T 0811/90 (Pièces exclues de l'inspection publique) of 2.4.1992

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1992:T081190.19920402
Date de la décision : 02 Avril 1992
Numéro de l'affaire : T 0811/90
Numéro de la demande : 85302903.1
Classe de la CIB : F02F 3/00
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : AE PLC
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.2.04
Sommaire : I. Si la division d'opposition a notifié son intention d'organiser une procédure orale, et que par la suite elle renonce à tenir cette procédure, l'une des parties ayant retiré sa requête en procédure orale, elle est tenue d'informer dès que possible les autres parties.
II. Les pièces qui doivent être retirées de la partie du dossier ouverte à l'inspection publique, la procédure ayant été entachée d'un vice substantiel, mais qui par ailleurs ne sont pas visées par les dispositions de la règle 93 CBE, alinéas a) à d), doivent sur requête être retournées à la partie qui les a déposées.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 107 Sent 2
European Patent Convention 1973 Art 116
European Patent Convention 1973 Art 128(4)
European Patent Convention 1973 R 67
European Patent Convention 1973 R 93
Mot-clé : Opposant ayant cessé d'être partie à d'autres procédures devant l'OEB après la clôture de la procédure d'opposition
Retrait de la requête en procédure orale - annulation de la procédure orale - obligation de l'OEB d'informer l'autre partie - vice substantiel de procédure
Pièces exclues de l'inspection publique
Remboursement de la taxe de recours (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0048/98
T 1032/10

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 85 302 903.1, déposée le 25 avril 1985, a donné lieu à la délivrance du brevet européen n° 0 162 602.

La mention de la délivrance du brevet a été publiée dans le Bulletin européen des brevets 88/26 du 29 juin 1988.

II. Une opposition a été formée le 18 mars 1989.

L'opposante a demandé :

- la révocation du brevet pour absence de nouveauté et d'activité inventive ;

- la tenue d'une procédure orale au cas où le brevet ne serait pas révoqué à l'issue de la procédure écrite.

III. Par télécopie datée du 2 ou 8 janvier 1990 (la date exacte n'était pas indiquée clairement sur la pièce versée au dossier), la division d'opposition a proposé une date pour la tenue de cette procédure orale et a demandé aux parties de lui faire connaître leur accord dans un délai de dix jours.

La titulaire du brevet (requérante), par télécopie en date du 10 janvier 1990, a accepté la date proposée et a déclaré qu'elle produirait peut-être de nouveaux arguments ou des revendications modifiées avant la tenue de la procédure orale.

Par télécopie en date du 8 janvier 1990, confirmée par une lettre portant la même date, l'opposante a retiré sa demande de procédure orale. Il ressort du dossier que ni l'opposante ni l'OEB n'ont informé la titulaire du brevet de ce retrait.

IV. Dans une lettre datée du 25 janvier 1990, parvenue à l'OEB le 30 janvier 1990, la titulaire du brevet a fait valoir de nouveaux arguments et produit un texte modifié de la revendication 1 et d'une partie de la description, ce qui, selon elle, rendait superflue la tenue d'une procédure orale.

V. Or, le 18 janvier 1990, la division d'opposition avait déjà décidé de rejeter l'opposition, sans tenir de procédure orale, et consigné sa décision sur le formulaire OEB Form 2339.

VI. Le texte de cette décision a été communiqué aux parties le 30 janvier 1990. Les parties n'ayant pas formé de recours dans les délais, la procédure d'opposition a été close et le brevet européen maintenu tel que délivré.

VII. Par télécopie en date du 1er février 1990, confirmée par une lettre datée du même jour, la titulaire du brevet a accusé réception de la notification du rejet de l'opposition et a demandé, vu ce rejet, que sa lettre datée du 25 janvier 1990 soit considérée comme retirée et réputée n'avoir pas été déposée. Par lettre en date du 17 mai 1990, elle a réitéré cette demande, en ajoutant que la lettre dans laquelle elle avait exposé de nouveaux arguments ne devait pas être versée au dossier ouvert à l'inspection publique, étant donné qu'elle ne faisait pas partie des pièces sur la base desquelles le brevet avait été maintenu sans modification.

