T 0590/93 (Résines photosensibles) of 10.5.1994

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1994:T059093.19940510
Date de la décision : 10 Mai 1994
Numéro de l'affaire : T 0590/93
Numéro de la demande : 84304415.7
Classe de la CIB : G03C 1/68
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Kogyo Gijutsuin
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.01
Sommaire : Il ne suffit pas de fournir une preuve de la position personnelle d'un opposant pour pouvoir par là-même ébranler la crédibilité d'une identité établie en vertu de la règle 55 a) CBE. Cette identité ne peut être contestée que s'il est prouvé de manière convaincante que c'est une autre personne morale/physique qui est le véritable opposant (cf. point 3 des motifs).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 99(1)
European Patent Convention 1973 Art 117(1)
European Patent Convention 1973 Art 134(1)
European Patent Convention 1973 Art 134(7)
European Patent Convention 1973 R 55(a)
Mot-clé : Degré de certitude avec laquelle est connue l'identité de l'opposant
Type de preuve requis
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0005/83
G 0001/84
T 0025/85
T 0635/88
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0649/92
T 0339/93
T 0798/93
T 0301/95
T 0052/96
T 1091/02

Exposé des faits et conclusions

I. Le 7 novembre 1989, M. H. a formé opposition à un brevet publié le 5 février 1989, délivré au nom de Kogyo Gijutsuin et de Murakami Screen KK, deux sociétés japonaises. Ainsi que l'ont établi les preuves soumises par les titulaires du brevet, M. H. était employé, mais non "Rechtsanwalt" (avocat), dans un cabinet de conseils juridiques et de conseils fiscaux ayant son siège en République fédérale d'Allemagne. L'opposition a été formée en anglais. Les seules antériorités citées étaient des antériorités japonaises.

II. Les titulaires du brevet ont demandé dans ces conditions que M. H. précise son locus standi (qualité personnelle pour agir) en ce qui concerne l'objet du brevet attaqué. Par une notification en date du 26 août 1991, la division d'opposition a informé les deux parties que l'identité de l'opposant avait été suffisamment établie et que de surcroît la CBE n'exigeait pas expressément de qualité personnelle pour agir. Or, chose assez inattendue, la division d'opposition a invité le 8 octobre 1991 M. H. à préciser sa position personnelle vis-à- vis de l'opposition, et lui a demandé ensuite conformément à l'article 117(1) CBE de produire une déclaration sous la foi du serment par laquelle il certifierait avoir formé l'opposition en son propre nom, et non pour le compte de quelque tiers non identifié.

III. M. H. s'est abstenu de produire cette déclaration, faisant valoir la formulation expresse de l'article 99 (1) CBE qui prévoit que toute personne peut faire opposition auprès de l'OEB.

IV. Une procédure orale a eu lieu par la suite, à laquelle M. H. n'a pas assisté, quoique dûment cité.

V. Dans sa décision rendue oralement le 26 janvier 1993, dont l'exposé des motifs a été notifié par écrit aux parties le 30 avril 1993, la division d'opposition, faisant référence aux décisions T 25/85 (JO OEB 1986, 81) et T 635/88 (JO OEB 1993, 608), ainsi qu'à une décision antérieure de la Grande Chambre de recours, la décision G 1/84 (JO OEB 1985, 299) a jugé l'opposition irrecevable en vertu de l'article 99 (1) et de la règle 56 (1) CBE, au motif essentiellement que les décisions précitées avaient conduit à ériger en principe que si, au vu des pièces qui lui ont été fournies, l'OEB a de bonnes raisons de douter que l'opposant agit en son propre nom, et non pour le compte d'un mandant, il incombe à l'opposant de dissiper complètement ces doutes.

