T 1239/22 () of 27.9.2024

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2024:T123922.20240927
Date de la décision : 27 Septembre 2024
Numéro de l'affaire : T 1239/22
Numéro de la demande : 15158933.0
Classe de la CIB : B44C 1/22
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Procédé de décoration d'un élément d'horlogerie et élément horloger obtenu par un tel procédé
Nom du demandeur : ROLEX SA
Nom de l'opposant : ICB Ingénieurs Conseils en Brevets SA
Chambre : 3.2.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54(1)
European Patent Convention Art 56
European Patent Convention Art 100(a)
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 012(3)
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 012(5)
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 013(1)
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 013(2)
Mot-clé : Nouveauté (non : revendication 9 du brevet)
Activité inventive (non : revendication 1 du brevet)
Admission des requêtes subsidiaires 1 à 14 (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0003/14
T 1646/12
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. L'opposante a formé un recours contre le rejet de son opposition contre le brevet européen n° 3 067 220 (ci-après « le brevet ») par la division d'opposition.

II. De l'art antérieur pris en considération par la division d'opposition, seuls les documents D1

(WO 2013/135703 A1), D8 (Revue « Le Quai de

l'Hor­loge », N°1, décembre 2011, publiée par la société Montres Breguet SA) et D9 (Revue Photoniques, N°60, juillet-août 2012) ont été décisifs pour le recours.

La division d'opposition a décidé de ne pas admettre, entre autres, les documents suivants :

D7.1 Extrait de G. Berner, Dictionnaire professionnel

illustré de l'horlogerie (réédition de 1988)

D17 décision T 2258/10

D18 Extrait de L.E. Samuels, Metallographic

Polishing, 4e édition (2003)

D19 A.Y. Vorobyev et al., « Colorizing metals with

femtosecond laser pulses », Appl. Phys. Lett.

92, 2008, 041914-1-3

D20 Jianwu Yaoa et al., « Selective appearance of

several laser-induced periodic surface structure

patterns on a metal surface ... », Applied

Surface Science 258, 2012, 7625-7632

D21 D. N. Antonov et al, « Coloration of a Metal

Surface under Pulsed Laser Irradiation »,

Technical Physics, 2014, 59(10), 1503-1505

D22 Extraits de Robert Lévêque, Traitements et

revêtements de surface des métaux, L'Usine

Nouvelle, 2013, Dunod, Paris

III. Ensemble avec sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, la titulaire du brevet (« l'intimée ») a déposé vingt-cinq requêtes subsidiaires et un document D37 (lettre en date du 16 janvier 2023). Ce document a été soumis en tant que preuve de l'utilisation du verbe « structurer » dans le cadre de reliefs, c'est-à-dire un sujet qui ne s'est pas avéré décisif pour la décision de la chambre.

La requérante a répondu aux arguments de l'intimée par une lettre en date du 31 mai 2023.

IV. Une première procédure orale devant la chambre s'est tenue le 21 juin 2024. En amont de cette procédure orale, une première notification selon l'article 15(1) RPCR avait été émise par la chambre le 23 avril 2024. La requérante a réagi à cette notification par lettre en date du 17 juin 2024.

Lors de la procédure orale, la requête principale (brevet tel que délivré) a été discutée. Par rapport à cette requête, la chambre a conclu, entre outre, que l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré n'impliquait pas d'activité inventive au vu de la combinaison des documents D8 et D1, et que l'objet de la revendication 9 n'était pas nouveau par rapport au document D8. Avant la clôture de la procédure orale, qui devait être ajournée à cause de l'heure avancée, le Président a clos les débats par rapport à la requête principale et a annoncé que les parties seraient citées à une seconde procédure orale.

V. Le 1er juillet 2024, la chambre a envoyé une seconde notification selon l'article 15(1) RPCR en préparation de la seconde procédure orale.

VI. Par lettre en date du 9 août 2024, l'intimée a déposé treize nouvelles requêtes subsidiaires additionnelles et deux documents désignés « D33 » et « D34 » par elle. La requérante a répondu par une lettre en date du 26 septembre 2024.

VII. La seconde procédure orale devant la chambre a eu lieu le 27 septembre 2024.

VIII. Au cours de cette procédure orale, l'intimée a retiré les vingt-cinq requêtes subsidiaires déposées avec sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, tout en maintenant les treize requêtes en tant que requêtes subsidiaires telles qu'elles avaient été déposées avec la lettre du 9 août 2024, et a soumis un jeu de revendications d'une quatorzième requête subsidiaire.

IX. La requérante (opposante) a requis l'annulation de la décision objet du recours et la révocation du brevet. Elle a par ailleurs demandé à la chambre de ne pas admettre les requêtes subsidiaires de l'intimée.

Elle a également requis le remboursement de la taxe de recours pour défaut de motivation de la déci­sion contestée et violation du droit d'être entendu.

X. L'intimée (titulaire du brevet) a requis le rejet du recours. A titre subsidiaire, elle a requis l'annu­lation de la décision objet du recours et le maintien du brevet sous une forme modifiée, sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 13 déposées par lettre

du 9 août 2024, ou sur la base de la requête subsidiaire 14 déposée pendant la seconde procédure orale devant la chambre.

XI. La revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) est rédigée comme suit (les références pour les caractéristiques utilisées par la chambre ont été ajoutées entre crochets) :

« [1] Procédé de décoration d'un élément horloger, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes :

- [2] Gravage profond (E10) d'une surface à décorer de l'élément horloger par un laser femtoseconde ; et

- [3] Structuration de surface (E20) de ladite surface à décorer de l'élément horloger,

[4] ces deux décorations étant au moins partiellement superposées l'une à l'autre. »

La requête subsidiaire 1 comporte quatre revendications indépendantes. Sa revendication 1 se distingue de la revendication 1 de la requête princi­pale par l'inser­tion des caractéristiques « [6] réalisant des gravures de profondeur supérieure ou égale à 4 µm, voire supérieure ou égale à 8 µm, ou comprise entre 4 et 25 µm » dans l'étape de gravage et par l'insertion des mots « [7] réalisant des reliefs de profondeur moyenne {[8] inférieure ou égale à 0,1 µm, voire inférieure ou égale à 0,3 µm, voire} inférieure ou égale à 1 µm » dans l'étape de structuration. La revendication de produit 7 a été modifiée de manière analogue.

La revendication 11 se distingue de la revendication 1 de la requête principale par la caractéristique supplémentaire selon laquelle « [9] l'étape de structuration de surface (E20) forme des stries qui croisent des gravures formées par l'étape de gravage profond (E10) ». La revendication de produit 12 a été modifiée de manière analogue.

La requête subsidiaire 2 se distingue de la requête subsidiaire 1 en ce que, dans la caractéristique 7, la valeur 1 µm a été remplacée par celle de 0,1 µm (caractéristique 7'), et que la caractéristique 8 a été supprimée.

La requête subsidiaire 3 se distingue de la requête subsidiaire 1 en ce que les revendications 11 et 12 ont été supprimées.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 se distingue de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 en ce que la caractéristique 8 a été supprimée. La revendication indépendante de produit a été modifiée de manière analogue.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 5 se distingue de la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 en ce que la caractéristique 7 a été remplacée par la caractéristique 7'. La revendication indépendante de produit a été modifiée de manière analogue.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 6 se distingue de la revendication 1 de la requête principale par l'ajout de la caractéristique 9. La revendication indépendante de produit a été modifiée de manière analogue.

La requête subsidiaire 7 se distingue de la requête subsidiaire 6 par une modification de la description. Les revendications sont inchangées.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 8 se distingue de la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 par la caractéristique supplémentaire selon laquelle « [10] les stries obtenues par structuration de surface ne modifient de manière visible que la surface à décorer de la pièce laissée intacte suite à la réalisation du gravage profond, sans affecter le fond des gravures formées par l'étape de gravage profond (E10) ». La revendication indépendante de produit a été modifiée de manière analogue.

