T 0038/84 (Oxydation du toluène) of 5.4.1984

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:1984:T003884.19840405
Date de la décision : 05 Avril 1984
Numéro de l'affaire : T 0038/84
Numéro de la demande : 81200269.9
Classe de la CIB : -
Langue de la procédure : EN
Distribution :
Téléchargement et informations
complémentaires :
PDF pas disponible
Les documents concernant la procédure de recours sont disponibles dans le Registre
Informations bibliographiques disponibles en : DE | EN | FR
Versions : OJ
Titre de la demande : -
Nom du demandeur : Stamicarbon
Nom de l'opposant : -
Chambre : 3.3.01
Sommaire : Une amélioration d'importance minime, une fois traduite en termes numériques, apportée à un procédé utilisé commercialement à grande échelle (en l'occurrence une augmentation du rendement de 0,5%) n'en constitute pas moins un problème technique digne d'intérêt, dont il convient de tenir compte pour l'appréciation de l'activité inventive qu'implique la solution telle que revendiquée.
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention 1973 Art 52(1)
European Patent Convention 1973 Art 56
Mot-clé : Activité inventive
Importance du problème technique
Amélioration minime apportée à un procédé utilisé commercialement
Exergue :

-

Décisions citées :
-
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0466/88
T 0332/90
T 0286/93
T 0268/03
T 1451/09

Exposé des faits et conclusions

I. La demande de brevet européen n° 81 200 269.9, déposée le 11 mars 1981 et publiée le 23 septembre 1981 sous le n° 0 036 223, pour laquelle est revendiquée la priorité d'une demande antérieure déposée le 15 mars 1980 aux Pays-Bas, a été rejetée le 21 septembre 1983 par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets, rendue sur la base de sept revendications dont la première (la revendication 1) s'énonce comme suit:

"Procédé de préparation d'un acide benzène-monocarboxylique par oxydation en phase liquide d'un monoalkyl-benzène à l'aide d'un gaz contenant de l'oxygène moléculaire, en présence d'un catalyseur formé par un composé du cobalt et un composé du manganèse, tous deux solubles dans le mélange réactionnel, caractérisé en ce que le rapport du nombre d'atomes de manganèse au nombre d'atomes de cobalt est compris entre 1 : 500 et 1 : 100 000."

II. La demande a été rejetée au motif que pour l'homme du métier cette méthode était évidente, comme découlant de la combinaison des documents FR-A-2 107 340 (document n° 1) et EP-A-2 749 (document n° 2).

Le document n° 1 décrit un procédé de préparation d'acides benzène-monocarboxyliques, dans lequel un mélange formé d'un dialkyl-benzène et d'un monoalkyl-benzène est oxydé en phase liquide à l'aide d'un gaz contenant de l'oxygène moléculaire en présence d'un catalyseur constitué d'un composé du cobalt et d'un composé du manganèse, le catalyseur utilisé présentant cette caractéristique que le rapport du nombre d'atomes de manganèse au nombre d'atomes de cobalt se situe à l'intérieur de la plage revendiquée par l'actuelle revendication 1.

Le procédé revendiqué ne diffère de ce procédé connu qu'en ce qu'il reprend les étapes du procédé utilisé dans le document n° 1 pour la transformation en groupes carboxyliques d'un groupe méthyle de paraxylène et du groupe méthyle du paratoluate de méthyle directement lié au noyau, pour l'oxydation selon la présente demande, dans laquelle le groupe méthyle du toluène ou de dérivés du toluène, tels que les halo-, nitro-, cyano-, tertio alkyl-, alcoxy- et aryloxy-toluènes, est transformé en un groupe carboxylique.

On ne voit pas pour quelle raison l'homme du métier ne pourrait pas utiliser les composés de départ selon la demande en cause dans le procédé connu, d'autant que la préparation des acides benzène-monocarboxyliques par oxydation dans des conditions très semblables de ces dérivés alkyl-benzène avait déjà été exposée dans le document n° 2.

Il est vrai qu'à la page 9, ligne 33 du document n° 1, il est indiqué que le rapport Mn : Co doit de préférence être compris dans la plage 1 : 99 à 90 : 10.

