European Case Law Identifier: | ECLI:EP:BA:2019:T084016.20191114 | ||||||||
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Date de la décision : | 14 Novembre 2019 | ||||||||
Numéro de l'affaire : | T 0840/16 | ||||||||
Numéro de la demande : | 09745999.4 | ||||||||
Classe de la CIB : | A23L 1/29 A23L 1/30 A23L 1/305 |
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Langue de la procédure : | FR | ||||||||
Distribution : | D | ||||||||
Téléchargement et informations complémentaires : |
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Titre de la demande : | ALIMENT INFANTILE À BASE DE MATIÈRE GRASSE D'ORIGINE LAITIÈRE | ||||||||
Nom du demandeur : | Groupe Lactalis | ||||||||
Nom de l'opposant : | N.V. Nutricia | ||||||||
Chambre : | 3.3.09 | ||||||||
Sommaire : | - | ||||||||
Dispositions juridiques pertinentes : |
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Mot-clé : | Extension de l'objet revendiqué: non (revendications 9 à 11) Suffisance de description: oui Nouveauté: oui Activité inventive: oui |
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Exergue : |
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Décisions citées : |
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Décisions dans lesquelles la présente décision est citée : |
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Exposé des faits et conclusions
I. La présente décision concerne le recours introduit par l'opposant contre la décision de la division d'opposition rejetant son opposition formée contre le brevet européen No. 2 389 076.
Les revendications 1 et 9 à 11 du brevet tel que délivré s'énoncent comme suit:
"1. Utilisation d'une source de matière grasse d'origine laitière pour l'obtention d'au moins 30% de la fraction lipidique d'un aliment infantile pour nourrisson ou enfant en bas âge, sous forme liquide, solide ou sous forme de poudre à reconstituer, et d'une source de matière grasse végétale pour le reste de cette fraction lipidique, pour la fabrication dudit aliment infantile pour son utilisation dans l'augmentation de la fabrication endogène du DHA et de son accumulation dans les membranes, particulièrement dans le cerveau, chez le nourrisson et le jeune enfant, la fraction protéique dudit aliment infantile comprenant au moins une source de protéines d'origine laitière comprenant un dérivé laitier issu de la phase soluble du lait mais non issu de lactosérum acide ou de fromagerie, ou un concentré d'alpha-lactalbumine."
"9. L'utilisation de la revendication 1, où ladite source de matière grasse d'origine laitière est utilisée pour l'obtention de 30 à 85 % de ladite fraction lipidique."
"10. L'utilisation de la revendication 1, comprenant l'utilisation comme source de matière grasse végétale de 0 à 70% de matière grasse issue du colza et de 0 à 20 % de matière grasse issue du tournesol."
"11. L'utilisation de la revendication 1, où ladite source de matière grasse d'origine laitière comprend: une crème de lait, un beurre, un lait standardisé en matière grasse laitière, une matière grasse laitière anhydre et/ou une matière issue d'un fractionnement d'une matière grasse laitière anhydre."
Le terme DHA est une abréviation pour l'acide docosahexaénoïque.
II. Dans son acte d'opposition, l'opposant a soulevé des objections sur la base des articles 100a) (défaut de nouveauté et d'activité inventive), 100b) et 100c) CBE.
