European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2024:T036422.20240604 | ||||||||
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Date de la décision : | 04 Juin 2024 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0364/22 | ||||||||
Numéro de la demande : | 15725597.7 | ||||||||
Classe de la CIB : | B60C 1/00 C08C 19/12 C08C 19/25 C08K 3/36 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | PNEUMATIQUE À FAIBLE RÉSISTANCE AU ROULEMENT | ||||||||
Nom du demandeur : | Compagnie Générale des Etablissements Michelin | ||||||||
Nom de l'opposant : | ABG Intellectual Property Law, S.L. | ||||||||
Chambre : | 3.3.03 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Nouveauté - (oui) Activité inventive Modification après signification - circonstances exceptionnelles (oui) Renvoi - (oui) |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. Le recours de l'opposante porte sur la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition formée à l'égard du brevet européen No. 3 152 066.
II. La décision de la division d'opposition était fondée entre autres sur les documents suivants: D1: JP 2009-263587 A D1a: Traduction en anglais de D1D2: US 2011/0178233 A1 D3: US 2012/0245270 A1 D5: US 2013/0158158 A1 D5': US 2013/0158185 A1 D6: US 2013/0296471 A1 D7: US 2014/0135437 A1 D18: US 2010/0204372 A1 D20: US 2010/0036019 A1 D21: US 2012/0285599 A1 D22: US 2012/0053263 A1 D23: US 2012/0214903 A1 D24: C.J. Brinker, J. Non-Crystalline Solids, 100, 1988, pages 31-50 D25: US 2016/0176992 A1 D26: WO 2015/018772 A1 D27: WO 2015/065884 A1 D28: WO 2009/077837 A1 D30: US 2016/0159157 A1 D32: Résultats expérimentaux déposés par la titulaire par lettre du 2 octobre 2020 D33: Rubber Technology, Troisième Edition, Edité par M. Morton, 1995, pages 223-224 D36: EP 2 716 700 A1 D38: US 2011/0144236 A1 D39: US 2005/0171267 D40: EP 2 204 406 A1 D41: EP 2 511 334 A1| | | |
III. Les conclusions tirées par la division d'opposition dans cette décision, dans la mesure où elles sont pertinentes pour le présent recours, peuvent être résumées comme suit:
- Alors que les documents D5', D20 à D23, D28, D30, D36 et D38 à D41 étaient admis dans la procédure, les documents D26, D27 et D33 ne l'étaient pas.
- Le brevet en litige satisfaisait aux exigences de suffisance de l'exposé.
- L'objet de la revendication 1 telle que délivrée était nouveau vis-à-vis des documents D1 à D3, D6 et D7.
- Le document D5' constituait l'état de la technique le plus proche et l'objet de la revendication 1 telle que délivrée présentait une activité inventive au vu de ce document.
- D18 n'était pas aussi pertinent que D5' et paraissait moins utile comme art antérieur le plus proche (décision contestée: page 10, section 5, quatrième paragraphe). Toutefois, l'objet de la revendication 1 telle que délivrée présentait aussi une activité inventive en partant de D18.
- Bien que l'opposante ait questionné l'activité inventive en partant de D3 comme art antérieur le plus proche, D3 était moins pertinent que D5' (décision attaquée: page 10, section 5, deuxième et troisième paragraphes).
Etant donné qu'aucune des objections présentées par l'opposante n'était convaincante, l'opposition était rejetée.
IV. L'opposante (requérante) a formé un recours contre cette décision.
V. La titulaire (intimée) a déposé sept requêtes auxiliaires avec sa réponse au mémoire de recours.
VI. Dans sa notification selon l'article 15(1) RPCR envoyée en préparation de la procédure orale, la Chambre a donné son opinion préliminaire.
VII. Les requêtes finales des parties étaient les suivantes:
La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet. Pendant la procédure orale devant la Chambre la requérante a de plus demandé, après que la nouveauté de la requête principale vis-à-vis de D3 ait été reconnue et que D3 ait été considéré comme un point de départ raisonnable pour l'analyse de l'activité inventive, le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition sans que la Chambre ne prenne position sur ses autres objections.
L'intimée a demandé, à titre principal, le rejet du recours ou, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous forme modifiée selon l'une des requêtes auxiliaires 1 à 7 déposées avec sa réponse au mémoire de recours. Pendant la procédure orale devant la Chambre l'intimée a de plus demandé le renvoi de l'affaire devant la division d'opposition si la Chambre devait arriver à la conclusion que le document D3 était un point de départ raisonnable pour l'analyse de l'activité inventive.
VIII. La requête principale (brevet tel que délivré) est la seule requête en instance qui est pertinente pour la présente décision. La revendication 1 de cette requête principale s'énonce comme suit:
"1. Pneumatique dont la bande de roulement comporte une composition de caoutchouc à base d'au moins :
- une matrice élastomère comprenant plus de 50% en masse d'un SBR solution qui porte une fonction silanol et une fonction amine,
- une charge renforçante présente à un taux compris entre 40 et 80 pce, laquelle charge renforçante comprend entre 40 et 80 pce d'une silice,
- un agent de couplage pour coupler la silice au SBR solution,
- 10 à 50 pce d'une résine hydrocarbonée présentant une Tg supérieure à 20°C,
- 0 à moins de 5 pce d'un plastifiant liquide."
Alors que les revendications 2 à 11 de la requête principale portent sur des modes de réalisation préférés de la revendication 1, la revendication 12 concerne un procédé pour préparer un pneumatique selon l'une quelconque des revendications 1 à 11.
IX. Les arguments de la requérante pertinents pour la présente décision sont indiqués ci-dessous dans les motifs de la décision. Ils peuvent se résumer ainsi :
- La décision de la division d'opposition de ne pas admettre les documents D26, D27 et D33 devrait être renversée.
- Il n'y avait pas lieu de ne pas admettre le document D5' dans la procédure.
- Le document D32 n'aurait pas dû être admis dans la procédure ou considéré par la division d'opposition au vu de la saisine G 2/21. De plus, il se pourrait, en fonction des conclusions tirées dans cette saisine, que D32 ne puisse pas être considéré.
- Le brevet en litige ne satisfaisait pas aux exigences de suffisance de l'exposé (article 100 b) CBE).
- L'objet de la revendication 1 de la requête principale n'était pas nouveau vis-à-vis de la divulgation des documents D1, D2, D6, D7, D26 et D27. La même conclusion était valide pour l'objet de la revendication 12 vis-à-vis de D3 et D6.
- L'objet de la revendication 1 de la requête principale n'impliquait pas d'activité inventive au vu de D1, D3, D5', D6 ou D18 comme état de la technique le plus proche.
- Pendant la procédure orale devant la Chambre, la requérante a de plus demandé, après que la nouveauté de la requête principale vis-à-vis de D3 ait été reconnue et que D3 ait été considéré comme un point de départ raisonnable pour l'analyse de l'activité inventive, que l'affaire soit renvoyée immédiatement devant la division d'opposition sans que la Chambre ne prenne position sur ses autres objections.
X. Les arguments de l'intimée pertinents pour la présente décision sont indiqués ci-dessous dans les motifs de la décision. Ils peuvent se résumer ainsi :
- Il n'y avait pas lieu de renverser la décision de la division d'opposition de ne pas admettre les documents D26, D27 et D33.
- La division d'opposition n'aurait pas dû admettre le document D5' dans la procédure.
- Il n'y avait pas lieu de renverser la décision de la division d'opposition d'admettre le document D32.
- Le brevet en litige satisfaisait aux exigences de suffisance de l'exposé (article 100 b) CBE).
- L'objet des revendications 1 et 12 de la requête principale était nouveau vis-à-vis de tous les documents considérés par la requérante pour ses objections de manque de nouveauté.
- D3 ne consistait pas un point de départ raisonnable pour l'analyse de l'activité inventive. Toutefois, si D3 devait être considéré comme un point de départ raisonnable, l'affaire devrait être renvoyée devant la division d'opposition pour cette analyse de l'activité inventive. L'intimée n'avait cependant pas d'objection à ce que les autres objections de la requérante pour lesquelles la division d'opposition avait pris une décision soient traitées par la Chambre.
- L'objet de la revendication 1 de la requête principale impliquait une activité inventive au vu de D5' ou D18 comme état de la technique le plus proche.
Motifs de la décision
1. Recevabilité de documents
1.1 D26, D27 et D33
1.2 La requérante a demandé à ce que la décision de la division d'opposition de ne pas admettre les documents D26, D27 et D33 soit renversée (mémoire de recours: points 4.2.6), ce qui était contesté par l'intimée (réponse au mémoire: page 1, dernier paragraphe et point II.2.6, page 13).
1.2.1 La recevabilité de D26 et D27 est sujette aux dispositions de l'article 12(6) RPCR, selon lesquelles la Chambre n'admet ni faits, ni preuves qui n'ont pas été admis dans la procédure ayant conduit à la décision attaquée, à moins que la décision de ne pas les admettre ait été entachée d'erreur dans l'exercice du pouvoir d'appréciation ou que les circonstances du recours justifient leur admission.
1.2.2 Selon la jurisprudence constante, en cas de contestation d'une décision prise par l'instance du premier degré dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, la Chambre n'est pas habilitée à réexaminer l'ensemble des faits de l'espèce déjà examinés en première instance pour déterminer si elle aurait ou non exercé de la même manière son pouvoir d'appréciation. En particulier, une Chambre de recours ne devrait statuer dans un sens différent de la manière dont l'instance du premier degré a exercé son pouvoir d'appréciation que si elle parvient à la conclusion que l'instance du premier degré a exercé son pouvoir d'appréciation sur la base de principes erronés, qu'elle n'a pas tenu compte des principes corrects, ou qu'elle a exercé son pouvoir de manière arbitraire ou déraisonnable (Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, 10ème édition, 2022, V.A.3.4.1.a)).
a) Dans sa décision, la division d'opposition a rejeté les documents D26 et D27 car ils avaient été déposés tardivement (cf. titre du point 2 des motifs à la page 6 de la décision; voir aussi lettre de l'opposante du 28 février 2020, dans laquelle ces documents ont été cités pour la première fois) et parce que ces documents n'étaient pas considérés pertinents de prime abord, en particulier parce que "la teneur en charge renforçante est en dehors de la plage de protection" (décision: haut de la page 7).
b) Ainsi, il ressort de la décision que la division d'opposition a tenu compte tant du dépôt tardif que de la pertinence des documents D26 et D27. La Chambre considère donc que la décision de la division d'opposition n'a pas été prise sur la base de principes erronés, en ne tenant pas compte des principes corrects, ou en exerçant le pouvoir discrétionnaire donné de manière déraisonnable. Il n'est donc pas justifié de renverser la décision de la division d'opposition pour ces raisons.
