T 0117/90 () of 12.2.1992

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1992:T011790.19920212
Date de la décision : 12 Fevrier 1992
Numéro de l'affaire : T 0117/90
Numéro de la demande : 83402500.9
Classe de la CIB : C07C 19/045
Langue de la procédure : FR
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Titre de la demande : Procédé de préparation du dichloro-1,2 éthane
Nom du demandeur : ATOCHEM
Nom de l'opposant : Hoechst AG
Chambre : 3.3.01
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54(3)
European Patent Convention 1973 Art 54(4)
Mot-clé : Novelty (no) - Protection not granted in States not
designated in previous application as no request was
made
Nouveauté (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0167/84
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 83 402 500.9, déposée le 21 décembre 1983, pour laquelle a été revendiquée la priorité du 29 décembre 1982 fondée sur un dépôt antérieur en France, a donné lieu le 18 septembre 1985 à la délivrance du brevet européen n° 113 287 sur la base de 5 revendications. La revendication 1 s'énonce comme suit :

"Procédé permettant la préparation du dichloro-1,2 éthane pur par chloration de l'éthylène en phase liquide dans un dispositif comprenant une boucle de recirculation, en présence de catalyseur à base d'acide de Lewis et récupération de la chaleur de réaction, ledit procédé consistant à injecter du chlore et de l'éthylène dans un milieu réactionnel en circulation contenant du dichloro-1,2 éthane et le catalyseur, à soutirer et à rectifier le dichloro-1,2 éthane produit, ledit procédé étant caractérisé en ce que : a) le milieu réactionnel est maintenu dans le réacteur de chloration et dans la boucle de recirculation à une température comprise entre 90 et 160° C sous une pression empêchant la vaporisation du dichloro-1,2 éthane à la températeure choisie ; b) la température du milieu réactionnel est maintenue à la valeur désirée par un échangeur générateur de vapeur permettant de récupérer la chaleur de réaction, la récupération et l'utilisation de cette chaleur de réaction étant totalement indépendantes de la rectification du dichloro-1,2 éthane."

II. Le 21 janvier 1986, la requérante (opposante) a fait opposition à ce brevet et a requis sa révocation pour défaut de nouveauté au titre de l'article 54(3) CBE. Les motifs d'opposition s'appuyaient sur le document :

(1) EP-A-75 742 Par rapport aux Etats contractants désignés dans le brevet contesté il y a deux Etats contractants, à savoir l'Autriche (AT) et le Luxembourg (LU), qui ne sont pas désignés dans cette demande antérieure publiée d'après l'article 54(3), (4) de la CBE.

III. Par décision du 18 janvier 1990 la Division d'opposition a rejeté l'opposition en invoquant les arguments suivants :

Dans le document (1) est décrit un procédé de synthèse du dichloro-1,2 éthane par réaction du chlore et de l'éthylène dans le dichloréthane dans un réacteur avec une boucle de recirculation, cette boucle étant séparée en deux courants parallèles. L'un des courants est soumis à un flash et les vapeurs de ce flash sont envoyées à une distillation pour récupérer du dichloro-1,2 éthane, l'autre courant passe dans un échangeur de chaleur pour récupérer les calories.

L'indication dans le document (1), que l'énergie thermique récupérée peut aussi être utilisée en sa totalité pour le chauffage ou la production de vapeur en dehors du procédé, ne saurait permettre qu'une seule interprétation, à savoir : l'énergie thermique récupérée du courant qui traverse l'échangeur de chaleur peut être utilisée dans ce sens. Ceci signifie que le document (1) ne contient aucune indication qui laisse supposer qu'un seul courant avec récupération totale de l'énergie thermique a été envisagé.

Par conséquent, l'objet du brevet contesté est nouveau.

IV. Le 9 février 1990, la requérante a formé un recours à l'encontre de cette décision en acquittant simultanément la taxe prévue et en exposant les motifs du recours dans un mémoire déposé le 17 mars 1990.

