T 1844/19 (Laines minérales/Saint Gobain) of 13.10.2022

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2022:T184419.20221013
Date de la décision : 13 Octobre 2022
Numéro de l'affaire : T 1844/19
Numéro de la demande : 07823797.1
Classe de la CIB : C03C 13/06
C03C 13/00
C03C 3/078
C03C 3/087
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : COMPOSITIONS POUR LAINES MINERALES
Nom du demandeur : SAINT-GOBAIN ISOVER
Nom de l'opposant : Knauf Insulation SPRL
Chambre : 3.3.05
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 54
European Patent Convention Art 56
Mot-clé : Nouveauté - requête principale, requêtes subsidiaires 1, 2, 3, 5 (non)
Activité inventive - requêtes subsidiaires 4, 6, 7 (non)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 0121/89
T 0607/93
T 0470/96
T 1208/97
T 0881/01
T 1279/04
T 0916/09
T 1646/12
T 0261/19
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 0439/22

Exposé des faits et conclusions

I. La titulaire et l'opposante ont formé des recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition selon laquelle le brevet européen EP 2 094 616 B1, modifié selon la requête auxiliaire 1, satisfaisait aux conditions énoncées dans la CBE.

II. Le brevet en litige se réfère à des compositions pour laines minérales.

III. Les documents suivants, cités dans la décision attaquée, sont pertinents pour la présente décision :

M08|US 2006/0148634 A1|

M11|GB 2 256 193 A |

IV. Le libellé de la revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit :

"1. Laine minérale dont les fibres de verre présentent une composition chimique sensiblement dépourvue d'oxyde de bore et comprenant les constituants suivants dans les limites définies ci-après exprimées en pourcentages pondéraux :

SiO2 60 à 75

Al2O3 0 à 4

Na2O 17 à 22

CaO 5 à 15

Fe2O3 0 à 2

P2O5 0 à 3"

V. Le libellé de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1, traitée dans la décision attaquée, diffère de celui de la requête principale en ce que la limite inférieure du pourcentage de Na2O est de 17,5.

VI. Dans la requête subsidiaire 2, la revendication 1 a été modifiée comme suit par rapport à la requête subsidiaire 1:

Requête subsidiaire 2:

CaO 6 à 15

VII. Dans les requêtes subsidiaires 3 à 7, la revendication 1 a été modifiée comme suit par rapport à la version telle que délivrée:

Requête subsidiaire 3:

Al2O3 0 à 3

Requête subsidiaire 4:

La phrase "ladite composition contenant moins de 0,5% d'oxyde de bore" a été ajoutée à la fin de la revendication et la gamme du pourcentage d'alumine à été changé en "Al2O3 0 à 3".

Requête subsidiaire 5:

Al2O3 0 à 3

Na2O 17,5 à 22

Requête subsidiaire 6:

Les modifications des requêtes subsidiaires 4 et 5 ont été combinées.

Requête subsidiaire 7:

Les modifications des requêtes subsidiaires 2, 4 et 5 ont été combinées.

VIII. Les arguments de la titulaire, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, peuvent être résumés comme suit :

L'objet de la revendication 1 telle que délivrée était distinct de M08. M08 concernait des compositions à faibles teneurs en oxyde de bore, de 1,1 % à 2,6 %. La composition revendiquée était au contraire "sensiblement dépourvue d'oxyde de bore". Selon les principes généraux d'interprétation, cette expression vague devait être interprétée à l'aide de la description. Elle signifiait que l'oxyde de bore pouvait être présent en tant qu'impureté à des teneurs de moins de 0,5 % en poids (paragraphe [0010]). Cette approche d'interprétation était conforme à la jurisprudence des chambres de recours, par exemple aux décisions T 1646/12 et T 121/89. Il ne s'agissait pas d'une application de l'article 69 CBE, la décision T 1208/97 n'était donc pas pertinente. Il ne devait rester aucun doute pour constater un défaut de nouveauté.

Les caractéristiques additionnelles figurant dans les requêtes subsidiaires 2, 3 et 5 ont été ajoutées pour répondre à d'autres objections et n'avaient pas pour objet de délimiter l'objet revendiqué de M08.