1.3 Toutefois, il est également établi qu'en ce qui concerne l'admission dans la procédure de recours d'un moyen non admis dans la procédure de première instance, les chambres disposent d'un pouvoir d'appréciation propre, en principe indépendant de la manière dont la première instance a exercé le sien. En particulier, un document qui aurait été admis dans la procédure de recours s'il avait été déposé pour la première fois au début de cette procédure ne devrait toutefois pas être considéré comme inadmissible pour la seule raison qu'il a déjà été déposé devant la première instance et qu'il n'a pas été admis (Jurisprudence, supra, V.A.3.4.3a); voir en particulier les passages relatifs aux décisions T 971/11, T 1811/13 et T 291/15).
a) Dans le cas d'espèce, D26 et D27 ont été considérés dans le mémoire de recours dans le cadre d'objections de manque de nouveauté (points 4.2.6 et 4.2.7). A cet égard, considérant que la requête principale défendue en opposition et actuellement en instance est le brevet tel que délivré, la Chambre estime qu'il n'y a aucune raison qui permette de justifier le dépôt de D26 et D27 au stade du recours. Il est de plus noté qu'il ne ressort pas de l'argumentaire présenté par la requérante dans son mémoire de recours quel(s) passage(s) de D26 et D27 sont supposés divulguer de manière directe et non équivoque la combinaison spécifique de caractéristiques selon la revendication 1 telle que délivrée, en particulier caractérisée par une teneur en charge renforçante comme définie dans cette revendication. Ainsi, il ne ressort pas des arguments présentés dans le mémoire de recours que D26 et D27 sont (de prime abord) pertinents quant à la nouveauté des revendications telles que délivrées (comme déjà conclu par la division d'opposition).
b) Pour cette raison, la Chambre a fait usage de son pouvoir d'appréciation et décidé de ne pas admettre D26 et D27 dans la procédure (article 12(6) RPCR).
c) Pour les mêmes raisons, la même conclusion s'applique à D33, puisque ce document a été déposé pendant la procédure d'opposition en appoint de D26 et D27 (lettre de l'opposante du 2 octobre 2020: bas de la page 8, où D33 était alors numéroté D32).
1.4 Document D32
1.4.1 La requérante a objecté que D32 n'aurait pas dû être admis dans la procédure ou considéré par la division d'opposition au vu de la saisine G 2/21 (mémoire de recours: avant-dernière page, point 6, quatrième paragraphe) et qu'il se pourrait, en fonction des conclusions tirées dans G 2/21, que D32 ne puisse pas être considéré (mémoire de recours: section 4.3, dernier paragraphe du point "D32 - Lack of Plausibility (G 2/21)").
1.4.2 A cet égard, il ne fait aucun doute que la décision contestée se base sur le document D32 (page 12, deuxième paragraphe, troisième phrase et troisième paragraphe). Dès lors, D32 fait partie de la procédure et, au vu de ces circonstances, la Chambre ne voit pas de bases légales pour exclure D32 de la procédure en recours.
1.4.3 En ce qui concerne les arguments de la requérante liés à la saisine G 2/21, il est noté que cette décision n'était pas disponible au moment où le mémoire de recours et la réponse ont été déposés, mais qu'elle a été entre-temps publiée (en date du 23 mars 2023; voir aussi JO OEB 2023, A85). Les conclusions suivantes y ont été tirées:
- Les moyens de preuve présentés par un demandeur ou un titulaire de brevet à l'appui d'un effet technique sur lequel il se fonde aux fins d'établir l'activité inventive de l'objet revendiqué ne peuvent être écartés au seul motif que ces moyens de preuve, sur lesquels l'effet repose, n'étaient pas accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet en cause et ont été produits après cette date (Sommaire, point I).
- Un demandeur ou un titulaire de brevet peut invoquer un effet technique comme fondement de l'activité inventive si la personne du métier, à la lumière de ses connaissances générales et sur la base de la demande telle que déposée initialement, conclurait que ledit effet est (i) englobé dans l'enseignement technique et (ii) fait partie de la même invention initialement divulguée (Sommaire, point II, ajout de "(i)" et "(ii)" par la Chambre).
1.4.4 S'agissant du critère (i), la Chambre est d'accord avec la conclusion tirée dans la décision T 116/18 (motifs: point 11.10; cette décision est celle qui a donné lieu à la saisine G 2/21), selon laquelle il suffit qu'une personne du métier lisant la demande en ayant les connaissances générales à l'esprit reconnaisse cet effet comme nécessairement pertinent pour l'objet revendiqué et qu'il n'est donc pas nécessaire qu'une divulgation textuelle (divulgation verbale positive) de cet effet soit présent dans la demande d'origine.
Concernant le critère (ii), la Chambre est également d'accord avec la conclusion tirée dans la décision T 116/18 (motifs: point 11.11) que la question est de savoir si une personne du métier aurait des raisons légitimes de douter, à la lecture de la demande, que l'effet technique allégué est obtenu par l'objet revendiqué.
1.4.5 En application des considérations indiquées ci-dessus, les conclusions suivantes peuvent être tirées pour le cas d'espèce:
- Il n'y a pas de raisons de ne pas considérer D32 du seul fait que ce document ait été déposé en cours de procédure d'opposition;
- L'effet d'adhérence sur sol mouillé étudié dans D32 peut être pris en considération au vu, par exemple, des paragraphes 1, 2, 4 à 6, 85 et 86 (qui énonce en particulier cette propriété) ainsi que du tableau I du brevet en litige (page 10, lignes 32-34).
1.4.6 Pour ces raisons, les conclusions tirées dans la saisine G 2/21 ne s'opposent pas à ce que D32 soit pris en compte dans le présent recours et l'objection de la requérante à cet égard est donc rejetée.
1.5 Document D5'
1.5.1 L'intimée a indiqué que la division d'opposition n'aurait pas dû admettre D5' dans la procédure (réponse: page 19, troisième paragraphe en partant du bas).
1.5.2 Toutefois, étant donné que la décision se base incontestablement sur ce document (page 6, section 2, premier document cité; page 10, section 5), il fait partie de la procédure de recours. Au vu de ces circonstances, la Chambre ne voit pas de bases légales pour exclure D5' de la procédure en recours.
Requête principale (brevet tel que délivré)
2. Au vu des requêtes en renvoi devant la division d'opposition déposées par les parties pendant la procédure orale devant la Chambre (voir point VII ci-dessus) il est nécessaire que les objections de la requérante soulevées à l'encontre de la requête principale soient traitées ci-après dans la même chronologie que celle de la procédure orale, à savoir en commençant par les questions de nouveauté et d'activité inventive vis-à-vis du document D3.
3. Nouveauté vis-à-vis de D3
3.1 La requérante conteste la décision de la division d'opposition concernant la nouveauté de l'objet des revendications 1 et 12 de la requête principale au vu de la divulgation du document D3. Il convient donc d'évaluer si l'objet des revendications 1 et 12 de la requête principale découle directement et de façon non équivoque de ce document de l'état de la technique.
3.2 A cet égard, l'objection de la requérante est que l'objet de la revendication 1 de la requête principale est anticipé par les exemples A et A+glycérol (tableau 1) de D3 car la seule caractéristique de cette revendication qui n'y est pas divulguée explicitement est que le SBR solution utilisé doit porter une fonction silanol et une fonction amine (alors que le SBR solution utilisé dans les exemples pertinents de D3 ne porte qu'une fonction silanol). Selon la requérante, étant donné que D3 divulgue au paragraphe 27 que le SBR peut être modifié de sorte qu'il comprenne un silanol et/ou un alkoxysilane portant une fonction amine, l'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau au vu de la combinaison de ces exemples et du paragraphe 27 de D3 (mémoire de recours: point 4.2.4).
3.3 Cependant, la Chambre partage l'avis de l'intimée qu'une modification des exemples du tableau 1 de D3 sur la base du paragraphe 27 de D3 tel que proposé par la requérante constitue un mode de réalisation qui n'est pas divulgué, explicitement ou implicitement, dans D3 (réponse: point II.2.4, quatrième paragraphe). Aussi, cette objection ne peut aboutir.
3.4 De plus, concernant la divulgation générale de D3, la Chambre considère que la combinaison de caractéristiques selon la revendication 1 de la requête principale ne peut être au mieux obtenue que par combinaison de multiples passages de D3 spécifiquement choisis parmi toutes les alternatives proposées dans ce document. Comme indiqué par l'intimée, l'enseignement de D3 n'est pas limité à des SBR solutions et ne divulgue pas de manière directe et non équivoque de SBR portant à la fois une fonction silanol et une fonction amine (réponse: page 11, cinq premiers paragraphes). Aussi, il ne peut être conclu que l'objet de la revendication 1 (et de la revendication 12) de la requête principale découle directement et de façon non équivoque du document D3. Il est par ailleurs noté que ces arguments avaient été mentionnés dans la notification de la Chambre (point 7.5.2) et qu'aucun contre-argument n'a été présenté par la requérante à l'encontre de ces considérations préliminaires, en particulier pendant la procédure orale devant la Chambre. Aussi, la Chambre n'a aucune raison de dévier de son avis préliminaire.
