T 0416/87 (Polymère séquencé) of 29.6.1989

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1989:T041687.19890629
Date de la décision : 29 Juin 1989
Numéro de l'affaire : T 0416/87
Numéro de la demande : 81305931.8
Classe de la CIB : C08F 297/04
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : JSR
Nom de l'opposant : Hüls
Chambre : 3.3.01
Sommaire : 1. S'il ressort d'une interprétation correcte de la description que l'invention doit avant tout comporter une certaine caractéristique, il peut être considéré, en vertu de l'article 69(1) CBE et de son protocole interprétatif, que les revendications exigent la présence de cette caractéristique essentielle, même si le texte des revendications, lu sans tenir compte de l'ensemble du brevet, ne l'exige pas explicitement (cf. point 5 des motifs).
2. Lorsqu'une antériorité est citée pour la première fois par un opposant durant une procédure de recours faisant suite à une opposition, et qu'elle est considérée par la Chambre comme représentant l'état de la technique le plus proche. et par conséquent admissible, sans être pourtant de nature à faire obstacle au maintien du brevet, la Chambre peut, en vertu de l'article 111(1) CBE, au lieu de renvoyer l'affaire devant la première instance, examiner d'office le document et prendre elle- même une décision (cf. point 9 des motifs). En pareil cas, l'opposant peut être condamné à payer au titulaire du brevet une partie des frais que celui-ci a dû engager pour fournir des preuves en riposte (cf. décision T 117/86, Frais/FILMTEC, publiée au JO OEB 1989, 401) (voir point 10 des motifs)).
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 54
European Patent Convention 1973 Art 56
European Patent Convention 1973 Art 69(1)
European Patent Convention 1973 Art 104
European Patent Convention 1973 Art 111(1)
European Patent Convention 1973 Art 114(2)
European Patent Convention 1973 R 63(1)
Protocole interprétatif de l'Art 069
Mot-clé : Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Le document produit tardivement représente l'état de la technique le plus proche, mais ne fait pas obstacle au maintien du brevet
Document admis
Exercice du pouvoir d'appréciation conféré par l'art. 111(1) CBE
Document non renvoyé devant la division d'opposition
Document produit tardivement invoqué pour la première fois dans le mémoire exposant les motifs du recours
Documents cités devant la division d'opposition non mentionnés dans le mémoire exposant les motifs du recours
Détournement de la procédure
Répartition des frais
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0525/88
T 0638/89
T 0314/90
T 0876/90
T 0881/91
T 0273/92
T 0457/92
T 0527/93
T 0566/93
T 0569/97
T 0788/97
T 0717/98
T 1063/98
T 0932/99
T 0997/99
T 0096/00
T 0556/02
T 0223/05
T 0597/07
T 1490/07
T 0620/08
T 2525/11
T 0432/12
T 0058/13
T 0049/15
T 2758/17
T 0439/22

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 81 305 931.8, déposée le 17 décembre 1981, qui revendiquait la priorité de quatre demandes antérieures déposées au Japon, a donné lieu à la délivrance du brevet n° 54 440 sur la base de huit revendications. La mention de la délivrance a été publiée le 28 août 1985.

La revendication 1 s'énonce comme suit :

"Copolymère séquencé butadiène-styrène ayant une viscosité Mooney (ML1+4, 100° C) comprise entre 10 et 150, une teneur totale en groupes vinyle dans la totalité du butadiène fixé comprise entre 30 et 70 % et une teneur totale en styrène fixé comprise entre 10 et 40 % en poids, le copolymère séquencé comprenant :

(i) une combinaison de (a) au moins une séquence de copolymère statistique butadiène-styrène ayant une teneur en styrène fixé comprise entre 10 et 50 % en poids et une teneur en groupes vinyle comprise entre 25 et 50 % dans la partie butadiène, et (b) au moins une séquence de copolymère statistique butadiène-styrène ayant une teneur en styrène fixé comprise entre 1 et 30 % en poids et une teneur en groupes vinyle d'au moins 60 % dans la partie butadiène, la séquence (a) représentant de 10 à 90 % en poids du copolymère ; ou