III. Les documents suivants ont été introduits au cours de la procédure d'opposition, D0 à D9 ayant été déposés par l'opposant et D10 à D13 par le titulaire du brevet:
D0: PCT/FR2009/050772 (document de priorité);
D1: WO 96/10922 A1;
D2: H. Dabadie et al, "Moderate intake of myristic acid
in sn-2 position has beneficial lipidic effects and
enhances DHA of cholesteryl esters in an
interventional study", Journal of Nutritional
Biochemistry, 2005, 16, 375-382;
D3 : CN 101233873 A
D3b: Traduction en anglais de D3
D4 : CN 101233875 A
D4b: Traduction en anglais de D4
D5: US 5 709 888 A
D6: US 5 066 500 A
D7: F. Mendy, "Synergie et acides gras - XXI**(e) siècle:
une ère nouvelle pour les lipides", OCL, 2005,
12(1), 5-15
D8: FR 2 809 595 A1
D9: WO 2007/110421 A2
D10: WO 2009/138680 A2 (demande internationale ayant
donné lieu au brevet en litige)
D11: "Omega-3 DHA and EPA for cognition, behavior, and
mood: clinical findings and structural-functional
synergies with cell membrane phospholipids",
abstract, two pages,
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18072818
D12: EP 1 962 825 B1 (seulement page 3) et
D13: W. Stillwell, "The role of polyunsaturated lipids
in membrane raft function", Scandinavian Journal
of Food and Nutrition, 2006, 50(S2), 107-113.
IV. La division d'opposition a décidé que:
- l'invention sous-jacente à l'objet de la revendication 1 était suffisamment décrite dans le brevet en litige pour qu'un homme du métier puisse déterminer l'accumulation du DHA dans les membranes des cellules sur la base de ses connaissances générales et de l'état de la technique;
- l'objet des revendications du brevet tel que délivré était divulgué dans la demande telle que déposée considérée dans son intégralité;
- l'objet de la revendication 1 bénéficiait de la date de priorité du 29 avril 2008 et par conséquent D3 et D4 ne faisaient pas partie de l'état de la technique;
- l'objet de la revendication 1, qui portait sur une utilisation de type médical, était nouveau comparé à la divulgation de D1 déjà au vu de l'effet médical;
- l'objet de la revendication dépendante 10, ne bénéficiait pas de la revendication de priorité, cependant aucun des documents D3 et D4 ne décrivait l'activité thérapeutique requise par les revendications: l'objet de cette revendication était donc nouveau par rapport à D3 et D4;
- l'objet de la revendication 1 impliquait une activité inventive car l'homme du métier n'aurait pas trouvé de motivation dans l'état de la technique pour la combinaison de l'enseignement de D1 (considéré comme état de la technique le plus proche) avec les divulgations de D2 ou D7.
V. L'opposant (ci-après le requérant) a introduit un recours contre la décision de la division d'opposition. Dans le mémoire exposant les motifs de recours, il a demandé l'annulation de cette décision et la révocation complète du brevet. Le requérant a réitéré ses objections soulevées devant la division d'opposition, notamment l'insuffisance de description, l'extension de l'objet revendiqué au-delà du contenu de la demande telle que déposée, l'absence de nouveauté et d'activité inventive.
VI. Dans ses écritures produites en réponse au mémoire de recours, le titulaire du brevet (ci-après l'intimé) a demandé le rejet du recours. Il a aussi fourni les documents suivants afin de répondre aux objections du requérant:
D14: L.A. Arterburn et al, "Distibution,
interconversion, and dose response of n-3 fatty
acids in humans", Am J Clin Nutr, 2006, 83(suppl)
1467S-1476S
D15: E.K. Lund et al, "Effets of dietary fish oil
supplementation on the phospholipid composition
and fluidity of cell membranes from human
volunteers", Ann Nutr Metab, 1999, 43, 290-300
D16: H.M. Vidgren et al, "Incorporation of n-3 fatty
acids into plasma lipid fractions, and erythrocyte
membranes and platelets during dietary
supplementation with fish, fish oil and
docosahexaenoic acid-rich oil among healthy young
men" Lipids, 1997, 32(7), 697-705
D17: Q. Du et al, "Dairy fat blends high in alpha-linolenic
acid are superior to n-3 fatty-acid-enriched palm
oil blends for increasing DHA levels in the brains
of young rats", Journal of Nutritional
Biochemistry, 2012, 23, 1573-1582
D18: Résultats synthétisés de l'étude de D17
VII. Le 20 août 2019, la Chambre a envoyé aux parties une notification en préparation de la procédure orale convoquée conformément aux requêtes respectives des parties où elle étayait son avis préliminaire sur les sujets à y débattre.