L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 précisait que la teneur en oxyde de bore était inférieure à 0,5 %. L'objectif visé par le brevet en cause était de proposer une composition de laine minérale qui ne nécessite pas d'installations de dépollution des fumées et ne réduise pas la durée de vie des régénérateurs ou récupérateurs, mais qui présente une forte dissolution en milieu physiologique et une résistance hydrolytique satisfaisante (paragraphe [0008]). Il s'agissait d'un triple objectif. M08 n'aurait pas été considéré par la personne du métier parce qu'il ne visait pas le même objectif. M08 ne mentionnait pas le problème de la résistance hydrolytique ou de la biosolubilité. L'état de la technique le plus proche était M11.

Même si la personne du métier partait de M08, elle n'aurait pas été incitée à réduire la teneur en oxyde de bore jusqu'à des teneurs inférieures à 0,5 %. La personne du métier n'aurait pas extrapolé aux récupérateurs ou régénérateurs l'effet mentionné dans M08 par rapport au four (paragraphe [0014]). M08 n'enseignait pas que les propriétés obtenues pour les compositions de M08 seraient maintenues si on éliminait l'oxyde de bore. Il était surprenant que les compositions selon l'invention présentent une bonne solubilité conjointement avec une bonne résistance hydrolytique.

M08 dissuaderait la personne du métier d'éliminer l'oxyde de bore parce que les compositions à faible teneur en oxyde de bore présentaient une tendance accrue à la dévitrification pendant le fibrage (paragraphes [0014] et [0022]).

Les caractéristiques additionnelles dans les requêtes subsidiaires 6 et 7 ont été ajoutées pour répondre à d'autres objections et n'avaient pas pour objet d'apporter une délimitation additionnelle de la revendication par rapport à M08.

IX. Les arguments de l'opposante, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, peuvent être résumés comme suit :

La revendication 1 telle que délivrée était dénuée de nouveauté par rapport à M08. La composition de fibres connue ayant une teneur en oxyde de bore de 1,1 % était couverte par la portée de la revendication 1, la terminologie "sensiblement dépourvu d'oxyde de bore" n'étant pas claire.

La même objection s'appliquait aux requêtes subsidiaires 1 à 3 et 5.

Les requêtes subsidiaires 2 à 7 n'ont pas été soumises devant la division d'opposition et ne devaient pas être prises en considération.

La requête subsidiaire 4 n'impliquait pas d'activité inventive en partant de M08. M08 concernait le même objectif, celui de réduire les coûts, l'impact environnemental du bore, et l'impact sur la durée de vie des fours, et proposait la même solution que le brevet en litige, c'est-à-dire de réduire la teneur en oxyde de bore.

La même objection s'appliquait aux requêtes subsidiaires 6 et 7.

X. La requérante 1 (titulaire du brevet) a demandé l'annulation de la décision attaquée et le rejet de l'opposition. A titre subsidiaire, elle a demandé le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base de la requête subsidiaire 1, correspondant à la version maintenue par la division d'opposition et déposée de nouveau avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours de l'opposante, ou sur la base d'une des requêtes subsidiaires 2 à 7 déposées avec la réponse au mémoire exposant les motifs du recours de l'opposante.

La requérante 2 (opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.

Motifs de la décision

Requête principale (brevet tel que délivré)

1. Nouveauté

1.1 La seule caractéristique distinctive possible par rapport au document M08 (exemple 2, tableau 3) est la teneur en oxyde de bore. M08 concerne des compositions à faibles teneurs en oxyde de bore. La composition de l'exemple 2 comprend 1,100 % B2O3.

1.2 La revendication 1 considérée se réfère à une laine minérale ayant une composition chimique "sensiblement dépourvue d'oxyde de bore". Ce terme a pour effet d'inclure des compositions ayant une teneur de bore non nulle, sans cependant préciser de valeur limite supérieure de la quantité d'oxyde de bore qui peut être présente dans la laine minérale revendiquée.

1.3 Selon la titulaire, la revendication était néanmoins délimitée par rapport au document M08 parce qu'il ressortait du paragraphe [0010] de la description que le terme "sensiblement dépourvue d'oxyde de bore" se référait à de faibles quantités présentes en tant qu'impuretés à des teneurs de moins de 0,5 % en poids. La titulaire était d'avis qu'il était impératif de se référer à la description pour élucider la signification de ce terme ambigu, sur la base des principes généraux de l'interprétation, sans se fonder sur l'article 69 CBE.