3.5 Au vu de ce qui précède, l'objet de la revendication 1 de la requête principale est nouveau par rapport à D3.
3.6 Etant donné que la revendication 12 concerne un procédé de préparation d'un pneumatique selon la revendication 1, son objet est nouveau vis-à-vis de D3 pour les mêmes raisons.
3.7 Au vu de ce qui précède, il n'est pas justifié de renverser la décision de la division d'opposition concernant la nouveauté de la requête principale par rapport au document D3.
4. Activité inventive - D3 en tant qu'état de la technique le plus proche
4.1 Sélection de D3 comme état de la technique le plus proche
4.1.1 Dans sa réponse au mémoire de recours, l'intimée a indiqué qu'au vu du nombre important d'objections de manque d'activité inventive présentées par la requérante, l'objection basée sur D3 ne devrait être considérée que si elle était plus pertinente que d'autres objections (voir en particulier le paragraphe récapitulatif en haut de la page 21 de la réponse, qui commence par "Pour conclure, ..."). Pendant la procédure orale devant la Chambre, l'intimée a de plus considéré que le document D3, qui était considéré par la requérante comme un document pouvant constituer l'état de la technique le plus proche, n'était pas un point de départ raisonnable pour l'analyse de l'activité inventive. En particulier, D3 ne s'intéressait pas à la propriété d'adhérence sur sol mouillé recherchée par le brevet en litige. Dès lors, selon l'intimée, D3 ne constituait pas un point de départ aussi approprié/valable que, par exemple D5' ou D1, qui visaient, eux, à fournir des compositions pneumatiques qui avaient cette propriété. Par conséquent, l'activité inventive ne devrait pas être analysée vis-à-vis de D3 comme état de la technique le plus proche.
4.1.2 Au vu de ces arguments de l'intimée, il convient d'évaluer si le document D3 est un point de départ raisonnable pour l'analyse de l'activité inventive.
4.1.3 A cet égard, selon la jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, l'état de la technique le plus proche est normalement un document de l'état de la technique qui divulgue un objet conçu dans le même but ou visant à atteindre le même objectif que l'invention revendiquée et présentant pour l'essentiel des caractéristiques techniques semblables, à savoir qui appellent peu de modifications structurelles (Jurisprudence, supra, I.D.3.1).
a) Dans le cas d'espèce, le brevet en litige concerne des pneumatiques à faible résistance au roulement. Selon les paragraphes 1 à 3 du fascicule du brevet, il est par ailleurs connu que de tels pneumatiques doivent obéir à un grand nombre d'exigences techniques, souvent antinomiques, parmi lesquelles une faible résistance au roulement, une résistance élevée à l'usure, ainsi qu'une adhérence élevée sur route sèche comme mouillée. Le brevet en litige cherche en particulier à fournir un pneumatique présentant une faible résistance au roulement tout en maintenant une bonne adhérence sur sol mouillé (brevet en litige: paragraphes 4 et 5; page 10, lignes 1 à 7 et tableau 1).
b) D3 se rapporte quant à lui à une composition de caoutchouc renforcée, utilisée pour la fabrication de bandes de roulement et comprenant un élastomère diénique fonctionnalisé choisi parmi les élastomères fonctionnalisés en bout de chaîne, couplés
ou étoilés par un groupement comportant une fonction polaire. De plus, D3 vise à réduire la résistance de roulement sans dégrader le comportement routier du
pneumatique (paragraphes 13, 14).
c) Ainsi, bien qu'il soit exact que D3 ne cherche pas à fournir des pneumatiques présentant une bonne adhérence sur sol mouillé comme le brevet en litige (le paragraphe 70 de D3 - mentionné par la requérante au premier paragraphe du point 4.3.3 de son mémoire de recours - ne fait référence qu'à l'art antérieur et non à l'invention selon D3), il ne fait aucun doute que D3 appartient au même domaine technique que le brevet en litige et qu'il traite d'un problème qui est au moins lié à celui(ceux) pouvant être dérivé(s) du brevet en litige. A cet égard, il est établi qu'il n'est pas nécessaire que l'état de la technique le plus proche divulgue tous les problèmes résolus par l'invention revendiquée mais qu'il suffit qu'il se rapporte à un problème technique similaire ou du moins à un domaine technique identique ou étroitement lié à celui du brevet en litige (Jurisprudence, supra, I.D.3.3). Cette conclusion se justifie par exemple par le fait que le problème technique objectif n'est déterminé que dans la deuxième étape de l'approche problème-solution basée sur les effets techniques produits par les caractéristiques distinguant l'invention telle que revendiquée de l'état de la technique le plus proche: dans le cas d'espèce, il serait ainsi incongru de disqualifier D3 si, par après, le problème de l'adhérence sur sol mouillé ne devait finalement pas être retenu pour la formulation du problème technique effectivement résolu.
d) De plus, non seulement D3 appartient au même domaine technique que le brevet en litige et vise à fournir des pneumatiques qui présentent des propriétés similaires à celles du brevet en litige, mais il ressort également de l'analyse de la nouveauté ci-dessus que l'objet de la revendication 1 de la requête principale ne se différencie de la divulgation constituée par les exemples A et A+glycérol de D3 que de par une seule caractéristique.
e) Au vu de ce qui précède, la Chambre considère donc que D3 est un document qui peut être considéré comme un point de départ raisonnable et prometteur pour l'analyse de l'activité inventive.
f) A cet égard, le fait qu'(au moins) un autre état de la technique puisse constituer un autre document pouvant être utilisé comme point de départ pour l'analyse de l'activité inventive (voir par exemples les documents D5' et D18 considérés dans la décision contestée et/ou les documents D1 ou D6 considérés pendant la procédure orale devant la division d'opposition) n'est pas une condition suffisante pour ne pas considérer D3 comme autre point de départ possible. Ainsi, selon la jurisprudence constante, lorsque deux documents sont tous deux adéquats pour servir d'état de la technique le plus proche, une activité inventive doit nécessairement être démontrée pour tous les deux (Jurisprudence, supra, I.D.3.4.1).
4.1.4 Pour ces raisons, la Chambre estime que le document D3 peut être considéré comme un point de départ raisonnable et prometteur pour l'analyse de l'activité inventive.
Renvoi - conditionnel - devant la division d'opposition
4.2 Suite à l'annonce faite par le Président de la Chambre que D3 était considéré comme un point de départ raisonnable pour l'analyse de l'activité inventive, l'intimée a requis le renvoi devant la division d'opposition pour traiter la question de l'activité inventive partant de ce document comme état de la technique le plus proche. L'intimée a justifié sa requête par le fait que cette objection n'avait pas été traitée complètement sur le fond dans la décision contestée. De plus, selon l'intimée, dans le cadre de cette objection, la question de la pertinence des exemples comparatifs réalisés dans D32 avait été soulevée pour la première fois dans la notification de la Chambre et l'intimée, malgré tous ses efforts, n'avait pas été en mesure de fournir d'autres essais comparatifs en temps utile pour répondre aux préoccupations de la Chambre. Selon l'intimée, ces circonstances exceptionnelles justifiaient à la fois que la demande de renvoi n'ait été présentée que pendant la procédure orale devant la Chambre et la requête en renvoi elle-même.
4.2.1 A cet égard, il est correct que dans la décision contestée, la division d'opposition n'a évoqué l'objection de manque d'activité inventive de la requérante (alors opposante) basée sur D3 que pour rejeter le choix de D3 comme état de la technique le plus proche (motifs de la décision: page 10, point 5, troisième paragraphe, dans lequel "D18" est une erreur manifeste et devrait être "D3"). Une analyse détaillée quant au fond des autres étapes de l'approche problème-solution (identification des caractéristiques distinctives; énoncé du problème effectivement résolu; évidence de la solution) n'a cependant pas été faite. De plus, il est également exact que la question de la pertinence des exemples comparatifs effectués par l'intimée dans D32 pour démontrer un effet par rapport à D3 comme état de la technique le plus proche n'a été posée pour la première fois que dans la notification de la Chambre (point 11.2, par analogie avec le raisonnement suivi pour l'évaluation de l'activité inventive au vu de D18 comme art antérieur le plus proche). En particulier, c'est seulement à ce moment que l'intimée a été confrontée à l'objection que les exemples comparatifs de D32 avaient été effectués sans glycérol alors que ce dernier constituait un composé essentiel de l'enseignement de D3 et qui était divulgué dans ce document comme pouvant avoir un impact non négligeable sur les propriétés des pneumatiques ainsi préparés. Bien que la requérante ait soulevé dans son mémoire de recours plusieurs objections quant à la pertinence de D32, elle n'a cependant jamais indiqué à ce stade de la procédure que les exemples comparatifs de D32 n'illustraient pas l'enseignement de l'exemple A+glycérol selon D3 et ne constituaient donc pas une comparaison valable.
4.2.2 Il est de plus noté que, en réaction immédiate à la notification de la Chambre, l'intimée a annoncé qu'elle avait décidé de réaliser en urgence des essais comparatifs complémentaires afin de répondre spécifiquement à l'objection de la Chambre (lettre du 4 avril 2024: page 3, dernier paragraphe). Il s'est toutefois avéré que ces essais n'ont pu être réalisés à temps "suite à des difficultés d'approvisionnement de matières premières" (lettre du 16 mai 2024: page 1, deuxième paragraphe; il a été confirmé pendant la procédure orale devant la Chambre que les résultats de ces essais n'étaient toujours pas disponibles).
4.2.3 Au vu de ce qui précède, la Chambre considère que les circonstances du cas d'espèce sont exceptionnelles et permettent de justifier non seulement la recevabilité de la requête en renvoi devant la division d'opposition (article 111(1) CBE) et ce, malgré son dépôt tardif dans la procédure (pendant la procédure orale devant la Chambre; article 13(2) RPCR). De plus, ces circonstances constituent sans aucun doute des raisons particulières qui justifient le renvoi lui-même (article 11 RPCR), en particulier pour l'analyse de l'activité inventive vis-à-vis de D3 comme état de la technique le plus proche.
