European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1997:T034594.19971104 | ||||||||
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Date de la décision : | 04 Novembre 1997 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0345/94 | ||||||||
Numéro de la demande : | 87401824.5 | ||||||||
Classe de la CIB : | A61K 31/235 | ||||||||
Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | C | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | Procédé de préparation d'un médicament à base de fénofibrate, médicament obtenu par ce procédé | ||||||||
Nom du demandeur : | ETHYPHARM | ||||||||
Nom de l'opposant : | Laboratoires Fournier, S.C.A. | ||||||||
Chambre : | 3.3.02 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Activité inventive (oui) : invention de problème ; sélection non suggérée du domaine d'investigations | ||||||||
Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen 87 401 824.5 a donné lieu à la délivrance du brevet n 0 256 933 sur la base d'un jeu de sept revendications.
Les documents suivants cités au cours des procédures d'opposition et de recours restent pertinents pour la présente décision :
(1) WO-A-8 201 649
(2) DE-B-1 094 929 et
(2a) FR-A-1 173 491
(9) G. Boullay, "Microbroyage et dissolution", S.T.P. Pharma,(4), 1985, pages 296 à 299
(10) Rote Liste 1985, Monographie N 57 008, "Lipanthyl Kapsel / Lipanthyl 250 Retardkapseln"
(11) Rote Liste 1993, Monographie N 57 022, "Lipanthyl Kapsel / Lipanthyl 250 Retardkapseln"
(12) Rapport de S. Nitsche en date 5 mars 1993.
(14) J.C. Adkins et D. Faulds, ADIS Drug Evaluation, Vol. 54(4), Octobre 1997, pages 615 à 633.
II. La requérante (opposante) a formé opposition au brevet et requis sa révocation pour manque de nouveauté et d'activité inventive.
III. Par décision signifiée par voie postale le 23 mars 1994, la Division d'opposition a rejeté l'opposition.
Dans sa décision la Division d'opposition a reconnu la nouveauté de l'objet revendiqué vis-à-vis du document (2), qui ne mentionne pas le fénofibrate et vis-à-vis du document (1), qui ne divulgue pas la taille des cristaux du fénofibrate.
Pour l'appréciation de l'activité inventive impliquée par l'objet revendiqué, le document (1) a été considéré comme l'art antérieur le plus proche.
Ayant dérivé le problème technique de l'observation indiquée dans la description du brevet, portant sur l'absorption inégale du fénofibrate après administration d'une composition selon le document (1), la Division d'opposition a considéré que la solution du dit problème, notamment l'utilisation de cristaux de fénofibrate de granulométrie inférieure à 50 µm, n'était suggérée ni dans l'art antérieur le plus proche, ni dans le document (2), qui cite une granulométrie pour l'agent actif comprise entre 5 et 200 µm. La Division d'opposition a été de l'avis que l'homme du métier aurait été capable d'arriver à la plage revendiquée, mais n'aurait trouvé dans le document (2), ni dans les autres documents cités, aucune motivation ou suggestion pour sélectionner cette granulométrie dans le but d'améliorer l'absorption du fénofibrate.
Par conséquent, l'objet revendiqué a été reconnu comme impliquant une activité inventive.
IV. La requérante a formé un recours à l'encontre de cette décision. Une procédure orale a eu lieu le 4. novembre 1997.
Ayant abandonné l'objection de manque de nouveauté, la requérante a fait valoir que le problème identifié dans la description du brevet d'une absorption inégale du fénofibrate administré avec une formulation connue, notamment celle selon le document (1), était un problème fictif. Ce problème serait destiné à justifier la brevetabilité de l'invention de façon à se placer dans les conditions de la décision T 2/83 (JO OEB 1984, 265) pour faire état d'un prétendu problème méconnu auquel on apporterait une solution inattendue.