Cependant, à la page 9, ligne 32 et dans la revendication 1 de ce même document n° 1, est indiquée explicitement la possibilité d'utiliser des catalyseurs caractérisés par un rapport Mn : Co compris entre 0,1 : 99,9 et 99 : 1, la plage revendiquée dans ce document se chevauchant avec la plage revendiquée actuellement par la demanderesse.

Pour la Division d'examen, il ressort de la comparaison avec l'état de la technique selon le document n° 1, qui figure à la page 5 de la demande en cause, que l'on n'obtient qu'une différence de rendement insignifiante lorsqu'au lieu d'un catalyseur pour lequel le rapport atomique Mn : Co se situe à l'intérieur de la plage à choisir de préférence selon le document n° 1, on utilise un catalyseur pour lequel ce rapport se situe à l'extérieur de cette plage préférée, mais à l'intérieur de la plage générale exposée et revendiquée dans le document n° 1; cette comparaison ne prouve donc pas de manière absolue que l'objet de la demande en cause implique l'activité inventive voulue, étant donné que toutes les étapes du procédé revendiqué actuellement dans ladite demande découlent d'une manière évidente de l'état de la technique, en particulier dans le cas où les rapports Mn : Co se situent dans cette fraction de la plage qui est commune avec celle divulguée dans le document n° 1.

III. Le 9 octobre 1983, la requérante a formé un recours contre la décision du 21 septembre 1983 et a acquitté la taxe correspondante.

Dans le mémoire exposant les motifs du recours, produit le 12 janvier 1984, la requérante fait observer que l'on peut nettement discerner dans le document n° 1 (FR-A-2 107 340) une tendance à utiliser des catalyseurs pour lesquels le rapport atomique Co : Mn est relativement peu élevé, comme le montre le tableau 1, page 20 : le meilleur résultat est obtenu dans l'exemple n° 4, avec un rendement de 92,6 % pour un rapport atomique Co : Mn égal à 32. Si ce rapport Co : Mn augmente, comme c'est le cas dans les exemples 3, 2 et 1, les rendements obtenus sont plus faibles. La même tendance apparaît dans les tableaux 3, page 21 et 5, page 22. Dans ces tableaux, les rendements les meilleurs sont obtenus lorsque le rapport atomique Co : Mn est respectivement de 9 et de 19.

Dans l'exemple comparatif 2 (tableau 1, page 20 du document n° 1), où ce rapport est égal à 2 500, le rendement obtenu est de 89,1 Cette tendance à éviter les rapports Co : Mn plus élevés mentionnés au paragraphe précédent est encore plus marquée dans cet exemple comparatif 2.

Il est fort douteux que les procédés exposés dans le document n° 1 puissent être comparés avec ceux exposés dans le demande de brevet en cause. La raison en est que dans le procédé selon le document n° 1, les variations de rendement sont beaucoup plus importantes que dans le procédé selon ladite demande, étant donné les différences de réactivité des composés de départ. Néanmoins, si l'on effectue cette comparaison, le rapport atomique Co : Mn dans l'exemple comparatif 2 se situe tout à fait dans la plage à choisir de préférence, dans le procédé selon la demande en cause.

En conséquence, le document n° 1 diffère de la présente invention, qui revendique l'utilisation d'un catalyseur pour lequel le rapport Co : Mn est élevé.

La requérante a demandé par ailleurs le remboursement de la taxe de recours.

Motifs de la décision

1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 de la CBE; il est donc recevable.

2. Dans l'introduction de la description de la demande en cause, il est souligné que dans le procédé selon la demande de brevet n° 7 311 187, déposée aux Pays-Bas, l'acide benzoïque est préparé par oxydation du toluène en l'absence pratiquement d'acide gras inférieur et/ou de composé halogéné et en présence d'un composé du cobalt et d'un composé du manganèse, le rapport en poids du cobalt métallique au manganèse métallique étant inférieur à 99,8 : 0,2, ce qui signifie que le rapport du nombre d'atomes de manganèse au nombre d'atomes de cobalt doit être supérieur à 1 : 466. L'inconvénient de ce procédé est que la sélectivité de la réaction pour former l'acide benzène-monocarboxylique souhaité n'est pas satisfaisante. Il est affirmé que l'invention vise à améliorer cette sélectivité.

