utilisant de la L-carnitine-L-tartrate. Aux termes de la décision G 6/83 (loc.cit., point 16 des motifs), "des revendications ayant pour objet l'application d'une substance ou d'une composition pour obtenir un médicament concernent de façon manifeste des inventions susceptibles d'application industrielle au sens de l'article 57 CBE". Par conséquent, l'utilisation d'une substance pour la préparation d'un nouveau produit pharmaceutique, sans limitation à une seule indication, n'est pas contraire aux conditions requises par l'article 57 ensemble l'article 52(1) CBE. La Chambre considère qu'il n'y a pas lieu non plus, au nom de l'exigence de clarté des revendications (article 84 CBE), de soulever des objections à l'encontre d'une revendication d'un procédé de préparation d'un produit donné libellée sous la forme d'une revendication d'utilisation. Il ne doit pas être considéré de ce fait que les diverses étapes du procédé revêtent une autre signification (cf. par exemple la décision T 279/93 du 12 décembre 1996, non publiée au JO OEB, point 4 des motifs).

La Chambre ne saurait donc retenir cet argument de la requérante, qui avait objecté, en citant la décision G 6/83, que les revendications 1 et 2 selon la requête principale et la revendication 1 selon la requête subsidiaire n'étaient pas admissibles, ne serait-ce que pour des raisons de pure forme, car il n'était pas indiqué d'application thérapeutique déterminée (indication) de la L-carnitine-L-tartrate dans le texte des prétendues revendications d'utilisation.

3. Les caractéristiques particulières des revendications selon la requête principale et selon la requête subsidiaire actuelles découlent des pièces initiales de la demande et du fascicule du brevet et correspondent, considérées en combinaison les unes avec les autres, à la recherche d'une protection limitée par rapport à celle qui était demandée dans le texte des revendications du brevet tel que délivré. La requête principale et la requête subsidiaire satisfont par conséquent aux conditions requises par l'article 123(2) et (3) CBE, ce que la requérante n'a finalement plus contesté.

4. La revendication 3 selon la requête principale, qui reprend le texte de l'ancienne revendication 3 selon la requête subsidiaire considérée comme admissible par la division d'opposition (cf. point III supra), est une revendication qui, pour ce qui est des caractéristiques obligatoires, vise parmi les différentes possibilités mentionnées une préparation contenant de la L-carnitine-L-tartrate sous forme de poudre, accompagnée d'une substance auxiliaire non définie.

L'objet de ladite revendication 3 concerne un produit en tant que tel. Il est considéré qu'un principe fondamental de la CBE veut qu'un brevet qui revendique un objet en tant que tel confère une protection absolue à cet objet, c'est-à-dire en toutes circonstances et dans n'importe quel contexte (et donc à toutes les utilisations de cet objet, connues ou inconnues) (cf. par ex. la décision G 2/88, JO OEB 1990, 93, notamment le point 5 des motifs). Cela signifie, dans la présente affaire, que la revendication 3 englobe toutes les applications thérapeutiques et non thérapeutiques possibles et imaginables de la préparation sous forme de poudre qui a été mentionnée. Ce n'est que dans le cadre d'un mode de réalisation préféré qu'il est précisé que la préparation est destinée à l'application entérale. Dans ces conditions, il n'est pas donné de définition de la fonction concrète de la substance auxiliaire, si bien que la substance auxiliaire ne peut pas non plus être définie concrètement par sa fonction. Il en résulte que la caractéristique "substance(s) auxiliaire(s)" signifie simplement qu'il est ajouté quelque chose à la L-carnitine-L-tartrate.

Dans le cas où il est décrit ou revendiqué une solution aqueuse d'un produit qui est connu en tant que tel pour être soluble dans l'eau, l'homme du métier ne peut conclure pour autant qu'il a été ajouté ou modifié quelque chose dans la définition de ce produit. La simple mention dans une revendication, sans autres spécifications, de l'état solide ou liquide comme caractéristique d'un solvant ou d'un diluant ne saurait avoir d'incidence sur l'appréciation de la nouveauté de l'objet de la revendication.

La mention d'une substance auxiliaire ne peut donc être considérée en l'occurrence dans la revendication 3 que comme l'adjonction d'un constituant purement abstrait qui ne donne à l'homme du métier aucune indication sur la forme que devra revêtir le produit revendiqué. Par conséquent, elle ne permet pas non plus de caractériser de manière plus précise le produit revendiqué. La mention dans une revendication d'un nombre illimité de substances dites "auxiliaires" pouvant théoriquement être utilisées, dont il n'est indiqué ni la structure, ni les effets, ne peut donc être considérée comme une précision concrète complémentaire apportée au sujet d'un produit dont la structure a été définie. Elle ne conduit donc pas à modifier ou à compléter l'objet qui est défini ou le produit qui est revendiqué dans la revendication.

Il s'ensuit par conséquent qu'il ne peut être invoqué, dans le cadre de l'application de l'article 54 CBE, que le simple fait d'indiquer qu'une substance auxiliaire non définie, aux effets indéterminés, doit être mélangée avec de la poudre de L-carnitine-L-tartrate qui pour sa part certes est définie en tant que telle, constitue une caractéristique distinctive dans ladite revendication de produit.