1.4 La question cruciale est donc de savoir s'il est admissible, dans le présent cas, de consulter la description du brevet en litige pour établir la limite supérieure de la quantité d'oxyde de bore et, le cas échéant, quelle valeur en découle.

1.5 La jurisprudence contient de nombreuses décisions dans lesquelles la description et les dessins sont utilisés pour interpréter des revendications ambiguës (Jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, 10**(e) édition, 2022, II.A.6.3.3).

En même temps, il est généralement reconnu qu'aux fins de l'appréciation de la nouveauté et de l'activité inventive, on ne peut se fonder sur l'article 69 CBE pour voir dans la revendication une limitation implicite qui n'est pas suggérée dans le libellé explicite de ladite revendication (Jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, 10**(e) édition, 2022, II.A.6.3.4 et I.C.5.2; T 1208/97, point 4(a)-(d) des motifs).

En outre, dans plusieurs décisions, les chambres de recours ont souligné que, dans la procédure devant l'OEB, le titulaire du brevet a la possibilité de restreindre ses revendications afin de refléter des limitations plus strictes définies dans la description. Elles ont conclu qu'il n'est pas possible de limiter l'étendue d'une revendication en y incorporant implicitement des caractéristiques qui ne figurent que dans la description (Jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, 10**(e) édition, 2022, II.A.6.3.4; T 881/01, point 2.1 des motifs ; T 1279/04, point 3 des motifs ; T 916/09, point 3 des motifs).

1.6 Dans l'affaire T 1646/12, citée par la titulaire, la chambre a considéré non seulement la nécessité d'interpréter la revendication, mais aussi les limites de l'interprétation à la lumière de la description. Selon cette décision, il convient d'éviter deux extrêmes. D'une part, il ne faut pas voir dans les revendications, par extrapolation, des caractéristiques restrictives qui figurent certes dans la description, mais pas dans les revendications. D'autre part, on ne saurait pour autant considérer la revendication comme entièrement distincte de la description ; lorsque les revendications manquent de clarté, la personne du métier ne peut se dispenser de rechercher des éléments de clarification dans les autres revendications, mais également dans la description et dans les dessins (T 1646/12, point 2.1 des motifs ; Jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, 10**(e) édition, 2022, II.A.6.3.2).

1.7 En l'espèce, la personne du métier sait préparer une composition chimique sans oxyde de bore, ou avec une quelconque teneur faible en oxyde de bore. L'intérêt de se référer à la description apparaît seulement dès lors qu'il faut décider quelle valeur précise d'une quantité faible en oxyde de bore est encore couverte par la revendication.

Cependant, définir l'objet de la protection demandée est la fonction même des revendications (article 84 CBE). La titulaire a choisi de ne pas préciser de valeur limite dans la revendication, mais d'utiliser à la place l'expression vague "sensiblement dépourvu d'oxyde de bore". Dans le présent cas, bien qu'il soit nécessaire d'interpréter cette expression vague, y attribuer un sens restreint à l'aide de la description reviendrait au premier des deux extrêmes considérés dans la décision T 1646/12 susmentionnée (cf. point 1.6) et doit donc être évité.

Le présent cas est plutôt similaire au cas d'une revendication qui n'est pas difficile à comprendre mais qui est rédigée en termes trop généraux. Dans un tel cas, il n'est normalement pas possible d'interpréter la revendication de manière restrictive en s'appuyant sur la description (Jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, 10**(e) édition, 2022, I.C.4.8; T 607/93, point 2.2 des motifs). Similairement, dans l'affaire T 470/96, la chambre a conclu que toute interprétation techniquement raisonnable d'une revendication vague et ambiguë était justifiée s'il s'agissait de comparer la revendication avec l'état de la technique ; si l'intention avait été de spécifier une interprétation plus étroite ou une signification spécifique, il aurait été nécessaire de modifier la revendication sur la base des informations précises figurant dans la description (T 470/96, point 3.2 des motifs).

1.8 Dans l'affaire T 121/89, citée par la titulaire, la chambre a utilisé la description pour interpréter un terme ambigu ("loose ignition charge"), tout en soulignant que seules des caractéristiques qui sont mentionnées dans les revendications ou peuvent être déduites de ces dernières peuvent être invoquées pour distinguer l'invention de l'état de la technique. Il ne s'agissait donc pas d'identifier une caractéristique distinctive en se fondant sur la description, comme il découle des considérations concernant l'interprétation de la revendication et la nouveauté (cf. points 2 et 3 des motifs).