VI. Le 1er juillet 1993, un recours a été formé et la taxe correspondante a été acquittée. Dans l'exposé des motifs de son recours, déposé le 10 septembre 1993, le requérant (antérieurement opposant) a contesté que les faits de la cause aient pu conduire à émettre des doutes, et encore moins des doutes justifiés, concernant sa véritable identité. Se fondant sur la décision G 1/84 précitée, il a fait valoir en outre que dans la CBE, les motifs des opposants ne jouaient aucun rôle, de sorte que la question de leur identité n'était qu'une question de procédure. Il a expliqué également que d'après les principes généraux du droit communément admis en matière de preuve dans les Etats contractants, celui qui affirme un fait doit le prouver, et que dans la présente affaire l'intimé (titulaire du brevet) avait omis de fournir cette preuve, puisqu'il n'avait pas indiqué l'identité de l'opposant réel. C'est pourquoi le requérant demandait que la décision de la division d'opposition soit annulée et que l'opposition soit considérée comme recevable. Il demandait également le remboursement de la taxe de recours.

VII. Dans sa réponse à l'exposé des motifs du recours, l'intimé a cité principalement les décisions T 635/88, T 25/85 et G 1/84 sur lesquelles était fondée la décision de la division d'opposition. Il a allégué que ces décisions, ainsi que les décisions T 219/86 et T 10/82, avaient conduit à ériger en principe que l'identité véritable de l'opposant doit être révélée dès le début de la procédure, ceci étant exigé par l'article 99(1) CBE, et que l'inobservation de cette disposition revient à dissimuler délibérément les faits et, partant, à manquer à la bonne foi.

L'intimé a également invoqué l'article 125 CBE, déclarant que selon les règles de procédure applicables au Royaume-Uni, en France et en Allemagne, il y avait lieu de considérer comme irrecevables les actions en justice intentées par un prête-nom ou un homme de paille, ceci constituant, au Royaume-Uni par exemple, un délit de "maintenance"(entremise) ou de "champerty" (entente illicite avec un tiers pour le financement d'un procès). Enfin, il a fait valoir qu'aux termes mêmes de l'article 114(1) CBE, l'OEB "procède à l'examen d'office des faits ; cet examen n'est limité ni aux moyens invoqués, ni aux demandes présentées par les parties".

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. L'article 99(1) CBE prévoit que dans un délai de neuf mois à compter de la date de publication de la mention de la délivrance du brevet européen, toute personne peut faire opposition au brevet européen délivré, auprès de l'Office européen des brevets. Aux termes de la règle 55 a) CBE, l'acte d'opposition doit ("shall") comporter l'indication du nom, de l'adresse et de l'Etat du domicile ou du siège de l'opposant, par analogie avec la règle 26, paragraphe 2, lettre c) CBE, qui précise les indications à fournir pour l'établissement de l'identité.

La formulation de l'article 99(1) CBE ainsi que des règles qui lui correspondent dans le règlement d'exécution est très claire et ne présente aucune ambiguïté, qu'il s'agisse d'une ambiguïté manifeste ou d'une ambiguïté cachée. Par conséquent, si l'on applique les principes d'interprétation du droit des traités, valant également pour la CBE, qui ont été rappelés dans la décision G 5/83 (JO OEB 1985,64), il convient d'interpréter littéralement les dispositions de l'article 99(1) CBE, au sens qu'il convient normalement de leur donner si on les replace dans le contexte général de la Convention. Il apparaît à l'évidence dans ces conditions que toute personne (et non : toute personne intéressée) peut faire opposition à un brevet européen délivré. Si ce n'est pas ce qu'avaient voulu dire les auteurs de la Convention, cet article aurait sans aucun doute été rédigé de manière à faire dépendre la recevabilité d'une opposition des qualités personnelles pour agir (locus standi) de l'opposant ou de toute autre expression de son intérêt pour agir.