VIII. Dans ses écritures du 15 octobre 2019, le requérant a annoncé qu'il retirait sa requête en procédure orale, qu'il n'y participerait pas et n'y serait pas représenté non plus.
IX. La procédure orale devant la Chambre a eu lieu comme prévu le 14 novembre 2019 conformément à la règle 115(2) CBE et l'article 15(3) RPCR en l'absence du requérant dûment convoqué.
X. Les arguments pertinents pour la présente décision qui ont été développés par le requérant en procédure écrite peuvent être résumés comme suit:
- La revendication 1 du brevet tel que délivré ne bénéficie pas de la date de priorité revendiquée.
- La combinaison des caractéristiques faisant l'objet des revendications 9 à 11 (concernant la composition de la fraction lipidique) et de la fraction protéique telle que modifiée dans la revendication 1 lors de la procédure d'examen n'est pas divulguée dans la demande telle que déposée et, par conséquent, ces revendications ne sont pas conformes aux exigences de l'article 100c) CBE.
- L'invention revendiquée n'est pas conforme aux exigences de l'article 100b) CBE car elle n'est pas décrite de façon suffisante pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. En particulier, le brevet en question ne décrit pas comment l'accumulation du DHA est déterminée dans les membranes.
- L'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau au vu de D1 qui divulgue implicitement la fabrication de DHA endogène.
- Puisque l'objet de la revendication 1 ne bénéficie pas de la date de priorité revendiquée, il n'est pas nouveau au vu de la divulgation des documents D3 et D4 non plus.
- L'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive. D1 représente l'état de la technique le plus proche. D1 ne divulgue pas directement la stimulation de la fabrication endogène de DHA et son accumulation dans les membranes. Le problème technique au vu de D1 consiste à stimuler la fabrication du DHA endogène et son accumulation dans les membranes. D'une part, le problème technique n'est pas résolu dans toute l'étendue de l'objet revendiqué. D'autre part, la solution revendiquée était évidente au vu de D2 et D7.
- En outre, l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive au vu de la combinaison évidente de D5 avec D2 ou D7.
XI. Les arguments pertinents pour la présente décision qui ont été développés par l'intimé en procédure écrite et lors de la procédure orale peuvent être résumés comme suit:
- La revendication 1 du brevet tel que délivré bénéficie de la date de priorité revendiquée.
- L'objet des revendications 9 à 11 est divulgué dans la demande telle que déposée considérée dans son ensemble et est donc conforme aux exigences de l'article 100c) CBE.
- Le brevet en litige décrit l'invention revendiquée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. L'analyse et le dosage du DHA dans les membranes et le cerveau pouvaient être effectués par l'homme du métier sans difficulté à la date de priorité. En outre, l'homme du métier savait que le DHA s'accumule dans les membranes des cellules, comme on peut le déduire des documents D5, D14, D15 et D16.
- La revendication 1 est une revendication de type deuxième application médicale. L'objet de cette revendication est nouveau par rapport à D1, qui ne divulgue pas la caractéristique d'utilisation "pour augmenter la synthèse endogène de DHA".
- D3 et D4 ne font pas partie de l'état de la technique opposable à l'objet de la revendication 1, lequel bénéficie de la date de priorité. En outre, selon D3 et D4, le DHA est apporté au nourrisson de manière exogène, ce qui signifie que l'objet de la revendication 1 est nouveau par rapport à D3 et D4, même si la chambre arrivait à la conclusion que la revendication ne bénéficiait de la date de priorité revendiquée.
- L'objet de la revendication 1 implique une activité inventive. D1 est le document le plus proche qui concerne une composition infantile apportant du DHA. Le problème technique au vu de D1 consiste à trouver une formule infantile permettant d'obtenir une augmentation de la synthèse endogène de DHA. L'homme du métier n'aurait pas considéré D2 ou D7. D2 concerne la corrélation entre la nature des acides gras ingérés et les taux de cholestérol LDL et VDL chez l'adulte afin d'établir des recommandations diététiques. Le domaine technique n'est pas celui de l'alimentation infantile. Les mêmes remarques s'appliquent à D7.
