T 0193/87 (Traduction tardive) of 13.6.1991

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1991:T019387.19910613
Date de la décision : 13 Juin 1991
Numéro de l'affaire : T 0193/87
Numéro de la demande : 81850063.9
Classe de la CIB : F16K 1/44
Langue de la procédure : EN
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Titre de la demande : -
Nom du demandeur : ALFA_LAVAL
Nom de l'opposant : Tuchenhagen GmbH; Hoogeveen BV
Chambre : 3.2.01
Sommaire : Lorsqu'une opposition est formée dans une langue d'un Etat contractant qui n'est pas l'une des langues officielles de l'OEB, et que la traduction prescrite à l'article 14(4) CBE n'est pas produite dans les délais, ladite opposition est réputée n'avoir pas été reçue et la taxe d'opposition doit être remboursée (cf. décision T 323/87, JO OEB 1989, 343). Etant donné que l'opposition est réputée ne pas exister, il ne saurait être question de procéder à un examen de sa recevabilité au regard de la règle 56(1) CBE.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 14(4)
European Patent Convention 1973 Art 14(5)
European Patent Convention 1973 R 6(2)
European Patent Convention 1973 R 56(1)
European Patent Convention 1973 R 56(2)
Mot-clé : Traduction de l'acte d'opposition non produite dans les délais
Opposition inexistante - pas d'examen de la recevabilité
Taxe d'opposition remboursée
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0641/94
T 1700/11

Exposé des faits et conclusions

I. Le 4 septembre 1985 a été publiée la mention de la délivrance du brevet européen n° 0 039 319 sur la base de la demande de brevet européen n° 81 850 063.9 déposée le 9 avril 1981. En conséquence, le délai imparti pour former opposition venait à expiration le 4 juin 1986.

II. La requérante (opposante II) a formé une opposition en néerlandais le 29 mai 1986 et acquitté simultanément la taxe correspondante.

III. Etant donné que la traduction de l'acte d'opposition prescrite à l'article 14(4) et à la règle 1(1) CBE n'a pas été produite avant l'expiration du délai d'opposition ni dans un délai d'un mois à compter du dépôt de l'acte d'opposition (règle 6(2) CBE), l'agent des formalités de la division d'opposition a, le 5 août 1986, émis une notification au titre de la règle 56(1) CBE (Form 2305.2), par laquelle il a informé la requérante que, du fait de cette irrégularité, elle devait s'attendre à ce que son opposition soit rejetée comme irrecevable.

IV. Le 26 septembre 1986, la requérante a produit une traduction en anglais de l'acte d'opposition et présenté en réponse à la notification du 5 août 1986 que lui avait adressée l'agent des formalités des observations qui peuvent être résumées comme suit :

- aux termes de la règle 1(1), seconde phrase, CBE, une traduction doit être produite dans l'une des langues officielles de la CBE, et le non-respect de cette exigence est sanctionné par la règle 56(1) CBE ;

- le délai imparti pour produire cette traduction est fixé par la règle 6(2) CBE, et le non-respect de ce délai est sanctionné par la règle 56(2) CBE ;

- l'effet juridique annoncé dans la notification ne pouvait se produire puisque l'agent des formalités de la division d'opposition aurait dû, au lieu d'envoyer la notification visée à la règle 56(1) CBE, émettre une notification au titre de la règle 56(2) CBE invitant l'opposante à remédier à l'irrégularité dans le nouveau délai qu'il aurait fixé ;

- à titre subsidiaire, la requérante a demandé l'application de la règle 88 CBE.

V. Par décision en date du 11 mars 1987, la section des formalités a, au nom de la division d'opposition, rejeté l'opposition comme irrecevable en vertu de la règle 56(1) CBE, en faisant valoir essentiellement les motifs suivants :

1. La traduction en anglais de l'acte d'opposition n'avait pas été produite dans le délai prévu par la règle 6(2) CBE, seconde phrase, si bien que l'acte d'opposition devait être réputé n'avoir pas été reçu (article 14(5) CBE) ;

2. Il n'avait donc pas été satisfait à l'article 99(1) CBE, et le non-respect de cette disposition produisait l'effet juridique prévu à la règle 56(1) CBE, à savoir le rejet de l'opposition comme irrecevable.

