T 1128/22 () of 20.2.2024

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2024:T112822.20240220
Date de la décision : 20 Fevrier 2024
Numéro de l'affaire : T 1128/22
Numéro de la demande : 16152314.7
Classe de la CIB : B65D 39/00
B65D 39/16
B65D 43/02
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : BOÎTE CYLINDRIQUE À DISPOSITIF DE BOUCHAGE EN LIÈGE
Nom du demandeur : Au Liegeur - Ets J. Pontneau Denis
Nom de l'opposant : Compagnie Des Salins Du Midi
Et Des Salines De L'Est
Chambre : 3.2.07
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 83
European Patent Convention Art 123(2)
European Patent Convention Art 56
Rules of procedure of the Boards of Appeal 2020 Art 012(6)
Mot-clé : Possibilité d'exécuter l'invention - effort excessif (non)
Modifications - extension au-delà du contenu de la demande telle que déposée (non)
Activité inventive - (oui)
Preuves soumises tardivement
Exergue :

-

Décisions citées :
G 0001/03
T 0947/99
T 1064/15
T 0348/18
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
-

Exposé des faits et conclusions

I. L'opposante (ci-après requérante) a formé un recours dans le délai et la forme prescrits contre la décision de la Division d'Opposition de maintenir le brevet européen n°3 048 061 sous forme modifiée selon la requête auxiliaire 1 déposée lors de la procédure orale du 15 février 2022.

II. La requérante requiert

l'annulation de la décision contestée et

la révocation du brevet.

La titulaire du brevet (ci-après intimée) requiert

le rejet du recours,

et donc le maintien du brevet selon la requête auxiliaire 1 à la base de la décision contestée.

III. La revendication 1 de cette requête auxiliaire 1, sans les signes de référence, s'énonce comme suit (les modifications par rapport à la revendication 1 telle que déposée sont mises en évidence par la Chambre: les caractéristiques ajoutées apparaissent en gras, les caractéristiques supprimées apparaissent biffées):

"Boîte cylindrique comprenant un réceptacle et un dispositif de bouchage circulaire en liège destiné à venir boucher ledit réceptacle, ledit réceptacle présentant une ouverture et un bord circulaire entourant ladite ouverture, ledit dispositif de bouchage circulaire présentant un épaulement délimitant une partie de préhension présentant une épaisseur de préhension Ep et une partie de bouchage présentant une épaisseur de bouchage Eb, ladite partie de bouchage présentant et une bordure circulaire proximale longeant ledit épaulement;

caractérisée en ce que ledit réceptacle réalisé dans un matériau à base cellulosique comprend un renflement circulaire réalisé selon la technique du bord roulé et s'étendant à l'intérieur dudit réceptacle, le long dudit bord circulaire,

[deleted: et en ce que]

tandis que ladite bordure circulaire proximale de ladite partie de bouchage présente une gorge, de manière à ce que ledit renflement circulaire vienne s'engager à l'intérieur de ladite gorge, lorsque ladite partie de bouchage est enfoncée à travers ladite ouverture, et en ce que ladite épaisseur de préhension Ep est supérieure à ladite épaisseur de bouchage Eb."

IV. Les documents suivants de la procédure d'opposition sont mentionnés dans la présente décision:

D2 : Modèle communautaire n° 002168070-0001;

D3 : Usage antérieur du 14 novembre 2012;

D5 : Usage antérieur du 17 octobre 2014;

D6 : FR 2 866 634 A1;

D8 : US 6,120,426 A; et

D16: FR 2 996 532 A1.

V. Les documents suivants ont été déposés par la requérante avec son mémoire de recours:

D20: lettre de l'intimée à la requérante, datée du

31 octobre 2014;

D21: RÈGLEMENT (CE) Nº 6/2002 du Conseil en date du

12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles

communautaires;

D23: FR 2 437 294 A1; et

D24: EP 0 753 398 A1.

Le document suivant a été déposé par l'intimée avec sa réponse au mémoire exposant les motifs de recours de la requérante:

D22: Règlement de copropriété de brevets et modèles

entre la requérante et l'intimée en date du

15 novembre 2012.

VI. La Chambre a informé les parties de son avis provisoire avec la notification du 15 juin 2023 émise conformément à l'article 15(1) du règlement de procédure des Chambres de recours (RPCR).

Dans la notification, la Chambre a indiqué les raisons pour lesquelles elle était d'avis que le recours devait être rejeté.

