European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:1989:T008187.19890124 | ||||||||
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Date de la décision : | 24 Janvier 1989 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0081/87 | ||||||||
Numéro de la demande : | 82100124.5 | ||||||||
Classe de la CIB : | C12N 15/00 | ||||||||
Langue de la procédure : | EN | ||||||||
Distribution : | |||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | - | ||||||||
Nom du demandeur : | Collaborative | ||||||||
Nom de l'opposant : | - | ||||||||
Chambre : | 3.3.02 | ||||||||
Sommaire : | Aux termes de l'article 87 (1) CBE, il n'est possible de jouir d'un droit de priorité pour une demande de brevet européen que s'il s'agit de la même invention que celle qui était exposée dans la demande antérieure. L'objet des revendications de la demande européenne doit donc se dégager clairement de l'ensemble des pièces de la demande antérieure. Il n'est pas nécessaire que le libellé soit identique. Pour pouvoir donner naissance à un droit de priorité, les éléments essentiels, c'est-à-dire les caractéristiques de l'invention, doivent, dans le document de priorité, soit être divulgués expressément, soit ressortir directement et sans ambiguïté du texte tel que déposé. Les éléments manquants dont on constate plus tard seulement qu'ils sont essentiels ne font donc pas partie de la divulgation. | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : | |||||||||
Mot-clé : | Priorité - caractéristiques essentielles manquantes Priorité - identité de l'invention dans la demande antérieure et dans la demande ultérieure Exposé suffisant incluant de futures inventions Nouveauté - divulgation permettant d'exécuter l'invention |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 82 100 124.5, déposée le 8 janvier 1982 et publiée le 11 août 1982 sous le n° 57 350, revendiquant la priorité de demandes antérieures en date du 16 janvier et du 1er décembre 1981 (US-225 717 et 325 481), a été rejetée le 13 octobre 1986 par décision de la division d'examen de l'Office européen des brevets. Cete décision a été rendue sur la base des revendications 1 à 27 de la requête principale et 1 à 15 de la requête subsidiaire. Les revendications 1, 2, 3 et 22 de la requête principale s'énonçaient comme suit :
1. Cellule vivante transformable appartenant au groupe composé de champignons, de levures, de bactéries et de cellules de mammifères, et contenant un matériel génétique dérivé d'un ADN recombinant et capable d'exprimer la rennine bovine.
2. Cellule vivante transformable appartenant au groupe composé de champignons, de levures, de bactéries et de cellules de mammifères, et contenant un matériel génétique dérivé d'un ADN recombinant et capable d'exprimer la préprorennine bovine.
3. Cellule vivante transformable appartenant au groupe composé de champignons, de levures, de bactéries et de cellules de mammifères, et contenant un matériel génétique dérivé d'un ADN recombinant et capable d'exprimer la prorennine bovine.
22. ADN recombinant codant pour une séquence signal d'un polypeptide et ayant la séquence nucléotidique et la séquence polypeptidique codant pour ledit polypeptide ATG AGG TGT CTC GTG GTG CTA CTT GCT GTC TTC GCT CTC TCC CAG GGC MET ARG CYS LEU VAL VAL LEU LEU ALA VAL PHE ALA LEU SER GLN GLY.
II. La demande a été rejetée au motif notamment que vu la divulgation faite dans le document EP-A-77 109 (Unilever) (document (1)) et eu égard aux dispositions de l'article 54 (3) CBE, l'objet des revendications 1, 2 et 3 de la requête principale n'était pas nouveau en ce qui concerne les bactéries. Selon cette décision, cette demande subséquente ne pouvait revendiquer la priorité de la première demande, en date du 16 janvier 1981, l'exposé de l'invention dans cette demande étant incomplet et insuffisant. En effet, aucun des phages décrits dans ladite demande ne contenait la séquence nucléotidique complète de la préprorennine. Etant donné que le document (1) revendiquait à bon droit une priorité en date du 14 octobre 1981, date antérieure à la seconde date de priorité revendiquée par le demandeur (1er décembre 1981), et qu'il divulguait l'expression de la préprorennine, de la prorennine et de la rennine, il détruisait la nouveauté des revendications précitées.