4.2.4 Cependant, comme expliqué aux parties par le Président de la Chambre pendant la procédure orale, un tel renvoi n'est approprié que de manière conditionnelle, c'est-à-dire seulement si aucune des autres objections de la requérante pour lesquelles la division d'opposition a effectivement pris une décision ne devait aboutir. En effet, si l'une quelconque de ces objections devaient être couronnée de succès, la requête principale ne serait pas admissible et un renvoi deviendrait alors inutile.
Refus d'un renvoi "immédiat"
4.3 Une fois informée de l'intention de la Chambre de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition si aucune des autres objections de la requérante pour lesquelles la division d'opposition avait effectivement pris une décision ne devait aboutir, la requérante a alors demandé un renvoi immédiat devant la division d'opposition sans que la Chambre ne prenne position sur ses autres objections.
4.3.1 A cet égard, il est établi que la procédure de recours a pour objet premier une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée (article 12(2) RPCR). Aussi, étant donné qu'il ne fait aucun doute que la décision contestée a traité des objections liées à la suffisance de l'exposé, à la nouveauté vis-à-vis des documents D1, D2, D6 et D7 et à l'activité inventive au vu de D5' et D18 comme état de la technique le plus proche et que ces questions ont été abordées par les parties dans leurs écrits, la Chambre n'a vu aucune raison de ne pas traiter ces objections dans la présente procédure de recours. La Chambre ne partage en particulier pas l'avis de la requérante qu'un tel renvoi favoriserait l'intimée. En effet, la question de l'activité inventive n'ayant pas été traitée complètement quant au fond pendant la procédure d'opposition (il a seulement été considéré que D3 était moins pertinent que D5'), les deux parties impliquées dans le présent recours auront toutes les deux à nouveau la même possibilité de défendre leurs points de vue respectifs devant la division d'opposition. De même, le fait de traiter dans la présente procédure de recours les objections de la requérante pour lesquelles la division d'opposition a déjà pris une décision ne désavantage personne. Au contraire, un renvoi en première instance pour traiter à nouveau ces questions ne semble pas faire de sens puisqu'aussi bien les parties que la division d'opposition ont déjà pris position à ces égards.
4.3.2 Pour ces raisons, la demande de la requérante d'un renvoi "immédiat" de l'affaire devant la division d'opposition sans que la Chambre ne prenne position sur ses autres objections a été refusée.
4.4 Etant donné qu'aucune des autres objections soulevées par la requérante en recours n'a abouti, il convient de traiter chacune de ces objections dans la présente décision.
5. Suffisance de l'exposé (article 100 b) CBE)
5.1 Pour que les critères de suffisance de l'exposé soient satisfaits, la personne du métier doit être en mesure de mettre en l'½uvre l'invention, sans effort excessif et avec une bonne chance de succès, sur la base des informations contenues dans le brevet et, le cas échéant, de ses connaissances générales. Dans le cas d'espèce, il convient en particulier d'évaluer si la personne du métier est en mesure de préparer une composition de caoutchouc telle que définie dans la revendication 1 telle que délivrée, ce qui est contesté par la requérante.
Résine hydrocarbonée présentant une Tg supérieure à 20°C
5.2 La requérante a opposé que la personne du métier ne serait pas en mesure de préparer une composition selon la revendication 1 de la requête principale car, selon le paragraphe 49 du brevet en litige, une résine au sens du brevet en litige devait être solide à température ambiante (23°C), ce qui ne serait pas le cas pour une résine hydrocarbonée avec une Tg dans la gamme de température de 20 à 22°C qui fait partie du domaine défini dans la revendication 1 de la requête principale. Du fait de cette incohérence entre la revendication 1 de la requête principale et la description du brevet en litige, la requérante a considéré que la personne du métier ne serait pas en mesure de mettre en l'½uvre l'invention sur toute la portée de la revendication 1.
5.2.1 Il est tout d'abord noté que le fait que le terme "résine" se limite à un composé qui est solide à température ambiante (23°C) n'est mentionné que dans la description du brevet en litige et non dans la revendication 1 de la requête principale elle-même. Or, selon la jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, la règle normale d'interprétation des revendications est que les termes utilisés dans une revendication doivent recevoir leur signification technique la plus large dans le contexte de la revendication dans laquelle ils apparaissent. En l'espèce, il n'y a pas de raisons de limiter le terme "résine" selon la revendication 1 de la requête principale, qui est couramment utilisé dans le domaine des polymères, au sens particulier du paragraphe 49 de la description du brevet en litige.
5.2.2 De plus, la revendication 1 de la requête principale ne requiert pas que les résines à employer aient une Tg de 20 à 22°C comme considéré par la requérante mais seulement qu'elles aient une Tg "supérieure à 20°C". A cet égard, il n'a pas été démontré que la personne du métier aurait quelque difficulté que ce soit à trouver, parmi les résines indiquées aux paragraphes 56 à 61 du brevet, des résines qui soient solides à température ambiante et qui aient une Tg supérieure à 20°C. De ce fait, même si, au bénéfice de la requérante, le terme "résine" de la revendication 1 de la requête principale devait être lu au sens du paragraphe 49 du brevet en litige et s'il s'avérait qu'au moins certaines des composés indiquées aux paragraphes 56 à 61 du brevet pouvaient avoir une Tg supérieure à 20°C tout en n'étant pas solides à température ambiante, ces composés ne seraient simplement pas couvertes par la définition des résines selon la revendication 1 de la requête principale. Ceci n'empêcherait pas pour autant la personne du métier de préparer des compositions selon la revendication 1 de la requête principale.
SBR solution selon la revendication 1
5.3 La requérante a considéré par ailleurs que le brevet en litige ne fournissait pas suffisamment d'information pour produire le SBR solution portant une fonction silanol et une fonction amine tel que défini dans la revendication 1 du brevet en litige.
5.3.1 A cet égard, certains modes de préparation de ces SBR sont indiqués aux paragraphes 16 à 18 du brevet en litige, en particulier en faisant référence à des documents brevets. L'argument de l'intimée selon lequel la personne du métier saurait adapter les conditions de stripping indiquées au paragraphe 18 du brevet pour réaliser une hydrolyse de la fonction alcoxysilane sans effort indu (réponse: page 3, deuxième paragraphe complet) n'a pas été contredit.
5.3.2 Il est par ailleurs noté que, selon la jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, une objection de manque de suffisance de l'exposé suppose qu'il existe de sérieuses réserves à cet égard, étayées par des faits vérifiables. Cependant, dans le cas d'espèce, l'objection de la requérante ne repose sur aucun élément de preuve. Il n'a en particulier pas été démontré que la personne du métier ne saurait pas comment obtenir un SBR solution selon la revendication 1 du brevet en litige sur la base des informations des paragraphes 16 à 18 dudit brevet, au besoin complété par ses connaissances générales.
5.3.3 Il est vrai qu'au niveau de l'analyse de la nouveauté par rapport à D1, la division d'opposition a estimé qu'il ne pouvait pas être conclu que l'opération de stripping divulguée dans ce document conduisait obligatoirement à l'hydrolyse de la fonction alcoxysilane portée par le SBR (motifs de la décision: page 7, "vis à vis D1", troisième et quatrième paragraphe). Cependant, la Chambre partage l'avis de la division d'opposition que le fait qu'une opération de stripping mène ou non à l'hydrolyse des fonctions alcoxysilanes portées par un SBR solution dépend des conditions de réaction dans laquelle elle est effectuée. Le fait que la division d'opposition soit arrivée à la conclusion que le document D1 dans lequel une opération de stripping était effectuée ne constituait pas une divulgation directe et non équivoque d'un SBR solution qui porte une fonction silanol et une fonction amine tel que défini dans la revendication 1 du brevet en litige ne permet donc pas de conclure à un manque de suffisance de l'exposé de l'invention eu égard à cette caractéristique de ladite revendication 1.
5.4 Il est noté que tous les arguments indiqués ci-dessus avaient été mentionnés dans la notification de la Chambre (point 6) et qu'aucun contre-argument n'a été présenté par la requérante à l'encontre de ces considérations préliminaires, en particulier pendant la procédure orale devant la Chambre. Aussi, la Chambre n'a aucune raison de dévier de son avis préliminaire.
5.5 Au vu de ce qui précède, les arguments avancés par la requérante ne justifient pas que la Chambre infirme la décision de la division d'opposition selon laquelle la requête principale satisfait aux exigences de suffisance de l'exposé.
6. Nouveauté
6.1 En plus de l'objection de manque de nouveauté vis-à-vis du document D3 déjà traitée ci-dessus, la requérante a contesté la décision de la division d'opposition concernant la nouveauté de l'objet des revendications 1 et 12 de la requête principale au vu de la divulgation de chacun des documents D1, D2, D6, D7, D26 et D27. Toutefois, étant donné que les documents D26 et D27 n'ont pas été admis dans la procédure, la nouveauté de la requête principale vis-à-vis de ces documents n'a pas à être abordée ci-après. Pour les autres documents, il convient d'évaluer si l'objet des revendications 1 et 12 de la requête principale découle directement et de façon non équivoque de ces documents de l'état de la technique.
6.2 Document D1
6.2.1 La requérante a estimé que la revendication 1 de la requête principale était anticipée par l'exemple 2 de D1.
6.2.2 Aucune objection n'a été soulevée par les parties à l'encontre de la traduction (en anglais) D1a du document D1. Le contenu de D1 est donc établi sur la base de D1a.