3. La règle 88 CBE n'était pas applicable, étant donné que le fait d'avoir cité dans l'acte d'opposition en néerlandais des passages du fascicule de brevet rédigés dans la langue de la procédure ne signifiait pas que ledit acte d'opposition comportait des fautes d'expression ou autres erreurs, que ce soit dans les passages en anglais ou dans les passages en néerlandais.

VI. Le 8 mai 1987, la requérante a formé un recours contre cette décision, et acquitté simultanément la taxe de recours.

Le 9 juillet 1987, elle a produit un mémoire exposant les motifs du recours, dans lequel elle faisait valoir les arguments suivants :

(a) les conditions énoncées à la règle 56(1) CBE étant remplies, la décision rejetant l'opposition formée le 29 mai 1986 était mal fondée ;

(b) la division d'opposition aurait dû considérer que la non- production dans les délais de la traduction de l'acte d'opposition constituait une irrégularité sanctionnée par la règle 56(2) CBE, et elle aurait dû par conséquent signaler cette irrégularité à la requérante et l'inviter à y remédier dans un nouveau délai.

VII. Dans une notification en date du 11 septembre 1990, la Chambre a considéré provisoirement que la non-production de la traduction de l'acte d'opposition dans le délai prévu par la règle 6(2) CBE ne pouvait être considérée comme une irrégularité à laquelle il était possible de remédier en application des dispositions de la règle 56(2) CBE. En outre, la Chambre a relevé qu'en l'espèce, il y avait lieu d'appliquer la disposition de l'article 14(5) CBE et de considérer par conséquent que l'acte d'opposition devait être réputé n'avoir pas été reçu.

VIII. Dans sa réponse en date du 12 novembre 1990, ainsi que lors de la procédure orale, le 13 juin 1991, la requérante a contesté le bien-fondé de l'avis susmentionné. Elle a notamment soutenu que le droit de déposer des pièces dans une langue autre que la langue de la procédure prévu à l'article 14(2) et (4) CBE avait été institué pour compenser en quelque sorte le désavantage subi par les personnes qui doivent participer à une procédure conduite dans une langue étrangère, ce qui les pénalise par rapport aux parties dont la langue maternelle est l'une des trois langues officielles, à savoir l'allemand, l'anglais ou le français. En tout état de cause, la compensation de ce désavantage n'est pas totale, puisque, en réalité, les personnes visées à l'article 14(2) CBE sont tenues de respecter deux délais, l'un pour le dépôt des pièces, l'autre pour la production de la traduction, et courent ainsi le risque de laisser passer par inadvertance cet autre délai, comme cela s'est produit dans la présente espèce. La requérante a fait valoir à ce propos que pour remédier à la discrimination dont étaient victimes par exemple les personnes de langue maternelle néerlandaise, il convenait de proroger le délai prévu pour la production de la traduction de l'acte d'opposition.

Elle a contesté par ailleurs que le non-respect de la règle 6(2) CBE soit implicitement sanctionné par la règle 56(1) CBE. Selon elle, il existe un lien logique et juridique étroit entre la règle 6(2) et l'article 14(4) CBE d'une part ainsi qu'entre la règle 1(1) et l'article 14(4) d'autre part, mais il n'en va pas de même des règles 6(2) et 1(1), qui n'ont entre elles aucun lien de ce type. Par conséquent, la référence à la règle 1(1) faite à la règle 56(1) CBE ne saurait impliquer une référence implicite dans cette règle 56(1) à la règle 6(2) CBE.

Pour la requérante, le fait que la règle 56(1) fasse référence à la règle 1(1), et non à l'article 14(5) montre bien que les auteurs de la Convention n'avaient pas envisagé que l'article 14(5) puisse produire des effets juridiques au niveau de l'application de la règle 56(1). De toute façon, la formulation adoptée était différente, l'expression "in due time" (dans les délais) utilisée à l'article 14(5) CBE n'avait pas le même sens que l'expression "within the time limit" (dans le délai prescrit) figurant au paragraphe 4 de ce même article. L'expression "in due time" correspondait plutôt à l'expression "in good time" (dans les délais) utilisée à la règle 56(2) CBE.