Un autre motif invoqué pour le rejet était que les revendications 1, 2 et 3 ne se fondaient pas sur la description, qui ne donnait des exemples d'utilisation que pour les cellules des espèces Escherichia et Saccharomyces. Vu qu'il n'était pas fourni assez de renseignements sur la manière d'obtenir l'expression dans différents hôtes, la description était insuffisante au regard des dispositions de l'article 83 CBE, et les revendications étaient dépourvues de fondement au sens de l'article 84 CBE. Par ailleurs, les revendications 22 et 23 de la requête principale étaient elles aussi inadmissibles au regard de l'article 84 CBE en raison de leur incohérence (cf. point 4.2 des motifs de la décision de rejet).
Les requêtes subsidiaires ont été rejetées pour des motifs similaires.
III. Le 12 décembre 1986, un recours a été formé contre cette décision, et la taxe correspondante a été acquittée. Un mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 10 février 1987, et des explications supplémentaires ont été soumises le 24 avril 1987. Dans une notification, la Chambre a cité une autre demande en instance, à savoir la demande EP-A-68 691 (Celltech) (document (2)). Dans sa réponse, le requérant a produit des moyens et preuves supplémentaires sous la forme de quatre déclarations faites sous serment. Auparavant, Unilever avait présenté des observations au titre de l'article 115 (1) CBE ; ces observations ont été notifiées au requérant. Une procédure orale s'est déroulée le 12 octobre 1988. Le requérant a soumis à titre de requête principale un nouveau jeu de revendications 1 à 24 remplaçant le jeu de revendications précédent, et a produit à titre de requête subsidiaire deux autres jeux de revendications.
IV Dans ses conclusions et au cours de la procédure orale, le requérant a essentiellement développé les arguments suivants :
a) C'est à tort que la division d'examen a considéré que l'autre demande également en instance qui avait été citée (document (1)) se fondait sur le dépôt à la date de la priorité revendiquée de micro-organismes contenant des plasmides adéquats. En fait, les micro-organismes n'ont été déposés que bien plus tard, à savoir en mai et en septembre 1982. Aussi la priorité du 14 octobre 1981 ne pouvait-elle être reconnue au document (1), c'était au contraire la demande en litige qui détruisait la nouveauté du document (1).
b) S'agissant de savoir si le premier document de priorité invoqué par le requérant exposait suffisamment l'invention revendiquée, il a été allégué que les caractéristiques essentielles avaient toutes pu être retrouvées dans ce document. De fait, dans ce domaine ce document était le premier à suggérer l'utilisation de la préprorennine pour obtenir les autres précurseurs. Il avait été indiqué à juste titre que la préprorennine comptait 16 acides aminés de plus que la structure de la prorennine connue et il avait été signalé que la séquence d'ADN correspondante contenait 48 nucléotides supplémentaires (cf. page 5).
c) La description du procédé d'obtention des phages nécessaires contenant la séquence de la préprorennine était suffisante pour permettre à l'homme du métier de reproduire l'invention. Les experts auteurs des déclarations sous serment avaient attesté qu'ils n'auraient eu aucune difficulté à obtenir la préprorénnine et ses dérivés sur la base de la divulgation contenue dans le premier document de priorité. Au cas où les phages obtenus n'auraient contenu que des fragments de la séquence complète, il aurait suffi à l'homme du métier de faire appel à ses connaissances générales pour pouvoir séquencer les fragments, déterminer les sites de restriction communs et recombiner les différentes parties de manière à obtenir le gène complet désiré. Bien que cela n'ait été fait effectivement que plus tard, l'homme du métier aurait parfaitement su comment faire face à de telles situations.
IV. Le requérant a conclu à l'annulation de la décision attaquée et à la délivrance d'un brevet sur la base des jeux de revendications suivants, tous soumis au cours de la procédure orale :
revendications 1 à 24 de la requête principale ou, à titre subsidiaire, revendications 1 à 16 de la première requête subsidaire, ou revendications 1 à 16 de la seconde requête subsidaire.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
Modifications (article 123 (2) CBE)
(...)