XII. Le requérant a demandé par écrit l'annulation de la décision de la division d'opposition et la révocation du brevet européen No. 2 389 076 dans son intégralité.
XIII. L'intimé a demandé le rejet du recours.
Motifs de la décision
1. Extension de l'objet revendiqué au-delà du contenu de la demande telle que déposée (article 100c) CBE)
L'objet des revendications 9 à 11 du brevet est divulgué dans la demande telle que déposée considérée dans son ensemble.
1.1 La revendication 9 dépend de la revendication 1 du brevet, dans laquelle la fraction protéique a été limitée lors de la procédure d'examen par l'introduction de caractéristiques des revendications 5, 7 et 8 telles que déposées ("fraction protéique"; "un dérivé laitier issu de la phase soluble du lait mais non issu de lactosérum acide ou de fromagerie"; "un concentré d'alpha-lactalbumine"). La revendication 9 précise que la source de la matière grasse d'origine laitière est utilisée pour l'obtention de 30 à 85 % de ladite fraction lipidique. Cette caractéristique était aussi divulguée dans la revendication 2 telle que déposée.
La demande telle que déposée décrit les fractions lipidiques et protéiques de l'aliment infantile selon l'invention l'une après l'autre (page 4, lignes 1-13 et 21-25). Il est précisé que "(l)a source de matière grasse d'origine laitière est de préférence utilisée pour l'obtention de 30 à 85 % de la fraction lipidique". Il est précisé encore, dans le même contexte, que "(p)ar ailleurs: il est possible d'utiliser pour l'obtention d'une fraction protéique de l'aliment infantile au moins une source de protéines d'origine laitière pouvant notamment comprendre: ... un dérivé laitier issu de la phase soluble du lait, mais non issu de lactosérum acide ou de fromagerie [(objet de la revendication 7 telle que déposée]; un concentré d'alpha-lactalbumine".
L'expression "par ailleurs", en français, a pour synonyme "de plus". Il s'agit donc dans ce passage d'une précision supplémentaire de l'aliment infantile concernant la nature de la fraction protéique. En outre, la lecture de l'ensemble des pages 5 à 9 décrivant l'aliment infantile selon l'invention permet de trouver les bases de la revendication 9 du brevet tel que délivré.
Ainsi, l'homme du métier déduit de ces passages que l'objet des revendications 5, 7 et 8 telles que déposées peut être combiné avec l'objet de la revendication 2 telle que déposée et servir de base à la revendication 9 du brevet tel que délivré.
1.2 Les mêmes remarques s'appliquent à l'objet des revendications 10 et 11 au vu de la divulgation dans la demande telle que déposée concernant la source de la matière grasse végétale (page 4, lignes 13-16) et la source de la matière grasse d'origine laitière (page 4, lignes 17-20).
1.3 Par conséquent, l'objet des revendications 9 à 11 du brevet ne s'étend pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée considéré dans son ensemble.
1.4 Le requérant a cité la décision T 1206/07 (point 2.2 des motifs) dans laquelle la chambre avait considéré qu'en l'absence de la moindre indication dans la demande telle que déposée de la combinaison de deux caractéristiques, cette combinaison ne ressortait pas clairement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée, bien que chacune de deux caractéristiques y fût effectivement divulguée.
Or, dans le cas présent, et comme expliqué ci-dessus, la demande telle que déposée présente bien, sans ambiguïté, la combinaison des caractéristiques constituant l'objet des revendications 9 à 11 du brevet tel que délivré.
2. Suffisance de description (article 100b) CBE)
Le requérant a contesté la suffisance de description seulement en ce qui concerne la détection et l'analyse du DHA accumulé dans les membranes.