La requête subsidiaire 9 se distingue de la requête subsidiaire 8 par une modification de la description. Les revendications sont inchangées.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 10 se distingue de la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 par la caractéristique supplémentaire selon laquelle l'étape de structuration « [11] comprend un soleillage, ou un satinage, ou une frappe fine, ou un azurage, ou un perlage, ou un colimaçonnage, ou la réalisation de Côtes de Genève ». La revendication indépendante de produit a été modifiée de manière analogue.

La requête subsidiaire 11 se distingue de la requête subsidiaire 10 par une modification de la description. Les revendications sont inchangées.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 12 se distingue de la revendication 1 de la requête principale par la caractéristique supplémentaire selon laquelle le procédé « [12] comprend une étape intermédiaire (E4) de dépôt d'une couche de métal, notamment un métal malléable, comme l'argent ». La revendication indépendante de produit a été modifiée de manière analogue.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 13 se distingue de la revendication 1 de la requête subsidiaire 12 par le fait que la structuration de surface selon la caractéristique 3 comprend un deuxième usinage et que la couche de métal de la caractéristique 12 est obligatoirement malléable (caractéristique 12'), et par l'ajout des mots « [12b] pour être structuré lors des opérations qui suivent, pour faciliter la réalisation du deuxième usinage ». La revendication indépendante de produit a été modifiée de manière analogue.

La revendication 1 de la requête subsidiaire 14 se distingue de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 par l'ajout de la caractéristique 9. Toutes les revendications de produit ont été supprimées.

XII. L'argumentation des parties concernant les points décisifs pour le recours peut se résumer comme suit :

a) Violation du droit d'être entendu

i) Requérante (opposante)

A la fin de la procédure orale, la division d'opposi­tion a annoncé sa décision de ne pas admettre dans la procédure les documents D7.1 et D17 à D22 déposés par l'opposante. Or, à aucun moment la question de l'admis­sion de ces documents n'a été discutée pendant la procédure orale. La décision a donc été prise par la division d'opposition sans permettre à l'opposante d'être entendue sur la question de l'admission de ces documents pendant la procédure orale. Le droit de l'opposante de formuler des observations a donc été enfreint. Cette violation du droit d'être entendu justifie le remboursement de la taxe de recours.

b) Activité inventive de l'objet de la

revendication 1, partant du document D8

i) Requérante (opposante)

Différences

L'interprétation de l'expres­sion « gravage profond » proposée par la chambre est erronée, car elle se fonde sur une caractéristique de la description. En cas de doute, il convient de donner la primauté au libellé des revendications et de retenir l'interprétation la plus large techniquement raisonnable. Si le gravage pro­fond doit avoir une profondeur minimale de 4 mym, la revendication dépendante 2, qui exige précisément cette valeur, n'a pas de sens. Une revendication indépendante est censée être plus large que les revendications qui en dépendent (voir la décision T 253/20, points 1.3.2, 1.3.3 et 1.3.5 des motifs). La revendication 1 n'impose aucune dimension concernant la profondeur de la gravure. Le fini sablé dont il est question au document D8 est explicitement prévu à la revendication 3 du brevet, et sa profondeur à la reven­dication 4. Le sablage des continents doit être

moins profond que la gra­vure, car sinon, les conti­nents dis­paraîtraient. Même en admettant que la gravure se limite au pourtour des continents, elle a une certaine largeur. À cela s'ajoute le sablage des|FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUEDessin de la requérante|

continents, et les deux se superposent par endroits, comme par exemple dans les zones représentant la Californie (voir le dessin ci-dessus) ou l'Amérique du Nord-Est. L'ombre visible sur les photos du document D8 suggère une dif­fé­rence en hauteur entre les continents et les océans, et ce indépendam­ment de la question de savoir si les photos sont authentiques ou manipulées. La référence à de multiples couches de laque dans le docu­ment D8 con­firme la conclusion. La revendication 1 se distingue donc du document D8 par la seule uti­li­sation d'un laser femtoseconde pour le gravage profond.

Problème technique objectif

Il faut se poser la question de savoir quels effets visuels sont obtenus avec le laser femtosecondes, en considérant par exemple les figures 6 à 8 du brevet. Ces effets n'ont pu être obtenus qu'avec un paramétrage particulier, mais les paramètres sont absents des revendications. Les effets visuels escomptés ne sont donc pas obtenus dans tout le domaine revendiqué. Le problème technique objectif doit alors être reformulé, et ce en faisant abstraction de tout effet esthétique visuel. L'esthétique dont il est question au paragraphe [0027] du brevet ne se réfère pas à des effets visuels. Il s'agit de la qualité du gravage obtenue.

Évidence pour l'homme du métier

L'homme du métier partant du document D8 et cherchant une solution au problème technique objectif aurait considéré le document D1, qui divulgue les avantages du laser femtosecondes lorsqu'on effectue la gravure et la coloration en même temps. La coloration constitue un

« effet bonus ». Cet effet n'aurait pas empêché l'homme du métier d'adopter la solution proposée par le document D1. Page 16, lignes 22ss, confirme que l'homme du métier aurait envisagé l'utili­sation d'un laser femtosecondes, car il évoque « une esthétique adaptée aux exigences de l'horlogerie ». C'est le même genre d'esthétique que celui mentionné au paragraphe [0027] du brevet. Par la suite, le document D1 explique la supériorité des lasers femtosecondes par rapport aux lasers nanosecondes à cet égard. Cela constitue une incitation manifeste à utiliser un laser femtosecondes. Idem pour le document D9, page 48, qui associe des impulsions ultra-courtes à une excellente qualité d'image, sans évoquer la coloration. En page 49, l'utilisation dans le domaine de l'horlogerie est explicitement envisagée.

ii) Intimée (titulaire du brevet)

Différences

Le but des photos du document D8 relève du marketing ; on n'y voit pas forcément les caractéris­tiques tech­niques pertinentes, et les effets photo­graphiques peuvent tromper. À la page 30, il est dit qu'on utilise des lasers pour tracer le pourtour des continents. Il n'est pas dit qu'on aurait une gravure de l'ensemble des océans. Il a un fini sablé sur les « terres émergées », c'est-à-dire les conti­nents et un décor avec une vague guilloché sur les océans. Le document ne fournit pas d'information sur les pro­fondeurs de la gravure, du sablage, etc. On a donc un continent sablé, une gravure qui entoure le continent, et enfin un océan qui n'est pas gravé mais guilloché. Les figures semblent montrer des reliefs, mais il s'agit peut-être d'une impression de relief par des couleurs ou d'un effet de photographie. De toute façon, la profondeur des supposés reliefs n'est pas divulguée. Aucune des caractéristiques de la revendication 1 n'est donc di­vul­guée sans ambi­guïté. La requérante aurait pu fournir des preuves supplémentaires, puisque la maison Breguet appartient au même groupe et qu'elle a accès à des documents techniques concernant cette montre. Quant à l'interprétation des caractéristiques, la prise en compte des définitions de la description par la chambre est correcte. La redondance avec la revendication 2 peut être considérée comme un défaut de clarté, mais cela ne constitue pas un motif d'oppo­sition. Par ailleurs, des alternatives sont proposées dans la revendication 2. Il n'est pas correct que le sablage produit des profondeurs moindres que le gravage ; la différence se situe dans l'état de surface et non pas dans la profondeur. Enfin, le dessin fait par la requé­rante ne montre pas de superposition des décora­tions, car il n'y a pas de sablage dans les gravures laser.

Problème technique objectif

Le problème technique objectif consiste à fournir un procédé de décoration générant un effet esthé­ti­que nouveau et précis.

