European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1992:T047391.19920409 | ||||||||
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Date de la décision : | 09 Avril 1992 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0473/91 | ||||||||
Numéro de la demande : | 84304471.0 | ||||||||
Classe de la CIB : | H03G 9/02 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Wegener Communications | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.5.01 | ||||||||
Sommaire : | La question de la recevabilité du recours visée à l'article 109 CBE ne relève de la compétence de la première instance que lorsque celle-ci peut la trancher d'emblée d'après les documents nécessaires en tant que tels au soutien du recours (acte de recours et mémoire exposant les motifs du recours, information relative à la date de paiement de la taxe de recours). Il s'ensuit que c'est l'instance de recours qui a compétence exclusive pour statuer sur une requête en restitutio in integrum quant à un délai concernant le recours proprement dit (art. 108 CBE). Cette même instance statue donc ensuite sur la recevabilité (art. 110(1) CBE en liaison avec la règle 65(1) CBE). | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Décision finale, qui met fin à la procédure Compétence pour statuer sur une requête en restitutio in integrum quant au délai de recours |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La présente décision concerne la compétence de la première instance pour statuer au titre de l'article 122 CBE sur des questions de restitutio in integrum quant au délai de recours prévu à l'article 108 CBE. Elle tranche également la question de la restitutio elle-même ainsi que de la recevabilité du recours.
II. La demande de brevet européen n° 84 304 471.0 a été rejetée par une décision de la division d'examen de l'OEB, le 18 mai 1988. Le paiement d'une taxe de recours, le 19 juillet 1988, a été suivi, le 29 juillet, du dépôt d'un acte de recours en date du 19 juillet 1988. L'enveloppe contenant l'acte de recours portait un cachet de la poste de Londres en date du 22 juillet 1988.
III. Informé par un agent de la division d'examen, lors d'une conversation téléphonique qui a eu lieu le 14 septembre 1988, que l'acte de recours avait été reçu trop tard, le requérant a présenté une requête en restitutio in integrum au titre de l'article 122 CBE, dans une lettre reçue par l'OEB le 16 septembre 1988. La taxe de restitutio a été acquittée le même jour. Le requérant a affirmé avoir envoyé de Londres la lettre contenant l'acte de recours dès le 19 juillet 1988, c'est-à-dire à une date à laquelle il pouvait supposer que la lettre arriverait à Munich largement dans le délai prévu pour former le recours, soit deux mois, qui expirait le 28 juillet 1988. Selon lui, il avait donc fait preuve de toute la vigilance nécessaire, au sens de l'article 122 CBE. La lettre était accompagnée d'un mémoire exposant les motifs.
IV. Dans des lettres reçues par l'OEB respectivement le 11 janvier et le 13 décembre 1989, le requérant a demandé où en était l'examen de sa requête en restitutio. Le 3 juin 1991, il a demandé à nouveau, par télécopie, des renseignements sur la situation de sa requête et de sa demande de brevet.
V. Le 14 juin 1991, un agent des formalités de la direction générale 2 de l'OEB a décidé de rétablir le requérant dans ses droits. Le recours a été déféré aux chambres de recours de la direction générale 3 qui l'a reçu le 2 juillet 1991.
VI. A la suite d'une notification de la Chambre de recours, le requérant, dans une lettre parvenue à l'OEB le 5 novembre 1991, s'est réservé le droit de contester la compétence de la Chambre concernant la question de la restitutio. S'agissant de l'admissibilité de la requête en restitutio, le requérant a allégué en substance qu'il était virtuellement impossible d'établir, plus de trois ans après, ce qui s'était effectivement passé et que, si la question de la vigilance nécessaire avait été soulevée au moment où il avait présenté sa requête en restitutio, une enquête aurait pu révéler la raison de la différence constatée entre la date de la lettre (19 juillet 1988) et le cachet de la poste sur l'enveloppe (22 juillet 1988).
Motifs de la décision
1. Compétence
1.1 Pour qu'un recours puisse être examiné au fond, il doit avoir été déclaré recevable. Comme cela ressort expressément de l'article 110(1) CBE, en liaison avec la règle 65(1) CBE, ce sont les chambres de recours qui statuent sur la recevabilité du recours.