IX. Les requêtes suivantes ont été formulées lors de la procédure orale :

La requérante (opposante II) a demandé que la décision attaquée soit annulée et que son opposition soit considérée comme recevable.

L'intimée (titulaire du brevet) a conclu au rejet du recours et demandé que les frais de la procédure orale soient mis à la charge de la requérante.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'aux règles 1(1) et 64 CBE ; il est donc recevable.

2. La question soulevée par le présent recours est la suivante : lorsque l'une des personnes visées à l'article 14(2) CBE forme opposition dans la langue officielle d'un Etat contractant ayant une langue autre que l'allemand, l'anglais ou le français comme langue officielle, et que l'agent des formalités de la division d'opposition constate que la traduction de l'acte d'opposition dans l'une des langues officielles de l'OEB n'a pas été produite dans les délais, convient-il, même après l'expiration du délai prévu par la règle 6(2) CBE, d'en informer cet opposant (en l'occurrence la requérante) et de l'inviter à remédier à cette irrégularité dans un nouveau délai fixé conformément à la règle 56(2) CBE ?

3. Pour pouvoir répondre à cette question, il est nécessaire de rappeler brièvement comment est réglé d'une manière générale le problème des langues dans la CBE.

3.1 Comme c'est le cas dans bien d'autres traités internationaux, les dispositions de la CBE en la matière constituent un compromis visant à concilier les intérêts des demandeurs, de leurs concurrents et des Etats contractants, sans toutefois nuire au bon fonctionnement de la procédure devant l'OEB.

Les principes généraux sur lesquels repose ce compromis sont les suivants :

a) les langues officielles de l'OEB doivent être limitées à trois, à savoir l'allemand, l'anglais et le français : les demandeurs ont donc le choix entre ces trois langues pour le dépôt de leurs demandes de brevet européen et pour la suite de la procédure.

b) pour le traitement et la publication d'une demande de brevet européen, ainsi que pour la délivrance d'un brevet européen, il ne peut être utilisé qu'une seule langue, dite dans la CBE "langue de la procédure", choisie par le demandeur parmi les trois langues officielles de l'OEB.

Toute pièce d'une demande de brevet européen reçue ou envoyée par l'OEB doit être rédigée dans cette langue de la procédure.

3.2 Des dispositions particulières de la CBE permettent de remédier dans une certaine mesure à la pénalisation dont sont victimes les demandeurs dont la langue maternelle n'est ni l'allemand, ni l'anglais, ni le français, par rapport aux demandeurs qui ont l'une de ces trois langues comme langue maternelle :

a) les personnes ayant leur domicile ou leur siège sur le territoire d'un Etat contractant ayant une langue autre que l'allemand, l'anglais ou le français comme langue officielle, et les nationaux de cet Etat ayant leur domicile à l'étranger peuvent déposer dans une langue officielle de cet Etat leurs demandes de brevet européen ou toute autre pièce devant être produite dans un délai déterminé (article 14, paragraphes 2 et 4 CBE) ;

b) une réduction du montant des taxes de dépôt, d'examen, d'opposition ou de recours (règle 6(3) CBE) est accordée aux demandeurs qui usent des facultés ouvertes par les dispositions de l'article 14(2) et (4) CBE.

c) les personnes visées à l'article 14(2) CBE ont la possibilité de revenir au texte original lorsque la traduction est formulée en termes plus restrictifs que le texte original.