De l'avis de la Chambre, c'est à dessein que la Convention ne comporte aucune disposition de procédure concernant les oppositions formées par un prête-nom ou par des hommes de paille. Contrairement à ce qu'a allégué le titulaire du brevet, il n'existe donc pas à cet égard de vide juridique auquel il serait possible de remédier en faisant jouer l'article 125 CBE, et cela même s'il avait pu être constaté qu'il existe à cet égard un principe admis de manière suffisamment générale dans les Etats contractants, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence, estime la Chambre. Par conséquent, il y lieu de rejeter d'emblée cet argument de l'intimé. Dans ce contexte, la Chambre souhaite également faire observer que les délits de "maintenance" et de "champerty" au Royaume-Uni sont des causes d'ouverture d'une action qui ne dépendent pas de la question de la recevabilité, avec laquelle elles n'ont rien à voir, et que, selon la jurisprudence allemande (cf. Schulte, "Patentgesetz", 5ème édition, § 59, notes en marge 16 et 24), un "homme de paille" peut former une opposition recevable en son propre nom, alors qu'il agit pour le compte d'une autre personne, morale ou physique.

Il résulte de ce qui précède que si l'intérêt d'un opposant pour agir ne joue aucun rôle pour la question de la recevabilité, la nature de cet intérêt, et à plus forte raison les motifs de l'opposant, qu'ils soient justifiés ou non, doivent eux aussi être considérés comme sans rapport avec la recevabilité de l'opposition. C'est effectivement ce qui a été décidé dans la décision G 1/84 (JO 1985, 299, et notamment page 303, point 3 de la "question posée"), dans laquelle la Grande Chambre de recours devait se prononcer sur un autre point de droit, à savoir la recevabilité d'une opposition formée par le titulaire du brevet lui-même. Il est également à noter que, dans cette affaire, la Grande Chambre de recours avait expressément déclaré qu'il n'était pas nécessaire de trancher de manière absolue la question de la recevabilité ou de l'irrecevabilité d'une opposition formée au nom d'un "homme de paille", et qu'elle ne s'est pas prononcée sur cette question (cf. point 2 des motifs, deuxième alinéa). Par conséquent, la thèse de l'intimé selon laquelle une opposition formée par un "homme de paille" est irrecevable au regard de l'article 99(1) CBE ne peut s'appuyer sur la décision G 1/84. Dans cette décision, la Grande Chambre de recours avait simplement mentionné au passage ("obiter dictum") que si une opposition était formée par un tel "homme de paille", elle risquait de donner lieu à des abus. Or en l'espèce, les intimés n'ont fourni aucune preuve, ni même le moindre élément de preuve concernant l'existence effective ou probable d'un tel abus. Dans le cadre de l'examen d'office des faits de la cause (art. 114(1) CBE), la Chambre ne peut elle non plus constater l'existence d'un tel abus.

3. La Chambre considère par conséquent que pour décider de la recevabilité de la présente opposition, il importe avant tout de savoir si l'identité de l'opposant avait ou non été déclarée à l'origine (règle 55 a) CBE), et si cette déclaration a été maintenue pendant toute la procédure sans susciter de doutes légitimes, puisque l'OEB et le titulaire du brevet doivent tous deux être certains de l'identité de l'opposant au vu des informations fournies par celui-ci.

A cet égard, la Chambre estime qu'il découle de l'expression "toute personne" utilisée à l'article 99(1) CBE que l'OEB est parfaitement en droit d'accepter telles quelles les déclarations d'identité, et qu'il n'est pas tenu de rechercher l'identité réelle d'un opposant en mettant en question la véracité des indications fournies par celui-ci en vertu de la règle 55 a) ensemble la règle 26(2)c) CBE, simplement parce que certains ont émis des doutes au sujet de l'identité déclarée par l'opposant, suspectée de ne pas être son identité réelle. En outre, c'est une interprétation beaucoup trop large que les titulaires du brevet ont tenté de donner de la disposition de l'article 114(1) CBE qui exige que l'OEB procède à un examen d'office des faits ("shall" examine) ; dans un autre contexte, la Grande Chambre de recours a donné une interprétation beaucoup plus étroite de cette disposition (cf. les décisions G 9 et G 10/91, JO OEB 1993, 408 et 420). Par conséquent, la Chambre estime qu'elle n'est pas tenue en vertu de l'article 114(1) d'examiner d'office des questions qui ont été soulevées sur la foi de pures allégations ou de simples soupçons.