1.9 En outre, même si la personne du métier consultait la description, elle n'y trouverait pas de définition précise du terme "sensiblement dépourvu d'oxyde de bore", au sens d'une valeur limite maximum. La définition que fournit la description n'est pas claire ("les compositions peuvent comprendre de faibles quantités d'oxyde de bore en tant qu'impuretés. ... D'une manière générale, la composition ... selon l'invention ... contient moins de 0,5 % d'oxyde de bore...", paragraphe [0010]), la limite de 0,5 % n'étant en aucun cas impérative ("de manière générale"). Au contraire, il se pose la question de savoir comment distinguer une faible quantité présente en tant qu'impureté d'une autre quantité faible. Le brevet en litige n'y répond pas mais explique seulement, dans le contexte des exemples, que la teneur totale des impuretés est généralement inférieure à 1 %, et que les impuretés ne jouent aucun rôle fonctionnel (paragraphe [0030]).

Il ne découle donc pas de la description qu'une quantité d'oxyde de bore de 1,100 % se situe impérativement en dehors du domaine revendiqué. Pour les mêmes raisons, l'argument selon lequel le terme "sensiblement dépourvu" exclurait la quantité connue de 1,100 % parce que cette dernière correspondait à un ajout volontaire n'est pas convaincant.

1.10 En outre, la composition connue de M08 peut être considérée comme "sensiblement dépourvue d'oxyde de bore" à la fois par rapport aux compositions connues (paragraphes [0007] et [0008] de M08) et par rapport à l'exemple comparatif de M08 (4,51 % d'oxyde de bore, tableau 3). En effet, ce point de comparaison est le même que celui qui est utilisé dans le brevet (exemple comparatif C1, 4,5 % d'oxyde de bore, tableau 1).

1.11 Ces considérations ne s'opposent pas non plus aux critères généraux d'évaluation de la nouveauté. Selon la jurisprudence des chambres de recours, l'absence de nouveauté ne peut être établie que si l'objet revendiqué "peut être déduit directement et sans ambiguïté de l'état de la technique", c'est-à-dire sans aucun doute, et non pas simplement avec une certaine vraisemblance (Jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, 10**(e) édition, 2022, I.C.4.1). En l'espèce, il n'y a aucun doute concernant la divulgation de M08 ; le "doute" ou l'ambiguïté concerne l'interprétation de la revendication.

1.12 En conséquence, la laine minérale connue de M08 est considérée comme sensiblement dépourvue d'oxyde de bore. L'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau.

Requête subsidiaire 1

2. Nouveauté

2.1 La composition connue de M08 a une teneur en Na2O de 19,18 % (exemple 2), comprise dans la gamme revendiquée.

L'objet de la revendication 1 n'est donc pas nouveau au vu de M08 pour les mêmes raisons que celles qui ont été détaillées en ce qui concerne la requête principale.

Considération des requêtes subsidiaires 2 à 7

3. La requête subsidiaire 2 est identique à la requête subsidiaire 2 déposée devant la division d'opposition (4 mai 2018). Les requêtes subsidiaires 3 à 7 constituent la réponse de la titulaire au recours formé par l'opposante. La chambre ne voit aucune raison de considérer ces requêtes comme irrecevables selon l'article 12(4) RPCR 2007 applicable conformément à l'article 25(2) RPCR 2020. Il n'est pas nécessaire de détailler les raisons, étant donné que ces requêtes doivent être rejetées pour défaut de nouveauté ou d'activité inventive (cf. points 4. à 7.).

Requêtes subsidiaires 2, 3 et 5

4. Nouveauté

4.1 Les modifications apportées à la revendication 1 dans ces requêtes concernent les teneurs en Al2O3, Na2O et CaO et ne permettent pas de délimiter l'objet de la revendication 1 par rapport au document M08 (voir l'exemple 2 : 1,20 % Al2O3, 19,18 % Na2O, 6,70 % CaO). Les considérations restent donc les mêmes que pour la requête principale, et l'objet de la revendication 1 dans ces requêtes n'est pas nouveau.

