European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1991:T058089.19910829 | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date de la décision : | 29 Août 1991 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0580/89 | ||||||||
Décision de la Grande Chambre des recours | G 0009/91 | ||||||||
Numéro de la demande : | 82305285.7 | ||||||||
Classe de la CIB : | C08F 8/32 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
|
||||||||
Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Rohm and Haas | ||||||||
Nom de l'opposant : | BASF | ||||||||
Chambre : | 3.3.03 | ||||||||
Sommaire : | Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours : 1. La compétence d'une division d'opposition ou, en vertu de la règle 66(1) CBE, d'une chambre de recours pour examiner et trancher la question du maintien d'un brevet européen conformément aux articles 101 et 102 CBE est-elle fonction de la mesure dans laquelle le brevet est mis en cause dans l'acte d'opposition conformément à la règle 55c) CBE ? 2. Si la réponse à cette question est affirmative, existe-t-il des exceptions à cette dépendance ? |
||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Extension de la compétence pour examiner une opposition Saisine de la Grande Chambre de recours |
||||||||
Exergue : |
- |
||||||||
Décisions citées : |
|
||||||||
Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
|
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 82 305 285.7, déposée le 5 octobre 1982, qui revendiquait la priorité d'une demande antérieure déposée aux Etats-Unis le 7 octobre 1981, a donné lieu à la délivrance du brevet n° 76 691 sur la base de onze revendications. La mention de la délivrance a été publiée le 10 septembre 1986.
Les revendications 1 et 7 portaient sur un procédé de production d'un polymère contenant des motifs d'anhydride glutarique et les revendications 2 à 6 sur un polymère contenant des motifs d'anhydride glutarique pouvant être obtenu par le procédé selon la revendication 1. Les revendications 8 à 10 concernaient un procédé d'imidation du polymère selon les revendications 2 à 6 pour former un polymère contenant des motifs d'imide, alors que la revendication 11 avait trait à un polymère d'imide pouvant être obtenu par un procédé selon l'une quelconque des revendications 8 à 10.
II. Le 18 avril 1987, l'opposant a fait opposition au brevet et a demandé que celui-ci soit révoqué pour défaut d'activité inventive en ce qui concerne les polymères contenant des motifs d'anhydride (soit les revendications 1 à 7).
Cette objection, soulignée et développée aussi bien dans les écritures soumises par la suite que lors de la procédure orale, se fondait sur six documents (documents (i) à (v) et (VII)).
III. Dans une décision intermédiaire en date du 28 août 1989, la division d'opposition a estimé qu'il n'existait pas de motifs d'opposition au maintien du brevet sur la base du jeu suivant de onze revendications :
Revendications 1 à 7 : procédé d'imidation d'un polymère thermoplastique non réticulé ;
Revendication 8 : polymère d'imide pouvant être obtenu par un procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes ;
Revendication 9 : procédé de production d'un polymère thermoplastique non réticulé contenant des motifs d'anhydride glutarique ;
Revendications 10 et 11 : polymère contenant des motifs d'anhydride glutarique pouvant être obtenu par le procédé selon la revendication 9.
Cette décision a rappelé que la brevetabilité des revendications 1 à 8 n'était pas contestée. La nouveauté de l'objet de la revendication 9 était reconnue par rapport à l'enseignement du document (VII), considéré comme l'état de la technique le plus proche, puisque ni le début de la température de décomposition d'au moins 250° C, ni la température Vicat de 50 à 175° C n'y étaient exposés. Cette combinaison de caractéristiques impliquait également une activité inventive, vu les propriétés avantageuses de thermoformabilité, la haute tenue thermique et l'aptitude à la transformation conférées aux polymères anhydrides.
IV. Le 25 août 1989, un tiers a présenté des observations en vertu de l'article 115 CBE qui, comme le prouve une notification officielle en date du 5 septembre 1989, n'ont pas été versées au dossier avant que la décision du 28 août 1989 ait été rendue, et elles n'ont donc pas été évoquées dans ladite décision. Dans les observations, il a été allégué en premier lieu que l'objet des revendications 9 à 11, concernant un polymère contenant des motifs d'anhydride ainsi que leur préparation, était dénué de nouveauté ; ensuite, que l'objet des revendications 1 à 8, portant sur un polymère contenant des groupes d'imide et sur leur préparation, était dépourvu en partie de nouveauté et en partie d'activité inventive par rapport à l'enseignement des documents suivants : (1) GB-A-1 437 176
(2) GB-A-926 269
(3) US-A-3 840 499
(4) US-A-3 801 549.
V. Le requérant (opposant) a alors formé un recours le 8 septembre 1989 en acquittant simultanément la taxe prescrite. Les arguments avancés dans le mémoire exposant les motifs du recours déposé le 23 décembre 1989 se fondaient exclusivement sur les documents (1) à (4) et portaient essentiellement sur les revendications 9, 10 et 11, dont l'objet était, selon lui, dépourvu de nouveauté ou, en tout cas, d'activité inventive.