VII. Une procédure orale devant la Chambre s'est tenue le 20 février 2023, au cours de laquelle il a été discuté de la situation factuelle et juridique avec la requérante et l'intimée.

Pour plus de détails sur le déroulement de la procédure orale, il est renvoyé au procès-verbal de celle-ci. Le dispositif de la décision a été prononcé à l'issue de la procédure orale.

Les arguments des parties sont traités en détail ci-après dans les motifs de la décision.

Motifs de la décision

1. D20 et D21 - Recevabilité

1.1 La requérante a produit pour la première fois en procédure de recours deux nouveaux documents (D20, D21) en faisant valoir que leur pertinence de prime abord remettrait en cause la validité du brevet.

D20 est un courrier de la titulaire daté du 31 octobre 2014, décrivant un bouchon dont l'épaisseur de préhension est supérieure à l'épaisseur de bouchage et mentionnant un modèle communautaire déposé en janvier 2013, que la requérante suppose être le modèle communautaire correspondant au document D2.

D20 aurait été réceptionné, avant la date de priorité du brevet en cause, par un employé de la requérante.

Selon la requérante, l'usage antérieur décrit par D20 constituerait une nouvelle antériorité opposable au brevet attaqué car aucun accord de confidentialité n'aurait été attaché à cet échange.

D20 ne constituerait pas une surprise pour l'intimée, dans la mesure où ce document émanerait d'elle-même.

D20 n'aurait pas pu être soumis dans la procédure ayant mené à la décision contestée car l'employé de la requérante destinataire de cette lettre ne l'aurait pas porté à l'attention de sa hiérarchie au moment où la requérante avait formé opposition contre le brevet en instance.

Plus précisément, ce serait après la procédure orale en procédure d'opposition et suite à une action en contrefaçon ainsi qu'à une décision du juge dans cette affaire de contrefaçon rendue le 5 août 2022, que la requérante aurait décidé de revoir tous les documents pour finalement découvrir, le 23 août 2022, le document D20 dans l'ordinateur de son employé parti entre temps à la retraite.

C'est donc de bonne foi et en raison des circonstances exceptionnelles susmentionnées que la requérante aurait présenté D20 pour la première fois en procédure de recours.

La similitude entre les circonstances décrites ci-dessus et celles de l'affaire T 947/99, dans laquelle la Chambre a admis un usage antérieur, serait manifeste car dans les deux cas les requérantes n'ont pris connaissance des usages antérieurs pertinents que tardivement.

Les circonstances du présent recours diffèrent par contre complètement de celles de l'affaire T 348/18 dans laquelle la Chambre de recours a décidé de ne pas admettre en recours de nouveaux moyens qui n'avaient pas été produits en opposition, en invoquant le principe du droit romain "nemo auditur turpitudinem propriam allegans", étant donné que la requérante n'avait aucune raison de suspecter qu'un de ses employés possédait un document aussi pertinent que D20.

Il n'y a eu ni faute ni négligence de la part de la requérante car il n'y avait aucune raison de douter du professionnalisme de l'employé destinataire de D20.

Au contraire, puisque ce document provient de l'intimée, c'était à cette dernière qu'il incombait, par souci d'équité vis-à-vis de la requérante et du public en général, de le verser au dossier voire de le citer dans la demande de brevet conformément à la règle 42(1)b) CBE.

De même, il serait déraisonnable d'exclure D21 de la présente procédure car cela reviendrait à dire que la Chambre déciderait de juger l'affaire actuelle en faisant délibérément fi d'un texte de loi.

D21 serait également pertinent car ce document établirait le cadre juridique pour l'interprétation des dessins de D2, démontrant que ce modèle communautaire s'appliquerait à tout bouchon ne créant pas "une impression visuelle globale différente" de celle produite par les dessins de D2 (voir également le point C-1.b du courrier daté du 14 avril 2023).

1.2 L'intimée s'oppose à ce que la Chambre prenne en considération les documents D20 et D21 et les objections basées sur ceux-ci.

1.3 Selon l'article 12(6) RPCR la Chambre n'admet ni requêtes, ni faits, ni objections, ni preuves qui auraient dû être soumis dans la procédure ayant conduit à la décision attaquée, à moins que les circonstances du recours justifient leur admission.

