T 0562/90 () of 30.10.1992

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1992:T056290.19921030
Date de la décision : 30 Octobre 1992
Numéro de l'affaire : T 0562/90
Numéro de la demande : 82400407.1
Classe de la CIB : C23C 14/00
C23C 14/30
Langue de la procédure : FR
Distribution : B
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Versions : Unpublished
Titre de la demande : Procédé de traitements thermochimiques de métaux par bombardement ionique
Nom du demandeur : Innovatique S.A.
Nom de l'opposant : Plasma Technik Grün GmbH
Chambre : 3.2.02
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54(2)
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive (non)
Interprétation d'un document antérieur
Novelty - prior disclosure - sufficiency (no)
Inventive step (no)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0056/87
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0398/01
T 0333/05

Exposé des faits et conclusions

I. Par décision du 30 mai 1990, la division d'opposition a rejeté l'opposition formée contre le brevet européen n° 00 62 550, après avoir reconnu la nouveauté et l'activité inventive de l'objet de la revendication du brevet délivré, notamment par rapport au document : (1) DE-U-7 817 543

La division d'opposition base sa conclusion principalement sur le fait que l'on ne peut trouver dans le document (1) aucune indication selon laquelle l'énergie calorifique du plasma demeure à un niveau très bas et n'affecte pas la température du traitement thermochimique, conditions qui caractérisent un plasma froid, ni d'indication selon laquelle les moyens de chauffage servent, pendant la génération et le maintien du plasma, à porter les pièces à la température de traitement puis à les maintenir à cette température. Dans l'exemple 1 du document (1), la durée de l'impulsion (60 microsecondes) ne peut être considérée comme très brève par rapport à sa période (140 microsecondes).

II. La revendication unique en litige se lit :

Procédé de traitement thermochimique de métaux par bombardement ionique faisant intervenir un four de structure analogue à celle d'un four de traitement thermique ou thermochimique à atmosphère raréfiée, équipé de ses propres moyens de chauffage et de contrôle et éventuellement de refroidissement et comprenant en outre au moins une anode et une cathode supportant les pièces à traiter et reliées à un générateur conçu pour délivrer des impulsions à haute tension de fréquence et de largeur réglables, aptes à engendrer sur les pièces à traiter un plasma, caractérisé en ce qu'il consiste :

à émettre sur ladite anode et sur ladite cathode des impulsions présentant une période voisine de la durée de vie du plasma et comprise entre 100 microsecondes et 10 millisecondes et une durée supérieure à la durée de génération du plasma et comprise entre 1 et 100 microsecondes, les impulsions ayant une durée très brève par rapport à la période, de sorte que cette émission engendre sur les pièces un plasma froid et, simultanément, à chauffer lesdites pièces à l'aide des susdits moyens de chauffage, pour les porter et les maintenir à la température de traitement.

III. La requérante (opposante) a formé un recours contre cette décision reçu le 12 juillet 1990, payé la taxe de recours et déposé un mémoire de recours reçu le 10 septembre 1990.

Dans son mémoire de recours, la requérante soutient essentiellement que la revendication du brevet ne répond pas aux critères de nouveauté et d'activité inventive requis par la convention, notamment vis-à-vis du document (1).

IV. Une procédure orale a eu lieu le 30 octobre 1992, au cours de laquelle l'intimée (titulaire du brevet) a fait valoir, essentiellement, les arguments suivants :

i) l'invention représente un nouveau concept basé sur l'indépendance totale entre les moyens d'obtention de la température de traitement (moyens de chauffage) et les moyens utilisés pour la génération du milieu de traitement (plasma constitué d'ions azote). Selon ce concept, le chauffage des pièces à traiter et le maintien de leur température pendant le traitement sont assurés exclusivement par les moyens de chauffage, la génération du plasma étant obtenue par des impulsions de courant de faible puissance et de faible durée par rapport à leur période, la durée et la période des impulsions étant déterminées en relation avec, respectivement, la durée de génération du plasma et la durée de vie du plasma. Le rapport cyclique durée/période des impulsions est tel qu'elles génèrent un plasma dit froid, c'est-à-dire un plasma dont l'énergie calorifique dissipée demeure si faible qu'elle ne peut pas affecter la température du traitement en cours. Par rapport aux procédés classiques, le procédé revendiqué permet de faciliter le contrôle de la température de traitement et de supprimer les hétérogénéités de température des pièces.

