T 0615/19 (Composition à réductibilité élevée / RHODIA) of 6.3.2020

European Case Law Identifier: ECLI:EP:BA:2020:T061519.20200306
Date de la décision : 06 Mars 2020
Numéro de l'affaire : T 0615/19
Numéro de la demande : 07727063.5
Classe de la CIB : B01J37/03
B01J37/08
B01J21/06
B01J23/10
B01J23/63
B01J35/10
B01J37/00
B01D53/94
C01G25/00
Langue de la procédure : FR
Distribution : D
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Titre de la demande : Composition à base d'oxyde de zirconium et de cérium à réductibilité élevée et à surface spécifique stable, procédé de préparation et utilisation dans le traitement des gaz d'échappement
Nom du demandeur : Rhodia Opérations
Nom de l'opposant : Neo Chemicals & Oxides (Europe) Ltd.
Chambre : 3.3.06
Sommaire : -
Dispositions juridiques pertinentes :
European Patent Convention Art 56 (2007)
European Patent Convention Art 83 (2007)
Mot-clé : Possibilité d'exécuter l'invention - (oui)
Activité inventive : (oui)
Exergue :

-

Décisions citées :
T 1697/12
T 2344/12
Décisions dans lesquelles
la présente décision est citée :
T 1942/21

Exposé des faits et conclusions

I. Les recours de la titulaire et de l'opposante font suite à la décision de la division d'opposition de maintenir le brevet européen nº 2 007 682 sous forme modifiée.

II. Dans son mémoire de recours, la titulaire (ci-après "la requérante I") a défendu à titre principal le brevet tel que délivré et déposé cinq jeux de revendications modifiées à titre de requêtes subsidiaires 1 à 5.

III. Avec son mémoire de recours, l'opposante (ci-après "la requérante II") a soulevé des objections au sens des articles 83 et 56 CBE basées, entre autres, sur les documents suivants:

D1: ASTM D 3663-78

D2: J. Gregg and K. Sing, "Adsorption, surface area and Porosity", 1982, pages v-xi et 1-10

D4: WO 2004/002893 A2

D10: US 2006/0178261 A1

D13: WO 2005/023728 A2

D14: Expertise F. Schüth (datée du 25 juin 2019)

D15a: US 2014/0147357 A1

D15b: US 2014/0140910 A1

D16: Rapport expérimental daté du 1er juillet 2019

D17: P. Fornasiero et al., Applied Catalysis B: Environmental 22 (1999) L11-L14

D18: F. Zotin et al., Applied Catalysis A: General 98 (1993) 99-114

D19: Hollemann/Wiberg, Lehrbuch der Anorganischen Chemie, 101**(ème) édition, 1995, pages 1786-1787.

IV. Suite à la notification exposant l'opinion préliminaire de la chambre et en réponse au recours de la partie adverse, la requérante I a déposé de nouvelles requêtes subsidiaires 5 et 6, et la requérante II a maintenu ses objections au sens des articles 83 et 56 CBE et déposé un rapport expérimental (D5a) daté du 13 novembre 2019.

V. Par courrier du 30 janvier 2020 la requérante I a déposé de nouvelles requêtes subsidiaires 5 à 8.

VI. Lors de la procédure orale devant la chambre, la requérante I a déclaré retirer toutes ses requêtes à l'exception de la requête subsidiaire 6 datée du 30 janvier 2020, pour laquelle les débats se sont concentrés sur les questions de suffisance de description et d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 en partant du document D10 à titre d'état de la technique le plus proche.

VII. A la clôture des débats, les requêtes des parties étaient les suivantes:

La requérante I (titulaire) a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et le maintien du brevet sur la base des revendications 1 à 12 selon la requête subsidiaire 6 datée du 30 janvier 2020.

La requérante II (opposante) a demandé l'annulation de la décision de la division d'opposition et la révocation du brevet.