1.2 Selon le système de réexamen par une instance supérieure distincte, prévu par la CBE conformément au principe du remède juridique dévolutif, une décision finale (qu'il convient de distinguer d'une décision contre laquelle il n'est plus possible d'introduire un recours parce que le délai de recours est expiré) rendue par une instance inférieure met fin à l'examen de l'affaire par cette instance, lorsque la décision a réglé au fond tous les points pendants. C'est dans ce sens que l'on pourrait dire qu'une décision intermédiaire a elle aussi le caractère d'une décision finale lorsqu'elle peut faire l'objet d'un recours indépendant (voir article 106(3) CBE (in fine) ; c'est par exemple le cas, conformément à la pratique établie depuis longtemps à l'OEB, lorsque la décision a traité tous les points de fond mais que des questions d'ordre administratif et de procédure, telles que la production d'une traduction, sont encore en suspens. En application de ce principe, le réexamen d'une affaire dans une procédure de recours doit être effectué par l'instance immédiatement supérieure, en l'occurrence par les chambres de recours, et l'instance inférieure est dessaisie de l'affaire. L'article 122(4) CBE prévoit que l'instance qui est compétente pour statuer sur l'acte non accompli décide sur la requête en restitutio.
1.3 Dérogeant au principe du remède juridique dévolutif, l'article 109 CBE contient une disposition selon laquelle une décision peut être révisée par la première instance. Cette possibilité de révision par l'instance qui a rendu la décision peut sembler annuler ce principe puisqu'une révision suppose que le recours soit recevable. Toutefois, du fait qu'elle constitue une exception au système des recours en tant que remèdes dévolutifs (c'est-à- dire un système où les recours sont transmis à une autre instance, distincte de la première), cette disposition doit faire l'objet d'une interprétation stricte. Il convient de noter que la révision n'est pas un réexamen de la décision en seconde instance. En outre, dans tous les cas où l'instance inférieure décide de ne pas réviser sa décision, les chambres de recours statuent immanquablement sur la question de la recevabilité avant d'examiner le recours au fond.
Le délai d'un mois prévu pour la révision à l'article 109(2) CBE exclut pratiquement la possibilité de rendre avant l'expiration de ce délai une décision concernant une requête en restitutio, même dans l'hypothèse peu probable où la première instance serait prête à faire droit sur le champ à la requête, sans nouvelles observations de sa part ou de la part du requérant. L'article 109 ne peut donc avoir été conçu pour donner à la première instance le pouvoir de statuer en matière de restitutio.
Une interprétation stricte de l'article 109 CBE implique que l'existence de la condition de recevabilité qui entre en ligne de compte pour la révision d'une décision ne correspondrait qu'aux situations où le recours satisfait d'emblée en lui même et par lui même aux conditions posées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE. Autrement dit, la première instance n'a pas le pouvoir de statuer en l'espèce s'il est nécessaire pour ce faire de régler une question de procédure devant être résolue au préalable (voir Singer, Europäisches Patentübereinkommen, 1989, 452 : "Die Abhilfemöglichkeit ist nur gedacht für Beschwerden, deren Zulässigkeit ... sofort festgestellt werden kann" (c'est-à- dire : la possibilité de révision par l'instance ayant rendu la décision est conçue uniquement pour les recours dont la recevabilité ... peut être immédiatement établie)). Même dans le cas où la première instance serait disposée à réviser sa propre décision, il ne serait pas fait exception au principe essentiel.
Pour confirmer l'effet nécessaire, évoqué ci-dessus, du principe essentiel du remède juridique dévolutif, l'on ajoutera que la décision rétablissant le requérant dans ses droits ne pouvait pas être jointe au dossier de première instance, la décision finale rendue le 18 mai 1988 devant logiquement être le dernier document de ce dossier. En conséquence, tous les documents reçus ou créés par l'OEB après cette date devaient être versés au dossier de la Chambre de recours.
1.4 La Chambre conclut donc que la question de la recevabilité visée à l'article 109 CBE ne relève de la compétence de la première instance que lorsque celle-ci peut la trancher immédiatement d'après les documents nécessaires en tant que tels au soutien (acte de recours et mémoire exposant les motifs de recours, information relative à la date de paiement de la taxe de recours). Il s'ensuit que c'est l'instance de recours qui a compétence exclusive pour statuer sur une requête en restitutio quant à un délai concernant le recours proprement dit (art. 108 CBE). Cette même instance statue donc ensuite sur la recevabilité (art. 110(1) CBE en liaison avec la règle 65(1) CBE).