Évidence pour l'homme du métier

L'homme du métier est un constructeur horloger et non pas un spécialiste des lasers. S'il connaît les lasers femtosecondes, on doit se poser la question de sa motivation. Selon le document D1, le laser femto­secondes est essen­tiel pour former une coloration en noir (cf. page 7, lignes 4 à 30, page 8, lignes 1 à 16, page 14, lignes 9 à 14, page 16, lignes 22 à 25). Il ne s'agit pas d'un effet bonus ; il s'agit de graver en colorant. Le con­texte est différent de l'invention. L'homme du métier partant du document D8 aurait utilisé un laser quelconque. Il n'aurait pas été intéressé par l'aspect colora­tion du laser femtosecondes, puisque le document D8 enseigne déjà l'utilisation de laques pour colorer. La coloration en noir aurait entraîné des complications inutiles.

c) Nouveauté de l'objet de la revendication 9 au vu du document D8

i) Requérante (opposante)

L'utilisation d'un laser femtosecondes n'a pas d'effet

structurel sur l'élément horloger. Le document D8 divulgue donc toutes les caractéristiques de la revendication 9.

ii) Intimée (titulaire du brevet)

L'expression « obtenu par un laser femtosecondes » associée à la gravure profonde a un effet direct en termes esthétiques. Cet effet structurel est limitatif.

d) Admission des requêtes subsidiaires 1 et 2

i) Intimée (titulaire du brevet)

Il y a des circonstances exceptionnelles justifiant le dépôt de ces requêtes subsidiaires. Les objections fondées sur le document D8 n'étaient pas suffisamment motivées dans le mémoire exposant les motifs du recours. Ces questions n'ont été discutées que lors de la première procédure orale devant la chambre. L'intimée a été surprise par la conclusion de la chambre que le document D8 antériorise l'objet de la revendication 9, car il n'a pas été établi que le guillochage était moins profond que la gravure. Quant au sablage, la division d'opposition avait conclu qu'il n'y avait pas de superposition du sablage avec le gravage des océans. La requérante n'a apporté aucun élément d'argumentation invalidant cette conclusion. C'est seulement quelques jours avant la première procédure orale devant la chambre qu'elle a motivé son assertion. Il n'y avait alors pas assez de temps pour déposer de nouvelles requêtes. Le schéma dessiné pendant la procédure orale est un élément totalement nouveau. Par ailleurs, la requérante n'a pas démontré que le sablage constitue une structuration moins profonde que la gravure ; cf. la décision T 32/16. La notification au titre de l'article 15(1) RPCR en date du 23 avril 2024 contenait des considérations par la chambre par rapport au sablage et la superposition dont la chambre s'est écartée dans ses considérations ultérieures.

La motivation des requêtes déposées avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours établissait la nouveauté de l'objet de ces requêtes. Il est vrai que l'activité inventive n'a pas été développée, mais la position de l'intimée découle de l'affirmation que la profondeur des décorations n'est ni divulguée, ni suggérée dans le document D8. La charge de la preuve du contraire repose sur la requérante. Il n'est pas nécessaire de motiver tous les aspects susceptibles de concerner une requête. Par ailleurs, de manière générale, des requêtes fondées sur des revendications dépendantes délivrées uniquement n'ont pas à être motivées ; elles sont admises automatiquement.

Les requêtes subsidiaires 1 et 2 contiennent plusieurs revendications indépendantes, mais elles sont toutes basées sur des revendications dépendantes du brevet tel que délivré et issues de requêtes déposées auparavant. Il n'y a pas d'effet de surprise. La requérante a déjà formulé des objections contre les objets revendiqués. Les nouvelles requêtes surmontent les objections liées au document D8. Le fait de rassembler deux revendica­tions indépendantes existantes dans une même requête se justifie par le souhait légitime de réagir tout en optimisant l'étendue de la protection obtenue.

La limitation des profondeurs de la structuration n'est pas divulguée dans le document D8. L'effet technique de cette différence supplémentaire est celui énoncé dans le brevet : l'obtention d'une décoration différente. L'effet de la caractéristique 7 est divulgué au para­graphe [0025] du brevet en combinaison avec le para­graphe [0031]. L'effet obtenu est spécifique à la profondeur revendiquée : une profondeur différente ne produirait pas le même effet visuel. Le document D8 ne donne pas d'indice concernant la profondeur à choisir. Par ailleurs, il existe une synergie avec l'utilisation d'un laser femtosecondes (cf. les pages 14 et 15 de la réponse au mémoire exposant les motifs du recours).

ii) Requérante (opposante)

L'argument selon lequel il y a dans le document D8 une superposition entre sablage et gravage a été réitéré à maintes reprises en opposition et en recours (voir, par exemple, les pages 8 et suivantes de la soumission du 31 mai 2023 et la page 14 de celle du 17 juin 2024). Cela est confirmé aussi au point 17.1.4 des motifs de la décision objet du recours. L'intimée aurait pu y répondre dès sa réponse au recours. Elle ne devait pas attendre la conclusion donnée par la chambre sur ce point pour réagir. La requérante a également, dès le début de la procédure, attiré l'attention de l'intimée au fait que des requêtes subsidiaires déposées devraient être motivées en expliquant comment les objections de la requérante seraient surmontées avec une telle requête. Par ailleurs, l'ajout d'une revendica­tion indépendante peut enfreindre la règle 80 CBE (cf. T 2063/15). Le document D8 n'était pas visé lors du premier dépôt de la revendication 1 telle que modifiée selon la requête subsidiaire 1. La requête n'est donc pas suffisamment motivée. L'intimée elle-même a admis qu'elle n'a pas présenté des arguments d'activité inventive par rapport au document D8 avant la seconde procédure orale devant la chambre. La date déterminante n'est pas la date du dépôt d'une requête, mais la date de sa motivation (cf. T 1192/22, point 6.8.2 des motifs). L'intimée aurait dû motiver ses requêtes au plus tard dans sa lettre du 9 août 2024. L'admission de la motivation tardive présentée oralement lors de la seconde procédure orale devrait entraîner le report de la procédure orale, par équité procédurale, ainsi que la répartition des frais au détriment de l'intimée. Par ailleurs, l'argumenta­tion de l'intimée n'est prima facie pas convaincante. La profondeur typique d'un sablage se situe dans la plage désormais revendiquée. Il n'y a pas de synergie entre la profondeur du sablage et l'utilisation d'un laser femtosecondes pour le gravage. La question d'une synergie ne se pose d'ailleurs pas pour la revendica­tion de produit. L'argument de l'intimée selon lequel un effet technique nouveau est obtenu est un argument de nouveauté déguisé, car toute modification de la structuration entraîne un changement de l'aspect visuel. Le vrai problème technique est de trouver une alternative. La caractéristique ajoutée correspond à un choix arbitraire, voir aussi le document D22, page 19.

e) Admission de la requête subsidiaire 3

i) Intimée (titulaire du brevet)

Cette requête a été déposée en réponse à l'acte d'opposition. La question de son admission ne se pose pas. La chambre a constaté, au point 3.2.1 de sa notification du 1er juillet 2024, que la requête est dans la procédure. Si des circonstances exceptionnelles reconnues par la chambre n'avaient pas conduit l'intimée à redéposer cette requête, la question de sa motivation ne se serait pas posée. Il n'y avait pas de raison de motiver la requête subsidiaire par rapport au document D8, car le mémoire exposant les motifs du recours ne contient pas d'objection motivée fondée sur ce document. Initialement la requête avait été déposée pour s'éloigner de l'enseigne­­ment des documents D1 et D5. Il n'y avait alors pas de raison de s'attarder sur le document D8, car cette objection semblait moins fondée. Les arguments présentés pour la requête principale s'appliquaient également aux requêtes subsidiaires. La division d'opposition était d'avis qu'il n'y avait pas super­position du gravage et du sablage. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, il n'était pas expliqué pourquoi il y avait superposition. Or, c'est à la requérante de démontrer pourquoi la décision objet du recours n'est pas fondée. L'intimée ne pouvait pas anticiper une objection qui n'était pas encore formulée. L'objection a été formulée pour la première fois pendant la première procédure orale devant la chambre, et ce seulement à l'égard de la requête principale. L'objection contre la requête subsidiaire ayant été faite seulement pendant la seconde procédure orale devant la chambre, elle ne doit pas être admise. L'intimée n'avait pas de raison de penser qu'il fallait motiver la requête après la première procédure orale devant la chambre, dans la mesure où la requête était déjà dans la procédure. C'était à la requérante d'établir que cette requête ne devrait pas été admise. L'intimée n'avait pas à se défendre avant l'objection. Jusqu'à la seconde procédure orale devant la chambre, il n'y avait pas d'objection motivée contre cette requête.