6.2.3 Le seul point de dispute entre les parties est si l'exemple 2 de D1 divulgue effectivement un SBR solution "qui porte une fonction silanol et une fonction amine" tel que défini dans la revendication 1 de la requête principale. Au vu des arguments des parties, il convient en particulier d'évaluer si le SBR solution préparé dans cet exemple présente effectivement une fonction silanol.
a) A cet égard, la Chambre partage l'avis de l'intimée qu'il ressort de l'enseignement général de D1 que la composition selon l'exemple 2 de D1 (cf. tableau du paragraphe 97) comprend un SBR préparé selon l'exemple de production 1 de D1, qui met en ½uvre un accélérateur de condensation (tetrakis (2-ethyl-1,3-hexanediolate) titanium: paragraphe 91 de D1a dernier paragraphe, ligne 6) tel qu'indiqué au paragraphes 62-63 de D1a. Comme indiqué par l'intimée, une telle condensation semble correspondre à la transformation des fonctions alkoxysilanes du modificateur préparé dans l'exemple de synthèse 1 de D1a (paragraphe 91: N,N-bis (trimethylsilyl) aminopropylmethyldiethoxysilane) en liaisons -Si-O-Si- (réponse: point II.2.1, sixième paragraphe). Comme avancé par l'intimée, il semble de plus ressortir des paragraphes 68 et 69 de D1a que les conditions de réaction utilisées dans l'exemple 2 de D1a impliquent, selon l'enseignement de D1a, que l'étape de condensation effectuée est complète (réponse: page 4, premier paragraphe). De ce fait, le SBR solution ainsi préparé ne semble pas présenter de fonction silanol.
b) La Chambre partage également l'avis de l'intimée que l'opération de stripping à la vapeur évoquée pour l'exemple 2 de D1a semble être effectuée après l'étape de condensation et semble correspondre à l'enseignement du paragraphe 91 de D1a selon lequel ce stripping a pour but la désolvatation et la déprotection d'un groupe amine primaire protégé.
c) Le fait que le brevet en litige, D24 et/ou D25 indiquent qu'un stripping à la vapeur puisse être utilisé pour hydrolyser une fonction alcoxysilane portée par un SBR solution et ainsi mener à une fonction silanol, comme avancé par la requérante (mémoire de recours: point 4.2.1, paragraphe commençant par "The Patent already states that..."), n'affecte en rien cette conclusion: afin de démontrer un manque de nouveauté, il revient en effet à l'opposante/requérante de démontrer que le procédé selon l'exemple 2 de D1a divulgue effectivement, de manière directe et non équivoque, l'objet revendiqué. Or, dans le cas d'espèce, ceci n'est pas le cas pour les raisons indiquées ci-dessus. Le fait que la requérante elle-même indique que l'objet revendiqué n'est que "très probablement" divulgué dans D1 ("Accordingly, it is highly probable that silanol function is present in the SBR of Example 1 of D1", paragraphe après le paragraphe cité ci-dessus, mise en exergue par la Chambre) n'est en tout état de cause pas suffisant pour conclure à un manque de nouveauté.
d) Au vu de ce qui précède, l'objet de la revendication 1 de la requête principale ne peut être considéré être divulgué de manière directe et non équivoque dans D1 et est donc nouveau par rapport à D1.
e) La revendication 12 de la requête principale a pour objet un procédé pour préparer un pneumatique selon la revendication 1. La nouveauté de la revendication 12 par rapport à D1 découle donc de la nouveauté de la revendication 1.
6.3 Document D6
6.3.1 La requérante a estimé que la revendication 1 de la requête principale était anticipée par les revendications 22, 27, 28, 30 et 38 de D6 en combinaison avec l'enseignement des exemples et de divers passages de la description de D6 (mémoire de recours: point 4.2.2, passage commençant par "Firstly,...").
6.3.2 A cet égard, la Chambre partage l'avis de l'intimée (réponse au mémoire de recours: point II.2.2) que la combinaison de caractéristiques selon la revendication 1 ne peut être obtenue que par combinaison de multiples passages de D6 spécifiquement choisis parmi toutes les alternatives proposées dans D6. En particulier, pour arriver à l'objet revendiqué, il faudrait faire - en acceptant que les compositions de D6 comprennent implicitement un agent de couplage sur la base des indications générales de D6 et des connaissances générales de la personne du métier - les choix suivants:
- Parmi les différentes formes de réalisation proposées, prendre une matrice élastomère à base d'un SBR solution qui porte une fonction silanol et une fonction amine;
- Parmi les différentes formes de réalisation proposées dans D6, prendre une/des charge(s) renforçante(s) dans une quantité totale entre 40 et 80 pce et comprenant entre 40 et 80 pce de silice. A nouveau, plusieurs choix sont nécessaires (silice; quantité de silice; quantité totale de charge renforçante). A cet égard, il n'a en particulier pas été démontré que l'enseignement de D6 concernant la quantité de charge (voir en particulier les revendications 22 et 23) était effectivement compatible avec la définition de la quantité de charge renforçante définie dans la revendication 1 en instance;
- Parmi les différentes formes de réalisation proposées dans D6, prendre entre 10 et 50 pce d'une résine hydrocarbonée présentant une Tg supérieure à 20°C tout en prenant - facultativement - un plastifiant liquide dans une quantité maximale de 5 pce.
En l'absence de toute indication dans D6 incitant à une telle combinaison, l'objection de la requérante revient à créer de manière artificielle un mode de réalisation particulier qui ne ressort pas de la divulgation de D6. En particulier, les passages indiqués par la requérante ne constituent pas une divulgation directe et non équivoque de l'objet défini par la combinaison de caractéristiques selon la revendication 1 de la requête principale.
Au vu de ce qui précède, l'objet de la revendication 1 (et de la revendication 12) de la requête principale est nouveau par rapport à D6.
6.4 Document D2
6.4.1 La requérante a avancé que D2 anticipait la revendication 1 de la requête principale pour les mêmes raisons que D1 (mémoire de recours: section 4.2.3).
6.4.2 Cependant, alors que l'objection vis-à-vis de D1 se basait sur un exemple particulier, il n'est pas clair pour la Chambre quel(s) passage(s) de D2 est/sont considéré(s) par la requérante divulguer la combinaison spécifique de caractéristiques selon la revendication 1 de la requête principale. A cet égard, la référence faite par la requérante au paragraphe 125 de D2 semble indiquer que le polymère C divulgué aux paragraphes 123-129 de D2 est particulièrement pertinent. Toutefois, il n'a pas été démontré qu'il était divulgué dans D2 que ce polymère était utilisé pour préparer une composition comprenant en particulier une charge renforçante, une résine hydrocarbonée et un plastifiant liquide tels que définis, tant au niveau de la nature que de la quantité, dans la revendication 1 de la requête principale. De plus, la même conclusion est valable pour tous les polymères préparés selon l'enseignement de D2 (en particulier les polymères C, G et I à L). Ainsi, même s'il devait être conclu, au bénéfice de la requérante, que l'un de ces polymères soit effectivement un SBR solution qui porte une fonction silanol et une fonction amine (ce qui est contesté par l'intimée), D2 n'anticiperait pas la revendication 1 de la requête principale (cf. réponse: point II.2.3, quatrième paragraphe).
6.4.3 Au vu de ce qui précède, l'objet de la revendication 1 (et de la revendication 12) de la requête principale est nouveau par rapport à D2.
6.5 Document D7
6.5.1 La requérante a avancé que D7 anticipait la revendication 1 de la requête principale pour les mêmes raisons que D6 (mémoire de recours: section 4.2.5).
6.5.2 A cet égard, la Chambre considère que la combinaison de caractéristiques selon la revendication 1 de la requête principale ne peut être au mieux obtenue - comme pour D6 - que par combinaison de multiples passages de D7 spécifiquement choisis parmi toutes les alternatives proposées dans ce document. Aussi, pour les mêmes raisons que celles invoquées pour D6, il ne peut être conclu que l'objet de la revendication 1 (et de la revendication 12) de la requête principale découle directement et de façon non équivoque du document D7.
6.6 Au vu de ce qui précède, il n'est pas justifié de renverser la décision de la division d'opposition concernant la nouveauté de la requête principale par rapport aux documents D1, D2, D6 et D7.
7. Activité inventive
7.1 Objections soulevées
7.1.1 En plus de l'objection basée sur D3 traitée ci-dessus, la requérante a présenté en recours des objections de manque d'activité inventive au vu de D1, D5', D6 ou D18 comme état de la technique le plus proche.
7.1.2 Bien que le document D5 soit cité par la requérante dans son mémoire de recours il ne fait aucun doute, par exemple au vu des passages du document cité, que le document en question est D5' (US 2013/0158185) et non D5 (US 2013/0158158), qui avait été cité et déposé par erreur en début de procédure d'opposition (voir lettre de l'opposante du 5 septembre 2019; voir aussi la première notification de la division d'opposition du 26 septembre 2019: page 2, quatrième paragraphe). De même, il ne fait aucun doute que la section 5 de la décision attaquée est basée sur le document D5' ( cf. le paragraphe dédié à D5' à la page 6, section 2 des motifs de la décision). La Chambre partage l'avis de l'intimée que ces documents sont à être dénommés distinctement dans la présente procédure, en particulier afin d'éliminer toute ambiguïté (réponse: bas de la page 19). Toutefois, étant donné que la décision attaquée traite de l'objection de manque d'activité inventive basée sur D5' comme art antérieur le plus proche, il ne fait aucun doute que cette objection fait partie du recours (voir remarques de l'intimée sur le fait que D5' ou l'objection de manque d'activité inventive basée sur ce document n'aurai(en)t
pas dû être admis dans la procédure d'opposition: réponse, page 19, troisième paragraphe en partant du bas).
7.1.3 A cet égard, les objections de manque d'activité inventive au vu de D5', D18 et D3 ont effectivement été traitées dans la décision attaquée (page 10, section 5, quatre premiers paragraphes). Bien qu'elles ne soient pas évoquées dans la décision attaquée, l'intimée a reconnu que des objections de manque d'activité inventive au vu de D1 et D6 comme art antérieur le plus proche ont bien été présentées par la requérante (alors opposante) pendant la procédure d'opposition (réponse: page 21, premier paragraphe), ce qui est conforme au procès-verbal de la procédure orale (page 3, dernier paragraphe; sections 3.3.4 et 3.3.5). Etant donné que ces objections au vu de D1 et D6 ont effectivement été soulevées et maintenues dans la procédure d'opposition, la question de leur recevabilité au niveau du recours ne se pose pas (article 12(4) RPCR).