(ii) une combinaison de (A') au moins une séquence de copolymère butadiène-styrène ayant une teneur en styrène fixé comprise entre 10 et 50 % en poids et une teneur en groupes vinyle comprise entre 10 et 50 % dans la partie butadiène, (B') au moins une séquence de copolymère statistique butadiène-styrène ayant une teneur en styrène fixé comprise entre 1 et 30 % en poids et une teneur en groupes vinyle d'au moins 60 % dans la partie butadiène, et (c) au moins une séquence de polybutadiène ayant une teneur en groupes vinyle comprise entre 10 et 50 %, chacune des séquences (A'), (B') et (c) représentant au moins 10 % en poids du copolymère( Texte de la traduction de la revendication 1 fournie par la demanderesse).

II. Le 13 décembre 1985, la requérante (opposante) a fait opposition et demandé que le brevet soit révoqué dans sa totalité pour défaut d'activité inventive. Les antériorités suivantes étaient citées à l'appui de l'opposition :

(1) Kautschuk + Gummi-Kunstoffe, 33, n° 4/1980, pages 251 à 255

(2) PRT "Polymer Age", 4, septembre 1973, pages 332 à 337

(3) Kautschuk + Gummi-Kunstoffe, 28, n° 3/1975, pages 131 à 135.

III. La division d'opposition a rejeté l'opposition par décision en date du 29 septembre 1987.

Dans cette décision, il était dit que le seul enseignement fourni par les documents (1), (2) et (3) était un exposé des relations générales existant entre la température de transition vitreuse et la résistance au dérapage sur route mouillée ainsi qu'entre la teneur en groupes vinyle et en groupes styrène d'une part et la résistance au roulement et la température de transition vitreuse d'autre part. De plus, l'opposante avait appuyé son argumentation sur des éléments d'information qu'elle avait sélectionnés dans les documents en question simplement parce qu'ils correspondaient à telle ou telle caractéristique spécifique du copolymère séquencé selon le brevet attaqué. La division d'opposition a considéré qu'une interprétation aussi restrictive de l'état de la technique ne permettait pas de conclure que les antériorités suggéraient la combinaison de caractéristiques propre à l'ensemble du copolymère séquencé revendiqué ; une telle approche relevait bien plutôt d'une analyse a posteriori.

IV. La requérante (opposante) a alors formé un recours contre cette décision, le 28 novembre 1987, date à laquelle elle a également acquitté la taxe prescrite. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, produit le 28 janvier 1988, elle ne contestait nullement l'argumentation de la division d'opposition, et reconnaissait tout d'abord que les documents (1), (2) et (3) correspondaient à un état de la technique antérieur divulguant simplement les principes généraux gouvernant les propriétés des copolymères butadiène-styrène. Pour ce qui est du fond, ledit mémoire de recours ne se référait qu'à des documents qui n'avaient pas encore été cités auparavant, en l'occurrence :

(4) JP-74/37415 (traduction en anglais)

(5) DE-A-1 963 038

(6) DE-A-3 115 878,

et l'argumentation développée était la suivante :

Contrairement à ce qui est affirmé dans le brevet contesté page 2, lignes 40 à 42), les séquences A et B des copolymères séquencés butadiène-styrène selon le document (4) ne diffèrent pas à la fois par leur teneur en styrène fixé et en groupes vinyle, mais uniquement par leur teneur en groupes vinyle. Comme l'on ne voit pas clairement comment et sur quelle base est déterminée la teneur en groupes vinyle, ce paramètre ne saurait être considéré comme une caractéristique distinctive ; il s'ensuit que l'objet du brevet contesté n'est pas nouveau.