VIII. La revendication 1 selon la seule et unique requête maintenue est libellée comme suit:

"1. Composition quaternaire de type oxyde mixte à base d'oxydes de zirconium, de cérium, d'yttrium et de lanthane; caractérisée en ce qu'elle présente une proportion en oxyde de cérium d'au plus 50% en masse, une surface spécifique après calcination 4 heures à 1100°C d'au moins 25 m**(2)/g et un taux de réductibilité :

- d'au moins 95% après calcination 2 heures sous air à 600°C; ou

- d'au moins 95% après calcination 2 heures sous air à 700°C; ou

- d'au moins 85% après calcination 2 heures sous air à 900°C;

la réductibilité de la composition étant déterminée par la mesure de la consommation d'hydrogène mesurée entre 30°C et 900°C et le taux de réductibilité étant calculé à partir d'une consommation d'hydrogène mesurée entre 30°C et 900°C,

la mesure étant faite par réduction programmée en température en utilisant de l'hydrogène dilué dans l'argon et un signal étant détecté avec un détecteur de conductivité thermique, la consommation de l'hydrogène étant calculée à partir de la surface manquante du signal d'hydrogène de la ligne de base à 30°C à la ligne de base à 900°C,

le taux de réductibilité représentant le pourcentage de cérium réduit, étant entendu qu'1/2 mole d'H2 consommée correspond à 1 mole de Ce**(IV) réduit."

Les revendications dépendantes 2 à 6 concernent des aspects particuliers de cette composition,

les revendications 7 à 10 un procédé de préparation d'une telle composition, la revendication 11 un système catalytique comprenant à titre de support une composition telle que revendiquée ou obtenue par le procédé revendiqué, et du palladium supporté par celle-ci, et la revendication 12 un procédé de traitement de gaz d'échappement des moteurs à combustion interne utilisant à titre de catalyseur un système catalytique selon la revendication 11.

Motifs de la décision

1. Article 83 CBE - Suffisance d'exposé de l'invention

1.1 Au titre de cet article la requérante II a contesté les aspects suivants de la composition revendiquée:

a) l'intervalle ouvert dans la caractéristique "surface spécifique après calcination pour 4 heures à 1100 °C d'au moins 25 g/m**(2)";

b) la méthode utilisée pour déterminer le taux de réductibilité;

c) l'applicabilité de la méthode BET aux compositions revendiquées; et

d) l'intervalle ouvert dans la caractéristique "taux de réductibilité d'au moins 95% après calcination 2 heures sous air à 600°C; ou d'au moins 95% après calcination 2 heures sous air à 700°C; ou d'au moins 85% après calcination 2 heures sous air à 900°C".

1.2 Eu égard au point a), elle a fait valoir qu'il n'était pas crédible qu'une composition de surface spécifique substantiellement plus élevée que celle de valeur maximale obtenue dans l'exemple 2 du brevet, à savoir 27 g/m**(2), puisse être préparée en mettant en oeuvre la méthode divulguée dans le brevet, si bien que le brevet s'étendait à des mélanges d'oxydes ne pouvant être réalisées. La requérante II a appuyé son attaque sur les décisions T 1697/12, T 2344/12 et X ZR 32/17, cette dernière émanant de la cour fédérale de justice d'Allemagne.

1.2.1 La chambre ne peut suivre cette objection, car le fascicule de brevet décrit en détail la préparation de diverses compositions et en particulier d'une composition quaternaire telle que revendiquée (voir paragraphes [0032] à [0065]), elle-même étayée de l'exemple 2 de préparation d'une composition spécifique.

1.2.2 En outre, il est manifeste du paragraphe [0064] et du passage en page 6, lignes 18-21 du brevet que l'augmentation de la température dans la première étape de calcination sous gaz inerte ou sous vide entraîne une diminution de la surface spécifique, elle-même étroitement liée à une augmentation conjointe du taux de réductibilité de la composition revendiquée. L'interaction entre ces deux paramètres est par ailleurs confirmée en page 10, lignes 7-17 du document D13.

1.2.3 La requérante II conteste cette interaction, faisant valoir que le taux de réductibilité décrit au paragraphe [0064] du brevet se réfère à la première étape de calcination et donc au procédé de préparation de la composition, alors que celui défini à la revendication 1 se réfère à la calcination mise en oeuvre pour calculer le taux de réductibilité de la composition. En outre, cette interaction serait contraire aux résultats obtenus dans les exemples, qui montrent que le degré de réductibilité décroit avec l'augmentation de la température de calcination.