En réponse à la question de savoir pourquoi elle n'a jamais répondu aux objections au titre de l'article 12(3) RPCR, l'intimée a expliqué qu'elle avait jugé la requête suffisamment motivée. Cette impression avait été confortée par la notification de la chambre en date du 1er juillet 2024. Par ailleurs, il n'était pas possible d'expliquer la raison pourquoi les requêtes subsidiaires surmontent l'objection retenue par la chambre concernant la requête principale, car la conclusion de la chambre sur ce point n'a été expliquée que lors de la seconde procédure orale.

ii) Requérante (opposante)

La chambre a fait sienne, lors la première procédure orale, l'objection de la requérante selon laquelle l'objet de la revendication 1 n'était pas inventif et que l'objet de la revendication 9 n'était pas nouveau vis-à-vis du document D8. Il se pose donc la question de savoir pourquoi l'ajout de caractéristiques supplémentaires dans les requêtes subsidiaires peut rétablir la brevetabilité de ces objets. Des requêtes subsidiaires sont déposées précisément à cette fin. L'intimée doit faire diligence pour expliquer le plus vite possible pourquoi l'ajout des caractéristiques change la donne. Il n'y a aucun lien de cause à effet entre les circonstances exceptionnelles retenues par la chambre et le devoir de motivation des moyens de défense. Les objections de la requérante sont restées sans réponse de la part de l'intimée jusqu'à la seconde procédure orale devant la chambre. La question du sablage a été discutée devant la division d'opposition (voir le point 17.1.4 des motifs de la décision objet du recours). Dès lors, l'intimée devait se préparer à l'éventualité que la décision puisse être renversée sur ce point. De l'aveu de l'intimée, les requêtes sub­sidiaires avaient pour but de s'éloigner de l'enseigne­ment des documents D1 et D5. Or, l'objection fondée sur le document D8 était centrale dès la procédure d'oppo­sition. Par ailleurs, dans chacune de ses soumissions écrites, la requérante a insisté sur le défaut de motivation de la part de l'intimée. Néanmoins, celle-ci a préféré retarder la motivation afin de prendre par surprise la requérante.

f) Admission des requêtes subsidiaires 4 à 13

i) Intimée (titulaire du brevet)

Le principe d'équité devrait amener la chambre à

admettre ces requêtes subsidiaires. Dans sa notifica­tion du 1er juillet 2024, la chambre avait laissé entendre que certaines requêtes subsidiaires étaient dans la procédure. L'intimée était donc dissuadée de les motiver davantage. En ne les admettant pas, la chambre mettrait un obstacle définitif au maintien du brevet. Les requêtes qui proviennent de la procédure d'oppo­sition et qui ont été motivées, même succincte­ment, sont en général admises. On reproche à l'intimée de ne pas avoir anticipé tous les scénarios possibles qui auraient pu survenir. Cette exigence extrême va bien au-delà de ce qui est habituelle­ment attendu. Parfois, des requêtes sont admises sans motivation, surtout si elles surmontent de toute évidence les objections contre une requête dans la procédure. C'est le cas ici, car le document D8 ne mentionne pas la profondeur de relief. En l'espèce, en rejetant l'opposition, le brevet a été maintenu par la division d'opposition. L'intimée doit donc seulement répondre à des objections de la requérante. Elle n'est pas obligée de motiver ses requêtes par rapport à tous les scénarios qui pourraient survenir par la suite. Un dépôt fait entre les deux procédures orales devant la chambre aurait de toute façon été tardif. La requérante aurait dû formuler plus tôt des objections contre les requêtes subsidiaires partant du document D8. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, le document D8 est mentionné en trois lignes à la page 87. Le défaut de motivation est flagrant. Il n'y a pas de preuve pour les profondeurs, ni pour les superpositions, alors qu'il s'agit d'éléments essentiels. La requérante s'est contentée d'un copié-collé de son acte d'opposition et n'aborde même pas la décision de la division d'opposition. Le document D8 est toujours cité sans argumentation de fond. On ne peut donc pas exiger de l'intimée un développement conséquent concernant le document D8. Sa réponse est adaptée au mémoire exposant les motifs du recours.

ii) Requérante (opposante)

La notification de la chambre du 1er juillet 2024 parle de l'article 12(4) RPCR et non pas de l'article 12(3) RPCR. Il fallait donc prendre en compte ces requêtes dans la discussion. Selon la jurisprudence, l'article 12(3) et (5) RPCR s'applique aussi aux requêtes subsidiaires déposées devant la division d'opposition. Voir par exemple la décision T 1192/22, point 6.8.2 des motifs. Cette exigence a été incorporée dans le RPCR pour des raisons d'équité envers la partie adverse. Il ne s'agit pas d'un argument a posteriori, car la requé­rante a souligné le défaut de motivation depuis 2019. Il n'est pas correct que la motivation est implicite pour l'homme du métier, car la requête principale était tombée pour défaut d'activité inventive. Le simple ajout de caractéristiques ne surmonte pas automatique­ment cette objection. L'exergue de T 1732/10 explique que la motivation a posteriori de requêtes constitue un abus de procédure. Il n'est pas correct que le mémoire exposant les motifs du recours ne traite le document D8 que succinctement ; il y est cité à 39 reprises.

g) Admission de la requête subsidiaire 14

i) Intimée (titulaire du brevet)

La revendication 1 a été modifiée par l'incorporation des caractéristiques des revendications 2, 4 et 8 délivrées. Toutes les revendications de produit ont été supprimées pour simplifier la procédure. Le dépôt de la requête se justifie par des circonstances exception­nelles (l'explication par la chambre du raisonnement ayant conduit à sa conclusion concernant la requête principale en début de la seconde procédure orale) qui amplifient les circonstances exceptionnelles déjà reconnues par la chambre. La nouvelle requête est simple et ne complique pas la procédure. La requête est pertinente prima facie, car son objet se distingue par trois caractéristiques (le laser femtosecondes, la profondeur de la structuration, la formation de stries croisant les gravures) du document D8. Elles participent toutes à l'effort décoratif mentionné au paragraphe [0005] du brevet. Le document D1 aurait conduit l'homme du métier vers une autre solution. La combinaison des documents D8 et D1 n'aurait donc pas rendu l'objet revendiqué évident.

ii) Requérante (opposante)

Cette requête combine les revendications indépendantes de requêtes insuffisamment motivées déposées le 9 août 2024. Il n'y a pas de circonstances exceptionnelles justifiant son dépôt tardif. L'intimée ne pouvait pas être surprise de ce que la chambre retienne l'objection fondée sur la combinaison du gravage et du sablage. Le dépôt de cette requête subsidiaire constitue un changement radical dans la procédure, dans la mesure où les revendications de produit ont été supprimées et la revendication 1 combine pour la première fois des caractéristiques qui avaient été soigneusement gardées à part auparavant (cf. la requête subsidiaire 1 contenant deux revendications indépendantes de procédé). La requête aurait dû être déposée en réponse au mémoire exposant les motifs du recours, au plus tard le 9 août 2024. Admettre cette requête maintenant, c'est retomber dans la doctrine de la « dernière chance » abandonnée par la jurisprudence. Par ailleurs, tout sablage produit des stries ; l'ajout de la caractéristique 9 n'apporte donc rien prima facie.