7.1.4 Dans sa réponse au mémoire de recours l'intimée a demandé, en particulier au vu de la chronologie dans laquelle ces objections ont été soulevées pendant la procédure d'opposition, à ce que seulement certaines de ces objections soient prises en considération dans le présent recours, et ce, au vu de leur pertinence respective (voir par exemple réponse: section II.3.5.a, en particulier la conclusion tirée en page 21, deuxième paragraphe).
a) A cet égard, la Chambre est d'avis que - tout comme D3 - chacun des documents D1, D5', D6 et D18 est pertinent pour l'objet revendiqué en ce sens qu'il appartient au même domaine technique et qu'il traite d'un problème qui est au moins lié à celui(ceux) pouvant être dérivé(s) du brevet en litige. Le fait que l'un de ces documents puisse constituer un meilleur point de départ que les autres pour l'analyse de l'activité inventive n'est - comme déjà indiqué ci-dessus en rapport à D3 - pas une condition suffisante pour ne pas considérer les autres documents comme autre(s) point(s) de départ possible(s). De ce fait, la Chambre partage l'avis de la requérante selon lequel chacun des documents D1, D5', D6 et D18 peut être considéré comme un point de départ raisonnable et prometteur pour l'analyse de l'activité inventive.
b) Toutefois, l'activité inventive au vu de D1 ou D6 comme état de la technique le plus proche n'ayant pas été traitée dans la décision contestée et compte-tenu du renvoi de l'affaire devant la division d'opposition évoqué ci-dessus (point 4.2.3 ci-dessus), il n'est pas approprié de traiter la question de l'activité inventive vis-à-vis de D1 ou D6 dans la présente décision.
c) Au vu de ce qui précède, les objections de manque d'activité inventive vis-à-vis de chacun des documents D5' et D18 sont traitées ci-après, et ce, en commençant par le document D5' qui a été considéré par la division d'opposition comme constituant l'état de la technique le plus proche.
8. Article 56 CBE - D5' comme art antérieur le plus proche
8.1 Art antérieur le plus proche et caractéristique(s) distinctive(s)
Les parties étaient d'accord sur les faits suivants:
- D5' est un document qui peut être choisi comme état de la technique le plus proche et l'exemple F3 (tableau 1) est particulièrement pertinent et peut être choisi comme point de départ pour l'analyse de l'activité inventive;
- L'objet de la revendication 1 de la requête principale ne se différencie de l'exemple F3 du tableau 1 de D5' que par la caractéristique selon laquelle "le SBR solution porte une fonction silanol et une fonction amine" (alors qu'il ne porte qu'une fonction silanol dans l'exemple F3 de D5').
La Chambre n'a pas de raisons d'être d'un avis différent.
8.2 Problème résolu par rapport à l'art antérieur le plus proche
8.2.1 Dans la décision attaquée, la division d'opposition a conclu que sur la base de la comparaison de l'exemple C (selon la revendication 1 en instance) avec l'exemple D (comparatif, qui ne se différencie de l'exemple C que par la nature de la modification du SBR solution, qui n'est pas selon la revendication 1 en instance) du brevet en litige, le problème effectivement résolu par rapport à D5' résidait dans la mise à disposition d'un pneumatique comprenant une bande de roulement ayant une composition caractérisée par une amélioration de l'adhérence sur sol mouillé (décision: page 11, trois premiers paragraphes).
8.2.2 L'intimée a considéré pour sa part que les exemples A à D du brevet en litige démontraient que le problème résolu résidait dans une amélioration du compromis entre l'adhérence sur sol mouillé et la résistance au roulement (réponse: page 23, point II.3.5.c, troisième à cinquième paragraphes).
A cet égard, la Chambre considère que l'expression "amélioration du compromis" ne peut être utilisée pour formuler le problème effectivement résolu par rapport à l'art antérieur le plus proche, car il n'est pas clair sous quelle(s) condition(s) une composition donnée peut être considérée comme résolvant ce problème ou non. En particulier, l'évaluation de l'activité inventive manquerait de l'objectivité nécessaire si le terme "amélioration du compromis" était utilisé dans la définition du problème à résoudre sans préciser de quelle amélioration il s'agit ou comment ledit compromis est évalué.
8.2.3 Dans son mémoire de recours (point 4.3.4, troisième paragraphe), la requérante a estimé que les comparaisons effectuées dans le brevet en litige ne permettaient pas de conclure à une amélioration pour les raisons suivantes:
a) La comparaison des exemples C et D n'était pas valable car les SBR solution utilisés se différenciaient de par la position du groupe silanol (en dehors des extrémités de la chaîne pour l'exemple C selon l'invention au lieu de en bout de chaîne pour l'exemple comparatif D: voir notes (1) et (2) en bas du tableau I du brevet en litige);
b) L'effet revendiqué n'avait été démontré que pour un seul type de modification amine.
A cet égard, l'argument a) ci-dessus avait déjà été rejeté par la division d'opposition car il ne se basait sur aucune preuve et qu'il existait de bonnes raisons de penser que cet argument n'était pas crédible (décision: page 11, dernier paragraphe). Cependant, la requérante n'a présenté aucun argument/aucune preuve en recours pour réfuter la conclusion de la division d'opposition, qui est considéré comme raisonnable par la Chambre.
L'argument b) ci-dessus quant à lui ne repose sur aucune preuve et ne justifie pas de réfuter la conclusion tirée par la division d'opposition sur la base des exemples C et D du brevet en litige.
Dès lors, les arguments de la requérante ne justifient pas que la Chambre modifie la conclusion tirée par la division d'opposition quant à la formulation du problème résolu par rapport à D5'.
8.2.4 Au vu de ce qui précède, le problème effectivement résolu par rapport à D5' réside dans la mise à disposition d'un pneumatique dont la bande de roulement présente une amélioration de l'adhérence sur sol mouillé.
8.3 Evidence
8.3.1 Il reste à déterminer si la solution proposée par la revendication 1 de la requête principale pour résoudre le problème défini ci-dessus découle de façon évidente de l'état de la technique disponible.
8.3.2 A cet égard, l'objection de la requérante se basait sur la combinaison du document D5' avec les documents D18 et D28. La requérante a estimé en particulier qu'il serait évident de remplacer le SBR modifié de D5' par un équivalent tel que le SBR "HPR 340 SBR" selon D18 ou par un SBR bifonctionnalisé selon l'enseignement de D28.
a) Concernant D18, la Chambre partage l'avis de l'intimée que ce document ne traite pas de l'adhérence sur sol mouillé et ne peut donc pas contenir d'incitation à même de résoudre le problème posé défini ci-dessus (réponse: paragraphe enjambant les pages 23 et 24). De plus, pour les raisons indiquées ci-dessous (point 9.2.2), la Chambre partage l'avis de l'intimée que le composé SBR "HPR 340" selon D18 n'est pas un SBR solution qui porte une fonction silanol. Ainsi, D18 ne peut mener à l'objet défini dans la revendication 1 de la requête principale.
b) Concernant D28, la Chambre est également d'accord avec l'intimée sur le fait que D28 ne montre pas qu'un SBR présentant à la fois une fonction silanol et une fonction amine a une meilleure adhérence sur sol mouillé qu'un SBR portant une fonction silanol tel que décrit dans D5' (l'exemple 3 de D28 compare un SBR présentant à la fois une fonction silanol et une fonction amine à un SBR portant une fonction amine). De ce fait déjà, D28 ne peut rendre évident de résoudre le problème posé en remplaçant le SBR de D5' par un SBR tel que défini dans la revendication 1 de la requête principale. De plus, la matrice polymérique employée dans l'exemple 3 de D28 ne correspond pas à celle employée dans l'exemple F3 de D5' et il n'a pas été démontré qu'elle constitue une matrice élastomère comprenant plus de 50% en masse d'un SBR solution qui porte une fonction silanol et une fonction amine selon la revendication 1 de la requête principale en instance. Dès lors, il ne peut ni être conclu que l'enseignement de D28 s'applique automatiquement à la composition F3 selon D5', ni que cet enseignement, en particulier basé sur l'exemple 3 de D28, conduit effectivement à une matrice élastomère selon la revendication 1 de la requête principale.
c) Pour ces raisons, la combinaison de D5' avec D18 ou D28 ne rend pas évident l'objet de la revendication 1 de la requête principale.
8.4 Pendant la procédure orale devant la Chambre, la requérante a également considéré que la combinaison de D5' avec D6 conduirait de manière évidente à l'objet de la revendication 1 de la requête principale. Cependant, l'enseignement général de D6 est de travailler avec une quantité très importante de charge renforçante par rapport à la matrice élastomérique (voir D6: revendications 22-23; exemples) et ce, dans une quantité qui est nettement supérieure tant à celle de la composition selon l'exemple F3 de D5', qu'à celle définie dans la revendication l de la requête principale. Ainsi, la divulgation générale de D6 n'est ni compatible avec l'état de la technique le plus proche ici considéré, ni ne peut mener de manière évidente à l'objet de la revendication l de la requête principale. Pour ces raisons, la combinaison de D5' avec D6 ne rend pas non plus évident l'objet de la revendication 1 de la requête principale.
8.5 Au vu de ce qui précède, les arguments de la requérante ne justifient pas que la Chambre renverse la décision de la division d'opposition selon laquelle l'objet de la revendication 1 de la requête principale implique une activité inventive au vu de D5' comme art antérieur le plus proche.