Exposé suffisant de l'invention, clarté et fondement sur la description (articles 83 et 84 CBE)
4. S'agissant de l'utilisation de cellules de diverses origines selon les revendications 1 et 2, il est à plusieurs reprises souligné dans la description que ce sont des cellules qui doivent permettre d'exprimer des protéines. Il était connu, à la date de dépôt, que non seulement des cellules bactériennes, mais aussi divers champignons, par exemple des cellules de levure, convenaient à cette fin. La description elle-même mentionne à ce propos diverses souches Escherichia et Saccharomyces préférées. Aussi les termes utilisés dans les revendications ne sont-ils pas formellement parlant sans fondement dans la description, puisqu'il ne serait pas équitable de limiter les revendications aux souches citées à titre d'exemple dans la description, en excluant celles qui pourraient être utilisées à l'avenir. Pour l'homme du métier, il ressort implicitement de l'exposé de l'invention que les seuls organismes cellulaires utiles sont ceux capables d'exprimer les protéines désirées (cf. décision T 292/85, "Expression polypeptidique/GENENTECH I", 27 janvier 1988, point 3.1 des motifs, JO 7/1989, 275, s.).
A cet égard, l'exposé de l'invention dans la demande européenne n'est donc pas insuffisant ni dépourvu de fondement au regard des articles 83 et 84 CBE.
Priorité (articles 87 et 88 CBE)
5. Les revendications 1 et 2 du jeu principal concernent une cellule vivante transformable contenant un matériel génétique qui est notamment "capable d'exprimer la préprorennine bovine" ou la "prorennine". Etant donné qu'en ce qui concerne la nouveauté, il a été opposé au requérant d'autres demandes européennes également en instance, il est nécesaire de déterminer la date de priorité la plus ancienne sur laquelle ces revendications peuvent se fonder.
6. Aux termes de l'article 87 CBE, il n'est possible de bénéficier d'un droit de priorité pour une demande de brevet européen que s'il s'agit de la même invention que celle qui était exposée dans la demande antérieure. L'objet des revendications de la demande européenne doit donc se dégager clairement de l'ensemble des pièces de la demande antérieure. Il n'est pas nécessaire que le libellé soit identique (cf. décision T 184/84, Cristal de ferrite/NGK Insulators", 4 avril 1986). Toutefois, s'il manque dans la demande antérieure un élément essentiel de l'invention pour laquelle un brevet européen est demandé, il n'existe pas de droit de priorité.
Il s'agit donc de savoir, dans la présente espèce, quels éléments essentiels, c'est-à-dire quelles caractéristiques de l'invention sont revendiquées dans la demande de brevet européen, et si ces caractéristiques sont exposées ou non dans les différents documents de priorité (cf. article 88(4) CBE).
7. Même si la revendication 1 ne définit le matériel génétique de départ que comme un matériel dérivé d'un ADN recombinant et capable, comme indiqué, d'exprimer la préprorennine, par exemple, dans un hôte bactérien, bon nombre de caractéristiques sont contenues implicitement dans cette définition. Par exemple, le matériel génétique doit par ailleurs contenir les éléments nécessaires à de telles fins. La revendication du matériel de départ lui-même, un plasmide nouveau, se fonde sur la description dans la demande européenne en cause d'un procédé spécifique. Cette caractéristique n'étant évoquée dans le document de priorité que par la référence qui y est faite à un tel procédé de préparation, il conviendrait d'examiner si tous les constituants essentiels de cette caractéristique se fondent ou non pleinement sur le texte du document de priorité. Il n'existait pas de procédé de synthèse fiable pour produire un ADN donné permettant d'obtenir la prorennine, composé connu par ailleurs, et à plus forte raison pour obtenir la préprorennine, dont la composition était inconnue à la date de priorité. Les gènes nécessaires ne peuvent donc être définis et exposés que par leur mode particulier de préparation, lequel constitue donc implicitement une caractéristique de ces précurseurs ADN, et donc des inventions se fondant sur eux.