Motifs de la décision

1. Violation du droit d'être entendu

Les documents D7.1 et D17 à D22 ont été soumis pendant la procédure d'opposition par la requérante, par lettre en date du 27 août 2019, en réaction à la réponse de l'intimée à l'acte d'opposition du 29 mai 2019. Dans la notification accompagnant la citation à la procédure orale, la division d'oppo­sition a exprimé son avis pré­liminaire que les docu­ments D7.1, D18 et D19 pouvaient être admis. En revanche, la division d'oppo­sition estimait que les documents D20 à D22 représen­taient l'état de la technique, mais ne semblaient pas être, prima facie, plus pertinent que les documents déposés dans le délai d'opposition (voir le point 7 de la notification). Suite au report de la procédure orale, la division d'opposition a émis un second avis provisoire, dans lequel elle s'est contentée de signaler qu'elle maintenait son avis sur l'admission de ces documents (voir le point 2 de la notification accompagnant la citation en date du 20 novembre 2020). Dans sa lettre en date du 18 novembre 2021, l'intimée a indiqué qu'elle a pris note de l'opinion de la division d'accepter dans la procédure les documents D7.1 et D18 du fait qu'ils prouvent les connaissances générales communes (voir le point I.1 de la lettre).

Comme cela ressort du procès-verbal de la procédure orale devant la division d'opposition, cette dernière a annoncé sa décision de ne pas admettre les documents D7.1 et D17 à D22, sans donner d'avance la possibilité aux parties, notamment à la requérante, de présenter leurs observations sur la question de leur admission.

Ce comportement de la division d'opposition constitue une violation du droit d'être entendu de la requérante au sens de l'article 113(1) CBE. Avant de décider de ne pas admettre ces documents, la division d'opposition aurait dû écouter les parties sur cette question. Cette violation est considérée comme substantielle, car elle concerne des documents de la requérante dont l'oppo­sition a été rejetée et qu'il ne peut être exclu qu'elle a eu un impact sur la procédure.

2. Interprétation de la revendication 1 du brevet

Selon la jurisprudence établie des chambres de recours, le rédacteur d'une demande de brevet peut être son propre lexicographe et donner une définition des termes qu'il utilise. Dans l'interprétation de la revendi­ca­tion d'un brevet, il convient de tenir compte de ces définitions (voir, par exemple, la décision T 1646/12, point 2.1 des motifs).

2.1 « Gravage profond » (caractéristique 2)

Le brevet définit, au paragraphe [0017], une « gravure profonde » comme une gravure de profondeur en moyenne supérieure ou égale à 4 mym. Par conséquent, il convient d'entendre par « gravage profond » la réalisation de gravures dont la profondeur moyenne est supérieure ou égale à 4 mym.

L'argument selon lequel la revendi­cation 2, qui dépend de la revendication 1, exige que la profondeur des gravures soit supérieure ou égale à 4 mym et que la revendication 1 était nécessairement moins limitative, n'a pas convaincu la chambre. La revendication 2 définit plusi­eurs gammes de profondeur. Même si l'on ne considère que la première, le fait est qu'une titulaire peut expli­citer, dans une revendication dépendante, des caractéristiques implicites de la revendication indé­pen­dante dont elle dépend, afin de se prémunir contre le cas où l'orga­ne chargé de décider sur la validité de la reven­dication indépendante ne suivrait pas la jurisprudence précitée des chambres de recours qui offre au rédacteur d'une demande de brevet la possibilité d'être son propre lexicographe.

2.2 « Structuration de surface » (caractéristique 3)

Le brevet définit l'expression « structuration de

surface » au paragraphe [0009] de sa description comme « un meulage ou usinage beaucoup moins profond » que le gravage profond. Les paragraphes [0023] et [0024] donnent des exemples d'un tel usinage : la structu­ra­tion peut se faire par soleillage, giclage, sablage, frappe fine, satinage, azurage et diamantage. Le para­graphe [0025] décrit la finalité de l'étape, à savoir de réaliser un décor peu profond en venant rayer la surface de la pièce. La chambre en conclut que l'ex­pres­sion doit être comprise comme désignant un meulage ou usinage conduisant à la création de structures dont la profondeur est signi­fi­ca­tive­ment moins élevée que celle du gravage. En d'autres termes, le gravage doit être plus profond que la structuration de surface.

Le fait que la définition proposée dans la description aurait été considérée comme non claire si elle avait été incorporée dans la revendication avant la délivrance ne semble pas décisif. Conformément à la décision G 3/14 de la Grande Chambre de recours, les défauts de clarté des revendications délivrées ne peuvent pas être invoqués à l'encontre du brevet aux stades de l'opposition et du recours après opposition.

2.3 Superposition partielle des deux décorations (caractéristique 4)

Comme cela ressort du point 15.3 de la décision objet

du recours, la division d'opposition était d'avis que le gravage et la structuration devaient se faire sur la même surface, au même niveau de l'élément horloger. Selon la division d'opposition, une structuration ne saurait être réalisée au fond de la gravure. La divi­sion d'opposition en a déduit que les deux décorations se superposaient en se croisant, comme dans le mode de réalisation décrit au paragraphe [0028] du brevet.

La chambre estime qu'il convient de considérer la super­position dont il est question dans la caractéris­tique 4 comme une superposition des déco­rations dans leur ensemble et qu'il faut éviter une vision trop microscopique de l'agencement précis des gravures et des éléments de la structuration (comme par exemple des stries). La surface dont il est question dans les caractéristiques 2 et 3 désigne la partie externe de l'élément horloger et ne doit pas être comprise comme une surface mathématique d'épaisseur zéro. Ainsi, le dépôt d'une couche de métal entre les étapes de gravage et de structuration ne signifie pas que la deuxième étape est réalisée dans une autre surface que la première. Le fait que les décorations doivent être au moins partiellement superposées signifie que leurs effets visuels se combinent, au moins sur une partie de la surface traitée avec le procédé revendiqué.

2.4 Ordre des étapes

La revendication 1 ne préconise pas l'ordre des étapes

correspondantes aux caractéristiques 2 et 3. Par ail­leurs, le paragraphe [0039] du brevet explique que la structuration de surface peut être réalisée avant le gravage laser. Une réalisation simultanée des deux étapes n'est pas exclue non plus.

3. Motif d'opposition selon l'article 100a) ensemble l'article 54(1) et 56 CBE, par rapport au document D8

3.1 Revendication 1

3.1.1 Divulgation du document D8

La requérante a fondé son objection sur les pages 30 et 31 du document D8, qui décrivent la montre Hora Mundi Classique.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Le cadran de cette montre comprend une section centrale illustrant une région du monde. Des lasers sont utilisés pour tracer le pourtour des continents affichés. Un fini sablé est appliqué sur les terres émergées et un décor de vagues, guilloché à la main, sur les océans (voir la page 30 du document D8).

Il a été fait valoir que les photos du document D8 pouvaient être trompeuses et ne montreraient pas néces­sairement la réalité technique de la montre dont il est question. La chambre ne retient pas cet argument, dans la mesure où l'art antérieur cité n'est pas la montre Hora Mundi Classique, mais la brochure D8. Il importe donc de savoir ce que l'homme du métier lisant le docu­ment D8 aurait compris et non pas si ces renseig­ne­ments correspondent à la réalité de la montre décrite.

3.1.2 Différences

Il n'a pas été contesté que le document D8 ne divulgue pas l'utilisation d'un laser femtoseconde.