Dans son mémoire et au cours de la procédure orale, qui a eu lieu le 12 février 1992, la requérante a présenté les arguments suivants :

L'objet de la revendication 1 du brevet contesté n'est pas nouveau, parce que la caractéristique (a) de cette revendication, qui précise que le milieu réactionnel contenu dans la boucle est entre 90 et 160° C et à une pression telle qu'on se trouve en phase liquide, correspond à la revendication 1 a) et à la revendication 3 du document (1) faisant état d'une température comprise entre 75 et 200° C, de préférence entre 95 et 160° C, et d'une pression comprise entre 1 et 15 bars, et la caractéristique (b), qui revendique l'échangeur de chaleur, correspond aux revendications 1(b) et 9 du document (1). Selon la revendication 9 on récupère toute ou partie de l'énergie pour du chauffage ou de la production de vapeur.

Il est vrai, que le document (1) décrit la synthèse du dichloro-1,2 éthane dans un réacteur avec une boucle de recirculation, cette boucle étant séparée en deux courants, desquels l'un des courants est soumis à un flash pour récupérer du dichloro-1,2 éthane et l'autre courant passe dans un échangeur pour récupérer les calories, mais suivant le procédé du brevet contesté la boucle de recirculation est aussi divisée en deux courants pour récupérer les calories et le dichloro-1,2 éthane, ce produit pouvant être soumis à un flash comme indiqué dans la description de ce brevet. C'est évident pour l'homme du métier que le résidu du flash est recirculé au réacteur pour réutiliser le catalysateur.

V. De son côté, l'intimée (titulaire du brevet) n'est pas disposée à suivre la démarche analytique adoptée par la requérante. Elle soutient que le procédé du brevet opposé se distingue de l'enseignement du document (1) par une récupération de la chaleur de réaction de sorte que la récupération et l'utilisation de cette chaleur de réaction sont totalement indépendantes de la rectification du dichloro-1,2 éthane. Le dichloro-1,2 éthane produit selon l'invention, est soutiré dans la phase liquide, au lieu d'être soutiré dans la phase gazeuse comme dans le procédé du document (1), cette phase liquide pouvant être traitée d'une façon quelconque avant que le dichloro-1,2 éthane ne soit rectifiée, c'est-à-dire qu'un flash n'est pas nécessaire. De plus, en cas d'un flash de la phase liquide, le résidu du flash n'est pas recirculé vers le réacteur.

En outre, elle a relevé la décision T 167/84 dans laquelle il est dit que le "contenu global" d'un document antérieur au sens de l'article 54(3) ne saurait englober des caractéristiques constituant des équivalents par rapport aux caractéristiques mentionnées dans ledit document.

VI. La requérante conclut à l'annulation de la décision contestée et à la révocation du brevet contesté.

L'intimée demande le rejet du recours.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'à la règle 64 de la CBE ; il est recevable.

2. Les revendications du brevet contesté trouvent leur base dans les revendications 1 à 5 d'origine. Ces revendications n'ont pas été changées au cours de la procédure d'opposition. Par conséquent, elles ne soulèvent aucune objection en vue de l'article 123 CBE.

3. Le seul point litigieux dans la présente procédure est constitué par la question de nouveauté de l'objet du brevet contesté.

3.1. La requérante a mis en cause la nouveauté du procédé selon le brevet contesté au regard du document (1). Ce document représente, par rapport au brevet contesté, une demande antérieure de brevet européen déposée le 1er septembre 1982 et publiée le 6 avril 1983 et bénéficiant des priorités du 21 septembre 1981 et du 9 juillet 1982. En conséquence, conformément à l'article 54(3) et (4) CBE, le contenu de cette demande telle qu'elle a été déposée doit être considéré comme état de la technique pour les états désignés à la fois dans cette demande et le brevet contesté.

3.2. Le document (1) décrit un procédé de synthèse du dichloro-1,2 éthane par réaction du chlore et de l'éthylène dans un dispositif comprenant un réacteur et une boucle de recirculation, en présence d'un catalyseur comme du chlorure ferrique. Selon ledit procédé on convertit le chlore et l'éthylène dans un milieu réactionnel contenant du dichloro-1,2 éthane en phase liquide et le catalyseur, soutire le dichloro-1,2 éthane produit et rectifie ensuite ledit produit dans une colonne de rectification (voir page 4, ligne 25 à page 5, ligne 4, page 6, lignes 10 à 14 et page 7, lignes 21 et 22). Le chlore et l'éthylène sont injectés dans le milieu réactionnel en circulation, qui est maintenu à une température de 75 à 200° C, plus particulièrement de 95 à 160° C, et sous une pression de 1 à 15 bars, de préférence de 1 à 5 bars (voir page 5, lignes 7 à 14, et les revendications 3 et 11). La boucle de recirculation est séparée en deux courants. L'un de ces courants passe dans un échangeur de chaleur pour maintenir la température du milieu réactionnel à la valeur désirée et pour récupérer la chaleur de réaction (voir page 5, lignes 18 à 21). L'autre courant est soumis à un flash et les vapeurs de ce flash sont envoyées à une rectification pour récupérer du dichloro-1,2 éthane, tandis que le résidu liquide du flash est recirculé au milieu réactionnel (voir page 5, lignes 21 à 31).