En outre, l'objet des revendications 1 à 8, qui, il est vrai, n'avait pas été attaqué dans l'acte d'opposition, n'était pas brevetable, selon lui, eu égard à l'enseignement des documents (2), (3) et (4).
VI. Le 30 mars 1990, le tiers susmentionné a présenté des observations supplémentaires en vertu de l'article 115 CBE, dans lesquelles il objectait le défaut de nouveauté et d'activité inventive de l'objet des revendications 1 à 8 ainsi que 9, 10 et
11. Ces objections supplémentaires se fondaient sur les documents (1) à (4) et sur les documents suivants.
(5) Die Angewandte Makromolekulare Chemie, 1970, Volume 11, pages 91 à 108
(6) Encyclopedia of Polymer Science and Technology, 1964, Volume 1, page 118
(7) US-A-4 246 347.
VII. Dans sa réponse du 23 avril 1990, dont le contenu a été confirmé par une lettre reçue le 2 août 1990, l'intimé a proposé de régler le recours en supprimant les revendications 9, 10 et 11 contestées. S'agissant des revendications 1 à 8, il a soutenu que l'OEB ne devait pas statuer sur ces revendications non contestées, puisque cela reviendrait à procéder à un examen contraire aux dispositions de l'article 114(1) CBE telles qu'interprétées dans la décision T 9/87.
VIII. Le 6 juillet 1990, le tiers susmentionné a soumis de nouvelles observations soulignant l'obligation faite à l'OEB de procéder à l'examen d'office des faits conformément à l'article 114(1) CBE. A ce sujet, il a fait référence à la décision T 156/84, dans laquelle la chambre a conclu que le principe suivant lequel l'OEB doit procéder à l'examen d'office des faits prime les dispositions qui prévoient la possibilité pour l'OEB de ne pas tenir compte des faits que les parties n'ont pas invoqués ou des preuves qu'elles n'ont pas produites en temps utile, l'OEB étant tenu vis-à-vis du public de ne pas délivrer ni maintenir des brevets qu'il juge non valables. Cette vue a été confirmée par la récente décision T 197/88.
IX. Le requérant a conclu à l'annulation de la décision attaquée et à la révocation du brevet.
L'intimé a conclu au maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 8.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et aux règles 1(1) et 64 CBE ; il est recevable.
2. Le libellé actuel des revendications ne suscite pas d'objections en vertu de l'article 123 CBE.
La revendication 1 correspond en substance à une combinaison des revendications 1 et 8 du brevet tel que délivré, soit respectivement aux revendications 1, 6 et 7 de la demande telle que déposée à l'origine. Les lettres (a), (b) et (c) ont été introduites par souci de clarté et n'ont pas d'incidence sur la portée de la revendication.
Les revendications dépendantes 2 à 8 correspondent quant à elles aux revendications 9, 3, 4, 5, 6, 10 et 11 du brevet tel que délivré, soit respectivement aux revendications 8, 2, 3, 4, 5, 10 et 9 de la demande telle que déposée à l'origine, leur numérotation et, le cas échéant, les annexes ayant été adaptées.
3. Ainsi qu'il ressort des points V et VI supra, les documents (1) à (4), sur lesquels le requérant s'appuyait dans le mémoire exposant les motifs du recours, n'ont pas été produits dans le délai d'opposition de neuf mois. Il en va de même des documents (5), (6) et (7), qui n'ont été soumis par le tiers que lors de la procédure de recours (cf. point VI). Tous ces documents doivent être considérés comme soumis tardivement au sens de l'article 114 CBE.
La Chambre a examiné les documents (1) à (7) en vue d'apprécier leur pertinence, c'est-à-dire leur force probante par rapport à celle des documents soumis en temps utile. Elle a conclu qu'au moins certains de ces documents étaient suffisamment pertinents pour soulever de nouvelles questions, en particulier des questions qui étaient explicitement exclues dans l'acte d'opposition.
4. L'argument développé par l'intimé, selon lequel l'OEB ne devait pas statuer sur les revendications 1 à 8 non contestées (cf. point VII supra), pose la question de droit d'importance fondamentale de savoir si la compétence de l'OEB pour examiner un brevet européen frappé d'opposition conformément à l'article 101 CBE est fonction ou non de la mesure dans laquelle ce dernier est mis en cause par l'opposition dans l'acte d'opposition en vertu de la règle 55(c) CBE.