Le document D8 décrit un procédé de décoration d'un élément horloger, à savoir d'un cadran de montre (voir la page 30). Des lasers y sont utilisés pour tracer le pourtour des continents affichés. Bien que le document ne précise pas la profondeur du gravage, la photo de la page 31 ne laisse aucun doute que cette profondeur, qui est clairement visible, est largement supérieure à 4 mym et constitue ainsi un gravage profond au sens du brevet (voir le point 2.1 ci-dessus). Un fini sablé est ensuite appliqué sur les terres émergées. Ce sablage correspond à une structuration de surface de la surface à décorer (voir le point 2.2 ci-dessus). Sa profondeur est visiblement inférieure à celle de la gravure, car la surface des continents sablés reste au-dessus du niveau des océans.

Les deux décorations sont-elles au moins partiel­lement superposées l'une sur l'autre ? Au point 17.1.4 de la décision objet du recours, la division d'opposition a conclu qu'il n'y avait pas de super­position. La chambre est parvenue à une autre conclusion, car à plusieurs endroits du cadran, comme par exemple au niveau de la partie représentant la côte ouest du continent nord-américain ou encore le nord du Canada, les zones sablées s'étendent de part et d'autre de la gravure profonde.

FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE

Extrait de la photo de la page 31 du document D8

La chambre conclut que l'objet de la revendication 1 se distingue de l'enseig­ne­ment du document D8 unique­ment par l'utilisation d'un laser femtoseconde.

3.1.3 Effet technique

Les avantages de l'utilisation d'un laser femtoseconde

sont décrits au paragraphe [0027] du brevet. Selon ce paragraphe, elle garantirait une très bonne qualité esthétique et permettrait d'ajuster finement les para­mètres de la gravure (épaisseur de trait, profon­deur de trait, distance entre les traits) pour obtenir l'effet esthétique recherché. Le problème tech­nique objectif résolu par la caracté­ris­tique distinc­tive peut donc se définir comme la réalisation d'un gravage plus précis et de meilleure qualité.

3.1.4 Évidence pour l'homme du métier

La question qui était à décider par la chambre est de savoir si l'homme du métier partant de l'enseignement du document D8 sur la montre Hora Mundi Classique et cherchant à réaliser un gravage plus précis et de meilleure qualité aurait envisagé l'utilisation d'un laser femtoseconde.

Le document D1 décrit un procédé de gravage d'un élé­ment d'horlogerie. L'homme du métier à la recherche d'une solution au problème technique objectif aurait consulté le document D1. Ce document enseigne l'utili­sation d'un laser à impulsion femto­secondes et affirme qu'il est adapté aux exigences de l'horlogerie (voir page 16, ligne 22ss). L'homme du métier, en partant du document D8 et confronté avec le problème objectif technique, aurait donc utilisé un laser femto­secondes. Les complications liées à la coloration invoquées par l'intimée ne vont pas au-delà d'une simple allégation. Ainsi, l'objet de la revendication 1 découle de manière évidente de la combinaison des documents D8 et D1. L'objet de la revendication 1 n'implique donc pas d'activité inventive au titre de l'article 56 CBE.

3.2 Revendication 9

La question décisive concernant l'objet de la revendi­cation 9 est de savoir si l'utilisation d'un laser femtosecondes lors de la décoration de l'élément horloger caractérise la structure de l'élément horloger obtenu. L'intimée s'est contentée d'affirmer que la qualité du résultat était meilleure lorsqu'un laser femto­secondes est utilisé. Cette argumentation est insuffisante pour établir une différence structurelle précise et vérifiable. Par conséquent, l'utilisation d'un laser femto­seconde n'est pas retenue comme caractéristique distinctive.

Les autres caractéristiques de la revendication 9 étant divulguées (voir le point 3.1), la chambre conclut que l'objet de la revendication 9 n'est pas nouveau au sens de l'article 54(1) CBE au vu du document D8.

3.3 Conclusion concernant la requête principale

Les motifs d'opposition selon l'article 100a) ensemble

l'article 54(1) et 56 CBE s'opposent au maintien du brevet tel que délivré.

La requête principale doit donc être rejetée.

Cette conclusion concernant les revendications 1 et 9 au vu du document D8 a été donnée à la fin de la première procédure orale, après avoir entendu les parties sur ces sujets, et ensuite les débats par rapport à la requête principale ont été clos.

Aucune requête de rouvrir les débats n'a été soumise, et la chambre n'a vu aucune raison de rouvrir les débats de son propre chef. De nouveaux documents D33 et D34 ont été soumis par l'intimée par lettre en date du 9 août 2024 pour établir que la montre Hora Mundi Classique se distinguait du contenu du document D8. Or, ces soumissions et la requête d'admettre les documents D33 et D34 ne sauraient remettre en cause la conclusion concernant la requête principale, dans la mesure où l'état de la technique considéré était le document D8 en soi, et notamment les renseignements que l'homme du métier pouvait obtenir en consultant le document, et non pas la montre Hora Mundi Classique elle-même.

4. Admission des requêtes subsidiaires

4.1 Requêtes subsidiaires 1 et 2

4.1.1 Selon l'article 13(2) RPCR en vigueur depuis le 1er janvier 2024, toute modification des moyens présentée par une partie après la signification d'une noti­fication au titre de l'article 15(1) RPCR n'est, en principe, pas prise en compte, sauf en cas de circon­stances exceptionnelles, que la partie concernée a justifiées avec des raisons convain­cantes.

L'intimée a fait valoir que l'affirmation d'une super­position entre la gravure profonde et le sablage, avait été étayée pour la première fois le jour avant la procédure orale. Elle n'avait donc pu réagir à cette objection qu'après la première procédure orale. Cette situation correspond selon elle à des circonstances exceptionnel­les au sens de l'article 13(2) RPCR.

L'objection que la chambre a jugée convain­cante lors de la première procé­dure orale, n'a été soulevée sans ambiguïté qu'avec la lettre du 17 juin 2024. Il existait donc des circon­stances exceptionnelles au sens de l'article 13(2) RPCR susceptibles de justifier une modification des moyens de l'intimée.

Néanmoins, la chambre n'a pas admis les requêtes subsidiaires 1 et 2.

Selon l'article 12(3) RPCR, le mémoire exposant les motifs du recours et la réponse doivent contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie dans le cadre du recours. L'article 12(5) RPCR dispose que la chambre peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appré­ciation, ne pas admettre les éléments soumis par une partie s'ils ne satisfont pas aux exigences prévues au paragraphe 3. Selon l'article 13(1), première phrase, RPCR toute modification des moyens présentée par une partie après que celle-ci a déposé son mémoire exposant les motifs du recours ou sa réponse doit être justifiée par la partie et son admission est laissée à l'appréciation de la chambre. Selon l'article 13(1), deuxième phrase, RPCR l'article 12(4) à (6) RPCR s'applique mutatis mutandis. Il s'ensuit que le critère de motivation suffisante s'applique pendant toute la procédure devant les chambres de recours, y compris au troisième niveau de l'approche convergente mis en ½uvre par l'article 13(2) RPCR.

4.1.2 La requête subsidiaire 1 a été déposée pour la première fois en recours, par lettre en date du 9 août 2024. Elle comprend quatre revendications indépendantes dont deux étaient présentes dans des jeux de revendications déposés précédemment.

Ses revendications 1 et 7 sont identiques aux revendi­ca­tions 1 et 7 de la requête subsidiaire 6 déposée avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, le 16 janvier 2023. Ce jeu de revendica­tions de la requête subsidiaire 6 a été déposé pour la première fois comme requête subsidiaire 5 le 29 mai 2019, puis comme requête subsidiaire 8 le 18 novembre 2021.

Dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, l'intimée a abordé la brevetabilité de l'objet de ce qui était alors la requête subsidiaire 6 de la manière suivante :

« Ces amendements des revendications indépendantes permettent de préciser la notion de gravure profonde et de structuration de surface. Ils permettent aussi de s'écarter des documents D1 et D5 pour lesquels les profondeurs des différents reliefs sont peu ou pas mentionnées. Dans l'invention, ces profondeurs combinées permettent d'obtenir des effets optiques particulièrement avantageux. Ces objets ne sont ni divulgués, ni suggérés, par les documents cités, de sorte que le Titulaire considère les objets des revendications de cette requête subsidiaire comme nouveaux et inventifs. » (voir le point E.6. de la lettre de l'intimée du 16 janvier 2023)

Les revendications 11 et 12 de la requête subsidiaire 1 correspondent aux revendications 1 et 8 de la requête subsidiaire 10 déposée avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours, le 16 janvier 2023.

Le jeu de revendications de la requête subsidiaire 10 a été déposé pour la première fois comme requête sub­sidi­aire 2 le 29 mai 2019, puis de nouveau comme requête subsidiaire 5 le 18 novembre 2021.

Dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, l'intimée a abordé la brevetabilité de l'objet de ce qui était la requête subsidiaire 10 comme suit :

« Comme susmentionné, la limitation des revendica­tions indépendantes permet d'écarter la protection de l'enseignement des documents D1 et D5, ce qui renforce l'argumentation de nouveauté déjà explicitée. En complément, le Titulaire souligne qu'aucun document ne suggère à l'homme du métier de croiser les stries d'une structuration de surface avec des gravures profondes. Il n'y a aucune incita­tion dans l'état de la technique de modifier l'enseignement du document D1, voire du document D5, pour aboutir à l'invention de manière évidente. Par conséquent, l'objet des revendica­tions amendées est nouveau et inventif. » (voir le point E.10. de la lettre de l'intimée du 16 janvier 2023)

La chambre note que les passages cités de la réponse au mémoire exposant les motifs du recours sont silencieux par rapport au document D8, bien que ce document ait été considéré comme art antérieur le plus proche dans la décision objet du recours (voir le point 17.2.1 des motifs de cette décision). La requérante a maintenu, dans son mémoire exposant les motifs du recours, l'objection d'absence d'activité inventive en partant de l'enseignement du document D8 par rapport à la requête principale (voir point 5.3.1 à la page 86 du mémoire exposant les motifs du recours). Elle a indiqué par rapport aux requêtes subsidiaires présentées devant la division d'opposition qu'elles n'avaient pas été motivées, et elle a soulevé, à l'encontre de ces requêtes subsidiaires, des objections d'activité inventive partant, entre autres, du document D8.

Lors du dépôt de la requête subsidiaire 1, l'intimée a motivé la brevetabilité des objets de cette requête comme suit :

« Pour le reste, les autres arguments développés dans les écritures précédentes, notamment relativement à la nouveauté et à l'activité inventive, s'appliquent toujours à cette requête subsidiaire 1. Notamment, le document D8 ne décrit pas les profondeurs de structurations de surface telles que revendiquées par la revendication 1 amendée et ne divulgue pas non plus une structuration sous forme de stries qui croisent des gravures profondes. » (voir le point III.1 de la lettre du 9 août 2024)

L'intimée s'est donc contentée de mettre en évidence deux caractéristiques distinctives par rapport au document D8, mais elle n'a pas expliqué en quoi ces différences supplémentaires justifient une activité inventive. Des arguments en ce sens ont été fournis pour la première fois oralement lors de la seconde procédure orale devant la chambre.

4.1.3 La requête subsidiaire 2 a été déposée pour la première fois en recours, par lettre en date du 9 août 2024. Ses revendications 1 et 7 n'ont pas de correspondance dans les requêtes subsidiaires déposées auparavant. Ses revendications 11 et 12 correspondent aux revendica­tions 11 et 12 de la requête subsidiaire 1.

Lors du dépôt de la requête subsidiaire 2, l'intimée a motivé la brevetabilité des objets de cette requête comme suit :

« Pour le reste, les autres arguments développés précédemment, notamment relativement à la nouveauté et à l'activité inventive, s'appliquent aussi à cette requête subsidiaire 2. » (voir le point III.2 de la lettre du 9 août 2024)

4.1.4 Force est de constater que l'intimée n'a pas suffisam­ment motivé l'activité inventive des objets des requêtes subsidiaires 1 et 2 en partant du document D8 dans ses écritures : elle ne l'a fait ni dans sa réponse au mémoire exposant les motifs du recours, ni dans sa lettre du 9 août 2024.

Elle a fait valoir que sa position découlait de l'affirmation que la profondeur des décoration n'était ni divulguée, ni suggérée dans le document D8, et que la charge de la preuve du contraire reposait sur la requérante. Cet argument n'a pas convaincu la chambre. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante avait formulé des objections d'absence d'activité inventive partant du document D8 (voir notamment le points 5.1 (page 123) et la page 134 ensemble avec le point 5.2 e) du mémoire). Dans sa réponse, l'intimée n'a pas répondu à ces objections. L'affirmation que les objets revendiqués étaient nouveaux au vu du document D8 ne saurait constituer une réponse suffisante.

La chambre ne fait pas sienne la position de l'intimée selon laquelle des requêtes fondées uniquement sur des revendica­tions dépendantes délivrées n'ont pas à être motivées et doivent être admises automatiquement. La délivrance d'un brevet signifie que la division d'examen a estimé que l'objet des revendications indépendantes était brevetable ; il n'en découle pas que chacune des revendications dépendantes constitue une position de repli valable au cas où l'objet de la revendication indépendante dont elle dépend serait ultérieurement jugé non brevetable. Plus important encore, l'article 12(3) RPCR prévoit que les moyens invoqués par une partie doivent présenter de façon claire et concise les motifs pour lesquels il est demandé d'annuler, de modifier ou de confirmer la décision attaquée. Une titulaire qui présente une requête subsidiaire par rapport à une requête considérée conforme aux exigences de la CBE dans une décision contestée doit donc expliquer pourquoi, au cas où la décision serait annulée par la chambre, le brevet pourrait être maintenu sous une forme modifiée sur la base de la requête subsidiaire. L'article 12(3) RPCR ne fait pas de distinction entre des requêtes fondées uniquement sur des revendica­tions dépendantes délivrées et d'autres requêtes.

4.1.5 La motivation orale des requêtes par l'intimée - y compris l'argument présenté oralement lors de la seconde procédure orale devant la chambre et concernant un effet de synergie des caractéristiques distinctives susceptibles, selon l'intimée, de rendre inventif l'objet revendiqué - constitue une modification des moyens au sens de l'article 13(2) RPCR. Or, on n'est pas en présence de circonstances exceptionnelles justifiant l'admission de cette motivation tardive, présentée pour la première fois pendant la seconde procédure orale. Aux yeux de la chambre, l'intimée aurait dû fournir la motivation des requêtes lors de leur dépôt le 9 août 2024, en expliquant comment ces requêtes subsidiaires sont susceptibles de surmonter la conclusion de la chambre par rapport à la requête principale donnée lors de la première procédure orale. Par ailleurs, l'admission de ces soumissions orales aurait conduit à une discussion qui aurait pris la requérante par surprise. Par conséquent, cette motivation orale n'a pas été admise au titre de l'article 13(2) RPCR.

4.1.6 Étant donné que la motivation orale n'a pas été admise, les requêtes subsidiaires 1 et 2 sont insuffisamment étayées. Sur la base des seules soumissions écrites de l'intimée, il n'est pas possible de conclure à la présence d'une activité inventive.

4.1.7 Conclusion concernant les requêtes subsidiaires 1 et 2

La chambre a décidé de ne pas admettre les requêtes subsidiaires 1 et 2, en application de l'article 12(3), (5) et 13(1) RPCR, ni la motivation présentée orale­ment, au titre de l'article 13(2) RPCR.