La chambre ne peut suivre la requérante II sur ce point, car même si les deux températures de calcination auxquelles elle fait référence diffèrent l'une de l'autre, ceci ne met pas en défaut l'affirmation au paragraphe [0064] du brevet. La requérante II n'a d'ailleurs déposé aucune preuve tangible à l'encontre de cette affirmation. Et le fait que la valeur calculée du taux de réductibilité diminue avec la température de calcination, tel qu'illustré dans l'exemple 2 du brevet, ne met pas plus en défaut l'affirmation du paragraphe [0064], car les conditions de calcination responsables de cette diminution (à savoir l'augmentation de la température de 600 à 900°C sous air) ne sont pas comparables à celles indiquées au paragraphe [0064] du brevet, qui concernent la première étape de calcination du produit sous gaz inerte ou sous vide à une température d'au moins 900°C.

1.2.4 Le taux de réductibilité selon la revendication 1 devant en outre être très élevé et de l'ordre de magnitude de ceux illustrés dans les exemples, l'indication d'une limite supérieure à l'intervalle de surfaces spécifiques est dans le cas d'espèce manifestement inutile, le brevet divulguant clairement (paragraphes [0002] et [0003]) que l'invention vise un produit ayant une surface spécifique importante et une réductibilité la plus élevée possible, les deux paramètres se limitant réciproquement, comme expliqué auparavant. Il est donc manifeste pour l'homme du métier que l'invention revendiquée ne concerne pas des valeurs de surface spécifique substantiellement plus élevées que celle de l'exemple 2 du brevet.

1.2.5 Les conclusions de la décision T 1697/12 ne s'appliquent pas au cas d'espèce, puisqu'elles concernent (point 5.5.5 des raisons) un paramètre qui n'était pas implicitement limité par les autres caractéristiques de la revendication.

1.2.6 Le brevet indiquant en outre (paragraphe [0029]) qu'il est possible d'augmenter la surface spécifique de l'oxyde mixte revendiqué en choisissant une teneur en zirconium plus élevée, et donc un moyen d'obtenir une surface spécifique plus élevée de celles illustrées par les exemples du brevet, les conclusions de la décision T 2344/12 (point 1.1 des raisons) ne s'appliquent pas plus au cas présent, puisqu'elles concernent un cas où la description ne contenait aucune information quant à l'obtention de valeurs d'un paramètre en-dehors des limites des exemples.

1.2.7 Au demeurant le brevet est en accord avec les critères établis par la décision X ZR 32/17 (IntPatÜbkG Art. II § 6 Abs. 1 Satz 1 Nr. 2 a, b), puisqu'il indique comment l'homme du métier peut encore améliorer les valeurs de surface spécifique illustrées dans ses exemples et il ne concerne pas une nouvelle préparation d'une composition connue.

1.3 Concernant l'objection b), il est à noter que la revendication 1 précise la méthode pour déterminer le taux de réductibilité, et selon le brevet celui-ci est mesuré par réduction en température programmée (TPR) de la composition et il correspond au pourcentage de cérium (IV) réduit par l'hydrogène, étant entendu qu'une demi mole d'hydrogène consommée correspond à la réduction d'une mole de cérium (IV) (paragraphe [0021] du brevet). Il n'est en outre pas contesté que dans le mélange d'oxydes revendiqué seulement l'oxyde de cérium peut avoir une valence (IV) (voir D19), et l'allégation de la requérante II à la procédure orale selon laquelle le lanthane ou l'yttrium seraient également réduits de la valence (III) à la valence (II) dans les conditions utilisées dans le TPR, et pourraient donc influencer la valeur du taux de réductibilité calculé, n'est étayée d'aucune preuve tangible.

1.3.1 Il n'est également pas contesté que la méthode TPR est une méthode bien connue de l'homme du métier, tel que confirmé par la déclaration D14 (page 3, paragraphe 11) et les documents D17 et D18 cités par la requérante II. En plus, les paragraphes [0074] à [0077] du brevet décrivent plus en détail un protocole expérimental pour l'application de cette méthode. Celui-ci comprend par exemple une étape d'oxydation à 500°C avant l'étape de réduction pendant laquelle la température est montée de 30°C jusqu'à 900°C. Comme expliqué au paragraphe [0076], la consommation d'hydrogène lors de la phase de réduction est déduite grâce à la calibration de la variation de la conductivité thermique du flux gazeux mesurée à l'aide d'un TCD en sortie de la cellule de quartz du thermocouple placé au-dessus de l'échantillon. L'étape de refroidissement représente clairement l'étape finale du protocole expérimental et n'a aucun effet sur la courbe TCP dérivée de l'étape de réduction entre 30°C et 900°C.