Il ressort d'un essai comparatif (a) que l'oxydation du toluène par l'air, en phase liquide et en présence d'un catalyseur soluble pour lequel le rapport Mn : Co est de 1 : 67, permet la récupération de 908 moles d'acide benzoïque pour 1 000 moles de toluène introduites dans la réacteur, au lieu de 913 moles selon l'invention, qui utilise un catalyseur pour lequel le rapport Mn : Co est par exemple de 1 : 1 000 (exemple 2) ou de 1 : 3 300 (exemple 1).

Il n'a pas été tenu compte de cette comparaison pour l'appréciation de l'activité inventive, étant donné que la différence entre les rendements obtenus selon le procédé connu et ceux obtenus selon la demande en cause a été considérée comme insignifiante. N'acceptant pas cette comparaison, la Division d'examen ne pouvait apprécier le problème sur lequel repose ladite demande.

Il est vrai que l'amélioration est faible, mais des améliorations même minimes peuvent refléter l'existence d'un problème technique, notamment lorsqu'il s'agit d'un procédé industriel important pour la production à grande échelle de produits chimiques. L'oxydation catalytique du toluène est le procédé de fabrication d'acide benzoïque le plus important et le plus communément utilisé (voir Enzyklopädie der technischen Chemie, Ullmann, 4??? édition, volume 8, 1974, page 367, colonne de droite). Ce procédé consomme plus de 225 000 tonnes de toluéne par an (voir Kirk-Othmer, Encyclopedia of Chemical Technology, 3??? édition, volume 3, 1978, page 780, deux derniers paragraphes et haut de la page 782). Selon le document FR-A-2 196 317 (document n° 3), qui correspond au document NL-A mentionné ci-dessus, la production d'une seule installation utilisant ce procédé peut atteindre 50 000 tonnes d'acide benzoïque par an (voir page 4, lignes 12 à 15), ce qui est confirmé par Kirk-Othmer (voir la liste figurant au bas de la page 782). Ces chiffres montrent bien qu'une amélioration même minime du rendement obtenu par ce procédé n'en constitue pas moins un problème technique digne d'intérêt sur le plan économique, dont il convient de tenir compte pour l'appréciation de l'activité inventive qu'elle implique.

3. En conséquence, ainsi que l'a déclaré la requérante dans les pièces soumises à la Chambre, il y a lieu de considérer que le problème technique sur lequel se fonde la demande en cause est celui de l'amélioration du procédé d'oxydation catalytique en phase liquide du toluène, en vue d'augmenter le rendement en acide benzoïque.

Pour résoudre ce problème, la demanderesse utilise un catalyseur soluble pour lequel le rapport atomique Mn : Co est compris entre 1 : 500 et 1 : 100 000.

4. Aucune des publications soumises a la Chambre ne fournit de telles indications. Par conséquent, la demande en cause doit être considérée comme nouvelle.

5. Il y a lieu par conséquent d'examiner si l'objet de la demande découle d'une manière évidente de l'état de la technique.

En premier lieu, dans les tableaux 1 et 2 du document n° 3, les chiffres concernant la "sélectivité", c'est-à-dire la quantité d'acide benzoïque formé et de sous-produits pouvant être transformés en cet acide par rapport à la quantité de toluène consommé, ne manquent pas d'être instructifs. La "sélectivité", qui est comparable en gros au rendement en acide benzoïque, dépend du rapport atomique Mn : Co; elle augmente à partir de deux extrêmes, c'est-à-dire pour Mn : Co égal à 1 : 500 environ (tableau 1, essai n° 1-b et tableau 2, essai n° 2-b) d'une part, et pour Mn : Co égal à 19 : 1 environ (tableau 1, essai n° 1-i), ou pour Mn : Co égal à 1 : 1,5 environ, d'autre part (tableau 2, essai n° 2-g), pour meilleurs rendements sont obtenus lorsque le rapport atomique Co : Mn est respectivement de 9 et de 19. Incontestablement, le fait que l'on recommande pour effectuer l'oxydation du monoalkylbenzène mentionné ci-dessus de choisir un rapport compris dans cette plage ne rend pas évident, eu égard au problème concerné, le choix d'un rapport atomique Mn : Co se situant au-delà de 1 : 500 pour effectuer l'oxydation du toluène et de ses dérivés.