Requête subsidiaire 4

5. Nouveauté au vu de M08

5.1 Le document M08 ne mentionne pas une teneur en oxyde de bore de moins de 0,5 % et n'anticipe donc pas l'objet revendiqué.

6. Activité inventive

6.1 Le brevet se réfère à des laines minérales présentant une forte vitesse de dissolution en milieu physiologique, et concerne plus particulièrement de nouvelles compositions de laine de verre pour l'isolation thermique et/ou acoustique ou pour des substrats de culture hors-sol (paragraphe [0001]).

6.2 Le document M08 concerne aussi des compositions de verre pour produire des laines de verre pour l'isolation thermique ou acoustique (paragraphes [0001], [0002], [0028]). Cet objectif est similaire à celui du brevet en litige et M08 peut donc être retenu comme point de départ pour apprécier l'activité inventive.

La titulaire était d'avis que M08 ne pouvait pas être considéré comme l'état de la technique le plus proche parce que M08 ne mentionnait pas le problème de la résistance hydrolytique ou de la biosolubilité, ni l'absence de bore, et ne répondait donc pas au triple objectif du brevet en litige, M11 étant plus pertinent.

Cependant, pour constituer un point de départ approprié, il n'est pas nécessaire que l'état de la technique vise à résoudre un problème identique à celui du brevet en litige ou mentionne tous les aspects de ce problème. En outre, l'invention revendiquée doit être, en règle générale, non évidente compte tenu de tout état de la technique (T 261/19, motifs 2.5). En cas d'absence d'activité inventive au vu de M08, il est donc peu important que M11 soit éventuellement plus pertinent.

6.3 L'invention a pour but de proposer de nouvelles compositions de verre pouvant être fondues en four à flammes sans nécessiter d'installations de dépollution des fumées et sans occasionner une diminution de la durée de vie des récupérateurs ou régénérateurs de chaleur, lesdites compositions étant néanmoins aptes à former des laines minérales présentant de fortes vitesses de dissolution en milieu physiologique et une résistance hydrolytique satisfaisante, ainsi qu'une bonne capacité à être fibrées (paragraphe [0008]).

6.4 La solution proposée par le brevet en litige pour atteindre ce but est la laine de verre ayant une composition chimique telle que définie à la revendication 1, contenant moins de 0,5 % d'oxyde de bore.

6.5 Conformément à la jurisprudence des chambres de recours, le problème technique peut être reformulé, et dans certaines circonstances, doit même l'être, puisque le seul facteur important pour déterminer le problème objectivement est le résultat effectivement obtenu par rapport à l'état de la technique le plus proche (Jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, 10**(e) édition 2022, I.D.4.4).

6.6 En l'espèce, il n'y a pas de raison de douter qu'une teneur en oxyde de bore de moins de 0,5 %, étant donc encore plus faible de celle divulguée dans M08, permet d'éviter encore plus les envols de bore, et les inconvénients y afférents (nécessité d'installations de dépollution des fumées ; diminution de la durée de vie des récupérateurs ou régénérateurs de chaleur), ce qui correspond au premier aspect du but susmentionné (point 6.3).

Cependant, rien n'indique qu'une teneur en oxyde de bore de moins de 0,5 % conférerait à la laine de verre l'une quelconque des propriétés désirées (vitesse de dissolution en milieu physiologique, résistance hydrolytique, résistance thermique etc.) (paragraphes [0005], [0006], [0032]). Au contraire, les exemples du brevet en litige montrent une résistance hydrolytique parfois réduite (valeur DGG plus élevée) ainsi qu'une biosolubilité moindre (valeur kSiO2 plus basse) par rapport à l'exemple comparatif C1 contenant 4,5 % d'oxyde de bore (tableaux).

Les autres constituants de la laine minérale et leurs teneurs connues de M08 sont tels que définis à la revendication 1 considérée. Les propriétés qui en résultent, par exemple la biosolubilité et la résistance hydrolytique, doivent donc aussi être les mêmes, bien qu'elles ne soient pas explicitement décrites dans M08, conformément à l'enseignement du brevet lui-même, qui lie ces propriétés à la composition chimique de la laine minérale (paragraphe [0032]). L'objet revendiqué étant la laine minérale en tant que telle, un effet technique ne peut pas être reconnu pour la seule raison que le brevet en litige a évalué quelques propriétés de la laine minérale auxquelles M08 ne s'intéresse pas.