Par conséquent, même si la description ne contient pas tous les détails nécessaires pour la mise en oeuvre de ladite méthode, tels que par exemple les détails de la méthode de calibration utilisée ou encore les étapes nécessaires à créer les diagrammes TPR, il ne fait aucun doute pour la chambre, comme déjà indiqué dans son avis préliminaire, que ces détails font partie des connaissances générales de l'homme du métier. Ceci est par ailleurs confirmé implicitement par la déclaration D14 qui conteste principalement (page 3, points 12 et 20) la précision de la méthode divulguée dans le brevet mais pas l'impossibilité pour l'homme du métier de conduire une mesure en suivant les indications du brevet et ses connaissances générales.

1.3.2 La requérante II a par ailleurs soutenu à la procédure orale que la méthode de calcul du taux de réductibilité n'était pas un paramètre habituel et que le calcul de la consommation d'hydrogène à partir du diagramme TPR, et donc du pourcentage de Ce**(IV) réduit à partir de la surface manquante du signal d'hydrogène de la ligne de base à 30°C à la ligne de base à 900°C, ne faisait pas partie des connaissances générales de l'homme du métier.

Elle a également fait valoir que la méthode de calcul dudit paramètre n'était pas suffisamment divulguée et que le choix de la ligne de base nécessaire pour le calcul n'était également pas divulguée dans le brevet. Les valeurs calculées étaient donc nécessairement différentes selon le choix de la ligne de base et l'homme du métier ne serait donc pas en mesure de savoir si les valeurs calculées sont ou non en accord avec la revendication 1.

1.3.3 La chambre ne partage pas plus l'opinion de la requérante II sur ce point, car comme confirmé par la déclaration D14 (paragraphe 13) il est manifeste que l'homme du métier choisirait une ligne de base horizontale de 30°C jusqu'à 900°C, car une autre option (par exemple une ligne de base oblique joignant les points des courbes TPR correspondant aux températures à 30°C et 900°C) serait nécessairement dépendante de la forme du diagramme TPR, comme montré par la requérante II (pages 11 et 12 de son mémoire de recours) au regard des courbes divulguées dans les documents D15a et D15b, et donc peu envisageable.

La requérante II a d'ailleurs elle-même fourni des essais (document D5a) par lesquels elle démontre que l'homme du métier est capable de mesurer le taux de réductibilité en suivant les indications du brevet.

1.3.4 Par conséquent, même si l'homme du métier considérerait le "taux de réductibilité" comme un paramètre inhabituel, il n'aurait aucun problème, en appliquant ses connaissances générales, à mettre en oeuvre la méthode TPR connue et d'en déduire par calcul le taux de réductibilité en suivant la description du brevet.

Les conclusions des décisions citées par la requérante II concernant l'insuffisance d'exposé d'une invention ne divulguant pas clairement ou suffisamment la méthode pour déterminer un paramètres inhabituel, elles ne s'appliquent donc pas au cas d'espèce.

Pour la chambre, il s'ensuit que l'homme du métier est mis en mesure de calculer le taux de réductibilité d'une composition telle que revendiquée en suivant l'enseignement de la description.

1.4 Eu égard au point c) susmentionné, la requérante II a prétendu par écrit que la méthode utilisée pour mesurer la surface spécifique, à savoir la norme ASTM D 3663-78 indiquée au paragraphe [0010] du brevet, ne serait applicable qu'à des catalyseurs présentant un isotherme d'adsorption de l'azote de type II ou IV (voir D1 et D2), et qu'elle ne serait donc pas applicable à tous les oxydes couverts par la revendication 1.

1.4.1 A la procédure orale, la requérante II ayant sur ce point renvoyé à ses écrits, la chambre observe que ceux-ci (D16 inclus) ne comprennent aucune objection à l'encontre de la composition quaternaire définie à la revendication 1 en cause. Cette objection est donc sans effet sur la composition revendiquée.

1.4.2 La chambre note toutefois que la méthode de mesure de surface spécifique divulguée dans le brevet est la plus couramment utilisée dans le domaine, et il ne fait aucun doute que l'homme du métier est capable de l'appliquer à la composition revendiquée et d'en déduire une valeur de surface spécifique, quelle qu'elle soit.