D'autre part, la requérante a contesté que le médicament revendiqué implique des avantages, notamment au niveau de la biodisponibilité, vis-à-vis du médicament décrit dans le document (1). En effet, l'intimée aurait produit depuis 1982 un médicament retard à base de fénofibrate dénommé LIPANTHYL 250 et commercialisé en Allemagne par la requérante. D'après la requérante, ce médicament a été fabriqué avant 1986 selon la méthode décrite dans le document (1), c'est à dire par imprégnation de noyaux neutres avec une solution de fénofibrate et enrobage suivant des dits granules avec une couche de protection, tandis qu'après 1986 le médicament aurait été fabriqué selon la méthode du brevet en question, donc par projection de fénofibrate micronisé sur les noyaux neutres. Puisqu'aucune modification de la formulation commercialisée, la posologie ou l'augmentation de la biodisponibilité du fénofibrate n'a été observée après 1986, la requérante a conclu que, de deux choses l'une, ou le problème n'existait pas, ou bien la solution proposée ne donnait aucune amélioration de l'absorption du fénofibrate par rapport à l'art antérieur.
A l'appui de ses arguments la requérante a produit une étude au moyen d'un microscope électronique mettant en évidence les dimensions des cristaux de fénofibrate dans différentes compositions du marché.
En tout état de cause, la démarche entreprise par l'intimée afin de résoudre la problème allégué, c'est à dire la sélection d'une granulométrie du fénofibrate inférieure à 50 µm, ne saurait impliquer aucune activité inventive compte tenu des documents (2) et (2a) et surtout de (9), qui divulgue la relation entre la granulométrie d'une poudre micronisée et sa solubilité.
V. L'intimée a contesté les arguments de la requérante, les qualifiant d'allégations non fondées sur des preuves. De son côté, elle a soumis, le 6 octobre 1997, des essais dans le but de mettre en évidence la corrélation entre la cinétique de dissolution et la granulométrie de différents lots de fénofibrate de façon à identifier la taille de particules qui permettra d'obtenir la meilleure biodisponibilité du fénofibrate.
En support des arguments visant l'amélioration obtenue au niveau de la biodisponibilité du fénofibrate après administration de l'agent micronisé, elle a produit le 30. octobre 1997 le document (14).
Elle a souligné qu'aucun des documents (1), (2) ou (2a) ne divulguaient le problème de la mauvaise solubilité du fénofibrate et donc de l'absorption inégale dans le tube digestif. Pour cette raison l'homme du métier, bien sûr capable de choisir et de produire du fénofibrate de granulométrie inférieure à 50 µm, n'aurait été incité par aucun des documents cités à le faire, d'autant plus que, à la date de priorité, il n'était pas du tout évident d'utiliser du fénofibrate micronisé dans le but d'améliorer sa biodisponibilité.
VI. Une procédure orale a eu lieu le 4 novembre 1997. Pendant la procédure l'intimée a déposé trois jeux de revendications auxiliaires.
La revendication 1 de la requête principale a le libellé suivant :
"Médicament sous forme de granules à base de fénofibrate, chaque granule comportant un noyau neutre, une couche à base de fénofibrate et une couche de protection, caractérisé en ce que, dans la couche à base de fénofibrate, celui-ci est présent sous forme de microparticules cristallines de dimension inférieure à 50. µm, avantageusement inférieure à 30 µm, et de préférence inférieure à 10 µm, les microparticules étant maintenues par un liant soluble notamment dans l'eau."
VII. La requérante demande l'annulation de la décision de la Division d'opposition et révocation du brevet pour défaut d'activité inventive.
L'intimée demande que le recours formé contre la décision de maintien du brevet soit rejeté.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. L'intimée a produit tardivement (30 octobre 1997) le document (14), publié en octobre 1997. Ce document décrit les caractéristiques pharmacologiques du fénofibrate micronisé, donc de granulométrie inférieure à 50 µm, par rapport au fénofibrate standard, et met en exergue une amélioration à raison de 30 % de la biodisponibilité de l'acide fénofibrique après administration de l'agent micronisé par rapport aux résultats observés avec le fénofibrate standard (voir le premier paragraphe complet de la page 617 et la colonne de gauche de la page 621). Le document prouve donc l'effet technique produit par l'invention, effet jusqu'à cette date seulement allégué par l'intimée. Compte tenu de sa pertinence, et du fait que sa publication récente ne permettait pas une citation antérieure, la Chambre a accepté, au titre de l'article 114(1) CBE, l'introduction de ce document dans la procédure, introduction par ailleurs non contestée par la requérante.