Toutefois, le brevet apporte la réponse aux paragraphes [0046] et [0047], qui précisent ce qui suit:
"Une étude sur ratons montre qu'après restriction nutritionnelle pour dépléter les animaux en omega-3 et en DHA, l'alimentation apportant des lipides d'origine laitière est plus favorable à la synthèse de DHA et son accumulation dans le cerveau qu'une alimentation 100% végétale ou qu'une alimentation végétale ..."
et
"Le tableau 3 ci-dessous donne la concentration en DHA dans le cerveau des ratons, exprimée en % des acides gras totaux".
L'étude à laquelle se réfère le brevet en litige est une étude modèle effectuée sur des ratons, c'est-à-dire sur des animaux en croissance, dont les réactions métaboliques sont considérées comme analogues à celles du nourrisson et du jeune enfant.
L'analyse et le dosage du DHA dans le cerveau ont été réalisés sans difficultés et le requérant n'a pas démontré le contraire.
Quant à la caractéristique "l'accumulation du DHA dans les membranes, particulièrement dans le cerveau, chez le nourrisson et le jeune enfant", il a été expliqué par l'intimé, à l'appui des documents D5, D14, D15 et D16, qu'elle appartient aux connaissances générales de l'homme du métier.
D5 divulgue "the accumulation of DHA fatty acid in the membranes, particularly those of the grey matter of cerebrum ..."(colonne 2, lignes 44-48).
D14 a pour objet l'étude des acides gras omega-3, en particulier du DHA, au niveau du corps humain. Dans la partie introductive (page 1467, colonne 2) dans la section intitulée "Tissue Distribution of n-3 fatty acid", il est précisé que les acides gras omega-3 à longue chaîne, ce qui inclut le DHA, influencent les propriétés des membranes et que le DHA est le principal acide gras omega-3 à longue chaîne dans les membranes cellulaires (page 1468, colonne 1, ligne 4). Plus loin, il est précisé que le DHA est abondant dans les membranes, en particulier celles des organes tels que le cerveau (page 1468, colonne 1, lignes 23-26).
D15 décrit l'effet de la consommation d'huile de poisson, une huile riche en DHA, sur la composition et la fluidité des membranes cellulaires. Les modèles cellulaires étudiés sont les érythrocytes. D15 indique que les acides gras polyinsaturés, tels que le DHA, s'incorporent dans les membranes des cellules (page 29, colonne 1).
D16 concerne également l'effet de la consommation de sources de DHA notamment sur la composition des membranes des érythrocytes. Ce document, dans son ensemble, illustre le fait que le DHA s'accumule dans les membranes des cellules.
Par conséquent, la caractéristique technique de l'invention revendiquée concernant l'accumulation du DHA dans les membranes, en particulier du cerveau, est suffisamment décrite.
3. Nouveauté
3.1 Interprétation de la revendication 1
La revendication 1 du brevet en litige concerne l'utilisation d'une fraction lipidique pour la fabrication d'un aliment infantile pour nourrisson ou enfant en bas âge, sous forme liquide ou sous forme de poudre à reconstituer, qui est formée d'une source de matière grasse d'origine laitière pour l'obtention d'au moins 30% de la fraction lipidique et d'une source de matière grasse végétale pour le reste de cette fraction lipidique.
La fraction lipidique est utilisée dans l'augmentation de la fabrication endogène du DHA et de son accumulation dans les membranes, particulièrement dans le cerveau, chez le nourrisson et le jeune enfant. L'aliment infantile contient aussi une fraction protéique comprenant au moins une source de protéines d'origine laitière comportant un dérivé laitier issu de la phase soluble du lait mais non issu de lactosérum acide ou de fromagerie, ou un concentré d'alpha-lactalbumine.
La Chambre reconnaît que l'expression "augmentation de la fabrication endogène du DHA" signifie "stimulation de la fabrication endogène du DHA". En effet, cette interprétation est conforme à la divulgation de l'invention revendiquée dans la description du brevet en litige.