VIII. Dans une brève notification envoyée le 8 juin 1990, l'agent des formalités a fait savoir à la titulaire du brevet que sa lettre en date du 25 janvier 1990 figurait dans la partie du dossier ouverte à l'inspection publique, bien que les modifications n'aient pas été prises en compte.

IX. Répondant à cette notification par une lettre datée du 26 juin 1990, la titulaire du brevet a demandé à nouveau que les pièces qu'elle avait déposées le 30 janvier 1990 soient retirées de la partie du dossier ouverte à l'inspection publique, en faisant valoir que le retrait de cette lettre ne pouvait porter préjudice aux tiers.

X. Par décision notifiée le 10 août 1990, l'agent des formalités a refusé de revenir sur l'avis qu'il avait émis et a rejeté la demande de retrait des pièces en question de la partie du dossier ouverte à l'inspection publique.

Les motifs sur lesquels se fondait cette décision étaient essentiellement les suivants :

- les pièces jointes à la lettre du 25 janvier 1990 n'étaient pas des pièces exclues de l'inspection publique en vertu des dispositions de la règle 93, paragraphes a à c CBE ou de la décision particulière prise par le Président de l'Office conformément à la règle 93(d) CBE ;

- les nouveaux arguments avancés par la titulaire du brevet et le texte modifié des revendications qu'elle avait produit fournissaient des informations sur le brevet européen tel qu'il avait été délivré, du fait qu'ils permettaient aux tiers de connaître quelle était la position adoptée par la titulaire du brevet ; ces informations présentaient par conséquent un intérêt pour le public.

XI. Le 10 octobre 1990, la titulaire du brevet a formé un recours contre cette décision et acquitté la taxe de recours. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 10 décembre 1990.

XII. Dans son mémoire, la titulaire du brevet a essentiellement fait valoir les arguments suivants :

a) En vertu de la règle 58 (1) CBE, l'OEB aurait dû l'informer que l'opposante avait retiré sa requête en procédure orale, ce retrait étant très significatif de ce que pensait l'opposante du bien-fondé de sa propre opposition.

b) En l'espèce, l'OEB avait manqué à cette obligation, si bien que la titulaire du brevet avait produit de nouvelles pièces en prévision de la procédure orale, ce qu'elle n'aurait jamais fait si elle avait été informée en temps utile du retrait de la requête en procédure orale.

c) Un tel manquement était de nature à porter préjudice à la titulaire du brevet, les tiers risquant de croire que la titulaire du brevet considérait elle-même que sur certains points le brevet tel que délivré n'était pas valable, eu égard à l'état de la technique.

d) Dans la télécopie en date du 1er février 1990 qu'elle avait envoyée dès qu'elle avait reçu la décision rejetant l'opposition, la titulaire du brevet avait demandé que les pièces datées du 25 janvier 1990 soient considérées comme n'ayant pas été déposées. Cette requête avait été présentée en temps utile, puisque les modifications produites le 25 janvier étaient sans rapport avec les motifs de la décision en question, comme l'OEB l'avait lui- même reconnu dans sa brève notification en date du 8 juin 1990.

e) L'OEB aurait dû dans toute la mesure du possible répondre à cette requête en considérant les nouvelles pièces comme non déposées, comme il le fait normalement dans le cas où un titulaire retire sa demande de brevet avant la publication.

XIII. La titulaire du brevet a demandé que la décision attaquée soit annulée et que les nouvelles pièces produites dans la lettre en date du 25 janvier 1990 soient retirées de la partie du dossier ouverte à l'inspection publique. XIV. Le 28 décembre 1990, l'OEB a envoyé le mémoire exposant les motifs du recours à l'opposante dont il avait rejeté l'opposition. Par lettre en date du 18 décembre 1990, celle-ci avait allégué en effet que la décision du 30 janvier 1990 n'était pas valable, puisqu'elle avait été rendue sur la base d'un texte du brevet qui avait été implicitement annulé par les pièces produites dans la lettre du 25 janvier 1990.