6. Dans le document n° 2 est exposé un procédé d'oxydation par l'oxygène, en phase liquide, d'un monoalkylbenzène tel que le toluène, en présence d'un catalyseur formé par une combinaison d'un composé du cobalt et d'un composé du manganèse (voir revendications 1 et 3, page 2, lignes 17 à 25 et page 7, lignes 11 à 15). L'amélioration du rendement recherchée par ce procédé est obtenue grâce à l'utilisation en petite quantité d'un acide monocarboxylique aliphatique inférieur (voir revendication 1, page 4, paragraphes 1 et 3). Cet effet est particulièrement mis en évidence dans l'oxydation de l'orthochlorotoluène (tableaux 1 à 4) et du toluène (tableau 2). Pour les catalyseurs utilisés dans les exemples, les rapports Mn : Co se situent entre deux extrêmes, à savoir 1 : 50 (exemples 1 à 6, 11, exemples comparatifs 1 à 4), et 3 : 1 (exemple 12). Il ressort de tous ces exemples que le rendement varie en fonction de la quantité et de la concentration de l'acide monocarboxylique aliphatique ajouté, et en outre de la teneur en accélérateur de réaction incorporé (Br), mais on ne peut en déduire, faute d'une comparaison véritable, que le rapport atomique à l'intérieur du catalyseur lui-même a une influence sur le rendement. Ceci vaut également pour les exemples 11 et 12 dans lesquels la quantité d'acide acétique, la pression et la température de réaction, ainsi que le débit d'air sont partout les mêmes, le temps de réaction étant similaire (respectivement 4 heures et 4 heures et demie). Mais étant donné que les concentrations en cobalt et en brome sont nettement différentes, l'amélioration du rendement en acide benzoïque (exemple 11 : 95,5) ne peut être attribuée au fait que le rapport atomique Mn : Co passe de 3 : 1 (exemple 12) à 1 : 50 (exemple 11).

Par conséquent, l'homme du métier ne pouvait conclure de l'état de la technique que le problème posé par la demanderesse pouvait être résolu par l'utilisation d'un catalyseur pour lequel le rapport atomique Mn : Co se situe à l'intérieur de la plage revendiquée.

7. Il résulte ce qui précède que les motifs invoqués pour le rejet ne prouvent pas le bien-fondé de la décision qui fait l'objet du présent recours. Toutefois, la délivrance du brevet demandé n'est pas encore possible à l'heure actuelle, car un certain nombre de questions restent encore à résoudre. En premier lieu, il convient de savoir si l'effet mis en évidence avec les catalyseurs pour lesquels le rapport atomique Mn : Co est le même que dans les exemples 1 et 2 est obtenu de manière crédible, c'est-à-dire sans qu'il soit nécessaire de recourir à de nouvelles preuves, pour l'ensemble de la plage revendiquée, y compris pour un rapport Mn : Co égal à 1 : 100 000. De plus, il faut voir si l'amélioration du rendement mise en évidence dans l'oxydation du toluène est également constatée dans l'oxydation de ses dérivés (voir page 2, lignes 17 à 21). Si tel est le cas, une autre question se pose : l'importance de l'amélioration peut-elle être considérée, tout comme dans l'oxydation du toluène, comme un problème technique, et convient-il par conséquent d'apprécier de ce point de vue le caractère évident ou non de la solution qui lui est apportée? Ces questions importantes n'ont pas encore été posées par la Division d'examen qui est l'autorité compétente au premier chef pour procéder à une telle investigation.

8. Il n'existe aucune raison d'accorder à la requérante le remboursement de la taxe de recours qu'elle a demandé. La Chambre estime qu'il n'y a pas eu vice substantiel de procédure justifiant le remboursement.

DISPOSITIF

Par ces motifs, il est statué comme suit:

1. La décision faisant l'objet du recours est révoquée.

2. L'affaire est renvoyée devant la Division d'examen pour poursuite de la procédure.

3. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.

Quick Navigation