La Chambre, en l'absence de preuve contraire, reconnaît aussi qu'une source de matière grasse d'origine laitière ne comprend pas normalement de DHA exogène et que les phospholipides laitiers de la revendication 8 ne contiennent pas non plus de DHA exogène. En effet, comme l'a précisé l'intimé lors de la procédure orale, la fraction lipidique selon la revendication 1, qui ne comprend qu'une source de matière grasse d'origine laitière et pour le reste une source de matière grasse végétale, est dépourvue de DHA.
Enfin, la Chambre reconnaît que la revendication 1 est une revendication de type suisse qui concerne une deuxième application médicale. Cette formulation de l'objet revendiqué est formellement admise car la demande internationale ayant donné lieu au brevet en litige a été déposée avant le 29 janvier 2011 (G2/08, point 7.1.4 des motifs et Communiqué de l'OEB, OJ OEB 2010, 514). En substance, la deuxième application médicale concerne la stimulation de la fabrication endogène du DHA qui est un facteur primordial pour le développement du nourrisson et du jeune enfant, en particulier le développement cérébral.
3.2 Le requérant a cité D1, D3 et D4 sur la base desquels il a fait valoir que l'objet de la revendication 1 présentait un défaut de nouveauté.
3.2.1 La divulgation de D1
D1 divulgue des compositions infantiles dont la fraction lipidique est basée sur des matières grasses d'origine laitière et végétale et comprenant des lécithines qui contiennent du DHA sous forme de phospholipides et triglycérides (revendications 1 à 5; page 1, lignes 6-10; page 4, lignes 5-35). Les compositions infantiles de D1 sont formulées de façon à apporter du DHA au nourrisson et au jeune enfant, c'est-à-dire du DHA fabriqué à l'extérieur du corps humain (DHA exogène). D1 précise qu'il est décisif que le DHA soit ajouté dans la composition infantile à la fois sous forme de triglycérides et de phospholipides pour obtenir des propriétés fonctionnelles recherchées (visuelles et motrices) (page 4, lignes 5-19). Ce passage n'insinue pas à l'homme du métier que la composition de D1 permettrait d'obtenir une synthèse endogène de DHA. De plus, D1 ne divulgue pas que les compositions infantiles sont formulées pour la stimulation de la fabrication endogène du DHA chez le nourrisson et le jeune enfant.
Il est par ailleurs noté que l'intimé a expliqué dans ses écritures (lettre du 7 octobre 2016, page 5, dernier paragraphe) et au cours de la procédure orale, sans être contredit par le requérant, qu'il est plausible, sur la base d'un mécanisme de bio-régulation chez le nourrisson et le jeune enfant, que l'apport du DHA exogène réduise, voire inhibe, la synthèse du DHA endogène. D1 ne divulgue ni d'étude sur la stimulation de la production du DHA endogène ni de mécanisme de biorégulation du DHA exogène/endogène.
Il est donc conclu que la caractéristique d'utilisation "pour augmenter la synthèse endogène de DHA" n'est pas décrite dans D1 explicitement ou implicitement et que par conséquent l'objet de la revendication 1 est nouveau par rapport à la divulgation de D1.
Contrairement aux allégations du requérant, le décisions G 2/88, T 669/01 et T 605/09 ne sont pas pertinentes puisque l'objet de la revendication 1 ne se résume pas à l'identification d'une propriété ou d'un effet qu'aurait la composition de D1.
3.2.2 Les documents D3 et D4
D3 et D4 ont trait à des formules infantiles comprenant des protéines de petit lait et au moins 30% de matière grasse laitière parmi les lipides. Les compositions de D3 et D4 (exemples 1-4) comprennent également du DHA exogène. De plus, comme l'a reconnu à juste titre la division d'opposition, aucun des documents D3 et D4 ne décrit l'activité thérapeutique requise par les revendications du brevet en litige. Ainsi, pour cette raison déjà, l'objet de la revendication 1 et donc des revendications dépendantes 2-11 est nouveau par rapport à la divulgation de D3 et de D4.