9. Activité inventive - D18 en tant qu'état de la technique le plus proche
9.1 Etant donné que la Chambre est arrivée à la conclusion que l'objet de la revendication 1 de la requête principale impliquait une activité inventive au vu de D18 en tant que état de la technique le plus proche, il n'est pas nécessaire d'expliciter dans la présente décision les raisons pour lesquelles la Chambre a considéré que D18 est un point de départ raisonnable et prometteur pour l'analyse de l'activité inventive, ce qui était contesté par l'intimée. L'analyse ci-dessous est donc faite dans l'hypothèse la plus bénéfique pour la requérante.
9.2 Caractéristique(s) distinctive(s)
9.2.1 Les parties étaient d'accord sur le fait que l'objet de la revendication 1 de la requête principale se différenciait des exemples de D18 au moins de par la caractéristique selon laquelle la composition de la bande de roulement définie devait comprendre de 10 à 50 pce d'une résine hydrocarbonée présentant une Tg supérieure à 20°C (ce qui n'est pas le cas dans les exemples de D18). La Chambre n'a pas de raison d'être d'un avis différent, en particulier en ce qui concerne les exemples de D18 réalisés avec une matrice élastomère comprenant plus de 50% en masse du SBR solution "Modified SBR" défini au paragraphe 95 de D18 et correspondant au produit HPR 340 de JSR Corporation (voir tableaux 1 à 9 de D18).
9.2.2 L'intimée opposait cependant que la composition définie dans la revendication 1 de la requête principale se différenciait de plus des exemples de D18 réalisés avec du HPR 340 en ce qu'elle imposait que le SBR solution portait une fonction silanol, ce qui n'était pas le cas du HPR 340 selon D18 (paragraphe 95). En effet, selon l'intimée, il était par exemple divulgué dans D20 (paragraphe 97) que le SBR HPR 340 portait une fonction alkoxysilane et non pas une fonction silanol (cf. réponse: point II.3.5.d,, deuxième et troisième paragraphes).
A cet égard, il ressort en effet des passages de D18 et D20 cités par l'intimée que le SBR HPR 340 selon D18 ne porte pas de fonction silanol. Cela est par ailleurs confirmé par les divulgations de D21 (paragraphe 83), D22 (paragraphe 84), D23 (paragraphe 47), D30 (paragraphe 30) et D36 (paragraphe 110, "SBR 1"), selon lesquels le composé HPR 340 est un SBR solution qui porte une fonction alcoxysilane et une fonction amine. Le fait qu'il soit indiqué au paragraphe 12 du brevet en litige que HPR 340 comprend une fonction silanol n'est, pour la Chambre, pas suffisant pour remettre en cause ces nombreuses autres divulgations et semble plutôt constituer une erreur (comme d'ailleurs indiqué par l'intimée pendant la procédure orale devant la Chambre). En tout état de cause, les indications de D18, D20 à D23, D30 et D36 permettent à tout le moins de mettre en doute que le composé HPR 340 cité par la requérante est effectivement un SBR solution tel que défini dans la revendication 1 de la requête principale et il aurait été du devoir de la requérante, qui base son objection sur la divulgation de D18, de lever ce doute, ce qui n'a pas été fait.
9.2.3 Au vu de ce qui précède, la Chambre partage l'opinion de l'intimée selon lequel l'objet de la revendication 1 de la requête principale se différencie des exemples pertinents de D18 (réalisés avec une matrice élastomère comprenant plus de 50% en masse du SBR HPR 340, dénommé "Modified SBR" au paragraphe 95 et dans les exemples de D18) par les caractéristiques suivantes:
- la présence de 10 à 50 pce d'une résine hydrocarbonée présentant une Tg supérieure à 20°C (ci-après "première caractéristique distinctive");
- la nature du SBR solution (ci-après "deuxième caractéristique distinctive").
9.3 Problème résolu par rapport à l'art antérieur le plus proche
9.3.1 Au vu des arguments présentés par les parties ou des motifs de la décision attaquée (cf. page 12), il n'y a pas de raison pour la Chambre d'estimer que les deux caractéristiques distinctives identifiées au point 9.2.3 ci-dessus agissent en synergie. Ainsi, leur contribution inventive respective peut être analysée séparément.
Contribution inventive de la résine hydrocarbonée
9.3.2 Dans la décision attaquée, la division d'opposition a conclu que sur la base de la comparaison des exemples de D32, le problème effectivement résolu par rapport à D18 résidait dans la mise à disposition d'un pneumatique comprenant une bande de roulement ayant une composition présentant une amélioration de l'adhérence sur sol mouillé (décision: page 12, quatre premiers paragraphes).
9.3.3 L'intimée a partagé l'opinion de la division d'opposition, en particulier au vu de la comparaison des exemples C-1 et T-1 de D32 (C-1 selon la revendication 1 en instance; T-1 comparatif, qui ne se différencie de l'exemple C-1 que par l'absence de la résine hydrocarbonée présentant une Tg supérieure à 20°C, qui n'est donc pas selon la revendication 1 en instance).
9.3.4 La requérante a accepté que la comparaison des exemples C-1 et T-1 de D32 démontrait effectivement l'amélioration de l'adhérence sur sol mouillé indiquée par l'intimée mais a opposé différentes raisons pour lesquelles le résultat démontré dans D32 ne devrait pas être considéré pour formuler le problème objectivement résolu par rapport à D18.
9.3.5 La requérante a ainsi estimé que D32 ne devrait pas être considéré car son enseignement ne serait pas reproductible (mémoire de recours: point 4.3, "Patent examples and D32 - Lack of Reproducibility).
A cet égard, la Chambre partage l'avis de l'intimée selon lequel il n'a pas été démontré que la personne du métier aurait quelque difficulté que ce soit à préparer ou obtenir les composés utilisés dans D32. Il n'est de plus pas clair pour la Chambre en quoi le fait que D32 ne contienne pas d'information concernant la marge d'erreur des tests effectués nuise aux conclusions tirées par l'intimée ou la division d'opposition. En particulier, les résultats du tableau de la page 2 de D32 se différencient les uns des autres de manière significative et sont, comme indiqué par l'intimée, indiqués sur une base 100 pour la composition selon l'invention. Il n'y a par ailleurs aucune preuve que de tels résultats n'impliquent pas un effet technique. Pour ces raisons, l'objection de la requérante n'est pas convaincante.
9.3.6 La requérante a également considéré que l'effet démontré dans D32 n'était pas crédible sur toute la portée de la revendication 1 de la requête principale (mémoire de recours: point 4.3, "Patent examples and D32 - Lack of Credibility).
Bien qu'il soit correct que l'effet sur lequel se repose l'intimée ne repose que sur une seule comparaison d'un objet de la revendication 1 de la requête principale avec un exemple comparatif, l'intimée a ainsi créé une présomption que l'effet considéré est effectivement obtenu. Dans la mesure où la requérante considère que cet effet n'est pas crédible pour toute composition définie dans la revendication 1 en instance, il lui incombe alors de le démontrer. Dans le cas d'espèce, en l'absence de toute preuve en ce sens, l'objection de la requérante ne constitue qu'une simple allégation, qui ne peut donc être retenue. Ceci est d'autant plus vrai que rien n'a été fait pour démontrer que la conclusion tirée par la division d'opposition en ce sens n'était pas valable.
9.3.7 La requérante a par ailleurs opposé que la comparaison effectuée dans D32 n'était pas valable car i) les compositions utilisées comprenaient plus de 10 composés alors que la revendication 1 de la requête principale n'en définissait que 4 comme devant être obligatoirement présents (mémoire de recours: fin du point 4.3, "Patent examples and D32 - Lack of Credibility) et ii) la comparaison effectuée dans D32 n'illustrait pas l'enseignement de D18, tel que les compositions préparées dans les exemples 9 (sans résine crésol) ou 17 (avec résine crésol) (cf. mémoire de recours: section 4.3.1, septième paragraphe en partant de la fin). A cet égard, la requérante a estimé que la décision de la division d'opposition selon laquelle l'amélioration démontrée dans D32 pouvait être prise en compte dans la formulation du problème effectivement résolu (motifs: page 12, deuxième à quatrième paragraphe) n'était pas convaincante car elle se basait sur la présence d'une résine crésol dans D18 qui n'était cependant pas un élément essentiel de D18. De plus, la division d'opposition n'avait pas tenu compte du fait qu'aucune comparaison avec une composition comprenant une résine crésol n'avait été réalisée. Sur la base de ces arguments, la question de la pertinence de la comparaison effectuée dans D32 pour justifier une amélioration par rapport à l'état de la technique le plus proche D18 a par ailleurs également été abordée dans la notification de la Chambre (point 10.2.7).
a) A cet égard, étant donné qu'il est correct que la composition T-1 de D32 n'est pas conforme aux compositions de D18, la question se pose de savoir s'il est crédible que l'amélioration de l'adhérence sur sol mouillé démontrée entre les compositions C-1 et T-1 selon D32 est également valable pour une composition selon la revendication 1 de la requête principale qui serait conforme à l'enseignement de D18. En d'autres termes, afin d'évaluer ici si la première caractéristique distinctive apporte effectivement une contribution technique dans le contexte de la divulgation de D18 représentant l'art antérieur le plus proche, il convient de déterminer si la personne du métier aurait de bonnes raisons de penser que les améliorations démontrées entre les compositions C-1 et T-1 selon D32 (qui ne sont pas remises en cause par la requérante) pourraient être extrapolées et seraient également obtenues en utilisant une composition selon la revendication 1 de la requête principale selon l'enseignement de D18.