8. Le procédé utilisé pour obtenir le gène requis de la préprorennine, puis le plasmide approprié, comporte les étapes classiques suivantes : préparation d'une population d'ARN messagers isolés à partir d'un tissu spécifique, préparation de sondes d'ADN convenant pour l'hybridation avec au moins une partie de l'ARN messager désiré, criblage de la population d'ARN messagers par les sondes d'ADN correspondantes, préparation de l'ADN complémentaire au moyen de la transcriptase inverse à partir des divers ARN messagers, clonage des fragments d'ADN complémentaire obtenus dans des vecteurs et sélection des vecteurs susceptibles de porter les fragments d'ADN complémentaire. Après avoir analysé ces vecteurs, par exemple au moyen d'une enzyme de restriction ou par analyse de la séquence d'ADN, il est possible de prendre les mesures supplémentaires nécessaires pour recloner le fragment d'ADN complémentaire dans un vecteur d'expression, si ce fragment d'ADN complémentaire présente déjà le gène désiré, ou pour combiner les fragments d'ADN complémentaires de différents clones s'il apparaît qu'aucun des clones sélectionnés ne contient le gène complet et insérer ensuite le gène complet dans un vecteur d'expression portant tous les éléments génétiques supplémentaires nécessaires pour exprimer effectivement le polypeptide désiré.
9. Toutefois, il ressort clairement de la divulgation contenue dans la demande européenne en cause, ainsi que des demandes également en instance qui ont été citées, que les précurseurs génétiques de la rennine ne pouvaient être obtenus directement, mais devaient dans des étapes supplémentaires être combinés à partir des fragments disponibles. Il est possible que cela soit dû à la taille des molécules et aux inévitables fragmentations. Il est précisé dans la demande européenne en cause qu'aucun des clones obtenus ne portait le gène complet de la préprorennine. Au contraire, le phage recombinant 293-207 contenait un insert portant la séquence allant du nucléotide 1 au nucléotide 1360 au moins, à l'exception des nucléotides 848 à 961, qui sont supprimés, alors que le phage 293-118/37 ne contenait qu'un insert portant la séquence allant du nucléotide 229 au nucléotide 1460. Il a fallu couper et combiner des parties des phages 293-207 et 293-118/37, après identification de leurs constituants structuraux utiles, pour pouvoir préparer le gène complet permettant l'expression de la préprorennine. Ce n'est qu'après ces étapes que la méthode a permis d'obtenir, par exemple, le gène de la prorennine.
Recombiner certains fragments taillés sur mesure de différents clones est donc, implicitement, un élément essentiel de l'invention telle que revendiquée.
10. Le requérant a reconnu que lorsqu'il avait déposé la demande qui était devenue son premier document de priorité, il n'avait pas encore réalisé dans la pratique son idée de préparer la prorennine ou la rennine en utilisant la technique de l'ADN recombinant. Par exemple, l'étape caractéristique consistant à combiner divers clones d'une certaine manière n'avait apparemment pas encore été envisagée et son intérêt n'avait pas encore été perçu. Au contraire, dans la description contenue dans le premier document de priorité, il est allégué carrément que le phage 293- 207 contient déjà la "séquence complète de la préprorennine" (p. 17, lignes 16 et 17 du document US-225 717) (cf. également indications données à la page 17, lignes 21 et 22), sans qu'il soit signalé qu'en réalité ce n'était pas le cas ou qu'il se pourrait que ce ne soit pas le cas. De surcroît, certaines étapes essentielles du procédé situées plus en aval, comprenant le reclonage et la sélection du vecteur approprié, autrement dit la bonne méthode parmi de nombreuses possibilités, manquaient également dans l'exposé du procédé et, partant, du produit pouvant être obtenu de cette manière. En réalité, le premier document de priorité n'évoquait pas ces étapes essentielles, et ne mentionnait donc pas certaines caractéristiques fondamentales.
11. En effet, alors que la présentation du procédé était complète jusqu'à la description de l'isolement des phages 293-207 et 293-118/37, dans la suite de l'exposé, qui se fondait sur ce qui peut être considéré comme un aperçu général de la méthode classique, il n'était pas révélé certaines caractéristiques inattenduer propres au procédé d'obtention du gène de la préprorennine.