De plus, l'influence de la teneur en groupes vinyle et en groupes styrène sur les propriétés des copolymères statistiques séquencés butadiène-styrène, d'une part, et des copolymères statistiques en général, d'autre part, est connue respectivement par l'enseignement des documents (4) et (5). Le brevet contesté n'est donc qu'une combinaison évidente desdits enseignements, laquelle combinaison n'apporte aucun avantage perceptible, ce qui peut facilement être constaté si l'on compare le tableau 4 du brevet contesté (exemples 1 à 10) au tableau 8 du document (4) (exemple 2-1) ; par conséquent, le brevet n'implique pas d'activité inventive.

Par ailleurs, compte tenu de l'enseignement du document (6), il est impossible d'admettre la nouveauté de l'objet du brevet national qui doit dériver sur la base du brevet contesté.

V. Dans sa réponse du 7 septembre 1988, l'intimée (titulaire du brevet) a tout d'abord rétorqué que dans son mémoire de recours, la requérante a cité de nouveaux documents qui n'avaient pas été invoqués jusque-là durant la procédure d'opposition, et que donc, les problèmes soulevés étaient entièrement nouveaux

Dans la description du brevet contesté, il est clairement spécifié que les copolymères séquencés se composent de séquences de copolymères butadiène-styrène qui n'ont pas la même teneur en groupes styrène, ni en groupes vinyle, de sorte que la nouveauté de l'objet revendiqué est incontestable

La divulgation par les documents (4) et (5) de l'influence de la teneur en groupes styrène et/ou en groupes vinyle sur les propriétés des copolymères séquencés butadiène-styrène ne peut conduire à la présente invention, celle-ci visant à établir le meilleur équilibre possible entre les différentes caractéristiques, et non pas à améliorer une propriété particulière. D'autre part, la comparaison entre les copolymères séquencés revendiqués et ceux décrits dans le document (4) n'a aucun sens, vu leurs différences de composition.

Le document (6) n'est pas une publication antérieure, mais simplement une demande allemande plus ancienne ; de plus, l'Allemagne ne figure même pas parmi les Etats désignés dans le brevet contesté. Donc, le document en question ne peut en aucune mesure être opposé au présent brevet.

VI. La requérante a demandé à la Chambre d'admettre dans le cadre de la procédure les documents (4), (5) et (6) comme constituant un état de la technique pertinent, d'annuler la décision attaquée et de révoquer le brevet.

L'intimée a demandé à la Chambre de ne pas tenir compte des documents (4), (5) et (6) et de rejeter le recours. De plus, si une procédure orale a lieu, elle se réserve le droit de demander un remboursement de ses frais en rapport avec les circonstances.

VII. Au vu des motifs, arguments et requêtes exposés ci-dessus, la Chambre a, le 27 octobre 1988, émis une notification afin d'informer les parties qu'elle avait examiné les documents (4), (5) et (6) qui avaient été produits tardivement. Le document (4), bien que jugé suffisamment pertinent pour pouvoir être pris en compte au cours de la procédure, ne lui est toutefois pas apparu de nature à détruire la nouveauté de l'objet du brevet contesté ou à faire obstacle à l'activité inventive. De plus, se référant à la décision T 117/86, elle a déclaré qu'elle proposait, en application de l'article 104(1) CBE, une répartition des frais en faveur de l'intimée. Dans sa réponse, en date du 21 décembre 1988, la requérante n'a pas fait valoir de nouveaux arguments, qu'il s'agisse du fond ou des questions de procédure.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 CBE; il est donc recevable.

2. La Chambre observe que, dans son mémoire de recours, la requérante ne conteste nullement l'argumentation développée par la division d'opposition dans sa décision de rejet, et qu'elle a renoncé à étayer son recours sur les documents (1), (2) et (3) sur lesquels elle s'était fondée lorsqu'elle avait formé opposition. Dans ledit mémoire, les documents en question sont considérés plutôt comme des documents représentatifs d'un certain état de la technique, qui ne divulguent tout au plus que les principes généraux gouvernant les propriétés des copolymères séquencés butadiène-styrène. Donc, la requérante reconnaît en fait que les documents (1), (2) et (3), qu'ils soient considérés isolément ou en combinaison les uns avec les autres, ne peuvent conduire à l'objet du brevet contesté ; telle était également la conclusion de la première instance.