1.5 Dans une décision récente, une autre chambre de recours s'est penchée sur des faits similaires à ceux de la présente affaire, sans cependant en examiner les conséquences éventuelles, laissant supposer ainsi qu'elle approuvait la décision rendue par la première instance qui rétablissait le requérant dans ses droits (décision T 317/89 - 3.2.3 du 10 juillet 1991, qui ne sera pas publiée, points III et IV). La question de la compétence n'ayant à aucun moment été soulevée dans cette décision, l'on ne peut dire que les conclusions de la Chambre dans la présente affaire entraînent une application non uniforme du droit. La Chambre a donc jugé nécessaire, dans l'intérêt du requérant et d'autant plus que l'affaire a été différée pendant près de trois ans en première instance de rendre une décision en l'espèce plutôt, que de saisir la Grande Chambre de recours au titre de l'article 112 CBE.
2. Restitutio in integrum
2.1 Dans la mesure où la réponse donnée à la question de la recevabilité dépend de la manière de trancher la question de la restitutio in integrum, il appartient à la Chambre de statuer sur la requête en restitutio.
La requête en restitutio ayant été présentée et la taxe y afférente ayant été acquittée conformément à l'article 122(2) et (3) CBE, cette requête est recevable.
2.2 Il reste à examiner si la requête est admissible au regard de la condition de vigilance posée à l'article 122(1) CBE. Il convient ici de noter que, bien que le requérant affirme avoir posté l'acte de recours le 19 juillet 1988, l'enveloppe porte un cachet de la poste du 22 juillet 1988.
Il existe toujours une certaine liberté d'appréciation pour déterminer ce que recouvre la notion de vigilance utilisée à l'article 122 CBE. On pourrait prendre comme critère la règle des dix jours (règle 78(3) CBE) et concevoir en conséquence un principe selon lequel la condition de vigilance est réputée satisfaite lorsqu'une lettre a été postée au moins dix jours avant l'expiration du délai concerné. Toutefois, un tel principe se révélerait inutilement rigide, pouvant entraîner des discriminations géographiques et n'aidant donc pas à régler la question de la notion de la vigilance dont il faut faire preuve pour ce qui est des délais de distribution escomptés.
Comme dans la décision T 81/83 - 3.2.1 du 21 novembre 1983, point 3 (non publiée), la solution serait pour la Chambre de se référer à ce qu'il aurait normalement suffit de faire pour que le document en cause arrive à l'OEB dans les délais. Dans cette autre affaire, une lettre confirmant un acte de recours transmis par télex, postée à Milan, en Italie, le 11 avril n'était arrivée à l'OEB que le 28 avril (17 jours après), soit sept jours trop tard.
Dans la présente affaire, si la lettre avait effectivement été postée à la date du cachet de la poste, soit le 22 juillet, il ne serait en réalité resté que quatre jours ouvrables (le 22 juillet tombant un vendredi) pour qu'elle arrive à Munich dans les délais.
En fait, elle a mis cinq jours pour arriver. D'autres lettres reçues par l'OEB dans la suite de cette affaire montrent que les délais de distribution varient. Une lettre en date du 6 janvier 1989 a été reçue le 11 janvier, une autre, en date du 6 décembre 1989, a été reçue le 13 décembre, tandis qu'une lettre datée du 12 juin 1991 a été reçue le 14 juin, ce qui représente respectivement des délais de 5, 7 et 2 jours, à supposer que la date indiquée par le cachet de la poste corresponde à la date à laquelle la lettre a été postée. Si l'on passe en revue les délais de distribution du courrier reçu alors que le dossier était instruit en première instance, l'on constate également des résultats variables, allant de 1 à 7 jours. Cela signifie que toute conclusion basée sur de telles "statistiques" ne serait que pure spéculation.
Comme le requérant l'a fait observer à juste titre, il est pratiquement impossible après plus de trois ans d'établir ce qui s'est réellement passé. Compte tenu de la longue période de près de trois ans qui s'est écoulée avant que la première instance ne réponde à la requête en restitutio, la Chambre estime qu'il convient de trancher cette question en faveur du requérant. La condition de vigilance est ainsi considérée comme ayant été respectée. De l'avis de la Chambre, il peut donc être fait droit à la requête en restitutio du requérant. Par conséquent, le recours est considéré comme ayant été formé dans les délais.
2.3 Le recours est recevable puisqu'il satisfait également aux autres conditions énoncées à l'article 108 CBE, relatives au paiement de la taxe de recours et au dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, et à la règle 64 CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision en date du 14 juin 1991 qui rétablissait le requérant dans ses droits conformément à l'article 122(4) CBE est annulée.
2. Le requérant est rétabli dans son droit de recours contre la décision de rejet de la demande de brevet européen n° 84 304 471.0 rendue le 18 mai 1988, conformément à l'article 122 CBE.
3. Le recours est recevable.