La décision T 947/99 citée par la requérante est antérieure à l'entrée en vigueur au 1er janvier 2020 du règlement de procédure des Chambres de recours (RPCR) qui s'applique dans le cas présent et qui spécifie les conditions quant à l'admission de documents déposés tardivement en procédure de recours. Ces conditions n'étaient pas établies au moment de la décision en question et n'ont donc pas été prises en compte dans la décision T 947/99. Il convient donc en premier lieu de considérer si les conditions édictées au RPCR sont satisfaites pour décider de l'admission de D20 dans la procédure de recours.

La Chambre considère que les circonstances présentées par la requérante pour le dépôt tardif de D20 et de D21 ne justifient pas l'admission de ces documents pour les raisons fournies ci-après.

Le fait que l'employé de la requérante déstinataire de D20 n'ait pas porté ce document à l'attention de son supérieur hyérarchique lorsque la requérante a formé opposition contre le brevet ne fait que confirmer que la requérante via son employé était en possession de ce document et qu'elle aurait pu et dû déjà le présenter dans le cadre de la procédure de première instance.

Ce document était en effet bien en possession de la requérante pour le produire en temps utile de telle manière à ce qu'il soit pris en compte pour la décision sujette du recours (article 12(2) RPCR).

De plus, même si elles étaient contraires aux attentes de la requérante, les conclusions établies lors de la procédure orale en procédure d'opposition ne représentent pas en elles-mêmes des circonstances justifiant l'admission de documents tardifs.

Il en est de même pour l'existence de procédures en instance devant des cours et tribunaux nationaux qui n'ont pas d'incidence sur la procédure de recours sur opposition.

Le choix délibéré d'effectuer une recherche supplémentaire et ainsi de produire D20 après la procédure orale en procédure d'opposition et aussi après le prononcé de la décision du juge en contrefaçon relève de la stratégie interne, délibéremment choisie, de la requérante dans cette affaire. La Chambre note que la requérante avait tout loisir après le départ en retraite le 21 juin 2021 de l'employé destinataire de D20, c'est-à-dire bien avant la tenue de la procédure orale en opposition du 15 février 2022, de revoir l'intégralité des documents et ainsi d'inspecter le disque dur de l'ordinateur de l'employé en question.

La Chambre considère que la stratégie mise en ½uvre par la requérante ne constitue pas des circonstances exceptionnelles justifiant l'admission de documents tardifs en procédure de recours.

D'ailleurs, contrairement à l'avis de la requérante, les circonstances de la présente affaire semblent très similaires à celles de l'affaire T 348/18, point 6.7.2 des motifs, dans le contexte d'une décision discretionnaire basée sur le RPCR en vigueur à ce moment-là de ne pas admettre des documents qui avaient été déposés pour la première fois avec le mémoire exposant les motifs du récours.

Dans cette affaire antérieure, l'opposante avait expliqué le dépôt tardif de ces documents par un dysfonctionnement lié à la perte d'archives suite à un déménagement de son service brevets. Toutefois, la Chambre a rejeté cette explication, estimant que l'accepter permettrait à l'opposante de corriger une négligence dont elle était elle-même responsable, ce qui serait préjudiciable à l'efficacité de la procédure et porterait atteinte aux intérêts de la titulaire du brevet. La présente Chambre établit ainsi un parallèle avec le cas présent en ce que l'employé destinataire de D20 n'a pas informé sa hyérarchie de ce document, ce qui peut être assimilé à un dysfonctionnement interne. En tout état de cause, ce dysfontionnement interne ne permet en rien de justifier le choix délibéré de la stratégie de la requérante expliqué ci-avant.

Les mêmes raisons s'appliquent pour le document D21, déposé avec le mémoire de recours dans le contexte de la nouvelle allégation d'usage antérieur fondée sur D20, et aux arguments basés sur celui-ci.

À la lumière des considérations ci-dessus, la Chambre décide que les documents D20 et D21 ainsi que les objections basées sur ceux-ci ne sont pas recevables en vertu de l'article 12(6) RPCR.

2. D22, D23 et D24 - Recevabilité

2.1 L'intimée a versé au dossier un nouveau document (D22) et a argué que les documents D23 et D24, cités pour la première fois par la requérante dans son mémoire exposant les motifs de recours, n'auraient pas été invoqués dans l'acte d'opposition. Elle s'oppose alors à ce que la Chambre de recours les prenne en considération avec l'argument que la discussion sur les connaissances générales de la personne du métier relativement à la technique du bord roulé est présente depuis le début de la procédure d'opposition et que les documents D23 et D24 ne révéleraient aucune caractéristique pertinente ayant de bonnes chances de modifier l'issue de la procédure et de faire obstacle au maintien du brevet attaqué.