3. Comme indiqué au point IV ci-dessus, la requérante estime à présent dans son mémoire de recours que, de toutes les antériorités citées, c'est le document (4) qui est de beaucoup le plus pertinent. Etant cité dans l'introduction de la description du brevet contesté, ce document devait déjà auparavant être connu de la requérante. Or, celle-ci n'explique pas pourquoi ce n'est que dans le mémoire de recours qu'elle a décidé pour la première fois de s'appuyer essentiellement sur ce document pour contester la validité du brevet en litige. La question qui se pose à la Chambre est donc de savoir si les documents (4), (5) et (6) doivent être admis dans la procédure de recours à ce stade de l'opposition et, si oui, dans quelles conditions.

4. La Chambre est d'avis que le document (4) constitue l'état de la technique le plus proche, et doit donc être pris en considération dans la procédure de recours.

Ce document porte sur une composition de caoutchouc pour bandes de roulement de pneus, à base de copolymère séquencé butadiène- styrène comprenant une séquence (a) de copolymère ayant par rapport à la totalité du butadiène fixé une teneur en composé monovinylaromatique comprise entre 0 et 35 % en poids et une teneur en groupes vinyle comprise entre 10 et 20 % en poids,et une séquence (b) de copolymère ayant par rapport à la totalité du butadiène fixé une teneur en composé monovinylaromatique comprise entre 0 et 35 % en poids et une teneur en groupes vinyle comprise entre 40 et 95 % en poids, le rapport pondéral (a) : (b) pouvant varier de 20:1 à 1:20, la teneur totale en groupes vinyle pouvant aller de 20 à 50 %, le composé monovinylaromatique étant présent dans l'une au moins des deux séquences (a) ou (b), et le copolymère séquencé ayant une viscosité Mooney (1 + 4 minutes, 100° C) comprise entre 25 et 200 (revendication 2, et page 2, paragraphe 4, ainsi que page 3, paragraphe 1).

Or, alors que, dans la composition décrite par ce document, la teneur en groupes vinyle de la séquence (a) est relativement faible (de 10 à 20 %), la séquence (a) des copolymères séquencés selon le brevet contesté doit avoir une teneur en groupes vinyle comprise entre 25 et 50 %. Contrairement à ce que prétend la requérante (page 9, 2e paragraphe de son mémoire). ces valeurs ne sont pas fonction de la longueur de la séquence considérée, c'est-à-dire de son poids moléculaire, mais se réfèrent à la proportion de butadiène subissant une réaction de polyaddition 1, 2, considérée par rapport à la quantité totale de butadiène incorporé dans la chaîne principale du polymère, comme le montre l'expression "teneur en groupes vinyle dans la partie butadiène (%)", qui figure dans le tableau 2. Ces valeurs constituent donc des différences objectives entre l'état de la technique et l'objet du brevet contesté, si bien qu'il est possible sur cette base de reconnaître la nouveauté de l'objet du brevet.

La Chambre observe en outre que le document (4) divulgue uniquement des copolymères séquencés du type (a) (b) correspondant à la variante (i) de la revendication 1 du brevet contesté ; rien dans ce document ne suggère la présence d'une séquence supplémentaire de polybutadiène (séquence (c)), comme dans la variante (ii), sur laquelle la Chambre ne reviendra pas par la suite.