5. Dans la décision T 9/87 (JO OEB 1989, 438), il est allégué que l'examen d'une opposition conformément aux dispositions de l'article 101 CBE était limité par la déclaration figurant dans l'acte d'opposition, qui précise la mesure dans laquelle le brevet européen est mis en cause par l'opposition, et que ni une division d'opposition, ni une chambre de recours n'avait le pouvoir d'examiner et de trancher la question du maintien d'un brevet européen, excepté dans la mesure où ce brevet est mis en cause par l'opposition. Cette opinion découle de ce que la chambre estime que la procédure d'opposition constitue une exception au principe selon lequel, une fois délivré, un brevet européen est soustrait à la compétence de l'OEB. Cette exception est interprétée de manière restrictive, comme suit : "La procédure d'opposition ... permet d'intenter dans un délai déterminé une action centralisée en révocation ... devant l'OEB, qui statuera" ; ainsi, "la mesure dans laquelle un brevet ... est mis en cause par l'opposition délimite, en liaison avec les motifs de l'opposition, ... le cadre dans lequel l'OEB est habilité à examiner, conformément à l'article 101 CBE, le brevet... attaqué (cf. point 3 de la décision T 9/87).
Il résulte donc de la décision susmentionnée qu'une déclaration précisant la mesure dans laquelle un brevet européen est mis en cause, visée à la règle 55c) CBE, non seulement constitue une exigence quant à la recevabilité d'une opposition, mais détermine également l'étendue de la compétence ou du pouvoir de l'OEB pour examiner, conformément à l'article 101 CBE, un brevet européen mis en cause par une opposition.
Cette jurisprudence a été appliquée et, dans une certaine mesure, modifiée par la suite dans les décisions T 648/88 en date du 23 novembre 1989 (JO OEB 1991, 292), T 192/88 en date du 20 juillet 1989 (non publiée) et (cf. point 7 infra) T 293/88 en date du 23 mars 1990 (JO OEB 1992, 220).
En revanche, les décisions T 156/84 (JO OEB 1988, 372) et T 197/88 (JO OEB 1989, 412), citées par le tiers, soulignent simplement l'importance du principe général énoncé à l'article 114(1) CBE.
6. La Chambre doute qu'il puisse vraiment être déduit de l'article 101 CBE que l'examen d'une opposition formée contre un brevet européen est limitée par la mesure dans laquelle celui-ci est mis en cause dans l'acte d'opposition conformément à la règle 55c) CBE. A défaut d'une telle déductibilité, selon la décision T 9/87, la règle 55c) CBE (et non l'article 101 CBE) semblerait primer l'article 114(1) CBE. On pourrait néanmoins considérer qu'une telle interprétation est contestable d'un point de vue systématique, puisqu'il en résulterait qu'une disposition de rang normatif plus élevé (c.-à-d. l'article 114(1) CBE) serait subordonnée à une disposition de rang normatif inférieur (c.-à-d. la règle 55c) CBE).
Il y a toutefois lieu de se rappeler que l'article 101(2) CBE stipule expressément que "l'examen de l'opposition ... doit se dérouler conformément aux dispositions du règlement d'exécution", ce qui est une référence implicite mais sans équivoque à la règle 55c) CBE notamment, et susceptible de fonder la déductibilité évoquée ci-dessus.
7. Dans la décision T 293/88 (cf. point 5 supra), la Chambre a considéré qu'une division d'opposition peut également examiner, en vertu du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 114(1) CBE, la validité de revendications dépendantes qui n'ont jamais été contestées par l'opposant, pour autant que ces revendications appartiennent à la même catégorie que celles attaquées dans la procédure d'opposition, et que leur validité soit en outre nécessairement et directement mise en cause.
Ainsi, conformément à cette décision, il existe une exception à la jurisprudence établie dans la décision T 9/87 (cf. point 5 supra) si les revendications non contestées portent sur des aspects dépendants, plus étroits du même objet.
En conséquence, si l'on considère que le pouvoir de l'OEB d'examiner et de trancher la question du maintien d'un brevet européen conformément aux articles 101 et 102 CBE est en principe fonction de la mesure dans laquelle le brevet est mis en cause dans l'acte d'opposition conformément à la règle 55c) CBE, on aboutit inévitablement à la question de savoir s'il existe des exceptions à ce principe.
8. Ces questions étant toutes très controversées, la Chambre estime que le point de savoir si une division d'opposition ou, en vertu de la règle 66(1) CBE, une chambre de recours peut ou non examiner et trancher la question du maintien d'un brevet européen (art. 101 et 102 CBE), quelle que soit l'étendue dans laquelle il lui est fait opposition conformément à la règle 55c) CBE, est une question de droit d'importance fondamentale au sens de l'article 112(1) CBE, dont il est nécessaire de saisir la Grande Chambre de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Les questions suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours :
1. La compétence d'une division d'opposition ou, en vertu de la règle 66(1) CBE, d'une chambre de recours pour examiner et trancher la question du maintien d'un brevet européen conformément aux articles 101 et 102 CBE est-elle fonction de la mesure dans laquelle il est fait opposition au brevet dans l'acte d'opposition conformément à la règle 55c) CBE ?
2. Si la réponse à cette question est affirmative, existe-t-il des exceptions à cette dépendance ?