2.2 La requérante ne s'oppose pas à ce que la Chambre de recours prenne D22 en considération.

2.3 Les documents D23 et D24 sont recevables, tout en tenant compte des Articles 12(4) et 12(6) RPCR, étant donné que ces documents ne sont pas utilisés pour formuler d'objections qui auraient pu ou dû être formulées au cours de la procédure d'opposition, mais ont été déposés dans le cadre du prolongement d'une discussion déjà entamée au cours de la procédure d'opposition sur les connaissances générales de la personne du métier, en l'occurrence sur la technique du bord roulé.

Il en va de même du document D22, qui est aussi recevable.

En effet, ce document a été déposé par l'intimée dans le cadre d'une discussion elle aussi déjà entamée au cours de la procédure d'opposition concernant la relation entre la requérante et l'intimée. Il concerne ainsi l'existence éventuelle d'une clause de confidentialité implicite entre ces parties qui pourrait remettre en cause la mise à la disposition du public de D5.

3. Suffisance de description

3.1 La Division d'Opposition avait considéré l'application d'un bord roulé à un matériau à base cellulosique suffisamment flexible pour être déformé comme "une technique évidente pour la personne du métier", et également à la lumière de la figure 2 du brevet, avait reconnu la suffisance de description de l'invention (décision sujette du recours, point II.13.1).

3.2 La requérante conteste cela avec les arguments suivants.

3.2.1 Les connaissances générales de la personne du métier ne seraient pas suffisantes pour compléter les informations données dans le brevet et mettre en ½uvre, pour chaque matériau à base cellulosique possible, un renflement circulaire s'étendant à l'intérieur du réceptacle réalisé selon la technique du bord roulé.

Selon la requérante, même si la personne du métier comprenait aisément l'expression "bord roulé", elle ne saurait pas identifier sans équivoque une "technique du bord roulé" dans le contexte de l'invention définie à la revendication 1 du brevet, en particulier eu égard à sa portée très large.

La requérante ne met pas en doute qu'un renflement circulaire réalisé par un bord roulé et s'étendant à l'intérieur dudit réceptacle puisse être obtenu pour des réceptacles avec certains matériaux à base cellulosique mais conteste que le brevet dans son ensemble fournisse des indications permettant à la personne du métier de proposer une méthode d'obtention du bord roulé quel que soit le matériau à base cellulosique utilisé.

La personne du métier aurait du mal à choisir, en fonction du matériau sélectionné pour le réceptacle, la methode et les paramètres de mise en forme, car il n'existerait pas de technique unique du bord roulé qui vaudrait pour tous les matériaux cellulosiques, comme le montrent les documents D8, D23 et D24. La personne du métier serait ainsi confrontée à une charge excessive de choix parmi les nombreuses méthodes et les nombreux paramètres de mise en ½uvre, voire de leurs nécessaires adaptations, sans aucune information à sa disposition à cet égard.

Selon la jurisprudence constante, il ne serait satisfait à l'exigence relative à la suffisance de l'exposé définie à l'article 83 CBE que si la divulgation de l'invention permettait à la personne du métier d'exécuter, sans effort excessif, essentiellement tous les modes de réalisation couverts par l'invention revendiquée (T 1064/15).

L'expression "matériau à base cellulosique" inclurait tous les matériaux possibles contenant de la cellulose, tel que le bois, le bambou, les feuilles de bananier, et aussi les matières textiles telles que l'acétate de cellulose, la viscose, la rayonne ou le modal.

La méthode de formation d'un bord roulé utilisant un outil de presse ferait partie des connaissances générales, mais ne serait pas adaptée à tous les matériaux à base cellulosique possibles.

Cette technique, même appliquée à une boîte en carton, ne permettrait pas de toujours former un bord roulé pour chaque épaisseur.

Dans le cas particulier du bois, toute tentative de pliure exercée perpendiculairement aux fibres risquerait de les casser.

Il ne serait donc pas évident, pour la personne du métier, d'identifier une seule technique appropriée pour réaliser un réceptacle à bord roulé, sans connaître la nature du matériau utilisé, étant donné que la nature du matériau du réceptacle déterminerait la technique qui devrait être utilisée.