3.2.3 Dans ce contexte, il est à noter que D3 et D4, publiés tous les deux le 6 août 2008, c'est-à-dire après la date de priorité revendiquée pour le brevet en litige (29 avril 2008), ne peuvent être cités comme état de la technique selon l'article 54(2) CBE que dans la mesure où la priorité n'est pas valable. Toutefois, comme D3 et D4 ne divulguent pas l'objet des revendications 1 à 11, il n'y a pas lieu de discuter dans quelle mesure la priorité est valablement revendiquée.
4. Activité inventive
4.1 L'état de la technique le plus proche
4.1.1 D1 décrit une composition infantile qui contient un mélange de matières grasses d'origine laitière (30% de graisse de beurre) et de matières grasses d'origine végétale et des protéines de lactosérum (tableaux 1 et 2). La composition comprend, entre autres, de l'acide alpha-linolénique (C18-3omega3), de l'acide myristique (C14-0) et de l'acide docosahexaénoïque (C22-6omega3), c'est-à-dire du DHA exogène. D1 est donc considéré comme le document qui représente l'état de la technique le plus proche. Comme il a été démontré dans le contexte de la nouveauté, l'objet de la revendication 1 diffère de D1 par son application pour stimuler la fabrication endogène du DHA.
4.1.2 D5 divulgue des mélanges de graisses pour l'alimentation de jeunes enfants et d'adultes qui ont un niveau et un rapport adéquat de graisses polyinsaturées : graisses polyinsaturées à longue chaîne (abstract; colonne 6, ligne 66 à colonne 7, ligne 3). En plus de ces mélanges, les aliments de D5 contiennent aussi de l'acide arachidonique et de l'acide docosahexaénoïque (c'est-à-dire du DHA exogène) dans un rapport adéquat (colonne 7, lignes 8-10), ce dernier s'accumulant dans les membranes comme celles des cellules de la matière grise du cérébrome et de la rétine (colonne 2, lignes 44-46; colonne 8, lignes 10-12). Ces aliments sont destinés aux enfants pour leur croissance et leur développement et aux adultes pour prévenir et traiter certaines maladies (colonne 8, lignes 56-58; colonne 9, lignes 54-57). Quoique peu différent de D1, le document D5, qui ne concerne pas exclusivement les compositions alimentaires infantiles, n'est pas considéré comme le document le plus proche de l'état de la technique.
5. Le problème technique
Le problème technique au vu de D1 consiste à fournir un aliment infantile permettant de stimuler la synthèse endogène de DHA. Le brevet en litige contient des résultats expérimentaux qui montrent que le problème posé est effectivement résolu. Référence est faite au tableau 3 et aux paragraphes [0046] et [0047] qui montrent la stimulation de la fabrication de DHA sur la base de mesures effectuées à partir des membranes du cerveau des ratons. Dans ce passage, il est montré qu'après restriction nutritionnelle pour dépléter les animaux en omega-3 et en DHA, l'alimentation apportant des lipides d'origine laitière est plus favorable à la synthèse de DHA et à son accumulation dans le cerveau qu'une alimentation à 100% végétale ou qu'une alimentation végétale supplémentée en DHA, comme cela se pratiquait pour la préparation des aliments pour nourrissons ou enfants en bas âge tel que dans D1. En l'absence de preuve contraire, il est admis que les résultats de ce tableau sont statistiquement significatifs. Au vu de ces résultats, il est conclu que le problème est résolu sur toute l'étendue de la revendication 1. Le requérant, qui a soutenu le contraire, n'a pas fourni de preuves techniques à l'appui de son objection qui, par conséquent, est considérée comme non fondée.