3. Aucun des documents cités pendant la procédure ne décrit de composition pharmaceutique de fénofibrate telle que revendiquée caractérisée en ce que le fénofibrate est présent sous forme de microparticules cristallines de dimension inférieure à 50 µm. Pour cette raison, la Chambre est d'avis que l'objet de la revendication 1 est nouveau. L'objection de nouveauté soulevée par la requérante dans la procédure d'opposition a été par la suite, en effet, abandonnée.
4.1. Pendant la procédure d'opposition, la requérante avait d'abord considéré le document (2) comme le plus pertinent. Ce document décrit un procédé de préparation de formulations pharmaceutiques ayant un noyau neutre de sucre traité par une solution organique d'un liant de façon à rendre sa surface suffisamment adhérente pour retenir l'agent thérapeutique à l'état de poudre. Cet agent actif est appliqué à l'état finement divisé ; la taille des cristaux est donnée comme se situant généralement entre 5 à 200 µm environ. Ce document, de portée générale, cite toute une gamme de produits susceptibles d'être ainsi fabriqués sans mentionner toutefois l'utilisation de fénofibrate (revendication et description, colonne 3, lignes 13 à 61, colonne 4, dernier alinéa).
Par contre, le document (1) décrit une forme galénique du fénofibrate constituée par des granules comprenant un noyau neutre constitué par un excipient inerte revêtu d'une couche à base de fénofibrate en mélange avec un excipient et une couche externe de protection. Cependant, le document ne divulgue pas la taille des cristaux de fénofibrate qui sont déposés sur le noyau neutre par imprégnation à partir d'une solution alcoolique, puis par séchage (voir revendication 9 et description, pages 6 et 7).
La différence entre la forme galénique selon (1) et le médicament du brevet en question se situe donc d'une part dans la taille des particules du fénofibrate, qui est inférieure à 50 µm selon le brevet en question et, d'après l'intimée, supérieure à 100 µm selon (1), et d'autre part dans le procédé de préparation des deux formes pharmaceutiques.
La Chambre considère que l'art antérieur le plus proche est clairement représenté par le document (1) qui se rapporte à des granules de même composition et pour les mêmes indications que le brevet en cause.
4.2. Dès lors, se pose vis-à-vis de (1) la question du problème technique à résoudre.
Selon la description du brevet (page 2, lignes 53 et 54), l'intimée a observé une absorption inégale du fénofibrate dans le tube digestif et a associé cette constatation à une tentative d'explication, à savoir la mauvaise solubilité du fénofibrate dans les liquides aqueux. Durant la procédure orale, l'intimée a confirmé que l'observation du phénomène qui se passe dans le tube digestif, ainsi que la corrélation aux caractéristique de solubilité du fénofibrate étaient le fait de l'intimée elle-même.
Selon la requérante, le document (1) décrit des formulations qui ont été mises sur le marché depuis longtemps sous la dénomination "LIPANTHYL 250" comme spécifié par exemple dans le document (10). Au cours de la procédure orale, sur question de la Chambre, la requérante a reconnu que ce médicament était tout à fait satisfaisant de point de vue de l'effet thérapeutique et de la posologie déjà très confortable pour le malade. Selon la requérante, il ne se posait donc pas de problème particulier de biodisponibilité et s'il y avait un problème, compte tenu de la mauvaise solubilité bien connue du fénofibrate, ce problème visait sa solubilité.
La Chambre considère que si l'observation des phénomènes au niveau du tube digestif fait normalement partie des fonctions de l'homme du métier et fait apparaître un problème de biodisponibilité à résoudre, la corrélation de ceux-ci à la solubilité de fénofibrate dans les milieux aqueux fait partie de l'invention revendiquée par les moyens à mettre en oeuvre, en l'occurrence, la granulométrie des particules de fénofibrate utilisées.
L'introduction du facteur solubilité du fénofibrate dans l'énoncé du problème technique, tel qu'envisagé par la requérante, viserait à dépouiller l'invention d'un élément fondamental de la solution proposée. Par conséquent, partant de (1), le problème technique doit être défini, de façon générale, comme celui de fournir un médicament amélioré, notamment quant à sa biodisponibilité.