1.5 Concernant le point d), la requérante II a objecté l'absence de limite supérieure dans la revendication 1 pour le taux de réductibilité et fait valoir que le brevet ne divulguait pas de mode opératoire pour préparer des compositions de valeurs supérieures à celles illustrées dans les exemples.

1.5.1 La chambre ne peut également la suivre sur ce point, car le taux de réductibilité tel que défini à la revendication 1 étant déjà très élevé, l'indication d'une limite supérieure est dans le cas d'espèce manifestement inutile, parce que le brevet divulgue clairement (paragraphes [0002] et [0003]) que l'invention vise un produit présentant une réductibilité la plus élevée possible. En outre, les paragraphes [0024] et [0064] du brevet précisent que le taux de réductibilité peut même atteindre la valeur de 100%. Pour ce qui est de l'absence de méthode de préparation de telles compositions, le même argument que pour l'absence de limite supérieure pour la surface spécifique prévaut.

1.6 Pour la chambre, il suit de ce qui précède que l'exposé de l'invention selon le brevet contesté est suffisant et satisfait aux exigences de l'Article 83 CBE.

2. Article 56 CBE - Activité inventive

2.1 Le brevet contesté concerne (paragraphe [0001] et revendication 1) une composition à base d'oxydes de zirconium et de cérium à réductibilité élevée et à surface spécifique stable, en particulier une composition quaternaire à base d'oxydes de zirconium, de cérium, d'yttrium et de lanthane, c'est-à-dire une composition qui outre quelques impuretés ne comprend que les quatre oxydes précités, ainsi que son procédé de préparation et son utilisation dans le traitement des gaz d'échappement d'automobiles.

2.2 Tel qu'expliqué aux paragraphes [0002] à [0004] du brevet, les oxydes de zirconium et de cérium, lorsque mis en oeuvre dans les catalyseurs "trois voies" pour traiter les gaz d'échappement des moteurs à combustion interne, sont non seulement capables d'en oxyder le monoxyde de carbone et les hydrocarbures, mais aussi d'en réduire les oxydes d'azote. Et pour être efficaces, ces matériaux doivent présenter une surface spécifique qui reste suffisamment importante à température élevée et une réductibilité la plus élevée possible. On cherche par ailleurs à augmenter l'efficacité de ces matériaux, notamment lors de leur utilisation comme support de métaux précieux et ainsi développer des systèmes mettant en oeuvre moins de métal précieux.

L'objet de l'invention est donc la mise au point de compositions répondant aux caractéristiques mentionnées ci-dessus, notamment celles susceptibles d'être utilisées efficacement avec le palladium (paragraphe [0006] du brevet).

2.3 Concernant l'état de la technique le plus proche, la chambre partage l'avis de la requérante II que celui-ci est représenté par l'exemple 2 du document D10, certes publié entre la date de priorité et la date de dépôt du brevet, mais la priorité du brevet ne pouvant être reconnue pour l'objet revendiqué, D10 fait partie de l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE.

D10 concerne (paragraphes [0001] à [0005], [0010] et [0075] à [0077]) une composition à base d'oxydes de zirconium, cérium et autres lanthanides dans les catalyseurs multifonctionnels pour traiter les gaz d'échappement des moteurs à combustion interne, qui permet une performance améliorée dans les basses températures ainsi qu'une température de réductibilité plus basse. La composition peut en outre contenir des métaux précieux et son exemple 2, celle-ci consiste en un mélange quaternaire d'oxydes se différenciant de la revendication 1 en instance en ce qu'elle comprend un oxyde de néodyme en lieu et place de l'oxyde d'yttrium.

2.3.1 La composition de l'exemple 2 selon D10 présente une surface spécifique mesurée après calcination pendant 6 heures à 1000°C de 37 m**(2)/g, et donc une valeur très proche de celle de 38 m**(2)/g mesurée dans l'exemple 3 du brevet après une calcination de 4 heures à 1000°C. Il est raisonnable de s'attendre à ce qu'après calcination de 4 heures à 1100°C cette composition présente une valeur proche des 37 m**(2)/g de l'exemple 3 du brevet, tombant de ce fait dans l'intervalle revendiqué. Le taux de réductibilité mesuré dans les conditions de la revendication 1 n'est toutefois pas divulgué, et dans son exemple 2, le taux de réductibilité mesuré après calcination sous air à 1000°C n'est que de 80%(paragraphe [0080]). La requérante II n'a pas contesté ces différences.