3.3 La Chambre n'est pas convaincue par les arguments de la requérante, car ils illustrent simplement que la portée de la revendication 1 est large du fait que ni le matériau ni la méthode d'obtention du bord roulé n'y sont définis spécifiquement.

3.3.1 La portée large d'une revendication n'est cependant pas une raison en soi justifiant l'incapacité pour la personne du métier de mettre en ½uvre l'invention.

De plus, comme l'intimée l'a justement mis en avant, l'expression "réalisé selon la technique du bord roulé" ne définit, dans le contexte d'une revendication de produit telle que la revendication 1, que la présence d'un renflement circulaire s'étendant à l'intérieur dudit réceptacle résultant du bord roulé, sans aucune précision ou limitation quant à la façon dont ce bord a été obtenu.

La requérante a allégué, mais n'a pas expliqué de manière concluante, pourquoi la personne du métier ne pourrait pas déterminer les paramètres idoines pour produire une boîte avec ce renflement en exploitant ses connaissances générales.

Que dans le cas de certains matériaux à base cellulosique comme par exemple le bois, la personne du métier pourrait sous certaines conditions, qu'il reste encore à démontrer, être dans l'incapacité de mettre en ½uvre une méthode de réalisation d'un bord roulé (comme argumenté par la requérante) ne remet pas non plus forcément en cause le fait que la personne du métier puisse réaliser l'invention conformément à l'article 83 CBE.

En effet, comme indiqué dans la décision G 1/03, JO OEB, 2004, 413, point 2.5.2 des motifs: "Lorsqu'il existe un grand nombre de variantes concevables et que le fascicule contient des informations suffisantes sur les critères permettant de trouver au prix d'un effort raisonnable les variantes appropriées dans le domaine revendiqué, la présence de certains modes de réalisation qui ne fonctionnent pas n'est pas préjudiciable" (cf. JCR, II.C.5.2).

3.3.2 La référence à la décision T 1064/15 ne suffit pas à démontrer que la décision de la Division d'Opposition serait incorrecte, car il manque des moyens de preuve démontrant incontestablement que la personne du métier ne serait pas en mesure de reproduire la boîte revendiquée. Dans la décision T 1064/15, point 3 des motifs, la Chambre a considéré que le paramètre relatif à un diamètre spécifié dans la revendication s'appliquait bien pour des aiguilles à sections circulaires mais, par contre, n'était pas identifiable pour des aiguilles à section non-circulaires. Cette décision ne correspond donc pas au cas de figure de la présente affaire étant donné que la requérante n'a pas avancé de paramètre présent dans la revendication qui ne serait pas identifiable dans certains cas de figure couverts par cette même revendication.

3.4 Au vu des raisons ci-dessus, la Chambre ne voit pas de raisons de remettre en cause la conclusion de la Division d'Opposition selon laquelle la requête de l'intimée satisfait aux exigences de l'article 83 CBE.

4. Modifications

4.1 La requérante fait valoir que la requête de l'intimée n'est pas en conformité avec les exigences de l'article 123(2) CBE sur la base d'arguments développés à l'encontre de la revendication 1 du brevet tel que délivré.

4.1.1 Selon la requérante, la revendication 1 du brevet tel que délivré a été modifiée en puisant des caractéristiques isolées dans un ensemble de caractéristiques divulguées à l'origine uniquement de façon combinée à la page 6, ligne 22 à 23 de la description originale et en omettant la caractéristique essentielle selon laquelle le conteneur est rigide.

4.1.2 D'après la requérante l'omission de la caractéristique "rigide" constituerait alors une généralisation intermédiaire inadmissible, du fait que la rigidité du matériau serait une condition préalable essentielle au fonctionnement de la boîte.

4.2 La Chambre n'est pas convaincue par les arguments de la requérante selon lesquels le passage de la page 6, ligne 22 à 23 de la description de la demande telle que déposée décrirait exclusivement un matériau à base cellulosique rigide.

Contrairement à ce que la requérante prétend, la phrase "Il est néanmoins rigide" de ce passage de la demande telle que déposée s'applique au réceptacle, eu égard au sujet "le réceptacle" de la phrase précédente.

4.2.1 Contrairement à l'avis de la requérante la Chambre considère que la rigidité décrite à la page 6, lignes 22 à 23 de la description de la demande telle que déposée indique uniquement la capacité du réceptacle de ne pas se déformer lors du positionnement du bouchon, au point de devenir inutilisable.