b) A cet égard, selon la jurisprudence, la titulaire d'un brevet peut s'acquitter de la charge de la preuve qui lui incombe, en produisant volontairement des tests comparatifs avec de nouvelles variantes de l'état de la technique le plus proche, qui présentent des caractéristiques identiques à celles de l'invention de façon à disposer d'une variante qui se rapproche davantage encore de l'invention, et ce afin de démontrer plus clairement l'effet avantageux attribuable à la caractéristique distinctive (Jurisprudence des Chambres de Recours de l'OEB, 10ème édition, 2022, I.D.4.3.2: voir en particulier le paragraphe concernant T 35/85). Cependant, dans le cas d'espèce, il ressort de D18 que l'un des éléments essentiels de cette divulgation est l'emploi d'un condensat de chlorure de soufre d'alkylphénol (composé B) tel que défini dans la revendication 5 de D18). A cet égard, la division d'opposition avait déjà noté que ce système de résine était "très différent du système de résine du brevet contesté" (motifs: point 5, fin du quatrième paragraphe). Il ressort de plus du paragraphe 51 et des tableaux 1 et 2 de D18 (exemples 1-6 réalisés avec le composant "V200" tel que défini au paragraphe 118 comme composé B); exemples comparatifs 1 à 6), sans "V200") que la présence ou non d'un tel composé B) a un impact non négligeable sur nombre de propriétés des compositions ainsi préparées. Or, s'il n'est pas contesté que les exemples C-1 et T-1 de D32 démontrent un effet technique lié à la seule différence entre la revendication 1 et les exemples pertinents de D18, toute chose égale par ailleurs (cf. réponse: paragraphe enjambant les pages 26 et 27; lettre du 4 avril 2024: page 3, quatrième paragraphe complet), ces exemples ont été réalisés sur des compositions ne comprenant pas le composé B), qui est un composé essentiel de l'enseignement de D18. Dans ces circonstances, la Chambre considère que le comparatif de D32 n'est pas représentatif de l'état de la technique le plus proche selon D18 (en particulier des exemples 1-6 et 9-17 de D18), contrairement à l'avis de l'intimée (réponse: paragraphe enjambant les pages 26 et 27). En particulier, étant donné que le comparatif de D32 ne concerne pas une composition contenant un composé B) selon l'enseignement de D18, l'amélioration démontrée dans D32 ne peut pas être retenue dans la formulation du problème technique effectivement résolu par rapport à D18. En particulier, ces résultats expérimentaux de D32 ne permettent pas de savoir ce qu'il advient lorsque l'on modifie le point de départ de D18 considéré comme état de la technique le plus proche.
c) Il est vrai que l'objection de la requérante ne repose sur aucune preuve expérimentale, comme argumenté par l'intimée (réponse: page 28, septième paragraphe; lettre du 4 avril 2024: page 3, deuxième paragraphe complet). En particulier, aucune preuve n'a été fournie en recours pour démontrer que la conclusion tirée par la division d'opposition n'était pas correcte.
Cependant, la Chambre considère que dans le cas d'espèce, la charge de la preuve incombe en premier lieu à l'intimée puisqu'elle revendique une amélioration par rapport à l'état de la technique le plus proche. Le fait que la division d'opposition ait décidé en sa faveur n'est, de l'avis de la Chambre, pas suffisant pour renverser cette charge.
De plus, la Chambre ne partage pas l'avis de l'intimée selon lequel cela aurait été à la requérante, qui remet en cause les essais comparatifs de D32, de démontrer que l'effet technique démontré dans D32 ne pourrait pas être obtenu en présence de glycérol (lettre du 4 avril 2024: page 2, cinquième paragraphe à page 3, premier paragraphe). En effet, dans le cas d'espèce, il ne fait aucun doute que le composé B) selon D18 est un élément essentiel de l'invention selon D18 et que la divulgation de D18 implique que la présence ou non de ce composé B) peut avoir une influence sur les propriétés retenues par l'intimée dans sa formulation du problème technique à résoudre: dans ces circonstances, il ne peut pas être conclu que l'effet effectivement démontré dans D32 est extrapolable à des compositions comprenant un composé B) selon l'état de la technique le plus proche. Bien que la Chambre partage l'avis de l'intimée qu'il n'est pas toujours nécessaire d'apporter la preuve absolue qu'un effet technique soit obtenu (par rapport à l'état de la technique le plus proche) pour que cet effet soit crédible, il est considéré que, dans le cas d'espèce, l'existence de doutes sérieux quant à l'obtention de l'effet revendiqué dans le cadre de l'état de la technique le plus proche rend, au vu des éléments de preuve du présent recours, une telle comparaison nécessaire.
d) Pour sa défense, l'intimée a également argumenté qu'il ne serait pas raisonnable de demander à la titulaire de produire des essais comparatifs à partir de toutes les compositions utilisées par l'opposante comme état de la technique le plus proche, car le nombre d'essais à réaliser dépendrait du nombre d'attaques d'activité inventive effectuées par l'opposante et pourrait même évoluer lors de l'avancement de la procédure d'opposition et de recours (réponse: page 26, avant-dernier paragraphe; lettre du 4 avril 2024: page 3, quatrième paragraphe).
A cet égard, la Chambre ne partage pas l'avis de l'intimée. En effet, il est de jurisprudence constante que si plusieurs documents peuvent constituer un état de la technique le plus proche raisonnable, alors l'activité inventive doit être évaluée par rapport à chacun de ces documents (Jurisprudence, supra, I.D.3.4.1). Dés lors, si plusieurs points de départ raisonnables pour l'évaluation de l'activité inventive peuvent être considérés, il ne peut être exclu que plusieurs essais comparatifs soient nécessaires, la nature et le nombre de ces essais dépendant du cas d'espèce. Pour ces raisons, l'argument de l'intimée est rejeté.
e) Au vu de ce qui précède, il est conclu que, dans le cas d'espèce, en l'absence d'une comparaison directe avec l'état de la technique le plus proche, l'amélioration revendiquée par l'intimée ne peut pas être reconnue.
9.3.8 Dès lors, il n'a pas été démontré que la première caractéristique distinctive identifiée au point 9.2.2 ci-dessus était liée, dans le contexte de l'état de la technique le plus proche, à une amélioration de l'adhérence sur sol mouillé.
Contribution inventive de la nature du SBR solution
9.3.9 L'intimée n'a présenté aucun argument à même de démontrer que la nature du SBR solution était liée à un quelconque effet technique (cf. réponse: page 25, dernier paragraphe et page 26, premier paragraphe). Le problème résolu par cette caractéristique ne peut donc résider que dans la mise à disposition d'un autre pneumatique, en alternative à ceux selon l'art antérieur le plus proche.
9.3.10 Au vu de ce qui précède, le problème objectif effectivement résolu vis-à-vis de D18 réside dans la simple mise à disposition d'un autre pneumatique, en alternative à ceux selon D18.
9.4 Evidence
9.4.1 Il reste à déterminer si la solution proposée par la revendication 1 de la requête principale pour résoudre le problème défini ci-dessus découle de façon évidente de l'état de la technique disponible.
9.4.2 A cet égard, l'objection de la requérante présentée dans son mémoire de recours ne se rapportait qu'à la première caractéristique distinctive identifiée au point 9.2.3 ci-dessus (résine hydrocarbonée) et se basait sur la combinaison du document D18 avec chacun des documents D1, D3 à D6 et D38 à D41.
9.4.3 De l'avis de la Chambre, il ressort effectivement au moins des documents D1 (paragraphe 76), D38 (paragraphes 22-25) et D41 (paragraphes 111 et 114) que l'emploi d'une résine hydrocarbonée telle que définie dans la revendication 1 de la requête principale est connu. Dès lors, la première caractéristique distinctive indiquée au point 9.2.3 ci-dessus est évidente et ne peut pas contribuer à une activité inventive.
9.4.4 Toutefois, la requérante n'a pas expliqué dans ses écrits pourquoi elle considérait qu'il serait également évident de modifier la matrice élastomère employée dans les exemples de D18 de la manière proposée par la revendication 1 de la requête principale. En particulier, il est noté que l'enseignement général de D18 est d'employer comme matrice élastomère un mélange de différents composés comprenant (par exemple) un SBR solution modifié comprenant une fonction amine et une fonction alcoxysilane, parmi lesquels un SBR solution portant une fonction silanol et une fonction amine tel que défini dans la revendication 1 de la requête principale n'est pas divulgué (cf. en particulier revendication 5 et paragraphe 18 de D18). Ainsi, et même si la contribution inventive de la deuxième caractéristique distinctive identifiée au point 9.2.3 ci-dessus ne réside que dans la mise à disposition d'une simple alternative, les arguments de la requérante présentés par écrit ne permettent pas de conclure qu'il serait évident de remplacer la matrice élastomère selon les exemples pertinents de D18 par une matrice élastomère comprenant plus de 50% en masse d'un SBR solution qui porte une fonction silanol et une fonction amine selon la revendication 1 de la requête principale.
9.4.5 Pendant la procédure orale devant la Chambre, la requérante a considéré qu'il était évident pour la personne du métier, sur la base de ses connaissances générales, d'hydrolyser les fonctions siloxanes des SBR de l'art antérieur en fonction silanol et qu'il était de plus dérivable des résultats expérimentaux de D3 et D6 qu'en procédant ainsi la personne du métier s'attendrait à une amélioration de l'adhérence sur sol mouillé. Ainsi, selon la requérante, il serait évident de modifier les compositions de D18 de façon à obtenir une composition selon la revendication 1 en instance.
Cependant, une telle modification irait, pour les raisons expliquées au point 9.4.4 ci-dessus à l'encontre de l'enseignement général de D18. Dès lors, une telle modification ne peut être évidente et repose sur une analyse a posteriori ("hindsight"), en connaissance de l'objet présentement revendiqué, ce qui n'est pas correct.
10. Au vu de ce qui précède, les arguments de la requérante ne justifient pas que la Chambre renverse la décision de la division d'opposition selon laquelle l'objet de la revendication 1 de la requête principale implique une activité inventive au vu de D18 comme art antérieur le plus proche.
11. Renvoi
Il ressort de l'analyse ci-dessus qu'aucune des objections de la requérante poursuivies en recours et pour lesquelles la division d'opposition a effectivement pris une décision n'est convaincante. Comme indiqué aux points 4.2 et 4.3 ci-dessus (voir aussi le point 7.1.4.b), il convient dès lors de renvoyer l'affaire devant la division d'opposition afin de poursuivre la procédure (article 111(1) CBE; article 11 RPCR).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de poursuivre la procédure.