L'homme du métier qui entreprend de mettre en oeuvre cette méthode classique dans ce domaine spécifique que constitue la technique de l'ADN recombinant risque d'être confronté à bon nombre de difficultés, selon qu'il existe ou non par exemple des précurseurs du gène désiré ou des séquences de bases permettant d'utiliser des enzymes de restriction en vue de couper l'ADN aux sites appropriés, etc. Ainsi, chaque gène à préparer par les techniques de l'ADN recombinant soulève des problèmes spécifiques qui, dans ce procédé complexe, ne peuvent être résolus que pas à pas, chaque étape vers la solution dépendant de la reconnaissance de la situation découlant de l'analyse des résultats de l'étape précédente. L'argument selon lequel l'homme du métier complèterait la divulgation en faisant appel à ses connaissances générales de base pour pouvoir la mettre en pratique, même en cas de difficultés, ne peut être invoqué lorsqu'il s'agit d'une caractéristique de la définition de l'invention, et que cette caractéristique manque, n'a pas été envisagée par l'inventeur et n'est pas suggérée par la description. Ajouter cette caractéristique a posteriori reviendrait à altérer le caractère même de l'invention telle qu'elle a été divulguée aux fins de priorité. Pour cette raison, la preuve produite par le requérant à l'appui de sa revendication de priorité n'est pas concluante du fait qu'une caractéristique fondamentale n'y est pas mentionnée.
12. Bien qu'il ne soit pas nécessaire que le libellé soit identique, comme indiqué au point 6 ci-dessus, la Chambre estime que, pour pouvoir donner naissance à un droit de priorité, les éléments essentiels, c'est-à-dire les caractéristiques de l'invention, doivent, dans le document de priorité, soit être divulgués expressément, soit ressortir directement et sans ambiguïté du texte tel que déposé. Les éléments manquants dont on constate plus tard seulement qu'ils sont essentiels ne font donc pas partie de la divulgation. Il n'est pas possible à cet égard de combler a posteriori les lacunes que constitue l'absence d'éléments essentiels en faisant appel à des connaissances acquises plus tard. Le système des revendications de priorité pourrait en effet donner lieu à des abus si on permettait à certains de supplanter leurs concurrents par un exposé qui ne donne que de simples espoirs, et passe entièrement sous silence la caractéristique cruciale de l'invention. Ce caractère crucial était particulièrement manifeste s'agissant des caractéristiques nécessaires d'un procédé de préparation du gène de la prorennine qui ne sont pas comprises dans l'état de la technique, et qui ne peuvent être rendues accessibles que par le procédé selon l'invention.
13. En conclusion, le premier document de priorité ne divulgue pas, comme il le devrait, toutes les caractéristiques cruciales de l'invention revendiquée. Celles-ci n'apparaissent que dans le second document de priorité et dans la demande européenne.
Nouveauté (article 54 (3) et (4) CBE)
14. Eu égard aux conclusions tirées ci-dessus, les revendications 1 et 2 ne peuvent se prévaloir que de la seconde date de priorité, et leur nouveauté peut donc être affectée par la divulgation faite dans le document (1) du 13 octobre 1982, qui revendiquait une priorité en date du 14 octobre 1981.
La division d'examen a estimé que le document (1) pouvait à bon droit bénéficier de la date de priorité du 14 octobre 1981, puisqu'il était raisonnable de penser que les micro-organismes et les plasmides mentionnés dans la demande européenne correspondante étaient "identiques aux micro-organismes et aux plasmides mentionnés dans le document de priorité". Selon elle, les deux descriptions étaient "presque identiques".
15. Il convient d'examiner quels éléments divulgués dans le premier document dont le document (1) revendique la priorité pourraient être interprétés comme rendant dans la présente espèce les inventions accessibles à l'homme du métier (art. 54 (2) CBE). Indépendamment de la question de la priorité (comme l'a expliqué une chambre de recours dans l'affaire T 206/83, "Herbicides/ICI", JO OEB 1987, 5), tout document cité au titre de l'article 54 (2) et (3) CBE doit, pour pouvoir détruire la nouveauté d'une demande plus récente, exposer l'invention de manière à permettre à l'homme du métier de l'exécuter. Comme il est également expliqué dans la même espèce, cette exigence concernant le caractère suffisant de l'exposé de l'invention est la même que celle visée à l'article 83 CBE (cf. JO 1987, 9, point 2). En d'autres termes, le document cité doit exposer l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
16. Or, dans la décision attaquée dans la présente espèce, rien n'indique que la division d'examen a examiné la question de savoir si le document (1) satisfaisait à une telle exigence. A ce sujet, il convient tout particulièrement de noter que les micro- organismes dont il est question dans le document (1) n'ont été déposés qu'en mai et en septembre 1982, soit bien plus tard que la date de dépôt de la demande dont le document (1) revendique la priorité. Il est difficile de savoir si la division d'examen avait connaissance de ce fait lorsqu'elle a considéré que le document (1) détruisait la nouveauté de l'invention et, dans l'affirmative, si elle y a attaché une quelconque importance, ou si au contraire elle a estimé que le document de priorité revendiqué par le document (1) suffisait en tant que tel à détruire la nouveauté.