Rien n'indique non plus qu'une meilleure capacité de fibrage soit obtenue.

En conséquence, il n'existe pas de motifs suffisants pour affirmer que tous les aspects du but susmentionné (point 6.3) soient atteints. Seul le premier aspect peut être retenu pour la formulation du problème technique objectif.

6.7 En conclusion, le problème technique objectif est d'éviter encore davantage la nécessité d'installations de dépollution des fumées et une diminution de la durée de vie des récupérateurs ou régénérateurs de chaleur.

6.8 Le document M08 décrit déjà les avantages liés à la suppression du bore, à savoir l'intérêt de réduire l'impact sur l'environnement (paragraphe [0013]), et de prolonger la durée de vie des fours (paragraphe [0014]). Il s'agit donc d'éviter le même type d'inconvénients dus aux envols de bore que ceux que traite le brevet en litige (paragraphes [0006] et [0008]), c'est-à-dire la pollution de l'environnement et l'effet nocif sur le four ou l'installation y associée.

Dans ce contexte, il est sans importance que M08 mentionne la durée de vie des fours (paragraphe [0014]) tandis que le brevet en litige fait référence à la durée de vie des récupérateurs ou régénérateurs de chaleur (paragraphe [0008]), parce qu'il s'agit seulement de différents endroits où se manifeste un même effet recherché. La nature de cet effet, dans la mesure où il peut être attribué à la laine minérale en tant que telle, est identique.

6.9 La personne du métier s'attendrait donc à ce que ces inconvénients puissent être réduits encore davantage en réduisant encore plus la teneur en oxyde de bore dans la laine minérale. La justification présentée dans M08 pour réduire la quantité d'oxyde de bore s'applique d'une façon générale et n'est pas limitée à une quelconque valeur limite de la teneur en oxyde de bore.

6.10 M08 ne dissuaderait pas la personne du métier de réduire l'oxyde de bore à moins de 0,5 %. M08 n'indique aucune limite inférieure de la teneur en oxyde de bore (revendications 1 et 3). La gamme de 1,1 à 2,6 % ne représente qu'une gamme typique ou préférée (paragraphe [0018], revendication 2) dont les limites correspondent à des exemples (tableaux 3, 4).

M08 décrit que la suppression du bore peut engendrer le risque de cristallisation trop rapide de dévitrite, ce qui peut perturber le fibrage (paragraphe [0022]). Cependant, ceci ne dissuaderait pas la personne du métier de supprimer le bore parce que M08 enseigne aussi la solution, qui est de répondre à ce problème en respectant de préférence une valeur delta T d'au moins 200°F (paragraphe [0022]), telle qu'obtenue dans le tableau 3 de M08 (valeur indiquée pour l'exemple 3 seulement).

En outre, un effet éventuel du bore sur les propriétés thermiques de la laine de verre est sans importance dans l'isolation acoustique, utilisation envisagée dans M08 (paragraphe [0032]).

6.11 En résumé, la personne du métier partant de M08 et souhaitant éviter encore davantage la nécessité d'installations de dépollution des fumées et une diminution de la durée de vie des récupérateurs ou régénérateurs de chaleur serait incitée par le document M08 lui-même à réduire encore plus la teneur en oxyde de bore. Aucun enseignement de M08 ne l'en dissuaderait. Le point de départ étant une composition connue dont la teneur en oxyde de bore est déjà basse (1,100 % dans l'exemple 2) et a déjà été fortement réduite par rapport à l'état de la technique (4,51 % B2O3 dans l'exemple comparatif, tableau 3), il s'agirait seulement d'une faible modification résiduelle que la personne du métier envisagerait immédiatement. Elle parviendrait donc de façon évidente à la laine de verre revendiquée.

6.12 Pour ces raisons, l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive.

Requêtes subsidiaires 6 et 7

7. Les modifications apportées à la revendication 1 par rapport à la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 concernent les teneurs en Na2O et CaO et n'introduisent pas de délimitation supplémentaire. Il s'ensuit que les mêmes considérations s'appliquent, et l'objet de la revendication 1 dans les requêtes subsidiaires 6 et 7 n'est pas inventif.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

- La décision attaquée est annulée.

- Le brevet est révoqué.

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