5.1 La question de l'évidence
5.1.1 L'homme du métier qui partirait de l'aliment infantile de D1 et viserait un aliment infantile permettant de stimuler la synthèse endogène de DHA ne trouverait pas dans l'état de la technique la moindre indication le conduisant à l'utilisation d'une source de matière grasse d'origine laitière pour obtenir au moins 30% de la fraction lipidique dudit aliment et d'une source de matière grasse végétale pour le reste de cette fraction lipidique. En l'absence d'une telle suggestion, l'objet de la revendication n'est pas évident mais implique une activité inventive.
5.1.2 Le requérant a soutenu que l'homme du métier trouverait cette information dans D2 et D7.
D2 mentionne dans son titre que l'apport modéré d'acide myristique en position sn-2 a des effets lipidiques bénéfiques et améliore le taux de DHA dans les esters du cholestérol. Toutefois, D2 a pour but d'établir la corrélation entre la nature des acides gras ingérés et les taux de cholestérol LDL et VDL de manière à établir chez l'adulte des recommandations diététiques en prévention des maladies coronariennes cardiaques (CHD) (page 375, abstract). Par conséquent, le domaine technique de D2 n'est pas celui de l'alimentation infantile, et encore moins de l'alimentation fonctionnelle chez l'enfant en bas âge. De plus, l'étude de D2 a été réalisée chez des adultes masculins (page 376, point 2.1) qui ont reçu des régimes alimentaires composés d'ingrédients éloignés des régimes alimentaires donnés aux enfants: pain, crème, lait, fromage, sucres (page 376, point 2.2). Cela rend difficile tout lien entre un tel régime et un aliment infantile. Les résultats de l'étude n'indiquent pas un quelconque bénéfice fonctionnel mais ils sont révélateurs des compositions du cholestérol sanguin, utile dans une application diététique. Dès lors, ce n'est qu'en appliquant un raisonnement a posteriori que l'on pourrait prétendre que l'homme du métier aurait consulté D2. En réalité, le fait que l'étude porte sur des adultes chez lesquels on ne s'intéresse pas au développement de fonctions telles que les fonctions cérébrales, et chez lesquels les mécanismes physiologiques diffèrent de ceux des enfants, le fait que cette étude relève du domaine des maladies liées au cholestérol, mais également le fait qu'il existe de nombreuses publications dans le domaine de la nutrition infantile ont pour conséquence d'exclure D2 de l'état de la technique que l'homme du métier aurait consulté. En ce qui concerne les publications traitant de l'alimentation fonctionnelle infantile, référence est faite à D6 qui décrit une composition infantile et qui aurait, par contre, été consulté par l'homme du métier. D6 précise que l'ajout des nucléoside-5'-monophosphates dans les laits infantiles a un effet bénéfique sur la composition en DHA des membranes des érythrocytes (colonne 6, ligne 52 à colonne 7, ligne 27). L'homme du métier trouverait donc dans D6 une solution (toutefois différente de celle qui est revendiquée) pour formuler des compositions infantiles produisant un effet sur la synthèse endogène de DHA.
Les mêmes remarques s'appliquent à D7 qui fait référence à D2 (page 13, colonne de droite, lignes 3-12). Il est précisé que D7 décrit les études de D2 comme de brèves études menées sur 25 et 19 moines respectivement, l'une augmentant le taux de DHA au niveau des esters de cholestérol de 61% et l'autre de 32%. De tels résultats ne sont pas concluants et ne permettent pas d'anticiper un quelconque effet bénéfique et fonctionnel chez le nourrisson et le jeune enfant. Ainsi, si tant est que l'homme du métier consulterait D7, il ne trouverait pas dans ce document une quelconque incitation lui permettant de parvenir à l'invention revendiquée.
6. Les revendications dépendantes
Les revendications dépendantes concernent des réalisations particulières de l'objet de la revendication 1. L'objet des revendications 2 à 11 est brevetable pour les mêmes raisons que la revendication 1. Quant à la revendication 10, qui ne bénéficie pas de la date de priorité revendiquée, le requérant n'a pas expliqué pourquoi son objet, qui comme expliqué ci-dessus est nouveau, n'impliquerait pas d'activité inventive.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.