XV. En réponse, la titulaire du brevet a formulé les observations suivantes :

a) La décision faisant l'objet du recours était celle qui avait été rendue le 10 août 1990 ; cette décision était sans rapport avec celle qui avait été rendue par la division d'opposition le 30 janvier 1990, si bien qu'elle ne pouvait compromettre le maintien du brevet, quelle que soit la décision que serait amenée à prendre la chambre de recours.

b) Le délai pour former un recours contre la décision de rejet de l'opposition et de maintien du brevet dans sa forme non modifiée était arrivé à expiration le 30 mars 1990, date à laquelle la procédure d'opposition a été close.

c) Actuellement, l'opposante ne pouvait être partie à la procédure, et par conséquent il convenait d'ignorer les pièces qu'elle aurait pu déposer.

XVI. Le titulaire du brevet a maintenu sa requête (cf. ci-dessus, point XIII).

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.

2. Droit de l'opposante à être partie à la présente procédure

Aux termes de l'article 107 CBE, toute partie à la procédure ayant conduit à une décision peut recourir contre cette décision pour autant qu'elle n'ait pas fait droit à ses prétentions. Les autres parties à ladite procédure sont de droit parties à la procédure de recours.

Dans la présente espèce, la décision attaquée est celle qui a été rendue le 10 août 1990, alors que l'opposante n'était déjà plus partie à la procédure ; en conséquence, l'opposante ne peut être partie à la présente procédure.

En fait, l'opposante n'était partie qu'à la procédure d'opposition, close à présent, puisqu'elle n'a pas formé de recours à l'encontre de la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition (et de maintenir le brevet dans sa forme non modifiée), bien que les nouvelles pièces que la titulaire du brevet avait produites par lettre en date du 25 janvier 1990 lui aient été communiquées le 5 février 1990. Elle disposait donc pour les examiner d'un laps de temps suffisant (jusqu'au 9 avril 1990, date d'expiration du délai pour former un recours).

En conséquence, sa requête en date du 18 décembre 1990 est irrecevable. Elle peut néanmoins être considérée comme une observation formulée par"un tiers" en vertu de l'article 115 CBE.

3. La division d'opposition a pris la décision de rejeter l'opposition sans tenir de procédure orale.

Cette décision a été signifiée aux parties par lettre recommandée en date du 30 janvier 1990. Par ailleurs, le dossier d'opposition comporte un formulaire (OEB Form 2339.2) en date du 18 janvier 1990, par lequel la division d'opposition prenait la décision de rejeter l'opposition, décision signée par les trois membres de la division d'opposition.

4. Dans l'intervalle, par lettre en date du 25 janvier 1990, parvenue à l'OEB le 30 janvier 1990, la titulaire du brevet a produit d'autres pièces, sans se réserver le droit de les retirer au cas où l'opposante retirerait sa requête en procédure orale.

Néanmoins le titre donné à ces pièces montrait clairement qu'elles avaient été déposées en réponse à la notification du 2 ou 8 janvier 1990 dans laquelle était proposée une date pour la tenue d'une procédure orale, ce qui montre bien que la titulaire du brevet n'aurait pas produit ces pièces si elle avait été informée en temps utile que l'opposante avait retiré sa demande de procédure orale.

4.1 En outre, étant donné la date à laquelle la décision a été effectivement rendue (18 janvier 1990) et celle à laquelle elle a été notifiée aux parties (30 janvier 1990), il est clair que les pièces produites le 30 janvier 1990 ne pouvaient avoir influencé la décision.

De plus, il était indiqué expressément dans la décision que la titulaire du brevet avait demandé le maintien du brevet dans le texte qui avait été publié, ce qui, de manière indirecte, confirme bien que les dernières pièces produites n'avaient pas été prises en considération.

5. Comme il a été indiqué plus haut, avant de recevoir la décision en date du 30 janvier 1990, la titulaire du brevet n'avait pas été informée : - premièrement, que l'opposante avait retiré sa requête en procédure orale ; - et deuxièmement, que la division d'opposition n'avait plus l'intention de tenir la procédure orale qui avait été prévue.

5.1 Bien que la titulaire du brevet n'ait pas été citée à la procédure orale comme le prévoit la règle 71(1) CBE, la Chambre estime qu'après le retrait par l'opposante de sa requête en procédure orale, la division d'opposition était tenue d'informer immédiatement la titulaire du brevet - premièrement, que l'opposante avait retiré cette requête ; - deuxièmement, que la division d'opposition avait changé d'avis et décidé de ne plus tenir de procédure orale, cette information étant particulièrement importante puisque la division d'opposition avait déjà notifié aux parties son intention initiale de tenir une procédure orale.