ii) l'enseignement du document (1) diffère du procédé revendiqué en ce que :

- le rôle et le fonctionnement exacts des moyens de chauffage ne sont pas précisés,

- les relations entre les caractéristiques des impulsions et la nature du plasma ne sont pas mentionnées,

- le plasma est généré par un courant continu pulsé (c'est-à-dire par des impulsions de courant superposées à une composante continue) et non par un courant impulsionnel pur,

- le plasma est de type chaud (par opposition au plasma dit froid) car il contribue au chauffage et au maintien de la température de traitement.

Par ces différences, le procédé revendiqué n'est ni décrit ni suggéré par le document (1). La nouveauté et l'activité inventive de la revendication, d'ailleurs reconnues par la division d'opposition, doivent donc être confirmées.

V. La requérante requiert l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.

L'intimée requiert le rejet du recours et le maintien du brevet tel que délivré.

Motifs de la décision

1. Le recours est recevable.

2. Questions formelles

Le préambule de la revendication en litige est basé sur des caractéristiques tirées des revendications 1 et 2 d'origine. La partie caractérisante de la revendication est, quant à elle, basée sur des caractéristiques tirées des revendications 1 et 6 d'origine.

Le brevet, dans sa version telle que délivrée, n'a pas subi de modifications pendant la procédure d'opposition qui a suivi. Dans ces conditions, la Chambre n'a pas d'objection à formuler au titre de l'article 123(2) et (3) CBE.

3. Etat de la technique le plus proche

3.1. En accord avec la division d'opposition, la Chambre considère le document (1) comme représentant l'état de la technique le plus proche, car il décrit un procédé de traitement thermochimique de métaux (nitruration de pièces métalliques) par bombardement ionique dans un four à atmosphère raréfiée. Pour cela, le procédé utilise une enceinte 1 à décharge, laquelle comprend ses propres moyens de chauffage 11, de contrôle de la température 12 et de refroidissement 13. Il est également prévu un conduit 17 d'alimentation en gaz, essentiellement en azote (cf. page 1, 1er paragraphe), bien qu'un mélange de plusieurs gaz soit possible (cf. page 7, 2ème paragraphe), et un conduit d'aspiration 20 susceptible de créer une dépression dans l'enceinte pour raréfier l'atmosphère. De toute évidence, la figure est erronée, les orifices 14 et 15 devant correspondre respectivement aux conduits d'alimentation en gaz 17 et d'aspiration 20, comme cela est décrit à la page 7, 2ème paragraphe, les orifices référencés à tort 14 et 15 sur la figure ne pouvant être utilisés que pour le refoulement de l'air de refroidissement injecté par le conduit 13, à l'intérieur du support 11.

3.2. En outre, il est précisé dans le document (1) que le fond 3 et le couvercle 4 de l'enceinte constituent l'anode et que le support 11 des pièces à traiter 2 forme la cathode (cf. page 1, 1er paragraphe et page 5, 2ème paragraphe), ces deux électrodes étant reliées à un générateur conçu pour délivrer des impulsions de courant à haute tension (jusqu'à 2000 Volts) et à haute fréquence (supérieure à 500 Hertz, c'est-à-dire inférieure à 2 millisecondes) (cf. page 5, 2ème paragraphe). Il ressort aussi clairement de la page 6 (1er paragraphe), que la fréquence (période) et la largeur (durée) des impulsions émises sont réglables et que ces impulsions sont de nature à engendrer un plasma sur les pièces à traiter (page 6, 4ème paragraphe).

3.3. L'exemple 1 du document (1) utilise des impulsions de courant rectangulaires définies par leur valeur maximum

I = 0,3 A, leur valeur moyenne IM = 0,13 A, leur durée

t = 60 microsecondes et leur période

T = 140 microsecondes. Comme l'a suggéré la requérante, il est facile de démontrer que, sur un graphe représentant l'amplitude du courant en fonction du temps, les surfaces rectangulaires définies respectivement de part et d'autre de la valeur moyenne IM, par la durée de l'impulsion et par la durée de la pause entre deux impulsions successives, sont sensiblement égales. En d'autres termes, l'égalité (0,3 - 0,13) . 60 = (0,13 - 0) . 80 prouve que les impulsions utilisées dans le document (1) reposent sur l'axe des temps, c'est-à-dire ne comportent pas de composante continue, contrairement à l'affirmation de l'intimée (IV(ii)). Il s'agit donc bien d'un courant impulsionnel.