À cet égard, comme argumenté par l'intimée, la Chambre estime que la caractéristique d'une rigidité suffisante du réceptacle est implicite dans la revendication 1 de sorte que la revendication est acceptable.

La revendication 1 ne contrevient donc pas à l'article 123(2) CBE.

Par conséquent, la Chambre ne voit pas de raisons de remettre en cause la conclusion de la Division d'Opposition selon laquelle la requête de l'intimée satisfait aux exigences de l'article 123(2) CBE.

5. Activité inventive à partir du document D5, interprété selon D3 et D2

5.1 D'après la Division d'Opposition, l'objet de la revendication 1 se distingue des boîtes divulguées dans le document D5 interpreté à l'aide de D2 et D3 (voir décision sujette du recours, points II.14.5.5 et II.14.5.11) par deux caractéristiques, à savoir en ce que:

i)- le réceptacle est en un matériau à base

cellulosique

ii)- l'épaisseur de préhension est supérieure à

l'épaisseur de bouchage.

La Division d'Opposition a reconnu la présence d'activité inventive seulement sur base de la deuxième caractéristique distinctive ii) identifiée ci-dessus, la première étant considérée comme évidente eu égard à l'état de la technique.

La requérante conteste la formulation du problème technique partiel lié à la deuxième caractéristique distinctive faite par la Division d'Opposition et soutient que cette caractéristique ne serait pas inventive non plus.

La requérante est d'avis que le problème technique partiel à résoudre, associé par la Division d'Opposition à la caractéristique d'épaisseurs relatives de préhension et de bouchage, serait déjà résolu par D5. En effet, si le bouchon décrit dans ce document, commercialisé par l'intimée, ne permettait pas de résister correctement aux contraintes lors de son encliquetage ou de son désencliquetage avec le bord roulé du réceptacle, voire tout simplement de sa simple manipulation, il aurait depuis longtemps été retiré du marché. Cet effet de résistance aux contraintes est donc inhérent au bouchon ainsi divulgué et correspond à l'effet allégué dans le brevet pour le dispositf de bouchage de la boîte revendiquée.

Le problème devrait donc être reformulé comme étant moins ambitieux, à savoir celui de trouver une simple alternative au bouchon proposé par D5.

Le document D6 (page 4, lignes 16 à 20) divulguerait plusieurs bouchons, l'un d'entre eux ayant une épaisseur de préhension comprise entre 6 et 8 cm, c'est-à-dire supérieure à l'épaisseur de bouchage comprise entre 4 et 6 cm.

D6 envisagerait donc la possibilité d'avoir une épaisseur de préhension supérieure à celle de la partie de bouchage.

L'alternative revendiquée et divulguée par D6 s'imposerait alors, de prime abord, à la personne du métier, qui n'aurait aucune difficulté pratique à l'appliquer à la boîte selon D5.

De cette manière, il parviendrait à l'objet de la revendication 1 sans exercer aucune activité inventive.

La requérante a présenté oralement lors de la procédure orale devant la Chambre le même raisonnement en combinant l'enseignement de D5 comme art antérieur le plus proche avec celui de D16 au lieu de D6 pour la caractéristique distinctive ii) d'épaisseurs relatives de préhension et de bouchage. D16 divulgue, page 5, lignes 29 à 33, une épaisseur de bouchage de 6 mm et une épaisseur de préhension de 7 mm (épaisseur totale de 13 mm moins l'épaisseur de bouchage).

5.2 La Chambre n'est pas convaincue par les arguments de la requérante.

La Chambre suit au contraire la ligne de défense de l'intimée selon laquelle la requérante n'a pas correctement interprété, dans la formulation du problème technique partiel lié à la deuxième caractéristique distinctive ii), l'effet de cette dernière mentionné au paragraphe [0010] du brevet.

Selon ce paragraphe, les contraintes exercées sur la partie de préhension pour pouvoir engager la partie de bouchage à l'intérieur du réceptacle sont d'autant mieux absorbées que la partie de préhension présente une épaisseur plus importante que celle de la partie de bouchage.

Cela signifie, comme l'a justement fait noter l'intimée, que l'effet d'augmenter l'épaisseur de la partie de préhension en la rendant supérieure à l'épaisseur de la partie de bouchage réside en une réduction du risque d'endommager ladite partie de préhension lors de l'engagement de la partie de bouchage dans le réceptacle.