5. Avant de discuter du problème de l'activité inventive compte tenu des différences qui existent entre le document (4) et le brevet contesté, il convient de définir la structure exacte des copolymères séquencés de type (a) (b) tels que revendiqués dans le brevet contesté. Dans la description dudit brevet, il est clairement précisé qu'une des caractéristiques essentielles de l'invention est que les deux séquences butadiène-styrène du copolymère doivent avoir des teneurs différentes non seulement en groupes vinyle, mais aussi en groupes styrène (page 2, lignes 3 à 5 et lignes 52 à 58). Bien que le texte de la revendication 1 n'exige expressément la présence que de cette première caractéristique, les plages de valeurs indiquées en ce qui concerne la teneur en groupes styrène de chacune de ces séquences se recoupant dans une certaine mesure (respectivement 10 à 50 % et 1 à 30 %), il convient, pour apprécier la portée exacte de cette revendication, de l'interpréter à la lumière de la description, conformément aux dispositions de l'article 69(1) CBE et de son protocole interprétatif. La Chambre considère que s'il ressort d'une interprétation correcte de la description que l'invention doit avant tout comporter une certaine caractéristique, il peut être considéré, en vertu de l'article 69(1) CBE et de son protocole interprétatif, que les revendications exigent la présence de cette caractéristique essentielle, même si le texte des revendications, lu sans tenir compte de l'ensemble du texte du brevet, ne l'exige pas explicitement.

Dans la présente espèce, la caractéristique essentielle exigée, à savoir que les deux séquences ne doivent pas avoir la même teneur en groupes styrène, doit être considérée comme figurant de manière implicite dans la revendication 1 et ne peut donc être ignorée ; par conséquent, toute l'argumentation de la requérante, qui prétend dans son mémoire (page 3, 1er paragraphe) que les séquences (a) et (b) des copolymères séquencés revendiqués ne diffèrent l'une de l'autre que par leurs teneurs respectives en groupes vinyle, constitue une simplification à l'extrême, que la Chambre ne saurait accepter.

En fait, dans le brevet contesté (page 3, lignes 12 à 22), l'intimée justifie cette double exigence par des raisons d'ordre technique. La différence de teneur en groupes styrène et la différence de teneur en groupes vinyle sont pour les séquences (a) et (b) des éléments essentiels, favorisant leur compatibilité par vulcanisation, même si lesdites séquences n'ont pas les mêmes caractéristiques, ni les mêmes paramètres de solubilité.

6. L'objet du brevet contesté présente les différences suivantes par rapport à l'enseignement fourni par le document (4) : dans le document (4), la teneur en groupes vinyle doit se situer à l'intérieur d'une plage comprise entre 10 et 20 % pour la séquence (a), et entre 40 et 95 % pour la séquence (b), le non-dépassement de ces limites étant jugé d'une importance cruciale pour le confort de la conduite (cf. page 4, lignes 12 à 18) ; selon le brevet contesté, en revanche, la teneur en groupes vinyle des deux séquences doit être comprise entre 25 et 50 % pour l'une, et être d'au moins 60 % pour l'autre, si l'on veut obtenir une résistance optimale à la rupture, et un équilibre optimal entre la résistance au dérapage sur route mouillée et la résistance au roulement (cf. page 3, lignes 26 à 28 et lignes 34 à 38).

Par ailleurs, dans le document (4), les séquences (a) et (b) doivent avoir une teneur en composé monovinylaromatique comprise entre 0 et 35 % en poids, le non-dépassement de la valeur supérieure étant jugé crucial pour ce qui concerne la résistance à l'abrasion (page 4, 5e paragraphe à page 5, 1er paragraphe); le fait que l'une des deux séquences (a) ou (b) puisse être totalement dépourvue de ce composé prouve que la répartition de ce composé entre (a) et (b) a moins d'importance que sa quantité totale. Par comparaison, dans le brevet contesté (page 3, lignes 39 à 45), la teneur des deux séquences en styrène fixé doit être comprise entre 10 et 50 % en poids pour l'une et 1 et 30 % en poids pour l'autre ; en deçà de ces valeurs, les caractéristiques de résistance à la rupture ne sont pas satisfaisantes, au-delà, la résistance au roulement est moindre.