4.2 Requête subsidiaire 3

La requête subsidiaire 3 se distingue de la requête subsidiaire 1 en ce que les revendications 11 et 12 ont été supprimées.

Comme cela a été expliqué au point 4.1.2 ci-dessus, ce jeu de revendications a été déposé pour la première fois comme requête auxiliaire 5 en réponse à l'acte d'oppo­sition, le 29 mai 2019. En recours, elle a d'abord été déposée comme requête subsidiaire 7 en réponse au mémoire exposant les motifs du recours, puis comme requête subsidiaire 3 le 9 août 2024.

Au point 1 de la notification selon l'article 15(1)

RPCR en date du 1er juillet 2024, la chambre a indiqué que, lors de la seconde procédure orale, la question de l'admission des 25 requêtes subsidiaires et, le cas échéant, la conformité de leurs objets aux exigences de la CBE seraient à discuter, et dans la section 3.2 de cette notification, elle a donné son avis provisoire concernant l'admission des requêtes subsidiaires. Au point 3.2.1 de cette notification, la chambre a exprimé son opinion provisoire selon laquelle cette requête (requête subsidiaire 7), étant identique à une requête subsidiaire déposée en réponse à l'acte d'opposition, se trouverait de ce fait dans la procédure. Cette déclaration de la chambre concernait la question d'admission au titre de l'article 12(4) RPCR.

La chambre a été amenée à changer son opinion car cette requête n'avait jamais été suffisamment motivée avant la seconde procédure orale devant la chambre, comme argumenté par la requérante par écrit et pendant la procédure orale.

Même en admettant que l'intimée ne pouvait pas pleine­ment motiver sa requête au moment de son premier dépôt, notamment par rapport à l'objection soulevée par la requérante d'une façon détaillée pour la première fois dans la lettre du 17 juin 2024 - ce qui a conduit la chambre à accepter la présence de circonstances excep­tionnelles justifiant le dépôt de requête subsidi­aire - la chambre constate que l'intimée aurait dû motiver sa requête suite à la première procédure orale, au plus tard au moment de son nouveau dépôt le 9 août 2024, en expliquant pourquoi la requête subsidiaire permettait de surmonter les objections retenues contre la requête principale. A ce stade, il était clair que la chambre avait donné raison à la requérante en concluant que l'objet des revendications 1 et 9 de la requête princi­pale n'était pas brevetable au vu du document D8.

L'argument de l'intimée qu'elle ne connaissait pas les raisons précises ayant amené la chambre à sa con­clusion n'est pas pertinent. La requérante avait pro­posé deux lignes d'argumentation, selon lesquelles, soit le guil­lochage, soit le sablage, constituait la structu­ration de surface revendiquée. Il était donc clair que la chambre avait retenu au moins l'un des deux arguments.

Malgré cela, l'intimée n'a pas motivé sa requête sub­sidi­aire 3 par écrit au moment du dépôt le 9 août 2024. L'argument selon lequel le contenu de la notifica­tion de la chambre au titre de l'article 15(1) RPCR du 1er juillet 2024 était tel qu'elle pouvait con­sidérer la requête subsidiaire 3 (qui était alors la requête subsidiaire 7) déjà admise, n'a pas convaincu la chambre. Il a été indiqué d'une façon non équivoque dans cette notification qu'elle exprimait l'avis provi­soire de la chambre et ne la liait pas. En s'abstenant de fournir une motivation par écrit, l'intimée a pris le risque de voir sa requête subsidiaire non admise, et ce bien que la requérante ait insisté à plusieurs re­prises, dès le mémoire exposant les motifs du recours, sur l'absence de motivation des requêtes subsidiaires.

La chambre a donc décidé de ne pas admettre la requête subsidiaire 3 en application de l'article 12(3),(5) RPCR.

4.3 Requêtes subsidiaires 4 à 13

Les requêtes subsidiaires 4 à 13 ont été déposées avec

la lettre de 9 août 2024. Les raisons ayant conduit à la non-admission des requêtes subsidiaires 1 à 3 s'appliquent de manière analogue aux requêtes subsidiaires 4 à 13.

La chambre a donc décidé de ne pas admettre ces requêtes subsidiaires dans la procédure de recours.

4.4 Requête subsidiaire 14

La chambre a décidé de ne pas admettre la requête subsidiaire 14, dont le jeux de revendications a été déposé pendant la seconde procédure orale, en application de l'article 13(2) RPCR.

La raison en est l'absence de circonstances exception­nelles justifiant l'admission de la requête. Les contre-arguments présentés par l'intimée n'ont pas convaincu la chambre, pour les raisons suivantes :

Les circonstances exceptionnelles constatées dans le contexte des requêtes subsidiaires 1 et 2 (voir le point 4.1.1) pouvaient justifier le dépôt de requêtes subsidiaires après la première procédure orale devant la chambre. L'intimée avait l'oppor­tunité de déposer des requêtes subsidiaires après la première procédure orale, et elle en a fait usage. Une extension de ces circonstances exception­nelles au dépôt de requêtes déposées au cours de la seconde procédure orale devant la chambre n'est pas justifiable.

Le changement de l'avis provisoire de la chambre concernant l'admission de la requête subsidiaire 7 (devenue ultérieurement la requête subsidiaire 3) n'est pas constitutif de circonstances exceptionnelles. Le point de vue exprimé au point 3.2.1 de la notification du 1er juillet 2024 était explicitement provisoire (voir le premier paragraphe de la notification) et, par conséquent, susceptible de changer. Un tel change­ment ne saurait être considéré comme exceptionnel.

Comme cela a été expliqué au point 4.2, le fait que la chambre ait expliqué, au début de la seconde procédure orale, pourquoi elle avait conclu, lors de la première procédure orale, que le document D8 divulguait la caractéristique 4, ne justifie pas le dépôt de nouvelles requêtes. En effet, la chambre n'a fait que suivre une des objections soulevées par la requérante avant la première procédure orale.

L'indication de l'intimée dans ses soumissions écrites de se réserver le droit de supprimer une catégorie de revendications ne donne pas de carte blanche pour introduire une telle requête à n'importe quel moment dans la procédure. Chaque partie est tenue de présenter tous ses moyens le plus tôt possible dans la procédure.

La chambre ne partage pas l'avis de l'intimée qu'il y avait, dans le cas d'espèce, des circonstances excep­tionnelles qui auraient pu justifier l'admission de la requête subsidiaire 14 à ce stade avancé de la procé­dure de recours et de la (seconde) procédure orale.

4.5 Conclusion

Aucune des requêtes subsidiaires 1 à 14 n'est admise dans la procédure.

5. Conclusion concernant l'issue du recours

Étant donné que les motifs d'opposition selon

l'article 100a) ensemble l'article 54(1) et 56 CBE s'opposent au maintien du brevet tel que délivré (voir le point 3.) et qu'aucune des requêtes subsidiaires de l'intimée n'est admise dans la procédure (voir le

point 4.), le brevet ne peut être maintenu. Il doit donc être révoqué.

6. Remboursement de la taxe de recours

En application de la règle 103(1)a) CBE, la taxe de recours est remboursée intégralement lorsque la chambre de recours fait droit au recours, si le remboursement est équitable en raison d'un vice substantiel de procédure. Ces conditions sont remplies en l'espèce, car la division d'opposition a violé le droit d'être entendu de la requérante (voir le point 1.) et la chambre fait droit au recours (voir le point 5.) et considère le remboursement équitable au vu des circonstances du cas en l'espèce.

Il s'ensuit que la taxe de recours doit être remboursée.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision contestée est annulée.

2. Le brevet est révoqué.

3. Il est fait droit à la requête en remboursement de la taxe de recours.

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