Or la division d'opposition n'a pas communiqué ces informations comme elle était tenue de le faire.

5.2 De l'avis de la Chambre, en se contentant d'annoncer à la titulaire du brevet dans la décision par laquelle elle rejetait l'opposition que l'opposante avait retiré sa requête en procédure orale, la division d'opposition n'avait pas informé "dès que possible" la titulaire du brevet, car la lettre par laquelle l'opposante retirait sa requête était déjà parvenue à l'Office le 8 janvier 1990, alors que la décision de rejet de l'opposition n'avait été signifiée aux parties que le 30 janvier 1990.

La Chambre estime qu'un laps de temps aussi long est inacceptable, d'autant qu'il avait été proposé de tenir la procédure orale le 28 mars 1990.

6. Faute d'informations, la titulaire du brevet a continué à penser qu'il était de son intérêt de présenter des modifications en temps utile avant la tenue de la procédure orale prévue (cf. supra, point 4, 2e et 3e paragraphes).

Il n'est pas admissible qu'en ayant agi ainsi, conformément à ce qui est demandé dans l'exposé sur "La procédure d'opposition à l'OEB" (JO OEB 1989, 417, point 13), où il est précisé que les parties doivent présenter toutes requêtes dans les plus brefs délais, la titulaire du brevet se voie lésée dans ses intérêts, alors qu'elle avait en toute bonne foi produit ses modifications dans les meilleurs délais après avoir été invitée à donner son accord pour la tenue de la procédure orale à la date proposée, dans l'espoir de pouvoir rendre par là cette procédure superflue.

La Chambre estime qu'en n'informant pas en temps utile la titulaire du brevet de faits aussi importants pour l'affaire, la division d'opposition a, dans ce cas précis, enfreint gravement le principe de l'équité vis-à-vis de la titulaire du brevet.

Décider le contraire risquerait de pénaliser la titulaire du brevet alors qu'elle n'a commis aucune faute, puisqu'elle n'a fait que suivre la procédure générale préconisée par l'Office et a été par ailleurs induite en erreur par les informations fallacieuses ou déficientes de la part de l'Office.

7. L'on ne saurait invoquer en l'occurrence que de telles pièces ne sont pas normalement exclues de l'inspection publique en vertu de l'article 128(4) et de la règle 93 a) à d) CBE et que ce n'est pas aux parties à décider si elles doivent ou non demeurer confidentielles. Si ces pièces ont été produites, c'est incontestablement parce que la procédure s'est trouvée entachée d'un vice substantiel, l'OEB n'ayant pas informé la titulaire du brevet, comme il aurait dû normalement le faire, que l'opposante avait retiré sa requête en procédure orale et que la division d'opposition avait décidé désormais de ne plus tenir de procédure orale, contrairement à ce qu'elle avait annoncé au départ.

8. Pour toutes ces raisons, le recours était entièrement justifié.

La Chambre décide par conséquent qu'il convient de retirer de la partie du dossier ouverte à l'inspection publique la lettre de la titulaire du brevet en date du 25 janvier 1990 ainsi que les pièces qui l'accompagnaient, à savoir le texte modifié de la revendication 1 et d'une partie de la description.

En outre, ces pièces n'étant pas visées par les dispositions a à c) de la règle 93 CBE et ne comptant pas non plus parmi les types de pièces mentionnés par le Président dans sa décision du 16 septembre 1985 (JO OEB 1985, 316), la Chambre estime qu'elles doivent être retournées à la titulaire du brevet (cf. décision T 516/89 en date du 19 décembre 1990, point V).

9. Le recours étant admissible et découlant d'un vice substantiel de procédure, il est équitable de rembourser la taxe de recours.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision faisant l'objet du recours est annulée.

2. La lettre en date du 25 janvier 1990 produite par la titulaire du brevet, ainsi que les pièces qui l'accompagnaient, à savoir le texte modifié de la revendication 1 et d'une partie de la description, doivent être retirées du dossier d'opposition et retournées à la titulaire du brevet.

3. La taxe de recours doit être remboursée.

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