En effet, les contraintes exercées sur la partie de préhension pour pouvoir engager la partie de bouchage dans l'ouverture d'un réceptacle, tel que décrit dans le brevet attaqué et dans les documents D2, D3 et D5, ne sont en règle générale pas appliquées seulement à la surface supérieure de ce dispositif, comme l'a soutenu la requérante, car un utilisateur exerce normalement aussi une force de retenue agissant perpendiculairement aux parois latérales de la partie de préhension, pour tenir le dispositif de bouchage pendant son insertion.

L'examen de l'activité inventive doit donc être effectué sur la base de l'effet technique identifié par la Division d'Opposition de: "mieux absorber les contraintes que l'on vient exercer sur la partie de préhension pour pouvoir engager la partie de bouchage à l'intérieur du réceptacle et éviter de l'endommager" sur la base duquel l'intimée a reformulé le problème à résoudre lors de la procédure orale comme étant de fournir un bouchon à gorge qui ne s'endommage pas lors de son insertion et encliquetage dans un réceptable à bord roulé (décision sujette du recours, point II.14.5.6).

Les objections d'activité inventive formulées à l'encontre de la revendication 1 sur la base du document D5, interprété selon D3 et D2, pris en combinaison avec D6 ne sont alors pas convaincantes, car même si D6 divulgue des intervalles d'épaisseurs pour la partie de bouchage et la partie de préhension avec éventuellement une épaisseur de la partie de préhension supérieure à l'épaisseur de la partie de bouchage, ce document ne contient pas d'enseignement sur la base duquel il est possible de lier la caractéristique distinctive à une réduction du risque d'endommagement de la partie de préhension.

En particulier, aucun des passages cités par la requérante ne contient un tel enseignement (cf. par exemple page 4, lignes 16 à 20), ni d'ailleurs ne fait référence à un réceptable à bord roulé.

Le même raisonnement s'applique au vu de la divulgation de D16 qui comme D6 est silencieux quant à l'encliquetage du bouchon dans un réceptacle à bord roulé et qui ne décrit pas non plus d'avantage particulier pour une épaisseur de la partie de préhension supérieure à l'épaisseur de la partie de bouchage, et encore moins une indication permettant à la personne du métier de considérer cet enseignement dans le but de résoudre le problème posé.

Il apparaît ainsi, que ce soit au vu de D6 ou de D16, que la personne du métier pourrait le faire, mais aucune raison objective ne permet de conclure qu'elle le ferait.

5.3 Au cours de la procédure orale, la requérante a également soulevé une objection de défaut d'activité inventive formulée toujours à partir du document D5, interprété selon D3 et D2, comme art antérieur le plus proche en le combinant avec les connaissances générales de la personne du métier à l'encontre de la caractéristique distinctive ii).

Selon la requérante, dans le cas où la personne du métier serait confrontée au problème posé par l'intimée sur la base de la caractéristique distinctive ii), elle penserait immédiatement à augmenter l'épaisseur de la partie de préhension dans le but de réduire le risque de son endommagement car il s'agit d'une mesure usuelle et courante qui fait partie des connaissances générales de la personne du métier. Ce faisant elle arriverait de manière évidente à caractéristique distinctive ii) de l'épaisseur de la partie de préhension supérieure à l'épaisseur de la partie de bouchage.

5.4 La Chambre n'est pas non plus convaincue par cette objection.

Il est en effet possible que la personne du métier face au problème posé envisage l'augmentation de l'épaisseur de la partie de préhension dans le but d'éviter son endommagement. Cependant, l'augmentation de l'épaisseur de la partie de préhension jusqu'à la rendre supérieure à l'épaisseur de la partie bouchage afin de résoudre ledit problème posé reste une allégation infondée de la part de la requérante qui n'a été étayée par aucun moyen de preuve des connaissances générales de la personne du métier.

5.5 Par conséquent, la Chambre ne voit pas de raisons de remettre en cause la conclusion de la Division d'Opposition selon laquelle la requête de l'intimée satisfait aux exigences de l'article 56 CBE.

5.6 La Chambre note qu'au vu des raisons ci-desssus une discussion quant à savoir si D5 fait partie de l'état de la technique ou non (cf. décision sujette du recours, points II.14.5.2 à II.14.5.4) sur la base par exemple du document D22 déposé par l'intimée s'avère inutile.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

Le recours est rejeté.

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