La revendication 3 - dans son texte actuel - selon la requête principale a donc elle aussi pour objet une préparation de L-carnitine-L-tartrate sous forme de poudre.

4.1 Dans le tableau figurant au bas de la page 621 du document (1) est décrite la substance di-L(-)-L-carnitine-L(+)-tartrate ayant un point de fusion de "176/8" C.

4.2 Au cours de la procédure orale, les parties n'ont pas contesté qu'il convient de considérer à cet égard qu'il s'agit là d'un point de fusion déterminé à partir d'une substance pure se présentant sous forme de poudre. Dans sa lettre du 27 août 1996 (page 5, dernière phrase du premier paragraphe), l'intimée a d'ailleurs précisé à ce sujet : "En sciences, dans les travaux de préparation de produits, il est d'usage de déterminer également le point de fusion et autres caractéristiques physiques pour des produits intermédiaires isolés, afin soit d'apporter une preuve vérifiable des composés obtenus, soit de comparer les données qui ont été mesurées avec celles que fournit la littérature scientifique". Il n'y a donc pas lieu d'examiner plus attentivement si dans le document (1), comme l'a fait valoir l'intimée, la di-L(-)-carnitine-L(+)-tartrate ne peut être considérée comme divulguée qu'en tant que produit intermédiaire présent en solution, aux propriétés non identifiables. En outre, eu égard à la décision G 1/92, il n'y a plus lieu d'examiner, pour la revendication de produit en cause considérée en tant que telle, dans quelle mesure l'homme du métier pourrait conclure à des propriétés hygroscopiques de la di-L(-)-carnitine-L(+)-tartrate (1) décrite, puisque par définition le produit revendiqué n'est pas préparé à une fin précise (voir point 4 supra).

4.3 L'argumentation développée ci-dessus vaut également par analogie, au moins pour la revendication 2 selon la requête principale, car pour ce qui est des caractéristiques obligatoires pouvant servir à la délimitation par rapport à l'état de la technique, cette revendication porte sur l'utilisation de la L-carnitine-L-tartrate pour la préparation de poudres de cette substance, c'est-à-dire pour la préparation de poudres de L-carnitine-L-tartrate à partir de L-carnitine-L-tartrate.

4.4 Il ne peut donc être fait droit à la requête principale de l'intimée, les revendications 2 et 3 n'étant plus nouvelles au sens où l'entend l'article 54(1) CBE.

5. La revendication 2 selon la requête subsidiaire a trait, dans une des autres formes possibles de préparation qui ont été mentionnées, à des comprimés de L-carnitine-L-tartrate pour une application entérale avec une substance auxiliaire.

5.1 Connaissant le document (1), l'homme du métier sait qu'en pharmacologie la L-carnitine, d'une part, et l'acide tartrique ou les dérivés du tartrate, d'autre part, se prêtent à une application entérale, ce que les parties n'ont pas contesté. Il a en outre été expressément reconnu, au cours de la procédure orale, que la di-L(-)-carnitine-L(+)-tartrate décrite dans le document (1) se prête en tant que telle à une application entérale.

Les parties n'étaient pas d'accord sur les propriétés hygroscopiques de la poudre de L-carnitine-L-tartrate et sur la façon dont elles se manifestent. Dans ces conditions, il peut donc être admis au bénéfice du titulaire du brevet que la substance auxiliaire non spécifiée dans la revendication 2 selon la requête subsidiaire permet simplement de mettre la poudre sous forme de comprimés.

Par conséquent, en application de l'article 54(1) CBE, il est possible de reconnaître la nouveauté par rapport au document (1) de l'objet de la revendication 2 selon la requête subsidiaire.

6. En ce qui concerne la question de l'activité inventive visée à l'article 56 CBE, il peut être considéré à la lumière de l'état de la technique selon le document (1), tel qu'il a été exposé ci-dessus aux points 4.1, 4.2 et 5.1, que le problème qu'entend résoudre l'objet du brevet en litige selon la requête subsidiaire consiste à préparer une autre forme possible d'application entérale de la L-carnitine-L-tartrate.

6.1 Selon la revendication 2, c'est la L-carnitine-L-tartrate sous forme de comprimés qui doit permettre de résoudre ce problème.

6.2 Les exemples de réalisation 2 à 4 donnés dans le brevet en litige montrant que la L-carnitine-L-tartrate peut être mise sous forme de comprimés, si ce n'est seule, du moins en association avec des substances auxiliaires courantes, il peut être considéré que ce problème a été effectivement résolu.

6.3 Rien dans les pièces du brevet en litige ou dans les propos tenus par l'intimée ne permet de penser que la présence de L-carnitine-L-tartrate sous forme des comprimés du type le plus général tels que revendiqués puisse présenter des particularités quelconques. La Chambre doit donc en conclure que le fait de mettre une substance - qui est connue sous forme de poudre et se prête en soi à une application entérale - sous forme de comprimés de quelque nature que ce soit, doit être considéré comme une mesure évidente, au sens de l'article 56 CBE, pour la préparation d'une autre forme possible d'application entérale.

6.4 Il n'est pas nécessaire dans ces conditions d'examiner en détail la revendication d'utilisation 1 qui figure encore dans la requête subsidiaire, car il ne peut être statué que globalement sur une requête.

6.5 Il n'est donc pas possible non plus de faire droit à la requête subsidiaire présentée par l'intimée.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

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