4.3. La solution envisagée par le brevet est un médicament sous forme de granules de fénofibrate comportant un noyau neutre, une couche à base de fénofibrate et une couche de protection caractérisé en ce que le fénofibrate est présent sous forme de microparticules cristallines de dimension inférieure à 50 µm maintenues par un liant soluble dans l'eau. D'après la description, cette taille de cristaux est obtenue par micronisation des particules, projetées sous forme solide sur les noyaux neutres.
Les essais produits par l'intimée le 6 octobre 1997, pour mettre en évidence la corrélation entre la cinétique de dissolution in vitro et la granulométrie de différents lots de fénofibrate, démontrent une augmentation de la vitesse de dissolution lorsque les particules de principe actif sont plus fines. Cette vitesse de dissolution reste quasiment constante et maximale pour une granulométrie inférieure à 50 µm.
D'autre part le document (14), cité à titre de preuve par l'intimée, confirme les caractéristiques pharmacodynamiques et cliniques du fénofibrate micronisé, donc ayant une granulométrie inférieure à 50. µm, et met en évidence l'augmentation à raison du 30. % de la biodisponibilité du principe actif (acide fénofibrique) après administration des compositions contenant cette forme de fénofibrate vis-à-vis des compositions de fénofibrate standard (voir le premier paragraphe de la page 617).
Sur la base de ces éléments de preuve et des essais sus-mentionnés, la Chambre considère que le problème technique est résolu par le médicament revendiqué.
4.4. L'homme du métier confronté au problème technique de l'augmentation de la biodisponibilité aurait pu envisager différentes possibilités de modification de la forme galénique composite connue du document (1) et donc s'engager dans différentes directions. En effet il était connu, par exemple du document (1), que le fénofibrate n'était que le précurseur de l'agent actif plasmatique: c'est à dire l'acide fénofibrique. Donc le chemin entre l'administration d'un médicament contenant le fénofibrate et l'obtention d'un effet thérapeutique comprend différentes étapes telles que la libération du fénofibrate de la formulation pharmaceutique, la dissolution dans les liquides gastriques, l'adsorption par les tissus avec passage dans le système sanguin et l'activation du précurseur par hydrolyse enzymatique. Savoir laquelle de ces étapes aurait pu être limitative ou décisive pour la biodisponibilité de l'acide fénofibrique n'était pas prévisible sur la base des documents antérieurs cités. Chacune de ces étapes aurait donc pu a priori être prise en considération comme objet d'une modification dans le but d'améliorer la biodisponibilité du produit actif final.
Il s'agit donc de savoir si les différentes possibilités d'investigation auraient toutes été considérées comme équivalentes ou, au contraire, si l'art antérieur aurait déjà pu inciter l'homme du métier à s'intéresser à l'étape de dissolution du précurseur, et lui suggérer d'essayer d'améliorer les caractéristiques de solubilité du fénofibrate tel que présent dans la forme galénique du document (1).
Le document (1) décrit des formes galéniques qui donnent une libération progressive et retardée de fénofibrate. Selon l'art antérieur sur lequel le document (1) se base, on connaissait déjà des compositions contenant 100 mg de fénofibrate pour des posologies journalières de 300 à 400, et même 600 mg. Le problème posé par ces compositions, bien loin d'être la difficulté d'atteindre un taux plasmatique suffisant, était plutôt, à l'inverse, celui de maintenir la concentration au-dessous du seuil de 10 µg/ml du plasma comme expliqué au premier paragraphe de la page 3 de (1). D'après (1), il était donc utile de chercher à réduire les doses administrées (page 3, lignes 1 à 14).