4. Comme indiqué plus haut, l'article 14(4) CBE autorise les personnes visées à l'article 14(2) CBE à déposer, dans une langue officielle de leur Etat, des pièces devant être produites dans un délai déterminé, à condition de produire une traduction dans la langue de la procédure dans le délai prescrit par le règlement d'exécution. De plus, les personnes faisant opposition et les tiers intervenant dans une procédure d'opposition bénéficient en vertu de la règle 1(1) CBE (version en vigueur jusqu'au 31 mai 1991) d'un régime plutôt libéral en ce qui concerne l'utilisation des langues : l'opposant agissant non seulement dans son propre intérêt mais également dans l'intérêt du public, il n'est pas tenu d'adopter la langue de la procédure et peut présenter les pièces et leur traduction, lorsque celle-ci est obligatoire, dans l'une quelconque des langues officielles de l'OEB. Le délai imparti pour produire la traduction visée à l'article 14(4) CBE est d'un mois à compter du dépôt de la pièce dans la langue étrangère et peut être prorogé, s'il y a lieu, jusqu'à l'expiration du délai d'opposition ou de recours si la pièce en question est un acte d'opposition ou un recours (règle 6(2) CBE).

Les conséquences de la production tardive de la traduction d'une pièce telle que l'acte d'opposition qui n'est pas comprise dans les autres pièces de la demande de brevet européen sont clairement précisées à l'article 14(5) CBE : "si une pièce qui n'est pas comprise dans les pièces de la demande de brevet européen n'est pas produite dans la langue prescrite par la présente convention ou si une traduction requise en application de la présente convention n'est pas produite dans les délais, la pièce est réputée n'avoir pas été reçue".

Autrement dit, les dispositions libérales précitées relatives à la langue dans laquelle les pièces peuvent être produites ne permettent pas de dépasser le délai fixé à la règle 6(2) CBE pour la production de la traduction d'une pièce, grâce à l'application par exemple de la procédure visée à la règle 56(2) CBE, comme le suggère la requérante.

Dans la présente espèce, l'opposition au brevet européen tel que délivré a été formée en néerlandais le 29 mai 1986, et la traduction en anglais de l'acte d'opposition a été produite le 26 septembre 1986, c'est-à-dire après l'expiration du délai d'un mois prévu par la règle 6(2) CBE et du délai de neuf mois prescrit par l'article 99(1) CBE, ce qui, conformément à l'article 14(5) CBE, a pour conséquence juridique que l'acte d'opposition doit être réputé n'avoir pas été reçu (cf. à cet égard la décision T 323/87 (JO OEB 1989, 343) rendue dans une affaire analogue).

5. S'écartant de la décision attaquée, qui avait rejeté l'opposition comme irrecevable, et des instructions données au point D-IV, 1.2.2.1b) des Directives relatives à l'examen, qui dans une affaire comme la présente exigent l'application des dispositions de la règle 56(1) CBE régissant l'irrecevabilité, la Chambre considère que la règle 56(1) n'est pas applicable lorsque - comme dans la présente espèce - l'acte d'opposition doit être réputé ne pas avoir été reçu, si bien que, l'opposition n'ayant pas été formée, il n'était pas possible d'examiner sa recevabilité conformément à la règle 56 CBE.

6. Puisqu'il découle de ce qui précède que ni la règle 56(1) ni la règle 56(2) ne pouvaient être appliquées en l'espèce, les arguments développés à cet égard par la requérante (cf. points IV, VI et VIII de la présente décision) n'ont plus d'objet, et n'ont donc pas à être examinés en détail.

7. Du fait que l'acte d'opposition est réputé n'avoir pas été reçu et que par conséquent il n'a pas été formé d'opposition, la taxe d'opposition a été payée sans motif et doit donc être remboursée.

8. Enfin, la Chambre rejette la demande de l'intimée visant à faire supporter les frais de la procédure orale par la requérante.

Eu égard à l'article 104(1) CBE, la Chambre estime qu'en l'espèce, il n'y a pas lieu pour des raisons d'équité de procéder à une telle répartition des frais, l'intimée n'ayant par ailleurs pas fourni de preuves pouvant justifier une telle répartition. La Chambre ne peut considérer qu'il a été fait un usage abusif du droit à la tenue d'une procédure orale reconnu à toute partie en vertu de l'article 116(1) CBE.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit :

1. La décision attaquée est annulée.

2. L'opposition formée par la requérante est réputée n'avoir pas été reçue.

3. La taxe d'opposition payée par la requérante doit être remboursée.

4. La requête en répartition des frais est rejetée.

5. L'affaire est renvoyée à la première instance pour poursuite de la procédure.

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