3.3. Selon l'intimée, le procédé du brevet contesté diffère essentiellement du procédé suivant le document (1) par le fait que la récupération et l'utilisation de la chaleur de réaction soient totalement indépendantes de la rectification du dichloro-1,2 éthane comme indiqué dans la revendication 1 du brevet.

Dans ce contexte, l'intimée a expliqué que cette caractéristique implique qu'il n'y ait aucune liaison entre la récupération et l'utilisation de la chaleur de réaction et la rectification du dichloro-1,2 éthane. Néanmoins, comme indiqué dans la description du brevet contesté, l'indépendance totale de la récupération et de l'utilisation de la chaleur de réaction revendiquée n'exclut pas l'utilisation de cette chaleur dans une opération de rectification de dichloro-1,2 éthane et une vaporisation instantanée d'une partie du dichloro-1,2 éthane produit, cette partie de dichloro-1,2 éthane anhydre et exempte de catalyseur étant amenée à la colonne de rectification (voir page 2, lignes 39 à 42, et page 3, lignes 49 à 52). Il existe donc manifestement une contradiction entre cette caractéristique contenue dans la revendication 1, d'une part, et les passages de la description sus-mentionnés, d'autre part. Mais, puisque cette contradiction n'aura aucune influence sur la décision à prendre en l'espèce (voir ci-après), la Chambre estime qu'il est inutile d'en discuter d'une manière plus approfondie.

3.4. La Chambre ne saurait accepter l'argumentation de l'intimée selon laquelle le procédé suivant la revendication 1 du brevet contesté serait nouveau eu égard au document (1).

Dans ce document, il est indiqué que toute la chaleur de réaction récupérée par l'échangeur de chaleur peut être utilisée pour générer du vapeur (voir page 7, lignes 6 à 11, et revendication 9). Par conséquent, l'utilisation de l'énergie de réaction récupérée n'est pas limitée à la rectification du dichloro-1,2 éthane produit comme représenté d'une façon schématique dans la figure 1, mais elle est au contraire totalement indépendante de la rectification.

De plus, la récupération de la chaleur de réaction selon l'enseignement contenu dans ce document (1) est également totalement indépendante de la rectification du dichloro-1,2 éthane. Il est vrai que ledit document décrit la séparation d'un courant du dichloro-1,2 éthane en circulation, qui est soumis à un flash et ne passe pas dans l'échangeur de chaleur (cf. figure 1: courant 11, le dispositif de flash 12 et l'échangeur 17). Cependant, il fait partie des connaissances générales communes de l'homme du métier qu'un tel flash ne saurait constituer une rectification exécutée dans une colonne de rectification (c'est-à-dire à reflux). Selon le document (1), la rectification en vue d'une élimination des fractions légères et des fractions lourdes du dichloro-1,2 éthane produit impur a lieu plus tard dans la colonne de rectification 14 (voir page 9, lignes 9 à 28 et les figures 1 et 2). Par conséquent, le document (1) ne divulgue non plus l'existence d'un lien entre la récupération de la chaleur de réaction et la rectification du dichloro-1,2 éthane produit. D'ailleurs, le procédé selon la revendication 1 du brevet contesté comprend les mêmes mesures, c'est-à-dire la séparation d'un courant du dichloro-1,2 éthane en circulant, un flash du dichloro-1,2 éthane séparé et la purification de ce produit dans une rectification (voir la cinquième ligne de la revendication et page 3, lignes 43, 44, 49 à 54 et 60 à 63 de la description). Dans ce contexte, la Chambre fait remarquer que, selon la revendication 1 du brevet contesté, le soutirage du dichloro-1,2 éthane peut être effectué n'importe où le long de la boucle (voir aussi page 3, lignes 43 et 44), ce qui signifie, en d'autres termes, que l'endroit de ce soutirage n'est pas limité à la partie de la boucle située en aval de l'échangeur de chaleur comme indiqué dans la figure du brevet contesté (voir le conduit comprenant la vanne V2).