3.4. Ainsi, dans sa formulation assez générale, le préambule de la revendication correspond aux moyens mis en oeuvre dans le document (1).

4. Nouveauté

4.1. Le document (1) précise que les impulsions émises ont un rapport cyclique durée/période compris entre 1/100 et 1/1 (erreur évidente dans le texte page 6, 1er paragraphe, où le rapport 100/1 doit être inversé, la durée d'une impulsion étant toujours inférieure à sa période). En outre, il est précisé au 2ème paragraphe de la page 6, que la durée des impulsions peut aller jusqu'à 10 microsecondes (limite inférieure). Si on applique la fourchette précédente (1/100 à 1/1) à partir de la durée minimum de 10 microsecondes, la période des impulsions sera comprise entre 10 microsecondes et 1 milliseconde. En outre, il est précisé à la page 5, 2ème paragraphe, que le générateur doit produire des impulsions de fréquence supérieure à 500 Hz, ce qui correspond à une période inférieure à 2 millisecondes. La Chambre constate donc que la fourchette de périodes divulguée par le document (1) (10 microsecondes à 2 millisecondes) tombe à l'intérieur de la fourchette de périodes revendiquée dans la partie caractérisante de la revendication (100 microsecondes à 10 milisecondes).

4.2. Comme on l'a vu ci-dessus, la durée des impulsions utilisées dans le document (1) peut aller jusqu'à 10 microsecondes. L'exemple 1 de la page 8 recommande en outre une durée de 60 microsecondes. Là encore, la Chambre constate que ces valeurs tombent dans la fourchette de durées revendiquée dans la partie caractérisante de la revendication (1 à 100 microsecondes).

4.3. Le plasma et les impulsions utilisés dans le document (1) et dans le brevet étant de même nature et présentant des caractéristiques similaires, la Chambre en déduit immédiatement que les impulsions décrites dans le document (1) peuvent avoir aussi une durée très brève par rapport à leur période (rapport cyclique minimum 1/100), propre à générer un plasma froid au sens du brevet, contrairement à l'opinion exprimée par l'intimée et par la division d'opposition (décision, point 3.5, dernier paragraphe) dont le raisonnement s'appuie sur l'interprétation du document (1) à partir des valeurs données dans l'exemple de réalisation particulier de la page 8.

La Chambre rappelle à cet égard que pour apprécier le contenu d'un document antérieur, il ne faut pas se limiter à ce qui a été effectivement réalisé et décrit dans un exemple particulier de ce document, mais considérer la divulgation dans son ensemble, c'est-à-dire toute l'information qui a été rendue accessible au public (cf. T 56/87, JO 5/1990, 193, point 3.1).

En outre, la Chambre fait observer que cette notion de durée très brève perd toute signification, si l'on choisit les valeurs extrêmes des fourchette revendiquées. Ainsi, dans le cas d'impulsions pour lesquelles durée = période = 100 microsecondes, le courant n'est plus impulsionnel mais continu et génère un plasma chaud, ce qui est contraire à l'effet recherché.

4.4. Enfin, bien que l'indépendance des moyens de chauffage par rapport aux moyens de génération du plasma ne soit pas revendiquée directement, cette caractéristique essentielle, selon l'intimée, est aussi divulguée par le document (1), comme l'a justement souligné la division d'opposition (décision, point 3.6) en citant à l'appui le 2ème paragraphe de la page 7 du document (1). La Chambre y ajoute le 4ème paragraphe de la page 6, dans lequel le découplage entre les moyens de chauffage ("die eingebrachte Leistung") et les moyens de génération du plasma ("die Bedingung für vollständige Glimmbedeckung") est clairement précisé, divulguant par là le concept à la base du brevet (IV (i)).

4.5. Cependant, il n'est pas possible de dériver sans équivoque du document (1) les caractéristiques revendiquées restantes, selon lesquelles :

- la période des impulsions, choisie à l'intérieur de la fourchette donnée, doit être voisine de la durée de vie du plasma,

- la durée des impulsions, choisie à l'intérieur de la fourchette donnée, doit être supérieure à la durée de génération du plasma,

- le plasma est froid,

- les pièces sont maintenues à la température de traitement par les moyens de chauffage.