17. Le document (1) expose dans leurs grandes lignes toutes les étapes nécessaires pour obtenir les produits finaux désirés, y compris la préprochymosine, autre appellation de la préprorennine. Il est courant dans la méthode classique d'isoler et de construire des précurseurs ou des substances intermédiaires. Les divers modes de préparation d'un grand nombre de plasmides contenant au moins une partie d'un gène désiré sont chacun mentionnés par leur nom et un numéro suivi d'un schéma de construction. Il est douteux que les plasmides initiaux soient accessibles au public vu l'absence de références à ce sujet. Il n'est pas fourni de détails sur les expériences qui auraient pu être faites en ce qui concerne la mise en oeuvre réelle des étapes requises.
18. Dans le document (1), l'exposé de la méthode indiquée comporte de nombreuses références à d'autres publications, ce qui laisse entendre non seulement qu'il y aurait lieu d'appliquer des méthodes suggérées ailleurs, sans que soient précisées exactement les adaptations et les modifications qui seraient nécessaires pour que ces méthodes réussissent dans la situation qui vaut pour le procédé donné. Or c'est particulièrement important dans un domaine où la reproduction du procédé implique inévitablement des variations et des écarts, et le fait que l'on connaisse un modèle étayé par des faits d'expérience pourrait faciliter les rectifications à apporter à la méthode. La composition exacte des chaînes plasmidiques indiquées n'est pas définie avec précision. Bien qu'en théorie il ne soit peut-être pas absolument impossible d'exécuter l'invention à partir des indications fournies dans le document (1), il ne faut pas oublier que pour pouvoir détruire la nouveauté, une antériorité doit, selon la pratique constante suivie par l'OEB en la matière, permettre à l'homme du métier d'exécuter l'invention sans difficulté excessive. Dans ces conditions, pour que l'on puisse considérer qu'une invention a été rendue accessible au public comme faisant partie de l'état de la technique au sens de l'article 54 CBE, il peut être exigé que la possibilité de mise en pratique réelle de l'invention soit démontrée et que l'antériorité en question fournisse au public des instructions détaillées à ce sujet.
19. Les observations que le mandataire du requérant a formulées au sujet du document (1) laissent intact le problème du contenu de cette antériorité au regard de l'article 54 CBE . Toutefois, la Chambre considère qu'elle n'a pas à se prononcer définitivement sur ce point tant que la première instance n'a pas émis un avis argumenté à ce sujet. Elle estime par conséquent que la première instance devrait examiner si la divulgation faite dans le document cité est suffisante.
20. Le document (2) (EP-68 691 Celltech) est une demande, elle aussi en instance, qui a été déposée le 11 juin 1982, donc après la demande européenne en cause, et qui revendiquait la priorité de documents déposés le 17 juin, le 11 novembre et le 1er décembre 1981. Or, la question de savoir si cette demande pouvait ou non revendiquer à bon droit ces dates de priorité a été examinée elle aussi dans le recours en coinstance T 269/87, sur lequel la chambre 3.3.2 a statué ce jour, le 24 janvier 1989. Selon la décision rendue, ces documents de priorité n'ont pas exposé certaines caractéristiques essentielles d'un objet identique à celui qui revêt une importance pour les revendications présentées dans le présent recours, et ils ne pouvaient donc pas donner naissance à un droit de priorité. Dans la présente espèce, la Chambre émet la même opinion et juge en conséquence que le document (2) ne peut être pris en considération.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La décision attaquée rendue par la division d'examen est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la division d'examen pour poursuite de l'examen de la demande sur la base des revendications soumises dans toutes les requêtes présentées au cours de la procédure orale.