Il ressort de cette comparaison que la teneur en groupes styrène et en groupes vinyle et la répartition de ces deux composés entre les séquences (a) et (b) ne sont pas choisies selon les mêmes critères dans le document (4) et dans le brevet contesté, ce qui reflète une différence d'objectifs en ce qui concerne l'équilibre de propriétés à réaliser. Les exemples pertinents de réalisation et les exemples comparatifs donnés dans le brevet contesté montrent de manière convaincante que, pour parvenir à l'équilibre de propriétés voulu, il faut respecter les plages de valeurs spécifiées dans la revendication 1. Le document (4) n'indiquant pas comment améliorer l'équilibre entre les propriétés des copolymères séquencés connus butadiène- styrène, il doit être considéré que l'objet du brevet contesté implique une activité inventive.

7. La Chambre ne peut accepter l'objection soulevée par la requérante, qui prétend que les compositions pour pneus à base de copolymères séquencés identiques à ceux revendiqués ne sont nullement supérieures à celles divulguées dans le document (4). Tout d'abord, le but de l'invention n'est pas d'améliorer une propriété particulière, mais d'assurer un équilibre optimal entre les différentes propriétés. D'autre part, une comparaison entre les compositions selon l'état de la technique (page 13, tableau 5) et selon le brevet contesté (page 10, tableau 3) n'a aucun sens, puisque ces compositions comportent des ingrédients différents, dans des proportions différentes. Pour que la comparaison soit objective, il aurait fallu que la requérante se fonde sur une composition possédant toutes les propriétés de la composition à base du copolymère séquencé divulgué dans le document (4), et comportant les additifs spécifiques dans les mêmes proportions que celles indiquées dans le tableau 3 du brevet contesté.

D'après une décision antérieure de la Chambre (T 219/83), publiée au JO OEB 1986, 211, si l'OEB n'est pas en mesure d'établir les faits en procédant à un examen d'office, c'est l'opposant qui doit subir les désavantages de cette situation. Il est stipulé dans cette décision que pour pouvoir attaquer valablement au cours d'une procédure d'opposition un brevet déjà délivré, il ne suffit pas d'avancer des affirmations sans preuves (point 12, 4e et 5e paragraphes). Or à cet égard, il est clair que la requérante n'a pas prouvé la véracité de ses dires.

8. Il convient donc de conclure que le document (4) ne détruit pas la nouveauté de l'objet du brevet attaqué, et qu'il ne saurait conduire à cet objet.

Il en va de même en ce qui concerne le document (5), qui ne mentionne même pas la teneur des deux séquences en groupes vinyle, et par conséquent ne peut apprécier l'influence de la plage de distribution des valeurs de la teneur en groupes vinyle sur les propriétés des copolymères séquencés. Le document (6) quant à lui ne constitue pas une antériorité, puisqu'il a été publié le 14 janvier 1982. Ces deux documents ne sont pas suffisamment pertinents pour pouvoir être admis dans le cadre de la procédure de recours.

9. Dans la jurisprudence antérieure des chambres de recours, en particulier dans la décision T 258/84 du 18 juillet 1986, publiée dans le JO OEB 1987, 119, et dans la décision T 273/84 du 21 mars 1986, publiée dans le JO OEB 1986, 346, il a été considéré qu'un document cité pour la première fois par un opposant dans une procédure de recours contre une décision de la division d'opposition, et suffisamment pertinent pour pouvoir être admis dans la procédure d'opposition, devait normalement (en application de l'article 111(1) CBE qui reconnaît un pouvoir d'appréciation à la chambre de recours) être renvoyé devant la première instance, ceci afin notamment de permettre son examen par les deux instances, et d'éviter au titulaire du brevet de perdre le bénéfice d'une instance.