2.4 Même si le brevet contient des exemples comparatifs (exemple 3 contre exemple 5, correspondant à l'exemple 1 de D10, et exemple 2 contre exemple 6), il ne comprend pas de comparaison avec l'état de la technique le plus proche, à savoir la composition selon l'exemple 2 de D10, si bien que la chambre partage l'avis de la requérante II selon lequel les résultats de ces comparaisons ne font apparaître aucun avantage particulier par rapport à celle-ci, qui d'ailleurs est aussi susceptible d'être efficace avec les métaux précieux (D10, paragraphes [0075] à [0077]).

Le problème technique sous-tendant l'invention doit donc être redéfini de manière moins ambitieuse, à savoir comme consistant en la mise à disposition d'une composition alternative pour les catalyseurs multifonctionnels de traitement des gaz d'échappement de moteurs à combustion interne, et susceptible d'être utilisée efficacement avec les métaux précieux.

2.4.1 Comme montré à l'exemple 2 et au tableau 1 de la page 12 du brevet, une composition selon la revendication 1 utilisée dans un catalyseur comprenant 0,1% ou 0,07% de rhodium montre un excellent taux de conversion au COP (un test utile pour montrer l'élimination des polluants CO, NO et hydrocarbures; voir paragraphe [0078] du brevet). La chambre n'a pas de raison - en l'absence de preuve du contraire - de douter qu'un effet similaire peut être obtenu en utilisant le palladium en lieu et place du rhodium dans la composition susmentionnée.

Le problème technique dans sa version reformulée est donc crédiblement résolu par la solution proposée, à savoir la composition selon la revendication 1 en instance.

2.5 Il reste à évaluer s'il était évident pour l'homme du métier de remplacer l'oxyde de néodyme de la composition de l'exemple 2 de D10 par de l'oxyde d'yttrium pour aboutir à une composition à base d'oxydes présentant une surface spécifique et un taux de réductibilité tels que revendiqués.

2.5.1 Le document D10 divulgue de manière générique (paragraphe [0010]) des compositions d'oxydes de zirconium et cérium pouvant contenir d'autres lanthanides, par exemple ceux utilisés à l'exemple 2, mais l'yttrium n'est nullement mentionné dans D10. Il est également à noter que D10 ne vise pas des compositions de surface spécifique et de taux de réductibilité élevés, mais des compositions abaissant le maximum de la température de réductibilité.

2.5.2 Pour la chambre, il s'ensuit que de la lecture du seul document D10, l'homme du métier n'aurait pas pu prévoir l'effet de l'yttrium dans un mélange d'oxydes tel que celui divulgué dans le document D10, et encore moins y aurait-il trouvé une incitation à remplacer l'oxyde de néodyme par l'oxyde d'yttrium dans la composition de son exemple 2 dans le seul but d'obtenir une composition d'oxydes de surface spécifique et de taux de réductibilité élevés.

2.5.3 La requérante II qui, par écrit, n'avait présenté aucun argument à l'encontre de l'activité inventive de cette requête, a cité le document D4 à la procédure orale, celui-ci concernant (voir revendication 1) des compositions à base d'oxydes de zirconium, cérium, lanthane et d'une autre terre rare. La chambre observe toutefois que D4 ne divulgue pas plus l'utilisation d'oxyde d'yttrium dans les mélanges d'oxydes divulgués, ni la possibilité d'aboutir avec cet oxyde à une composition d'oxydes de surface spécifique et de taux de réductibilité élevés.

2.5.4 Par conséquent, l'homme du métier n'aurait pas plus été motivé par la divulgation de D4 d'utiliser l'yttrium en lieu et place du néodyme dans la composition quaternaire de l'exemple 2 de D10 pour résoudre le problème technique sous-tendant l'invention.

2.5.5 La chambre en conclut que l'objet de la revendication 1, ainsi que celui des revendications 2 à 12 qui en dépendent, implique une activité inventive au sens de l'article 56 CBE.

Dispositif

Par ces motifs, il est statué comme suit

1. La décision contestée est annulée.

2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de maintenir le brevet sur la base des revendications 1 à 12 selon la requête subsidiaire 6 datée du 30 janvier 2020 (maintenue comme seule et unique requête au cours de la procédure orale du 6 mars 2020) et d'une description à adapter.

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