Les formes galéniques obtenues selon le document (1) ont permis d'obtenir, avec une seule prise quotidienne et une diminution de la quantité de principe actif, un effet préférable à celui obtenu par le traitement classique. Les essais in vivo ont montré un bon étalement dans le temps du taux plasmatique, le taux ne dépassant pas le seuil de 10 µg/ml et ne descendant pas en-dessous de 3,5 µg/ml (voir page 9). Etant donné que ces résultats ont été observés après administration de 250 mg de fénofibrate par jour et que les traitements de l'art antérieur prévoyaient des posologies journalières bien plus élevées, à raison de 300 à 400, parfois 600 mg, les formes galéniques selon (1) impliquaient déjà une augmentation tout à fait satisfaisante de la biodisponibilité de l'agent en question. Comme déjà indiqué ci-dessus, la requérante a confirmé, pendant la procédure orale, que la forme galénique selon (1), qui correspond au médicament dénommé "LIPANTHYL 250" et qui, avant 1986, était déjà commercialisée en Allemagne par la requérante elle-même, n'avait jamais posé des problèmes de biodisponibilité ou de solubilité du fénofibrate.
Sur la base du document (1), l'homme du métier n'aurait certainement pas envisagé qu'un problème de biodisponibilité pouvait découler de l'insuffisante solubilité du fénofibrate. En effet, le problème même du sur-dosage de l'acide fénofibrique dans le plasma, auquel le document (1) donne une solution, indiquait que la solubilité du fénofibrate dans les liquides physiologiques, bien que, peut-être, modeste, était déjà tout à fait suffisante pour donner des taux plasmatique du principe actif très élevés et donc l'effet thérapeutique recherché. Ces conclusions sont corroborées par les résultats de l'essai de libération du fénofibrate in vitro, illustrés à la page 7 de (1), qui donnent un taux de libération de 80 % à la quatrième heure et un taux de 100 % à la huitième heure.
En conclusion, d'une part l'homme du métier n'aurait pas été incité à modifier les caractéristiques du médicament de l'art antérieur le plus proche dans le but de donner une solution à un problème de biodisponibilité qui ne se posait manifestement pas jusqu'à la date de priorité du brevet en question ; d'autre part, confronté au problème technique tel que formulé ci-dessus, il n'aurait pas considéré le facteur solubilité du fénofibrate comme prioritaire vis-à-vis des autres facteurs capables d'influencer la biodisponibilité d'un agent actif. Au contraire, ayant reconnu que l'amélioration de la biodisponibilité dans le médicament du document (1) était le résultat d'une nouvelle formulation galénique, il aurait été davantage incité à élaborer des nouvelles compositions galéniques que des nouvelles formes physiques du fénofibrate.
Par conséquent, le choix d'explorer l'effet de la solubilité dans les liquides aqueux du fénofibrate sur la biodisponibilité de l'acide fénofibrique représente déjà en soi une sélection qui n'est suggérée par l'art antérieur le plus proche.
Comme il a été montré plus haut, l'homme du métier aurait pu trouver dans le document (2) une indication relative à l'application d'un agent thérapeutique sous forme divisée sur un noyau neutre préalablement rendu adhérent. Toutefois, confronté au problème de l'amélioration de la biodisponibilité, il n'aurait pu trouver dans ce document aucune incitation à en suivre les enseignements. En effet, si ce document mentionne une taille moyenne des particules habituellement entre 5 et 200 µm, il relie le choix de cette grandeur à une adhésion satisfaisante de ces particules sur le noyau (voir colonne 3, lignes 55 à 61). Outre le fait que le fénofibrate n'est pas mentionné, la question de la solubilité n'est pas envisagée, en tout cas directement.
Le document (9), également cité à l'encontre du brevet et très pertinent quant aux principes régissant la dissolution des substances actives rappelle en effet qu'il importe, en général, de broyer les granules le plus finement possible. Cependant, ce document met à plusieurs reprises son lecteur en garde contre une application simpliste de cette règle et rappelle que l'augmentation de la vitesse de dissolution par microbroyage n'est pas une panacée, qu'il ne doit pas faire perdre de vue les phénomènes d'interface, et que le choix d'une forme micronisée pour une nouvelle formulation ne doit pas s'improviser (voir page 299, deuxième colonne). Encore fallait-il que l'homme du métier s'intéresse à la solubilité du fénofibrate avant de consulter ce document.
En conséquence, l'invention telle que revendiquée se fonde sur une sélection, qui n'est suggérée par aucun document de l'art antérieur considéré seul ou en combinaison et donc qui est considérée comme inventive.