Cette procédure se justifie pleinement lorsque la Chambre considère que le nouveau document cité est d'une pertinence telle que le brevet risque de ne plus pouvoir être maintenu. Toutefois, dans la présente espèce, ainsi qu'il a été expliqué aux points 4 à 8 ci-dessus, la Chambre, ayant examiné avec soin le document (4), a conclu finalement qu'il ne fait pas obstacle au maintien du brevet. Comme c'est la requérante (opposante) qui a introduit tardivement ce document (4) au cours de la procédure d'opposition, la Chambre a décidé dans ces conditions d'exercer le pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu par l'article 111(1) CBE en examinant d'office le document (4) et en statuant sur l'opposition sur la base de ce document, sans le renvoyer devant la première instance aux fins d'examen. Ce faisant, la requérante (opposante) perd certes le bénéfice d'une instance d'examen en ce qui concerne le document (4), mais c'est là une mesure équitable, puisqu'elle a cité tardivement le document en question. L'autre solution, qui consisterait à renvoyer le document (4) devant la première instance aux fins d'examen, entraînerait une augmentation injustifiée des frais de l'intimée, prolongerait la procédure, et ne serait pas équitable vis-à-vis de l'intimée. La Chambre estime que, vu les circonstances de la cause, l'intérêt de l'intimée prévaut clairement sur celui de la requérante.

10. Il a déjà été noté au point 2 ci-dessus que dans le mémoire de recours, les motifs de la décision rendue par la division d'opposition ne sont pas contestés, la requérante se fondant uniquement sur des documents qu'elle cite vingt mois après l'expiration du délai dans lequel, en vertu de l'article 99(1) CBE, l'opposition doit être formée. Dans une décision récente (T 117/86, en date du 1er août 1988, publiée au JO OEB 1989, 401), la Chambre a jugé que les dispositions conjointes de l'article 99(1) et de la règle 55 c) CBE exigent incontestablement que l' opposant à un brevet expose son cas en détail et de manière exhaustive dans son acte d'opposition, au lieu de soumettre et développer ses arguments au coup par coup, après la production de l'acte d'opposition (point 4, paragraphe 4). En particulier, un document déjà cité dans le brevet contesté ne saurait être invoqué pour la première fois par l'opposant après l'expiration du délai d'opposition de neuf mois, pour prouver le défaut d'activité inventive (point 6, paragraphe 2).

Dans la présente espèce, la Chambre estime qu'étant donné que la requérante a cité pour seuls documents dans son mémoire de recours trois documents qu'elle n'avait pas cités auparavant, et qu'elle a même soulevé pour la première fois le problème de la nouveauté par rapport à un document déjà mentionné dans le brevet contesté, il y a détournement de la procédure d'opposition. En introduisant des arguments et des documents sans grand rapport avec ceux qui avaient été soumis dans la procédure initiale d'opposition, la requérante a en fait formé une nouvelle opposition devant l'instance de recours, ce qui ne saurait, par définition, répondre à l'objectif d'une procédure de recours.

La production tardive des documents (4), (5) et (6) ne pouvait manquer d'accroître de façon considérable les frais occasionnés à l'intimée par rapport à ceux qu'elle aurait eu à supporter si tous les faits avaient été présentés et si toutes les preuves avaient été produites avant l'expiration du délai de neuf mois. Bien que l'intimée ait clairement déclaré qu'elle n'envisageait de présenter une requête en répartition des frais que pour le cas où une procédure orale aurait lieu, la Chambre estime que dans la présente espèce, le détournement de la procédure justifie une répartition des frais de l'instruction. La règle 63(1) CBE précise que ces frais incluent la rémunération des représentants des parties (cf. décision T 117/86 Frais/FILMTEC, en date du 1er août 1988, JO OEB 1989, 401).

Compte dûment tenu de toutes les circonstances pertinentes de l'affaire, la Chambre a décidé, pour des raisons d'équité, de prescrire une répartition des frais selon laquelle la requérante paiera à l'intimée cinquante pour cent des frais occasionnés au représentant de l'intimée et portés dans les honoraires de celui-ci pour la préparation et l'envoi le 7 septembre 1988 de la réponse de l'intimée au mémoire de la requérante.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. Le recours est rejeté.

2. Au titre de la répartition des frais de la procédure de recours, la requérante paiera à l'intimée cinquante pour cent des frais occasionnés au représentant de l'intimée et portés dans les honoraires de celui-ci pour la préparation et l'envoi le 7 septembre 1988 de la réponse de l'intimée au mémoire de la requérante.

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