Toutefois, si une autre partie conteste la véracité de ces déclarations faites par l'opposant au sujet de son identité, en produisant des preuves suffisamment concluantes comme quoi l'opposant n'est pas en réalité la personne qu'il prétend être, si bien qu'il n'est pas satisfait à la condition requise à l'article 99(1) CBE, la Chambre estime qu'il pourrait être justifié d'inviter ce soi-disant opposant à prouver sa "véritable identité", en lui demandant par exemple de produire une déclaration faite sous la foi du serment.

4. Or la Chambre considère qu'il n'a pas été produit de telles preuves dans la présente espèce. Si la division d'opposition a été amenée à douter de l'identité réelle de l'opposant, c'est simplement parce que dans le cas de M.H, les conditions requises à l'article 134(1) ou (7) CBE n'étaient pas remplies, alors qu'il était satisfait aux exigences de l'article 133 qui prévoit que les personnes physiques ou morales qui ont leur domicile ou leur siège sur le territoire de l'un des Etats contractants peuvent agir par l'entremise d'un employé dans toute procédure instituée par la Convention. Les intérêts et les motifs de l'opposant ne jouant aucun rôle pour la recevabilité de l'opposition, ainsi que la Chambre l'a précisé ci-dessus, il n'est pas possible de considérer comme des preuves concluantes au sens indiqué ci-dessus ces éléments de la situation personnelle de l'opposant que sont par exemple son âge, ses capacités intellectuelles, son lieu d'emploi, la nature des activités de son employeur, sa langue maternelle, ou l'absence apparente ou réelle d'intérêts commerciaux qu'aurait pu affecter le brevet auquel il était fait opposition. Pour être concluantes, les preuves doivent comporter des éléments ou se fonder sur des faits qui montrent avec une quasi-certitude que l'opposition émanait en réalité d'une personne physique ou morale déterminée, autre que la personne indiquée comme opposant.

Par conséquent, au vu des preuves qui ont été produites, la Chambre estime que dans cette affaire l'identité de l'opposant avait été établie comme cela était demandé, et qu'elle était restée connue pendant toute la procédure avec un degré de certitude suffisant pour qu'il puisse être considéré qu'il était satisfait aux conditions requises par l'article 99(1) et la règle 55 a) CBE.

5. Cette conclusion n'est pas en contradiction avec les décisions T 25/85, T 10/82 ou T 216/86, dans lesquelles les indications ou déclarations relatives à l'identité de l'opposant étaient manifestement incomplètes dès le départ ou avaient été modifiées a posteriori par l'opposant lui-même, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Une conclusion analogue peut être tirée dans le cas de la décision T 635/88. Dans cette affaire, lesdites déclarations et indications étaient complètes dès le départ et n'avaient pas été modifiées, mais leur véracité avait été contestée par une autre partie qui avait produit des preuves suffisamment convaincantes pour que l'on puisse conclure avec une quasi- certitude que l'opposant n'était pas en réalité la personne qu'il prétendait être. Aussi, vu ces circonstances exceptionnelles, il pouvait y avoir de "bonnes raisons" (cf. décision 635/88) de douter de l'identité de l'opposant, et il était justifié dans ces conditions d'inviter le soi-disant opposant à prouver sa "véritable identité", en lui demandant par exemple de produire une déclaration faite sous la foi du serment.

6. En ce qui concerne enfin la demande de remboursement de la taxe de recours, la Chambre n'est pas convaincue qu'il y ait eu vice substantiel de procédure (règle 67 CBE), car une interprétation erronée par la première instance d'une jurisprudence pertinente en l'espèce, ou même d'une jurisprudence qui n'était pas pertinente, ne peut en soi être considérée comme un vice de procédure, et encore moins comme un vice substantiel. Par conséquent, la demande de remboursement est rejetée.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition pour examen de l'opposition.

3. La demande de remboursement de la taxe de recours est rejetée.

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