De ces considératrions il en résulte que la caractéristique de la revendication 1 du brevet contesté, selon laquelle la récupération et l'utilisation de la chaleur de réaction sont totalement indépendantes de la rectification du dichloro-1,2 éthane, n'est pas une caractéristique distinctive par rapport à l'état de la technique représenté par le contenu du document (1).

3.5. L'argument avancé par l'intimée, selon lequel le document (1) divulguerait seulement que le dichloro-1,2 éthane est soutiré de la boucle de circulation en phase gazeuse, tandis que, selon le procédé définit dans le brevet contesté, ce soutirage est effectué en phase liquide, n'est nullement supporté par ce document. En effet, il est décrit dans ce dernier qu'un courant de milieu réactionnel liquide, soutiré du circuit de ce milieu, est conduit au dispositif de flash dans lequel on effectue une vaporisation instantanée d'une partie du dichloro-1,2 éthane (voir page 5, lignes 21 à 27, et la figure 1, conduite 11 et dispositif 12). Par ailleurs, le soutirage du dichloro-1,2 éthane produit revendiqué dans la revendication 1 du brevet contesté n'est pas limité à un soutirage en phase liquide, mais comprend un soutirage en phase quelconque (voir la cinquième ligne de la revendication).

3.6. De plus, la Chambre ne saurait accepter l'argumentation de l'intimée selon laquelle le procédé revendiqué diffèrerait du procédé décrit dans le document (1) parce que, selon ce document, les produits liquides obtenus comme résidu dans le dispositif de flash sont recirculés (voir page 5, lignes 28 à 30 et page 9, lignes 13 à 16), tandis qu'une telle recirculation n'a pas lieu selon le procédé défini dans le brevet contesté. Bien qu'il soit vrai que le brevet contesté est silencieux en ce qui concerne le traitement du résidu liquide de flash, il ne reste pas moins qu'un procédé revendiqué ne devient pas nouveau par des mesures qui ne sont ni indiquées ou ni exclues. En effet, la revendication 1 du brevet contesté a trait à un procédé permettant la préparation du dichloro-1,2 éthane dans un dispositif comprenant une boucle de recirculation, c'est-à- dire dans un dispositif n'étant pas limité à une boucle. Pour cette raison, l'utilisation d'un dispositif comprenant plus qu'une boucle de recirculation selon la figure 1 du document (1), notamment une première boucle constituée par la conduite 10 et les dispositifs 1, 15 et 16 et une seconde boucle formée par les conduites 10 et 11 et les dispositifs 1, 12 et 15, tombe également sous la portée de cette revendication.

3.7. La requérante n'a certainement pas tort lorsqu'elle souligne que selon la décision T 167/84, il n'est pas correct d'interpréter l'enseignement d'un document comme englobant des équivalents bien connus qui ne sont pas divulgués dans celui-ci. Cependant, dans le cas présent, il ne s'agit pas d'une interprétation de l'enseignement du document (1), mais il est question d'un procédé décrit tombant sous la revendication 1 du brevet contesté, la portée de laquelle étant plus large que le procédé schématisé à titre d'exemple dans l'unique figure du brevet contesté. Pour cette raison ladite décision n'est pas pertinente.

3.8. Compte tenu de ce qui précède, il faut donc conclure que la revendication 1 du brevet contesté ne contient aucune caractéristique distinctive par rapport au procédé divulgué dans le document (1). Par conséquent, l'objet de la revendication 1 n'est pas brevetable étant donné qu'il manque de nouveauté (articles 52(1), 54(3) de la CBE). Puisque les revendications 2 à 5 dépendantes se réfèrent à la revendication 1, elles subissent le même sort.

4. En raison du fait que l'intimée conclut seulement au rejet du recours au lieu de demander - en vertu de l'article 54(4) de la CBE - que le brevet contesté soit maintenu uniquement dans les Etats contractants AT et LU non-désignés dans le document (1) (cf. paragraphe II supra), la Chambre ne peut que révoquer le brevet contesté (article 113(2) de la CBE).

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. Le brevet européen n° 113 287 est révoqué.

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