4.5. Pendant la procédure, la requérante a fait valoir que la faible solubilité du fénofibrate était bien connue depuis longtemps. Elle a donc contesté que le problème de l'absorption inégale du fénofibrate due a sa mauvaise solubilité était méconnu. Ce problème étant cependant posé, la solution proposée par le brevet était à la portée de l'homme du métier compte tenu de l'enseignement des documents (2)[ou(2a)] et (9).
La Chambre est d'avis que la question décisive ne concerne ni la solubilité du fénofibrate en tant que substance chimique, ni la question de savoir si l'homme du métier avait déjà connaissance des caractéristiques de solubilité du fénofibrate. En fait, la formule même du fénofibrate aurait vraisemblablement déjà permis de conclure que sa solubilité dans l'eau ne pouvait être que modeste.
Pour la Chambre le facteur déterminant est la divulgation par le document (1), que la solubilité du fénofibrate, lorsqu'utilisé en tant qu'agent thérapeutique, était déjà tout à fait suffisante pour atteindre des taux plasmatiques du principe actif non seulement très élevés mais même trop élevés. De cet enseignement, l'homme du métier aurait conclu que la faible solubilité du fénofibrate, utilisé aux concentrations thérapeutiques, ne nuisait pas à la biodisponibilité de l'agent actif et ne donnait donc lieu à aucun problème évident.
La question de l'activité inventive en relation avec la modification apportée par le brevet ne se ramène donc pas a la question de savoir si l'homme du métier aurait diminué la granulométrie du fénofibrate dans le but d'augmenter sa solubilité et finalement la biodisponibilité de l'acide fénofibrique ; mais s'il aurait pris en considération le facteur solubilité parce qu'il en escomptait un avantage quelconque au niveau de la biodisponibilité. Comme cela a été montré ci-dessus, la Chambre estime que la réponse aurait été négative.
Les autres arguments de la requérante se rapportent à la formulation commercialisée sous la dénomination "LIPANTHYL 250" (voir documents (10) et (11)). D'après elle, ce médicament aurait été fabriqué avant 1986 selon la méthode décrite dans le document (1), et après 1986 selon la méthode du brevet en question. Puisqu'aucune modification de la formulation commercialisée ou de la posologie du fénofibrate n'a été observée après 1986, la requérante en a conclu que le problème allégué n'existait pas ou que, s'il devait exister, la solution proposée ne donnait aucune amélioration de l'absorption du fénofibrate par rapport à l'art antérieur. A l'appui de ses arguments, la requérante a présenté le document (12) incluant une série de photographies au microscope électronique de quatre médicaments commercialisés contenant le fénofibrate y compris le LIPANTHYL 250 afin de montrer que les particules de tous ces médicaments contiennent du fénofibrate de granulométrie inférieure à 50 µm.
La Chambre ne peut pas faire droit à ces arguments. Tout d'abord, l'opinion, par ailleurs contestée par l'intimée, selon laquelle le médicament LIPANTHYL 250 aurait été fabriqué après 1986 selon la méthode du brevet reste une pure allégation de la requérante. En tout état de cause, le fait que ni la formulation ni la posologie caractéristiques du LIPANTHYL 250 n'ont été modifiées après 1986 n'est pas, pour la Chambre, une raison pour conclure que le problème technique n'a pas été résolu. En fait, les stratégies d'un fabricant en relation avec la commercialisation d'un produit sont conditionnées par des règles et des considérations qui sont sans rapport avec l'évaluation de l'activité inventive du produit même.
Quant à l'étude illustrée dans le document (12), cette étude se fonde sur des compositions pharmaceutiques achetées en 1991, comme prouvé par la requérante. Cet étude n'illustre donc pas la situation à la date de priorité du brevet, et pour cette raison, elle n'est pas pertinente.
Il résulte de ce qui précède que les arguments de la requérante n'ont pas prouvé que le médicament de la revendication 1 ainsi que le procédé de sa préparation ne satisfont pas aux dispositions de l'article 56 CBE.
DISPOSITIF
Pour ces motifs, il est statué comme suit:
Le recours est rejeté.