Comme aucun des autres documents cités au cours de la procédure ne décrit l'ensemble des caractéristiques revendiquées, la revendication est nouvelle au sens de l'article 54 CBE.

5. Problème et solution

5.1. Comme on l'a vu (point 4.4), le procédé connu du document (1) permet de rendre complètement indépendants la génération du plasma et le chauffage de la pièce à traiter (cf. page 6, avant-dernier paragraphe). Les paramètres peuvent être réglés librement. La seule condition à respecter est que les paramètres relatifs à la période et à la durée des impulsions soient choisis de telle manière que, pendant le traitement, toute la surface des pièces soit constamment soumise à une ionisation complète ("vollständige Glimmbedeckung"). Cela signifie que la durée des impulsions doit être suffisante pour provoquer l'allumage du plasma, c'est-à-dire doit être supérieure à la durée de génération du plasma et que la période des impulsions ne doit pas être trop longue pour éviter l'extinction du plasma entre deux impulsions consécutives, c'est-à-dire doit être inférieure à la durée de vie du plasma.

Selon le choix des paramètres de fonctionnement, le plasma transmettra donc plus ou moins d'énergie à la pièce à traiter. En outre, le dispositif du document (1) garantit l'empêchement de la formation d'arcs qui, comme on le sait, conduisent à la détérioration de la surface des pièces.

Cependant, le procédé connu du document (1) sera soumis au même inconvénient que celui mentionné dans le brevet, à savoir que dans le cas du traitement de pièces de formes différentes, la répartition de la température à la surface des pièces ne sera pas homogène si leur chauffage est assuré principalement par le plasma.

En partant du document (1), le problème technique objectif à la base du brevet est donc d'exploiter le dispositif connu de manière à garantir une répartition homogène de la température à la surface des pièces à traiter.

5.2. La solution de ce problème réside dans la mise en oeuvre du dispositif connu, de manière à respecter simultanénemnt les quatres conditions précédentes exprimées par les caractéristiques distinctives de la revendication (point 4.5). Le principe de la solution consiste donc à choisir les paramètres du traitement de façon à maintenir la température de traitement par les moyens de chauffage (et non par l'énergie transmise par le plasma).

6. Activité inventive

6.1. Au cours de l'exploitation du dispositif connu du document (1), l'homme du métier devait nécessairement constater que le manque d'homogénéité de la température des pièces apparaissait toujours lorsque le maintien de la température était assuré principalement ou totalement par l'énergie transmise par le plasma. La Chambre ne peut donc voir aucune contribution inventive dans le fait, conformément au principe de la solution exprimée dans le brevet, de maintenir la température des pièces exclusivement par les moyens de chauffage et de réduire considérablement l'énergie transmise par le plasma.

6.2. La réalisation technique de cet objectif découle obligatoirement de l'enseignement du document (1). L'homme du métier sait que l'énergie est transmise principalement par l'intensité du courant pendant la durée de l'impulsion (cf. le passage de la page 5 à la page 6). Il choisira donc un rapport cyclique durée/période aussi faible que possible. En d'autres termes, il sera conduit naturellement à augmenter la durée de la pause, pendant laquelle le plasma ne transmet pratiquemment aucune énergie (plasma froid), au détriment de la durée de l'impulsion.

6.3. Mais ce faisant, il doit encore respecter la condition exprimée au point 5.1 ci-dessus, laquelle garantit que toute la surface des pièces à traiter soit recouverte de plasma et soumise à une ionisation complète. Comme on l'a vu, cette exigence implique en elle-même que la durée de l'impulsion soit supérieure à la durée de génération du plasma et que la période de l'impulsion soit inférieure à la durée de vie du plasma.

6.4. La combinaison des quatres caractéristiques distinctives de la revendication découle donc de façon évidente de l'enseignement du document (1), interprété à la lumière des connaissances générales de l'homme du métier. Pour les raisons qui précèdent, l'objet de la revendication n'est pas acceptable car dépourvu d'activité inventive au sens de l'article 56 CBE.

DISPOSITIF

Pour ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision de la division d'opposition est annulée.

2. Le brevet européen est révoqué.

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